Laissez libre cours au mal LES MÉDICAMENTS SONT SOUVENT SUPERFLUS Et il ne faut pas non plus se précipiter chez le médecin. Quid si je ne fais rien ? J’ai la diarrhée La grippe intestinale n’est pas une partie de plaisir, mais heureusement, elle passe en général d’ellemême. Certains médicaments permettent tout au plus d’atténuer la peine. Veronique De Rijck – Maurice Vanbellinghen 34 testsanté 124 La gastro-entérite, appelée aussi "grippe intestinale", est une infection de l’estomac et des intestins provoquée par un virus, une bactérie ou un parasite. En général, elle commence subitement et se manifeste principalement par de fortes diarrhées, qui s’accompagnent parfois de nausées, de vomissements, de fièvre, de maux de tête, de coliques, de flatulences ou d’une perte d’appétit. Normalement, il est inutile de se précipiter chez le médecin, sauf en cas de forte fièvre, de symptômes anormaux ou d’absence d’amélioration. Une plus grande vigilance s’impose pour les nourrissons et les personnes âgées (voir "Quand faut-il consulter un médecin ?"). Comment attrape-t-on ce problème bien ennuyeux ? La réponse est tout sauf appétissante. Les germes pathogènes à l’origine de la gastro-entérite sont souvent transmis par des traces de selles qui aboutissent dans la bouche. Mais il existe encore bien d’autres sources d’infection, ce qui explique la grande prévalence de cette maladie. Les nourrissons sont plus exposés à la diarrhée aiguë, notamment parce qu’ils doivent encore s’immuniser contre les micro-organismes. Une bonne hygiène est essentielle pour réduire les risques d’infection. Lavez-vous donc les mains après un passage aux toilettes et avant de manger ou de cuisiner. Veillez à bien cuire les aliments pouvant contenir des bactéries (le poulet, par exemple). Ne hachez pas des légumes sur la planche utilisée pour couper du poulet cru, etc. Vous êtes atteint ? Le plus simple est de prendre votre mal en patience. Normalement, la grippe intestinale guérit d’elle-même, surtout entre 5 et 75 ans. Après deux jours, la fréquence des selles diminue généralement, et après dix jours, 9 patients sur 10 en sont quittes. Dans la plupart des cas, il n’est pas nécessaire de prendre des médicaments, même si certains peuvent alléger les troubles. Pour d’autres, l’utilité n’a pas été démontrée. Certains peuvent même avoir des effets secondaires dangereux, comme la dompéridone (par exemple, le Motilium) et le métoclopramide (par exemple, le Primperan), utilisés contre les nausées et les vomissements. Autrefois, on recommandait certains aliments, comme la purée de carottes ou l’eau de cuisson du riz, et on en déconseillait d’autres. En réalité, il est douteux que cela soit vraiment utile et vous pouvez parfaitement continuer à vous alimenter normalement. Tout au plus peut-on, en cas de coliques ou de vomissements, peut-être conseiller de prendre de petites portions plutôt qu’un copieux repas. Mais l’essentiel est de boire suffisamment pour compenser la perte d’eau due à la diarrhée et aux vomissements éventuels. Le risque de déshydratation est cependant minime, sauf chez les nourrissons et les personnes âgées faibles, chez qui la gastro-entérite peut, en théorie, avoir une issue fatale. La diarrhée aiguë du nourrisson est très souvent due au rotavirus. Comme il était autrefois à l’origine d’un nombre assez important d’hospitalisations, on recommande depuis 2007 de vacciner les bébés. Et si je prends des antibiotiques ? Chez nous, les gastro-entérites sont le plus souvent dues à un virus (rotavirus, norovirus, adénovirus, astrovirus…). Or, les antibiotiques combattent les infections bactériennes, et non virales. Cela n’a donc pas de sens que le médecin vous prescrive des antibiotiques. Et même quand la diarrhée est provoquée par une bactérie (salmonelle, Escherichia coli et autres bestioles), les