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Projet de fin d’études
L’Aiglon
Premiers épisodes, actes 1 et 2
D’après Edmond Rostand
En création du 17 mai au 28 juin
Représentations du 29 juin au 1er juillet à 20h00
le 2 juillet à 14h00
À l’ENSATT, Théâtre Terzieff
4 Rue Sœur Bouvier, 69005 Lyon
« Pareil au prisonnier rêveur qui se ferait
Toute une frémissante et profonde forêt
Avec l’arbre en copeaux d’un jardin de poupée,
Rien qu’avec ces soldats je me fais l’Epopée ! »
L’ÉQUIPE
Mise en scène Maryse Estier
Dramaturgie et adaptation Antoine Rosselet & Maryse Estier
Assistanat Mathilde Soulheban
Scénographie Marlène Berkane
Costumes Clément Vachelard
Lumière Aline Jobert
Son Alexandre Laillé
Jeu Nicolas Avinée
Denis Beauvilain
Dylan Ferreux
Michaël Maïno
Margaux Le Mignan
Héloïse Lecointre
Daniel Léocadie
Clémence Longy
Nathalie Ortega
Maxime Pambet
Mathilde Panis
Jérôme Quintard
Emmanuelle Reymond
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NOTE D’INTENTION
L’Aiglon est une pièce qui permet de marquer un arrêt, d’observer, de décortiquer pour
révéler une étape de vie. Edmond Rostand choisit, ironie tragique, celle d’un enfant à
deux ans de son dernier soupir. C’est dans cette tension permanente entre la volonté
inflexible d’agir et l’imminence de la mort que se déploient, tout à la fois, le sens et la
vanité, la force et la fragilité de l’existence. C’est à ces contradictions que je suis sensible
car, au théâtre, elles sont le ferment de notre compréhension de la réalité.
Les thématiques abordées dans cette pièce - telles que l’héritage, l’opposition à
l’autorité, l’engagement - soulèvent des questionnements qui sont au cœur du conflit
actuel entre l’humain et la société.
Monter l’Aiglon est, de plus, l’occasion de défendre un théâtre généreux et audacieux.
(Pas moins de 52 acteurs ont participé à sa création, en 1900, au Théâtre Sarah
Bernhardt.) Ici, 13 comédiens et comédiennes pour servir le texte de Rostand (actes 1 et 2)
dans une version adaptée pour répondre aux impératifs de l’exercice.
LES PROJETS DE FIN D’ETUDES
Par Guillaume Lévêque, Co-responsable du département Mise en scène
Les projets de fin d’études sont jeunes - ceci dit sans excuse ni célébration. Leur inscription
objective dans la dernière des trois années de la formation proposée à l’Ensatt aux étudiants
metteurs en scène est toutecente.
Comme lors de tous balbutiements, des doutes se faisaient jour sur le positionnement de ces
travaux encore en devenir : contrainte accrue ou liberté plus ample ? Il fut décidé de circonscrire
leur cadre afin de le faire coïncider avec celui de l’Ecole, ses nécessités, ses obligations -
notamment en termes de disponibilité de salles et de matériels comme de moyens budgétaires -
mais il fut surtout établi qu’on laisserait pleinement libres de leurs choix artistiques les
étudiants, bientôt jeunes professionnels (de cette liberté à la fois réelle et relative).
C’est ainsi que rien ni personne ne s’est mêlé de la matière proposée (textes, matériaux...), de
l’équipe artistique (choix des concepteurs et régisseurs, distribution -actrices et acteurs qu’il faut
chercher, qu’il faut convaincre), de l’organisation interne du travail, du placement me de ces
projets dans la pédagogie (aboutissement des trois années passées et/ou volonté affirmée de
faire déborder de toutes part les apprentissages? Fort heureusement un peu des deux sans
doute).
Sans en être les dépositaires ou les propriétaires exclusifs, chaque metteur en scène fait face à
ses choix, à ses désirs, et trace pour chaque projet l’espace de son propre travail, à son tour, très
certainement, travaillé par les autres, mais chacun d’eux, ici particulièrement, importe et chacun
d’eux « en raconte ».
Les réussites auront leurs faiblesses, les erreurs auront leurs beautés, mais c’est bien de cela aussi
dont il s’agit : d’une responsabilité.
