Focus diagnostica - Scientific Institute of Public Health

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[Healthcare Executive • N°64 • 2012]
F cus
diagnostica
Introduction
Les laboratoires cliniques effectuent des analyses
à la demande des médecins, dans le contexte des
soins dispensés à leurs patients. Les données
sont ensuite communiquées au médecin par le
laboratoire sous la forme d’un rapport qui pré-
sente les résultats de son patient, ainsi que les
valeurs de référence d’un paramètre donné.
Tout se passe généralement sans problème: le la-
boratoire et le médecin se connaissent et sont in-
formés de leur mode de travail respectif. Mais que
se passe-t-il si un médecin reçoit des résultats is-
sus de plusieurs laboratoires? Ou lorsque le patient
part en voyage et que ses résultats le suivent?
Quel est l’enjeu actuel?
Les variations de mesures et de poids ont toujours
existé. Certains en ont profité alors que d’autres
ont été sérieusement abusés.
Si la situation n’a jamais été aussi tendue dans le
domaine de la biologie clinique, nous devons ré-
gulièrement faire face, en tant que science
«jeune», à de nouveaux défis.
Par le passé, les examens de laboratoire étaient
exécutés par le médecin dans son laboratoire
personnel. Dans ces conditions, il connaissait
parfaitement le patient pour qui il effectuait des
analyses spécifiques, ainsi que les unités utilisées
pour la formulation des résultats. A cette époque,
la sélection de tests potentiels était par ailleurs
très limitée. Si différentes analyses pouvaient être
réalisées dans le domaine de la microscopie, les
possibilités étaient relativement restreintes en
chimie. Enfin, le concept même de «contrôle de la
qualité» était inexistant.
La situation a depuis lors rapidement évolué.
Après la Seconde Guerre mondiale, les savoirs liés
à la physiologie ont connu un essor majeur, qui
s’est traduit par une augmentation rapide du
nombre d’examens potentiels et, parallèlement,
par un surpassement tout aussi rapide des capa-
cités individuelles des médecins. Ce qui a donné
naissance à de «vrais» laboratoires.
En règle générale, ceux-ci collaboraient toutefois
exclusivement avec un certain nombre de méde-
cins habituels, qui connaissaient les unités utilisées
pour exprimer les résultats des analyses. Les an-
nées 60 et 70 ont été marquées par la construction
des 1ers – petits – automates et l’exécution des 1ers
tests comparatifs permettant de comparer les ré-
sultats d’un même échantillon dans différents labo-
ratoires. Il s’agissait d’une authentique révolution,
qui a été directement associée à deux problèmes
majeurs. En premier lieu, il est apparu que les uni-
tés utilisées divergeaient largement. Les résultats
obtenus pouvaient également présenter des varia-
tions importantes, même dans le cas d’analyses
réalisées sur la base d’unités identiques. Autre pro-
blème: les publications scientifiques n’indiquaient
pas toujours avec la même précision les unités
employées. Autant d’éléments qui pouvaient par-
fois en entraver l’utilisation et l’interprétation.
En conséquence, les médecins ne faisaient pas
systématiquement confiance aux résultats prove-
nant de laboratoires inconnus et faisaient alors
exécuter à nouveau l’ensemble des dosages. Cela
ne pose aucune difficulté à une époque où l’ar-
gent ne manque pas. Par contre, cette façon de
procéder s’avère aujourd’hui problématique en
raison des coûts croissants de certains examens
et de la limitation du budget disponible.
Les enzymes, un premier test
de normalisation
Dans le cas des enzymes, la température du test
constituait une cause majeure de disparité des ré-
sultats. Les mesures étaient en effet réalisées à 25,
35 ou 37°C, ce qui se traduisait naturellement par
des résultats divergents. Les dosages étaient effec-
tués avec des automates initialement réglés en
fonction du marché interne du producteur. Autre-
ment dit, vous pouviez trouver en Belgique toutes
les températures imaginables et, en conséquence,
des résultats tout aussi variés, même lorsque des
unités analogues avaient été utilisées. Ce problème
est à présent résolu, la même température étant
désormais appliquée pour l’ensemble des dosages
enzymatiques (37°C).
Le défi actuel concerne
l’utilisation uniforme des
unités
En ce qui concerne les substrats, la température
du test n’est pas le seul élément qui entre en ligne
de compte. En principe, et moyennant un
étalonnage correct, ce paramètre ne joue aucun
rôle dans le résultat final.
En revanche, les unités employées pour exprimer
le résultat peuvent poser un problème.