antibiotiques sont peu utiles. Ce n’est qu’en cas d’infection au Campylobacter, de diarrhée du voyageur ou de shigellose, plus rare, qu’ils peuvent réduire de 0,5 à 1,5 jour la durée des troubles (coliques, vomissement et diarrhée). Vu les nombreux inconvénients des antibiotiques, le jeu n’en vaut généralement pas la chandelle. N’insistez donc pas pour que votre médecin vous en prescrive, sauf si c’est vraiment nécessaire, comme en cas de diarrhée aiguë du voyageur dans certaines régions ou de gastro-entérite chez les enfants gravement malades, quand elle va de pair avec des selles sanglantes et une forte fièvre. Et si je prends des probiotiques ? L’hygiène des mains est essentielle Une infection bactérienne passe souvent par les mains. Il est donc très important de se les laver après chaque passage aux toilettes. Vous pouvez aussi vous faire infecter en serrant la main à quelqu’un qui n’a pas pris cette précaution importante, ou en touchant une poignée de porte ou un autre objet contaminé. Le contact avec des déjections animales contaminées par une bactérie est un autre foyer possible. Pensez-y en nettoyant la litière du chat. Le problème peut se poser dans la cuisine lorsque vous ne cuisez pas assez la nourriture contaminée avant de la consommer. Faites attention à la contamination croisée, due par exemple à la planche sur laquelle vous coupez du poulet cru. Quatrième possibilité : la transmission par voie aérienne. Si un malade doit vomir, on risque d’inhaler des particules contaminées. Enfin, vous pouvez être infecté en nageant. La salmonellose peut s’attraper dans la mer, mais des parasites pathogènes peuvent également se retrouver dans les lacs, étangs de plaisance et même piscines. Des études ont montré que certains probiotiques – bactéries ou levures – avaient un effet bénéfique limité sur la diarrhée par gastro-entérite chez les enfants. Du moins, si l’on examine les résultats avec un regard optimiste. Dans le meilleur des cas, certains probiotiques réduiraient d’un jour en moyenne la durée de la diarrhée. En Belgique, deux probiotiques sont enregistrés comme médicaments : Enterol (S. boulardii) et Lacteol (L. acidophilus LB tué). Ils accélèreraient tous deux la guérison. Les preuves d’efficacité sont un peu plus fortes pour Enterol que pour Lacteol. Certains probiotiques ayant le statut de complément alimentaire auraient une utilité potentielle comparable. En revanche, il n’a pas été prouvé que les probiotiques réduisent le risque de déshydratation. Certains sont peut-être intéressants comme compléments à la réhydratation pour les enfants, lorsque celle-ci est recommandée, mais ils ne sont pas vraiment nécessaires ni très utiles. Les données relatives aux probiotiques pour traiter la gastro-entérite aiguë de l’adulte sont encore moins convaincantes. Et si je prends des solutions de réhydratation orale (SRO) ? En cas de diarrhée, accompagnée ou non de vomissement, il suffit généralement de boire suffisamment. Certaines personnes peuvent cependant avoir intérêt à prendre une solution de réhydratation orale (SRO) pour rétablir l’équilibre (par exemple, Alhydrate, Soparyx, Serolyte). Les SRO, à mélanger à une certaine quantité d’eau, sont bien sûr utiles pour qui présente déjà des signes de déshydratation, mais les adultes ne sont pour ainsi dire jamais touchés. Le cas échéant, elles peuvent être administrées préventivement aux personnes présentant un risque accru de déshydratation, comme les enfants en bas âge (avant un an) et les personnes âgées. > 124 testsanté 35 Buvez assez IL FAUT PARFOIS SE RÉHYDRATER Solution de réhydratation : en cas de déshydratation, ou parfois en prévention. Au final, très peu de médicaments ont un effet sur la diarrhée Nifuroxazide. Il s’agit d’un antiseptique intestinal, qui était vendu notamment sous la marque Ercefuryl. Il était utilisé surtout