CAHIERS DE RECHERCHE - CEIM
Cahier de recherche 07-02
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ISSN 1714-7638
LA POLITIQUE COMMERCIALE DU PÉROU :
2ème PARTIE
DE LA COMMUNAUTÉ ANDINE AU LIBRE-ÉCHANGE
AVEC LES ÉTATS-UNIS
JEAN-PAUL CALERO
Centre Études internationales et Mondialisation
Institut d’études internationales de Montréal
Université du Québec à Montréal
C.P. 8888, succ. Centre-ville,
Montréal, H3C 3P8
Tel : (514) 987 3000 # 3910
http://www.ceim.uqam.ca
MAI 2007
Jean-Paul Calero 2
Ce cahier de recherche fait suite à une première partie qui retraçait les grandes
lignes de l’histoire de la politique commerciale péruvienne. Dans cette deuxième partie,
nous aborderons successivement les relations commerciales du Pérou avec l’Asie, avec
l’Amérique latine, avec l’Europe et finalement, avec les États-Unis. Afin d’introduire ces
développements récents, nous débuterons par un bref rappel de l’évolution de la politique
économique depuis la fin des années 1980, qui sera suivi par une description des
particularités commerciales démarquant le Pérou des autres pays latino-américains.
L’économie péruvienne a connu un processus rapide d’ouverture économique dans
les années 1990. Cette transition fait suite au marasme politique et économique de la
seconde moitié des années 1980. Plusieurs crises affectent alors le pays. Il y a tout d’abord
l’intensification des actions terroristes du Sentier Lumineux; limités initialement aux
campagnes, elles s’étendent jusque dans la capitale1. Ensuite, les finances du gouvernement
sont alors étranglées par l’augmentation du fardeau d’une dette publique grossie par la
hausse des taux d’intérêt au niveau mondial. Finalement, l’instabilité des politiques
économiques ne facilitera pas les choses. Tel un pendulier, l’interventionnisme étatique
prôné par le régime des militaires (1968-1980) a fait place à une première vague de
libéralisation (1980-1985), qui sera renversée et conduira à la refermeture de l’économie
sous l’administration populiste d’Alan García (1985-1990). Les Péruviens vont alors
connaître une situation économique catastrophique. La politique monétaire sera incapable de
contrôler l’inflation qui dépassera les 1000% en 1989. Délaissé par les institutions
financières internationales après avoir déclaré l’arrêt du remboursement des intérêts de la
dette publique, le président García procédera à la réouverture graduelle de l’économie; elle
sera suite intensifiée par ses successeurs, Alberto Fujimori (1990-2000) et Alejandro Toledo
(2001-2006).
Le modèle économique des années 1990 fut marqué par l’absence de politique
industrielle et de programme de promotion à l’exportation (exceptions faites de secteurs
spécifiques : tourisme, mines, pétrole), la privatisation des actifs de l’État et une
libéralisation commerciale axée sur le modèle exportateur primaire2. Cette libéralisation sera
accentuée par la signature d’accords de commerce que nous analyserons en détail. Mais
avant tout, il est primordial de mettre en évidence les caractéristiques spécifiques du Pérou
au niveau commercial.
1 La guerre contre le Sentier lumineux aurait fait 45 000 morts selon la Commission de vérité et de
réconciliation.
2 Iguíñiz, Javier. 1998. «The Economic Strategy of the Fujimori Governement». In Fujimori’s Peru. John
Crabtree et Jim Thomas (éd.). p. 24-40. Londres: Institute of Latin American Studies (ILAS).
3 De la Communauté andine au libre-échange avec les États-Unis
Le Pérou se démarque, sur le plan commercial, des autres pays latino-américains par
la diversification géographique de son commerce et des sources d’investissement direct
étranger (IDE) et par la composition de ces exportations.