Pourquoi accorder –
maintenant – une telle
attention aux unités?
Exemple: pour le calcium, pas moins de quatre
unités différentes peuvent être utilisées, en Bel-
gique, pour exprimer les résultats obtenus (mEq/L,
mg/dL, mg/L et mmol/L).
Biologie clinique
et unités
Les résultats de laboratoire doivent parfois être interprétés rapidement et le médecin
n’a pas toujours le temps d’examiner les unités et les valeurs de référence. Si celles-ci
ne posent généralement aucun problème quand le médecin travaille systématiquement
avec le même laboratoire, il apparaît essentiel d’utiliser des unités uniformes lorsque les
résultats proviennent de plusieurs laboratoires. Or, nous ne disposons pas actuellement
de ce type d’unités uniformes en Belgique. Une situation à laquelle il importe de remédier
de toute urgence.
Erik Briers
HE0484F
mmol/L mg/dL mg/L mEq/L
Hypocalcémie grave < 1.75 < 7 < 70 < 3.50
Hypocalcémie modérée 1.75-2.20 7-8.8 70-88 3.5-4.4
Valeurs de référence 2.20-2.60 8.8-10.4 88-104 4.40-5.20
Hypercalcémie légère 2.60-2.88 10.4-11.5 104-115 5.20-5.76
Hypercalcémie modérée 2.88-4.50 11.5-18 115-180 5.76-9.00
Hypercalcémie sévère > 4.50 > 18 > 180 > 9.0
http://www.merckmanuals.com/professional/index.html
Tableau 1: Calcium, unités utilisées en Belgique et quelques valeurs seuil.
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Le rapport entre ces unités est basé sur un facteur
allant de deux pour mmol/L et mEq/L à dix pour
mg/dL et mg/L. Le Tableau 1 illustre les implica-
tions potentielles de ces disparités.
Le médecin (spécialiste) en
formation
Tout cela ne semble pas si terrible. Mais imaginez
que vous vous retrouviez, en tant que médecin-
spécialiste en formation, face à un résultat de 7,0
(mEq/L) alors que les résultats ont été exprimés en
mg/dL dans l’hôpital précédent? Il s’agit d’une ur-
gence, et vous n’allez probablement pas recher-
cher directement les valeurs de référence. D’après
le laboratoire précédent, vous avez affaire à un pa-
tient souffrant d’une hypocalcémie légère (valeurs
de référence, voir tableau mg/dL) et il est inutile
d’intervenir. Par contre, la valeur obtenue dans le
nouvel hôpital correspond à 7,0 (mEq/L), soit une
hypercalcémie modérée (valeurs de référence, voir
tableau mEq/L). Autrement dit, selon les valeurs de
référence appliquées, le patient oscille entre l’hy-
pocalcémie et l’hypercalcémie modérée.
Cette situation n’est pas improbable. Les méde-
cins urgentistes subissent une pression considé-
rable et un médecin-spécialiste en formation
change d’affectation régulièrement durant les
années où il exerce en tant qu’assistant et doit, en
conséquence, s’adapter à divers systèmes. A cet
égard, les unités de laboratoire ne constituent
qu’un exemple parmi d’autres.
Le patient à la consultation
Dans le système belge, une procédure diagnos-
tique débute chez le généraliste, qui peut deman-
der certains examens en laboratoire dans le
contexte de sa recherche diagnostique. S’il pré-
sume qu’il s’agit d’une pathologie grave, il oriente
le patient vers un spécialiste et lui communique
une note incluant les résultats de laboratoire et
autres données obtenues.
Le spécialiste prendra ensuite connaissance du
rapport et des résultats des examens de labora-
toire. Il est hautement probable que ces dosages
seront exprimés dans une unité différant de celle
habituellement employée par le spécialiste, qui a
alors deux choix: soit sortir sa calculette et
convertir les résultats sur la base de ses unités
personnelles (autorisé pour les substrats) afin de
disposer d’un cadre de référence connu, soit faire
exécuter à nouveau les tests dans son laboratoire
habituel. Dans les deux cas, cela se solde par une
perte de temps précieux.
