La Semaine du Roussillon
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Dossier
La Semaine du Roussillon
Jean Rostand a été arrêté par la police
française à Perpignann le 9 février 1941.
Ce jeune étudiant, membre du parti com-
muniste clandestin depuis 1940, est accusé
d’avoir écrit une lettre incendiaire contre le
gouvernement de Vichy. Il passera trois
mois en prison à Perpignan et trois mois à
Montpellier avant d’être envoyé en résiden-
ce surveillée en haute Loire. Dans les chan-
tiers de jeunesse où il est affecté Jean Ros-
tand fait partie des insoumis et passe le plus
clair de son temps en prison. «On refusait de
travailler. Un jour la division Das Reich
nous a encerclés et envoyé sur un camp pour
un départ sur l’Allemagne. J’ai réussi à
organiser un groupe. En chantant , paque-
tage sur le dos, on est sorti du camp par la
grande porte ! Dans les bois on a couru
vingt kilomètres non stop et nous avons pas-
sé la ligne de démarcation. Des soldats alle-
mands territoriaux filtraient. Ils nous ont
laissé passer car on a dit qu’on allait faire
des fortifications sur le mur de la Méditerra-
née. On avait un Alsacien parmi nous qui
parlait allemand. Cela aidait. On a pris un
train. En rase campagne, avant Montau-
ban, la Gestapo est venue faire un contrôle
et ne nous a rien demandé, sûrement à cause
des uniformes des chantiers de jeunesse que
l’on avait conservés». Nous sommes en
février 1944. Jean Rostand revient dans le
département mais il est «brûlé» et doit
prendre la clandestinité. Par un ami de son
oncle, il rentre en contact avec la résistance
et rejoint les FTP où il s’occupe de la liaison
entre les différents groupes avant de prendre
part au combat contre l’occupant à Perpi-
gnan. A la libération, le parti communiste
lui demande de rester dans l’armée. Il part
faire l’école d’élève officier en Allemagne,
après la fin de la guerre, puis est affecté au
81ème bataillon d’infanterie à Montpellier
avant d’être chassé par l’armée pour avoir
refusé de lutter contre les grèves. « En19 48,
j’ai été envoyé au camp de Satourny pour le
départ d’Indochine. Ramadier, le chef du
gouvernement, nous a fait congédier com-
me la plupart des FTP de l’armée». Jean
Rostand raccroche le fusil avant d’entamer
une carrière à la sécurité sociale. Il nous fait
part aujourd’hui de ses souvenirs.
1943 : le grand tournant
L’année 1943 a été marquée par des mouvements plus importants de la résistance dans notre départe-
ment. Les attaques des maquisards et des guérilleros espagnols contre des Allemands se font de plus en
plus nombreuses. L’avance des alliés conforte les actions des mouvements de la Résistance. "L’occu-
pant devient plus féroce au fur et à mesure de ces revers”, note l’historien Jean Larrieu dont les travaux
ont permis de tracer un historique des événements de l’époque. Les mouvements de la Résistance
continuent à se structurer. Dans les P.O., le lieutenant-colonel Cayrol, alias Prioux est nommé chef
départemental, ses deux adjoints sont Joseph Balouet, instituteur à Villelongue et Albert Truze .
«La statue d’Arago a été sau-
vée. Elle a été démontée et
aurait dû être fondue. Tout le
bronze était récupéré par
Perpignan. Elle a été sauvée
car des gens se sont cotisé
pour offrir le même prix en
valeur bronze de la statue.
Elle a été remise à la libéra-
tion de Perpignan.»
«Les Allemands avaient
réquisitionné des vélos,
vers la fin de l’été. Ils étaient
exaspérés. Ils faisaient
n’importe quoi.”
Le 15 février, une ordonnance étend l’autorité
de l’armée allemande dans le département de
la même manière qu’elle s’exerce en zone
Nord. Quelques jours auparavant le chef adjoint
de la milice locale, Henri Treyeran, est abattu de
deux coups de revolver dansle débit de tabac qu’il
gère à la place Arago. A partir du début de l’année
1944 les arrestations de résistants, de passeurs, se
multiplient. Le tribut est lourd. Le 7 mars, Gilbert
Brutus, ancien capitaine de l’USAP, membre du
MLN, meurt dans une cellule de la citadelle, victi-
me de torture. Le soir du 21 mars,des FTPF atta-
quent à l’explosif un service allemand situé, rue
de l’Horloge, à Perpignan. C’est en fait une mai-
son close réservée aux officiers allemands. L’at-
tentat fait plusieurs blessés. Les Allemands arrê-
tent, la même nuit, 20 otages , rassemblés à la Feld
gendarmerie, rue Grande la Réal. Le lendemain,
la Kommandantur impose le couvre-feu à 21 h , la
fermeture des salles de spectacles, l’interdiction
de la circulation des véhicules automobiles de 19
h 30 à 5 h 30. Treize des vingt otages sont libérés,
les autres retenus prisonniers et quatre déportés.
Le 6 avril, à 9 h, un avion de «nationalité incon-
nue» attaque un patrouilleur allemand au large de
Collioure. Le 9 avril, un avion anglais mitraille
l’express Cerbère-Paris à proximité d’Elne. Le
lendemain, le Grand café de la Poste est secoué
par une explosion qui occasionne d’importants
dégats matériels. Le 12 avril, la police allemande
arrête 21 résistants,aussitôt déportés à Buchen-
wald. La moitié n’en reviendra pas.
Jean Rostand > L’œil du témoin
Jean Rostand, communiste et résistant, a commenté ou livré ses impressions sur les clichés de la libération publiés par la Semaine.
«A Perpignan, les Allemands étaient sur le qui -vive tout le temps. Ils étaient de passa-
ge. Il y avait du mouvement, des soldats qui revenait de l’Est, des zones de combat. ”
Le 30 novembre 1942 c’est le
départ du 2ème régiment
d’infanterie coloniale de Per-
pignan.Depuis le déclenche-
ment de l’opération Anton II,
occupation de la zone sud,
les autorités militaires alle-
mandes occupent la ville et le
département.
Début 1944 : la violence
s’intensifie
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