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RÉSUMÉ DE LA PIÈCE D’EDMOND ROSTAND
Nous sommes en automne 1830 parmi la société aristocratique autrichienne. La
révolution des Trois Glorieuses et Paris sont loin, mais le souvenir de Napoléon hante
l’Europe entière, et démocrates comme royalistes craignent un retour à l’Empire.
Le Duc de Reichstadt, fils de Napoléon et de Marie-Louise d’Autriche, a 19 ans. Autour de
lui, - et malgré la vigilance du Prince de Metternich, - des alliances se nouent, des
complots se montent pour le ramener en France et le mettre sur le trône.
Le Duc aspire violemment à l’action, mais il n'ose pas céder à l'insistance de ses
partisans. Il ne se sent pas prêt, il craint de ne pas être à la hauteur, il a peur pour ceux
qui l’entourent et qu’il aime... Et quand enfin, convaincu par Flambeau, - un ancien
grognard de l’armée napoléonienne, - il tente de fuir l’Autriche pour rejoindre Paris, des
forces contraires l'en empêchent et il reste captif, toujours retenu dans son élan de gloire
et d'idéal.
Malade et affaibli par l’échec, il meurt à vingt-et-un ans, au Palais de Schönbrunn, sans
avoir su quitter l'Autriche.
La pièce de Rostand est comme un tableau dont la figure principale combattrait le
pinceau qui la trace puis chercherait à s’extraire de ces traits pour accéder à autre chose,
pour sortir du carcan qu'on lui impose, pour lutter, grandir, vivre, peut-être, déployer ses
ailes, enfin.
Texte intégral, édition de 1922, en ligne sur :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k405679v.pdf
SUR L’AIGLON
« … Si j’étais ce qu’on dit que nous sommes,
Que nous sommes souvent, nous, les fils des grands hommes ! »
Qui est ce jeune homme, ce fils de feu Napoléon, tenu à l’écart en Autriche dans la
famille de sa mère ? Est-ce un Hercule ? Un Prométhée ?... Est-ce un danger ? Est-ce un
sauveur ?
Dans son regard et tout autour de lui plane le spectre de son père, qui fascine et effraie.
Mais quel rôle pour le fils ? La figure du « Duc de Reichstadt » (son titre autrichien) a fait
couler beaucoup d’encre... Souvent perçu comme le fils ambitieux mais reclus de
Napoléon, tenu loin de ses racines et incapable de s'envoler dans le sillage glorieux de
son illustre père, la vision du Duc que livre Rostand est moins politique, plus poétique,
résolument universelle et intemporelle.
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4!
Rostand nous présente un « fils d'Aigle » en cage, un aiglon rêveur au destin tragique,
toujours frustré, inassouvi dans sa soif d'idéal, de grandeur et de pureté. Les échos de la
guerre, le bonapartisme, l'Empire, la République et les complots que suscitent les
différents partis ne sont que la toile de fond d'une intrigue profondément ancrée dans
les passions humaines. L'idéal, la quête d'absolu, la désillusion, la vanité de la lutte, la
beauté de cette vanité, le panache, l'héroïsme et ses revers, la haine du compromis : tous
ces grands thèmes rostandiens – imbibant chacune de ses pièces – débordent ici de
chacun des personnages, de chacune de leurs tirades. Rostand se sert de ce cadre
historique précis (et minutieusement rendu grâce à une documentation rigoureuse et
une obsession du détail) pour déployer un essaim d'âmes complexes.
L'auteur désirait que la chose fût claire : la question du retour du Duc de Reichstadt en
France, de son possible règne en tant que Napoléon II, Empereur des Français, n'est pas
le propos essentiel de cette pièce :
Grand Dieu ! ce n’est pas une cause
Que j’attaque ou que je défends…
Et ceci n’est pas autre chose
Que l’histoire d’un pauvre enfant.
Souligne l’auteur, dans l’épigraphe.
Dans l'acte 1, on découvre un Duc de Reichstadt en pion d’un pouvoir monarchique
modéré qui a conquis l’Europe. Ce modèle politique est le modèle géniteur de notre
régime républicain, conséquence de révolutions (celle de 1789, puis celle de 1830)
récupérées et perverties par la bourgeoisie qui, encore aujourd’hui, tient le
gouvernement au service de ses intérêts propres.