Le patient prend aussi
connaissance des données
Un nombre croissant de patients demandent un
exemplaire de leurs résultats, ce qui ne pose en
principe aucun problème. La situation peut se com-
pliquer lorsqu’il faut interpréter les résultats et se
révéler particulièrement problématique si ceux-ci
proviennent de différents laboratoires. L’utilisation
d’unités variables peut en effet semer la confusion
totale chez le patient. Le plus souvent, les patients
qui demandent une version du rapport souhaitent
pouvoir comparer les différents résultats ultérieure-
ment. Pour certains dosages, une différence mini-
male peut parfois susciter un sentiment de panique
(par exemple la PSA). Sans parler de l’expression
du taux de calcium…
Le patient part en voyage
(et de préférence, très loin)
Il peut s’agir, par exemple, de patients qui souffrent
d’une maladie chronique et qui partent à la mer ou
dans les Ardennes pour prendre un repos bien méri-
té. Nombre de patients chroniques en voyage dis-
posent de leur dossier médical, lequel inclut les ré-
sultats de laboratoire et un lot d’informations sub-
stantielles sur leur existence. Nous nous retrouvons
ici face au même problème: les unités diffèrent des
étalons habituels et le médecin traitant éprouve des
difficultés à estimer correctement les évolutions.
Et si le patient voyage dans d’autres pays, la si-
tuation risque de devenir ingérable. Dans ce cas
se posent à la fois un problème de langue et des
difficultés liées aux unités d’expression des résul-
tats de laboratoire. Tout dossier susceptible d’être
consulté par le médecin peut néanmoins s’avérer
utile, à condition qu’il puisse être sûr qu’il le com-
prend et ne risque pas de commettre une erreur.
Le médecin collabore avec
plusieurs laboratoires
Cela se produit plus souvent qu’on ne le pense. Un
généraliste peut aussi «récupérer» son patient,
après une consultation chez un confrère spécia-
liste, avec un florilège de résultats de laboratoire
exprimés dans des unités différentes. Comment
régler ces problèmes? Les résultats doivent de
préférence être inclus dans le dossier du patient
et, si possible, sous forme électronique.
Plateforme eHealth
La plateforme électronique eHealth devrait facili-
ter davantage encore l’échange de données, les
CHEMISTRY ENZYMES
Bilirubine totale mg/dL Cholestérol mg/dL AST U/L
Bilirubine directe mg/dL Cholestérol HDL mg/dL ALT U/L
Créatinine mg/dL Triglycérides mg/dL GGT U/L
Glucose mg/dL LDH U/L
Acide urique mg/dL Alkal. phosph. U/L
Fer µg/dL Urée mg/dL Amylase U/L
Tableau 2: Consensus.
HORM.-IMMUNO IONOGRAMME
Insuline mU/L Sodium mmol/L
TSH mU/L Potassium mmol/L
Thyroglobuline µg/L Chloride mmol/L
Estradiol ng/L Bicarbonate mmol/L
Progestérone µg/L
LH U/L
FSH U/L TDM
hCG U/L Acide acétylsalicylique mg/L
CA 15.3 kU/L Amikacine mg/L
CA125 kU/L Carbamazépine mg/L
CA 19,9 kU/L Digoxine µg/L
CEA µg/L Gentamycine mg/L
NSE µg/L Paracétamol mg/L
PSA µg/L Phénobarbital mg/L
Ferritine µg/L Phénitoïne mg/L
IgE kU/L Théophylline mg/L
Vitamine B12 ng/L Acide valproïque mg/L
Folate µg/L Vancomycine mg/L
PTH ng/L Lithium mmol/L
Tableau 3: Dosages pour lesquels il existe des unités uniformes depuis le 1er mars 2012.
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résultats de laboratoire ne constituant ici qu’un
volet des données disponibles. Elle permet d’éla-
borer un dossier central pour chaque patient. Ce
dossier, présent sur un serveur, est exclusivement
accessible sur autorisation du patient, par les
seules parties habilitées à cet effet.
Cette plateforme exclut toute présentation par les
laboratoires de résultats sous forme non normali-
sée, un aspect qui ne se rapporte pas uniquement
au cryptage électronique. Il est notamment ques-
tion d’utiliser les unités ad hoc, afin que tout mé-
decin consultant le dossier puisse évaluer correc-
tement les résultats.
Il y a aussi des normes
européennes…
Dès 1977, l’Europe a décidé que les unités utilisées
seraient les unités S.I. Si certains pays ont effecti-
vement appliqué ces normes (Royaume-Uni, Pays-
Bas et pays scandinaves), aucun consensus n’a pu
être atteint à cet égard en Belgique.
Situation actuelle
La commission de biologie clinique se penche sur
ce problème depuis longtemps. Les Professeurs
Chapelle (ULiège) et Blanckaert (KULeuven), sou-
tenus par l’ISP, ont donné l’impulsion visant à uni-
formiser les unités. Il existe aujourd’hui des dispo-
sitions précises en vue de l’introduction par
étapes d’unités uniformes en Belgique. A cet
égard, il importe que l’ISP, dans le contexte de
l’évaluation externe de la qualité (EEQ), élabore à
l’avenir ses rapports uniquement sur la base
d’unités préférentielles.