La composition géographique des échanges du pays est, en effet, très diversifiée; il a
la chance de n’être pas dépendant d’un pays ou d’une région dans le monde. Les États-Unis,
le Chili et le Brésil sont les seuls pays des Amériques à jouir d’un tel avantage géographique
dans leur commerce.3. En 2006, 23,5 % des exportations péruviennes et 16,4 % des
importations liaient le pays au marché états-uniens. Les exportations vers les pays de latino-
américains (ALADI) représentaient 17,7 % des exportations, mais 43,7 % des importations4;
vers l’Asie (20,3 %) du total, et celles vers l’Europe occidentale (26,5 %, dont 19,2 % avec
l’Union Européenne). Notons que cette tendance se reflète aussi pour les investissements
étrangers directs (IDE) bien qu’elle soit plus récente. Historiquement, les capitaux venaient
principalement des États-Unis, la situation change dans les années 1990. Les capitaux
américains représentaient près de 47 % des stocks d’IDE en 1990; ils étaient de 19 % en
20005. En 2006, les investissements européens dominent avec 45,2 % du stock d’IDE, loin
devant les États-Unis (17,6 %)6.
Notons finalement la croissance rapide de certains en provenance des pays latino-
américains (Mexique, Chili, Brésil, Colombie et Panama). Ceux-ci qui comptaient tout de
même pour 21,3 % du stock d’IDE en 2006. Ainsi, même si les États-Unis sont le premier
partenaire commercial du pays, ces derniers doivent être considérés comme un axe de
commerce parmi d’autres.
Un second facteur important est la composition des exportations du pays7. Même si
le Pérou est avant tout un exportateur de produits miniers (54,8 % des exportations en
2005), ce dernier n’est pas un mono exportateur : l’agriculture et les produits de la pêche
composent près du cinquième des exportations (18 %). L’industrialisation rapide, initiée au
Pérou à partir du régime des militaires, a souvent été présentée comme un exemple de
l’échec des politiques d’industrialisation par substitution des importations (ISI). Il n’en
demeure pas moins que 18,7 % des exportations sont aujourd’hui le produit des divers
programmes de développement d’industries lourdes (chimie, pétrochimie, métallurgie,
3 Voir l’annexe 1 pour une comparaison avec d’autres pays d’Amérique latine.
4 ALADI. 2007. Comercio exterior global 2005-2006, 13 p.
5 Araoz, Mercedes. 2003. «Perspectivas de la política arancelaria y de integración», Economía y Sociedad, No 48
(Avril), CIES (Consorcio de investigación económico y social), Lima. p.33-43
6 Consulter la page du service péruvien pour l’investissement étranger (PROINVERSION). Disponible sur
http://www.proinversion.gob.pe/0/0/modulos/JER/PlantillaStandardsinHijos.aspx?ARE=0&PFL=0&JER=1537
7 Statistiques de la base de données de la Banque Centrale du Pérou (BCRP). Disponible sur son site :
http://www1.bcrp.gob.pe/VariablesFame/csm_01.asp
Jean-Paul Calero 4
sidérurgie, machineries diverses). Finalement, les exportations de textile (une industrie très
ancienne) se sont aussi fortement développées grâce aux préférences commerciales
américaines comme nous le verrons. Ce secteur représentait 7,6 % des exportations en 2005.
Enfin, la situation du Pérou est particulière sur un autre point : à l’instar de ses
voisins colombiens et boliviens, le pays est un producteur/exportateur notable de feuilles de
coca servant à la production de la cocaïne. Ceci a permis au pays de recevoir des
préférences commerciales des États-Unis, mais aussi de l’Union Européenne afin de
coopérer dans ce que l’on a péjorativement appelé la «guerre contre la drogue». Nous
verrons comment ces accords ont eu un impact sur les échanges commerciaux.
Le premier point important dans le ploiement de la politique commerciale
péruvienne réside dans la volonté d’ouvrir le marché asiatique. De par son origine ethnique,
le président Fujimori cherchera à renforcer les relations diplomatiques avec l’Asie, aux
dépends d’une implication plus grande dans les Amériques. Le peu de résultats concrets,
forcera par la suite le gouvernement à approfondir les relations commerciales dans les
Amériques.
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