Le menu de l’auberge Harfang des Neige
À la table de Thérèse Chiasson on mange de tout comme ragout, steak de boeuf, de
l’anguille, du jambon «vert», de la volaille, de la dinde, du dindon, des oignons marinés,
des oeufs et même de la «ice-cream» (au moins depuis 1830). Marguerite Desbiens, la
principale cuisinière de l’auberge, utilise dans sa pratique, à l’instar de monsieur Hilaire
Borduas, les livres de cuisine suivant: «La cuisinière bourgeoise» et «La cuisinière de la
campagne et de la ville ou Nouvelle cuisine économique».
Le menu à l’auberge l’Harfang des Neiges se compose souvent de gruau, soupe, viande
de boeuf ou de porc, en particulier du bacon et du jambon, du poisson, des oeufs, des
pommes de terre, du pain, du thé et du café. L’aubergiste sert également du pâté de
viande froide, du châpon rôti, du jambon de Yorkshire, de la langue de porc et de la
tourte de pigeon dûment arrosée de bière blonde Hodgson. À la demande de l’ingénieur,
monsieur James MacPherson le déjeuner est parfois servi à l’anglaise et se compose
d’oeufs, de jambon, de côtelettes et de saucisses.
Tout comme monsieur Hilaire Borduas, le cuisinier du seigneur Prologue, dame Margue-
rite mijote de nombreuses recettes de gibiers et de poissons. Elle accompagne ces mets
de légumes et de fines herbes le plus souvent frais cueillis du potager comme, pois verts,
haricots, choux, carottes, persil et ciboule, oignons, navets, radis et raves, laitues,
asperges, chicorée, thym, basilic, cresson et estragon. C’est son fils Michel (unique en-
fant de Thérèse Chiasson), qui est en charge du potager et il paraît qu’il en est très fier.
Dans la voûte de la cave de l’auberge on retrouve les saloirs dans lesquels sont conservés
quantité de viande comme «pork and cheeks, corn beef, tongues, fresh beef».
Maurice Leblanc, le deuxième époux de madame Chiasson, préfère, comme plusieurs
habitants de Prologue, les mets de gibier et particulièrement ceux dans lesquels on
retrouve des canards sauvages, des bécasses, oies sauvages, lièvres, castors, ours.
Cependant il n’est pas donné à tous les jours d’avoir ces sortes de plats à table.
La tourte était le plat préféré de madame Chiasson. Malheureusement depuis plusieurs
années, la campagne de Prologue a été déserté par ces sortes d’oiseaux qui étaient
autrefois si nombreux à venir picorer sur les terres des habitants de la seigneurie. Deux
naturalistes qui ont visité le village Prologue il y a de cela un an disent que c’est parce
que l’oiseau a été trop chassé et qu’il est en voie de disparition.
Thérèse est également amateure de breuvages de toutes sortes et, il le faut le dire tout
bas, des boissons fortes. Elle aime bien le vin, le cidre de pommes, la bière, le whisky
irlandais et ma foi, ce n'est pas elle qui ira sermoner le pauvre Sean McLean. Ses clients
la voient consommer surtout des jus, du café, du thé car elle considère que son petit
péché ne doit pas sortir de la cuisine. C'est Jane-Édith Caldwell qui a renseigné Augustin
Lebeau sur ce trait de caractère de l'aubergiste. Il paraît que sa cave n’a rien à envier à
celle du seigneur Prologue: si on les compare relativement à l’approvisionnement en
boissons de toutes sortes, bien entendu!
Madame Chiasson vous dira cependant qu'il ne faut pas abuser des boissons et qu'il faut
savoir garder sa place pour ne pas nuire à sa réputation.