La mise en oeuvre des nouvelles unités HbA1c –
converties en mmol/mol à partir de % dans de
nombreux pays européens – a récemment dé-
montré que les biologistes cliniques pouvaient
effectivement adapter les unités. Cette conversion
a également des conséquences majeures pour le
patient. Les anciens résultats habituels ne corres-
pondent plus. Le patient est contraint de s’adap-
ter, et y parvient progressivement…
Feuille de route
Heureusement, il existe aussi des dosages –
consensuels – pour lesquels les mêmes unités
sont d’ores et déjà utilisées. Il apparaît par ailleurs
que la Belgique ne va pas adopter les unités S.I.
pour tous les dosages, mais bien des unités
préférentielles. La créatinine et le cholestérol (et
d’autres valeurs) seront notamment exprimées en
mg/dL et non en mmol/L. L’unité de volume dL
continuera donc à être utilisée pour les dosages
utilisés par tout un chacun.
Certaines unités – telle l’unité américaine BUN – ne
peuvent plus être utilisées. L’urée est également
exprimée en mg/dL. La détermination en «mg%»
est obsolète et ne peut plus être appliquée.
Le Tableau 2 indique ces dosages et leurs unités.
Seuls les utilisateurs particulièrement attentifs
remarqueront la 1e étape (1er mars 2012). La
valeur numérique ne sera pas modifiée lors de
cette conversion, le litre restant l’unité de volume.
L’opération consiste à convertir mg/mL en g/L ou
mEq/L, ensuite exprimé en mmol/L (sodium, po-
tassium, chlorure, bicarbonate). À partir du 1er
mars 2012, tous les marqueurs tumoraux seront
également exprimés sur la base de 1 litre.
Le dosage en mg/L est utilisé pour la TDM, à l’ex-
ception du lithium, exprimé en mmol/L. Le tableau
3 indique la liste de ces dosages sur la base des
unités uniformes (depuis le 1er mars 2012).
Cela peut sembler une étape facile, puisque les
données chiffrées ne changent pas, mais la com-
munication des données requiert toutefois des
efforts importants de la part des laboratoires.
L’unité doit en effet être adaptée partout (où cela
s’avère nécessaire). De plus, les bilans présentant
un aperçu des résultats antérieurs devront égale-
ment être adaptés en fonction de ces unités, afin
d’assurer l’uniformité des résultats et d’éviter tout
doute chez les utilisateurs.
La 2e étape, à mettre en oeuvre par tous les labo-
ratoires le 1er décembre 2012, sera beaucoup
plus exigeante pour les laboratoires et les utilisa-
teurs, car elle se rapporte à des paramètres né-
cessitant un changement d’unité et de valeur nu-
mérique. La modification dépend naturellement
de l’unité utilisée par le laboratoire avant la transi-
tion. Certains laboratoires ne doivent donc opérer
aucun changement pour des paramètres donnés.
Une transition relativement homogène est égale-
ment prévue à cet égard. A compter du 1er dé-
cembre, les protéines seront exprimées en g/L, une
modification applicable aux «grandes» immunoglo-
bulines, mais non, par exemple, aux CRP. Les pro-
téines CRP seront exprimées en mg/L et non plus
en mg/dL. De même, certains ions, tels le calcium,
le phosphate et le magnésium, seront exprimés en
mmol/L à partir du 1er décembre. Les paramètres
concernés sont indiqués dans le tableau 4.
La valeur numérique des CRP sera donc dix fois
plus élevée. En ce qui concerne le calcium, la
conversion dépend des anciennes unités. Le pro-
blème est lié au fait que le médecin prescripteur
va devoir appréhender les résultats anormaux sur
une base nouvelle, sans conversion. Il suffit de
penser au passage des anciens francs belges aux
euros et à la longue période pendant laquelle cer-
tains continuaient à effectuer une conversion
lorsqu’ils doivent prendre une décision impor-
tante, par exemple pour l’achat d’une voiture.
La 3e étape, pour laquelle aucune date n’a à ce
jour été fixée, concerne essentiellement un cer-
tain nombre d’hormones pour lesquelles l’unité
ainsi que la valeur numérique devront être adap-
tées dans de nombreux laboratoires. Tous les la-
boratoires seront tenus de procéder à cette modi-
fication.