contre la diarrhée du voyageur. Il a été retiré du commerce en Belgique, mais on le trouve encore dans d’autres pays. Avec ce médicament, il y aurait une défécation en moins au cours des deux premiers jours de la diarrhée, mais aucune influence sur l’évolution du mal ni sur une éventuelle déshydratation. En outre, des cas rares mais graves de réactions allergiques ont été notés. Il est donc à déconseiller. > Et si je prends d’autres médicaments ? Vous trouverez en pharmacie divers médicaments et préparations contre la diarrhée. À quoi servent-ils au juste, sont-ils efficaces et la dépense est-elle justifiée ? Lopéramide. La marque la plus connue est l’Imodium, mais il existe aussi des génériques. Ce médicament en vente libre limite les mouvements intestinaux, tonifie le sphincter anal et peut réduire un peu la perte d’eau et d’électrolytes dans l’intestin grêle. Le lopéramide peut abréger la durée de la diarrhée, d’environ 20 heures dans le meilleur des cas. Il doit être évité en cas de diarrhée sanglante ou de fièvre, mais aussi chez les enfants de moins de deux ans, en raison de ses effets secondaires potentiellement dangereux. Vous pouvez le donner éventuellement à un enfant de 2 à 6 ans, mais seulement sur avis médical. Imodium Duo, une combinaison de lopéramide et de siméticone, soulagerait aussi les crampes, les flatulences et les ballonnements (ne pas utiliser avant 12 ans). Racécadotril . C’est un inhibiteur de secrétions, en vente libre en Belgique sous le nom de marque Tiorfix. Les préparations pour enfants sont soumises à prescription. Le médicament réduit les pertes d’eau et d’électrolytes. Utilisé parallèlement à une SRO, il semble 36 testsanté 124 abréger la diarrhée d’environ un jour chez les enfants, par comparaison avec une SRO utilisée seule. En règle générale, nous ne trouvons cependant pas qu’il faille donner de médicament à des enfants diarrhéiques, car même le médicament le plus sûr peut toujours avoir des effets indésirables sérieux. Chez les adultes, le racécadotril ne semble pas pas plus efficace que le lopéramide qui a fait ses preuves. En outre, il est plus cher. Quant faut-il consulter un médecin ? En cas de forte fièvre, de sang ou de glaires dans les selles, de somnolence ou d’état confusionnel. Mais aussi si vous soupçonnez une intoxication alimentaire, si vous ne pouvez uriner pendant 24 h, avez un mal au ventre persistant ou n’allez pas mieux après une semaine. Faites voir votre enfant s’il ne cesse de pleurer ou de vomir, s’il ne boit pas, si ses selles sont très liquides 24 h durant et qu’il a moins de deux ans (3 jours s’il est plus âgé) et qu’il ne va pas mieux après quelques jours. Les plus de 70 ans consulteront si leurs selles sont très liquides pendant plus de 24 h, s’ils vomissent ce qu’ils boivent ou prennent des diurétiques. Ce ne sont là que quelques consignes générales. Laissez parler votre bon sens ! Adsorbants. Ces substances visent à lier les substances toxiques secrétées notamment par les virus et les bactéries. Elles raffermiraient de ce fait un peu les selles. Le charbon actif (p. ex. Norit) en est un exemple connu. Ces produits ont toutefois une utilité limitée voire nulle. Antiémétiques. Les antiémétiques sont des médicaments qui empêchent ou freinent les nausées et les vomissements. Les principaux sont la dompéridone (Motilium et ses génériques) et le métoclopramide (Primperan et ses génériques). Ces deux médicaments peuvent toutefois avoir des effets secondaires graves. Ainsi, la dompéridone est dangereuse pour le cœur, tandis que le métoclopramide présente notamment un risque d’effets secondaires graves sur le plan neurologique. La plupart des recommandations et directives médicales les déconseillent pour traiter la gastroentérite. Pourtant, ils restent souvent prescrits. Dans de très nombreux cas à tort, selon nous.