Alors s’élabore une stratégie thérapeutique adap-
tée. Le plus important est d’abord d’enseigner à l’en-
fant une technique de relaxation. Puis l’enfant
apprend progressivement à réduire et à gérer son
angoisse. Quand il doit aller en classe, l’enfant est
en proie à un monologue intérieur, à un flot continu
de pensées qui donne une coloration émotionnelle
à la réalité : tristesse, angoisse ou colère. Ce mono-
logue intérieur devient vite un schéma mental, une
image qui déclenche une émotion négative. L’en-
semble de ces schémas est stocké dans la mémoire
à long terme, et est activé automatiquement lorsque
le même événement se reproduit. Le passé fait irrup-
tion dans le présent, ce qui explique que générale-
ment le phénomène s’amplifie au fil du temps. L’élève
anticipe ce qui va se passer, c’est-à-dire se met en
situation d’angoisse et d’échec avant même l’heure
de l’école. La perception de la réalité et la réalité elle-
même sont déconnectées. Le thérapeute aide l’en-
fant à comprendre comment ses pensées déclenchent
et maintiennent les émotions et les comportements
qui engendrent la souffrance. Cette prise de conscience
accomplie, il aide à rompre cet enchaînement.
Aider l’enfant à extérioriser
ses angoisses
La part relative de chaque facteur identifié lors
de l’évaluation est une indication lors du choix de
la technique psychothérapique à envisager : pour
les jeunes qui évitent les situations provoquant des
sentiments négatifs, la désensibilisation systéma-
tique, c’est-à-dire l’exposition graduelle aux condi-
tions scolaires, est la première technique à mettre
en œuvre. L’enfant est accompagné à l’école d’abord
pendant une heure, puis deux, puis une matinée.
Le thérapeute demande à l’enfant de décrire comment
cela s’est passé, lui fait dire si les autres élèves ont
été désagréables ou non, lui fait prendre conscience
que tout s’est plutôt bien passé, que l’enseignant
lui a fait des compliments, etc. Pour ceux qui tentent
d’échapper à une angoisse massive incontrôlable,
on utilisera les jeux de rôle et la thérapie cogni-
tive. Les jeux de rôle peuvent être utiles quand on
souhaite mettre en scène la situation qui pose
problème. Le comportement adapté est présenté par
le thérapeute, puis l'enfant doit le reproduire en
présence du thérapeute, puis dans des situations
similaires. Quant à la thérapie cognitive, elle travaille
sur la cognition, c’est-à-dire sur la représentation
des sentiments, des émotions, des pensées, des
images mentales que notre esprit fabrique lorsqu'un
événement se produit ou va se produire. En essayant
de comprendre comment les pensées négatives
déclenchent et maintiennent les émotions et les
comportements sources de souffrance, le thérapeute
aide l’enfant à les modifier. Dans tous les cas, l’ob-
jectif est d’augmenter les habiletés de gestion du
stress et d’adaptation, ce qui permet de réduire les
réactions anxieuses de l’enfant.
En ce qui concerne un jeune qui refuse d’aller à
l’école uniquement pour obtenir plus d’attention de
la part de ses proches, les parents apprennent à l’ai-
der à gérer son stress, à augmenter sa confiance en
lui et à s’affirmer. Dans ce cas, une thérapie fami-
liale peut également être indiquée. Lorsque plusieurs
facteurs sont à la source de la phobie scolaire, diverses
techniques thérapeutiques doivent souvent être
combinées, mais il faut commencer par identifier
pourquoi l’enfant refuse d’aller à l’école.
Les parents ne peuvent pas obliger un enfant ou
un adolescent à affronter sa phobie: sans une aide
psychologique adaptée, la phobie scolaire peut parfois
prendre des formes graves, pouvant aller jusqu’à
une déscolarisation – et une désocialisation –
complète. Il arrive que certains adolescents passent
des années scolaires entières à prendre des cours
particuliers chez eux, sans voir aucun ami, sans
pratiquer aucune activité extérieure. La question de
leur avenir se pose alors: ils seront incapables de
vivre en société, auront des difficultés à travailler,
n’auront pas de relations sociales et affectives...
Dans tous les cas, si l’enfant ou l’adolescent
commence à avoir peur de situations qu’il affron-
tait naturellement auparavant, il est important d’en
parler avec lui, même si ces craintes paraissent
parfois saugrenues. Et pour aborder ces problèmes,
il est préférable de choisir une personne neutre,
comme le médecin de famille ou l’infirmière scolaire
par exemple, qui peuvent ensuite orienter vers un
spécialiste qui a l’habitude de gérer ce type de
troubles. N’oubliez pas que c’est lorsqu’une peur
n’est pas verbalisée qu’elle a le plus de risques de
se transformer en phobie! ◆
© Cerveau & Psycho - N° 17 75
C
omment aborder les enfants phobiques qui refusent d’aller à l’école ?
Outre la phobie scolaire, un enfant d’âge préscolaire peut avoir d’autres
phobies : peur des chiens, du tonnerre, des microbes, du noir… Un enfant
sur deux d’âge scolaire vivra une phobie quelconque !
Reconnaître les symptômes de la phobie scolaire
Comment reconnaître les symptômes de la phobie scolaire ? Ils peuvent
aller du simple mal de ventre à de graves migraines ou des douleurs arti-
culaires aiguës. Dans le doute, il vaut mieux consulter un médecin afin d’éli-
miner tout autre problème d’origine physique.
Aider l’enfant à identifier l’origine de sa phobie
Pour le parent confronté à un enfant qui refuse d’aller à l’école, la situa-
tion est délicate. La raison invoquée peut sembler banale ou même ridi-
cule, mais pour l’enfant il s’agit souvent d’un stress majeur qui lui semble
insurmontable et qu’il veut à tout prix éviter ! Parfois, l’enfant éprouve des
difficultés à identifier le facteur qui cause sa phobie et qui peut être la peur
d’établir des relations avec ses pairs, la peur d’être la risée des camarades,
la peur de l’échec...
Comment déjouer le mystère des symptômes pour amener l’enfant à
être conscient de ses propres peurs ? Rien ne vaut la reformulation d’une
situation de stress vécue par l’enfant : « Se pourrait-il que tu aies mal au
ventre parce que tu n’as pas envie de revoir le « grand » qui t’a bousculé ? »
Discuter avec les intervenants scolaires
Dans certaines situations, il est souhaitable de discuter de la situation
avec les intervenants scolaires. Ces derniers pourront aider à évaluer le
problème et à envisager des solutions pour permettre un retour à l’école
sans heurts. Quel que soit le plan mis en œuvre, le retour en classe est
impératif. D’ailleurs, à ce propos, une consigne est de mise : si l’enfant est
assez en forme pour se lever et avoir des activités à la maison, il est suffi-
samment en forme pour aller à l’école !
Prise en charge d’une phobie scolaire
Jérôme P
ALAZZOLO
est psychiatre libéral à Nice,
professeur de socio-
anthropologie de la santé à
l’Université internationale
Senghor d’Alexandrie et
chargé de cours à
l’Université de Nice-Sophia
Antipolis.