Ce personnage principal qui se terre dans la solitude et rejette le monde qui l’entoure est,
au début de la pièce, le parangon parfait du héro romantique. Il a la particularité la
différence du héro traditionnel qui est le plus souvent un archétype) d’être un individu
sensible, en conflit avec le monde qui l’entoure et dont la société nie les aspirations. Le
Duc de Reichstadt est jeune, beau, fragile, las et inexpérimenté. Or, il paraît moins
engagé qu’un Hamlet ou qu’un Lorenzaccio. Il ne se bat pas véritablement pour une
cause ou contre un élément extérieur... Tout semble glisser sur lui. Ses aspirations ne
l'élèvent pas de lui-même, et c'est contre ses propres limites, ses propres lâchetés qu'il
lutte. L'absence de son père, la réclusion loin de ses racines ont creusé dans son âme un
gouffre gigantesque, ce qui confère au Duc une profondeur et une gravité qui
contrastent avec la frivolité ambiante de Baden, résidence d’été de la famille impériale
d’Autriche...
- Chut ! – J’ai fait un complot ! …
- Vous ! un complot ?
- Immense ;
Chut ! – On nous interdit tout ce qui vient de France ;
Mais moi, j’ai fait venir, en secret de Paris,
De chez deux grands faiseurs…
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(Elle lui donne une petite tape sur la joue.)
Allons, coquet, souris !
Chut ! – pour vous un tailleur… pour nous une essayeuse !
Je crois que mon idée est vraiment…
- (glacial) Merveilleuse.
Cependant, loin de se limiter au sarcasme, le jeune Duc possède une force surprenante
qui détonne, qui le rend agaçant et impertinent auprès de son entourage. C'est alors qu’il
se révèle malicieux, éclatant et provocant, tel le Dom Juan de Molière.
Si la « légèreté » de l'aristocratie est la toile de fond du premier acte, le « contrôle » est
celle de l’acte 2. Il s’est passé un an, le Duc a grandi, il a mûri et surtout, il s’est instruit.
Metternich lui octroie désormais plus de liberté dans ses lectures, dans ses
déplacements, bien qu'il reste extrêmement surveillé :
- Oh ! le prince n’est pas prisonnier, mais…
- J’admire
Ce mais ! Sentez-vous tout ce que ce mais veut dire ?
Cette surveillance omniprésente et non-assumée nous renvoie à celle dont font usage les
autorités de notre temps (celle des caméras urbaines, des bases de données, des traces
électroniques, des écoutes téléphoniques). Mais loin de s'en indigner et de s'y opposer
frontalement, l'Aiglon y trouve plutôt un prétexte pour baisser les ailes, ne rien
entreprendre et rester résigné dans sa cage dorée. Le Duc avoue qu'en vérité, sa prison
c'est lui même : ses doutes, son manque de confiance et d’audace.
L’Aiglon n’est certes pas une pièce « révolutionnaire » au sens politique du terme.
Rostand n’y défend ni renversement d'un pouvoir particulier, ni idéologie. Il y révèle une
vérité bien plus profonde et bien plus utile à l'individu, à l'humanité : seule la foi peut
sauver du désespoir. Et la foi, le Duc la trouve en Flambeau, incarnant ici la voix des
anonymes, de ces « mille petites lettres… l’armée humble et noire qu’il faut pour
composer une page d’histoire ». Flambeau accompagnera le Duc dans ses tentatives de
réaliser ce rêve trop beau, d'accomplir ce destin impossible, d'approcher cet idéal jamais
atteint, et peu importe, et même heureusement : « Mais on ne se bat pas dans l'espoir du
succès ! Non, non c'est bien plus beau lorsque c'est inutile ! » disait déjà Cyrano. L’Aiglon,
c’est le drame de l’impuissance, de l’échec et de la frustration, et par conséquent celui de
la ténacité, du panache (ici appelé « le luxe » par Flambeau).
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SUR LE STYLE
Ce qui m’attire dans l’écriture de Rostand, c’est une certaine agilité de la langue qui nous
fait rire des élans magnifiques dans les tirades les plus objectivement désespérées.
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