Page 2Publication : Centre de documentation - Institut du Travail Social de Tours - www.its-tours.com
(...) S’appuyant sur les
fondements de la responsabi-
lité éthique, cet article propose
une réflexion centrée sur les divers
aspects de la responsabilité éthique
professionnelle, sans sous-estimer
les implications économiques, socia-
les, voire environnementales, qui in-
fluencent le rapport des droits et des
devoirs des travailleurs sociaux. (...)
Aussi seront abordées les responsabili-
tés éthiques de chacun, les responsabi-
lités éthiques à l’égard des usagers, les
responsabilités éthiques envers les ins-
titutions employeurs, les responsabilités
éthiques vis-à-vis de la société...
Responsabilité éthique :
rappel des fondamentaux
(...) être responsable, c’est apporter son
concours à une autre personne, ce qui sup-
pose fraternité et solidarité, une relation
éthique. (...) être responsable, c’est être re-
devable de ses actes devant la loi, dans une
relation juridique. (...)
Les travailleurs sociaux peuvent-ils
s’accorder - en dépit de leurs identités pro-
fessionnelles différentes et de leurs emplois
très variés - sur [la] question majeure de la
responsabilité éthique ? La réponse devrait
être positive puisque le travail social postu-
le le principe de la primauté et de la valeur
de la personne, de sa singularité... (...) La
responsabilité éthique est bien d’abord ap-
titude à être affecté par l’autre et à vouloir
qu’il soit lui-même.
Responsabilité éthique
envers les usagers : un en-
gagement
(...) La responsabilité éthique person-
nelle se conjugue en effet avec la respon-
sabilité éthique professionnelle. Pour cette
dernière, la responsabilité éthique est une
charge voulue, entraînant la prise de déci-
sions partagées avec l’usager et obligeant
celui qui en est investi à rendre compte de
ses actes et de ses résultats à ceux qui la lui
ont confiée. (...)
La responsabilité éthique envers les
usagers est aussi une responsabilité en si-
tuation qui réunit dans l’action, le savoir,
le pouvoir, le vouloir. Le savoir se réfère à
la conscience (conscience de ses rapports à
soi, à autrui, aux choses du monde) dans
un environnement humain où le profes-
sionnel connaît les implications de ses ac-
tes ou de ses omissions. Le pouvoir concer-
ne la capacité de modification appliquée
à « l’espace-temps » humain. Le vouloir
concerne la décision d’engagement dans
l’action ou l’abstention. La responsabilité
émerge de leur articulation et reste de ce
fait relative. (...)
Professionnels et insti-
tutions employeurs : une
responsabilité éthique
partagée
La responsabilité du travailleur social
s’exerce avec d’autres, dans un métier qui
a ses attendus et sa propre culture, et dans
des institutions qui ont leur cadre de réfé-
rences. Au sein de l’institution employeur,
l’exercice de la responsabilité est le fait de
tenir son poste de manière optimale, et la
responsabilité éthique partagée est à la fois
dans l’institution envers la personne, et
de l’institution envers la société. Or, dans
la période où les politiques sociales et la
crise sociale et économique contribuent
plus fortement que jamais à demander
et valoriser les compétences individuel-
les des professionnels, façonnées par diffé-
rents facteurs (la formation initiale, le pu-
blic accompagné, le lieu d’exercice) et qui
structurent des identités professionnelles
cloisonnées, il importe de rappeler la né-
cessaire prise de distance de l’injonction à
l’action individuelle. Il faut repenser la na-
ture de cette responsabilité professionnelle
et les formes d’organisation qui la favori-
sent. (...)
Ainsi, en développant une intervention
sociale avec les valeurs qui la sous-tendent,
en réfléchissant à la prise en compte des
causes des crises appelant l’intervention et
en menant une recherche professionnelle
sur les difficultés qu’ils rencontrent, le tra-
vail social et les institutions sociales pren-
nent la responsabilité éthique de contri-
buer à l’humanisation de la société. (...)
Responsabilité éthique
collective et plurielle vis-
à-vis de la société
(...) À la responsabilité personnelle et
professionnelle, s’ajoutent celle du collec-
tif professionnel d’appartenance, et enfin
celle de citoyen, qui allie la responsabili-
té individuelle à la responsabilité plurielle,
et pose la question de « jusqu’à quel point
sommes-nous capables d’assumer l’huma-
nité ? ». (...)
(...) l’éthique du travail social ne peut
pas être pensée en dehors de la sphère éco-
nomique et politique, de l’extension des
territoires, des nouvelles missions et impli-
que que l’éthique de la responsabilité vise
l’engagement dans la modification des si-
tuations sociales et sociétales, l’émancipa-
tion collective. Car, pour que la faculté
d’agir - faculté politique par excellence - se
réalise dans l’une des formes nombreuses
et variées de la communauté humaine, il
faut une vie collective.
La responsabilité éthi-
que illimitée ? Un débat
Mais les hommes sont-ils naturelle-
ment responsables en toutes circonstan-
ces ? Est-il possible de tout assumer ? Le
débat est vif sur ce point. (...)
Pour conclure...
L’Éthique lie liberté et responsabilité.
Être responsable est une des conséquences
de la liberté et une des conditions majeu-
res de la « vie bonne ». Ainsi, une liber-
té responsable caractérise la personne qui
s’auto-contraint pour des raisons supérieu-
res. (...) Enfin, si la responsabilité indivi-
duelle est la forme originelle de la respon-
sabilité car elle découle de la conscience
elle-même, la responsabilité collective en
est la forme sociale. Bref, la responsabilité
concerne chacun, en tant qu’individu, pa-
rent, professionnel, citoyen et citoyen du
monde. Elle est simultanément singuliè-
re (la personne), particulière (l’institu-
tion), et universelle (la visée de la vie
humaine).
(...) Il s’agit donc de ne pas ces-
ser de poursuivre la pensée éthi-
que de la responsabilité afin de
la rendre le mieux possible
opératoire.
Biographie
u Brigitte Bouquet a été assistante sociale, enseignante à
l’université, directrice du centre de formation de travail so-
cial de Montrouge, directrice du CEDIAS-Musée social.
u Professeure émérite, elle a été la première titulaire de
la chaire travail social-intervention sociale au Conservatoire
national des arts et métiers (CNAM), créée en 2001.
u Personne qualiée du Conseil supérieur de travail social,
elle a animé les Ve et VIe mandatures comme vice-présidente
et est actuellement chargée d’un rapport par la ministre de
la solidarité et de la cohésion sociale.
u Elle est co-fondatrice et co-animatrice du réseau Histoire
du travail social.
Responsabilité éthique du travail social envers autrui et envers la
société : une question complexe (extraits), Brigitte Bouquet, Vie sociale, N°3/2009