L’importance de cette dernière conversion est il-
lustrée par les valeurs fT3 et fT4, aujourd’hui ex-
primées sur la base d’un poids et d’une mesure
de volume, et qui seront exprimées en fonction
d’unités nouvelles. Si ces paramètres étaient ex-
primés dans l’unité S.I. proposée, soit pmol/L,
nous pourrions disposer d’une base de comparai-
PROTEINES IONOGRAMME
Protéines totale g/L
Albumine g/L
IgA g/L
IgG g/L Calcium mmol/L
IgM g/L Fosfor mmol/L
CRP mg/L Magnesium mmol/L
Tableau 4: Paramètres et unités
correspondantes à partir du 1er
décembre 2012.
AFP µg/L
GH µg/L
Prolactine µg/L
FT3 pmol/L
FT4 pmol/L
Peptide C nmol/L
Cortisol nmol/L
Testostérone totale nmol/L
DHEA-S µmol/L
Tableau 5: Série d’hormones pour lesquelles
une date doit encore être fixée.
Le groupe de travail «chimie» de la
commission de biologie clinique a
examiné le problème des unités et de leur
normalisation. Le Professeur Dr Frank
Martens (AZ Groeninge, Courtrai) préside
ce groupe de travail et poursuit le projet
entrepris par les Professeurs Blanckaert
et Chapelle. Nous avons discuté de la
situation actuelle, à Courtrai, avec le
Professeur Martens et Piet Cammaert
(biol. clin. apr., Laboratoire clinique Van
Poucke, Courtrai).
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son sans qu’il soit nécessaire d’effectuer un
calcul. Il s’agit en effet de comparer entre eux des
paramètres «mol». Dans le sérum, nous pouvons
trouver, dans des conditions normales, 4 molé-
cules de T4 libre pour 1 molécule de T3 libre (fT4
= 20pmol/L, fT3 = 5pmol/L), soit une lecture radi-
calement différente, par comparaison à 1,55ng/dL
fT4 pour 0,33ng/dL fT3 (rapport de 4,7 pour 1ng).
Le tableau 5 indique les paramètres pour lesquels
une date reste à fixer, ainsi que les unités propo-
sées.
Conclusion
Cette étape importante dans l’uniformisation des
unités en biologie exigera un investissement
considérable de la part des laboratoires et des
responsables du système informatique du labora-
toire (SIL), ainsi qu’en ce qui concerne la mise en
oeuvre du système d’élaboration de rapports des-
tinés aux médecins. L’ISP est conscient de la si-
tuation et a mis à la disposition des unités, après
concertation, des directives, des scénarios et un
système d’évaluation des risques durant le chan-
gement (via le site web de l’institut https://www.
wiv-isp.be/Clinbiol/bckb33/uniformisation-des-
unites/_f/uniformisation.htm). L’effort à fournir
par les médecins ne doit pas non plus être sous-
estimé. Il leur est en effet demandé d’établir leur
cadre de référence sur la base d’une nouvelle
unité pour les paramètres respectifs et, surtout,
d’appréhender la valeur des résultats exprimés
dans ces nouvelles unités. La prise de décision est
donc liée, avant tout, à un nouveau mode de
conceptualisation.
A propos des unités
Les unités ont toujours été une question délicate. Aujourd’hui encore, deux sortes d’unités continuent à être utilisées: les unités internationalement
reconnues et les unités locales, utilisées par le grand public. Si un rapport existe effectivement entre elles, il n’est certainement pas connu de tous. Il
suffit de penser au problème de conversion des euros en anciens francs belges lorsque le montant commence à augmenter. Ou à la distance indiquée à
la fois en kilomètres et en miles dans certains pays.
A une époque relativement lointaine, tout le monde avait coutume d’utiliser des unités et monnaies locales, dont la détermination figurait parmi les
prérogatives du potentat local. Il existait à la fois plusieurs sortes de mesures de longueur, telles que le «pied», mais aussi divers types de «pieds». Un
pied mesurait 0,274m à Bruges, 0,278m à Furnes et 0,2976m à Courtrai. et correspondait même à 0,425m à Bailleul. Aux États-Unis, où cet étalon reste
utilisé à l’heure actuelle, un pied s’élève à 0,3048m, soit précisément le tiers d’un yard.
Cette situation ne manquait pas de semer la confusion et l’incertitude, essentiellement dans le domaine du commerce. Vous pouviez acquérir une
certaine quantité de draps, mesurée en pieds, tout en risquant d’être spolié en cas d’incertitude quant à l’étalon appliqué. Il en va naturellement de
même pour les mesures de poids et de capacité. Chaque secteur incluait des unités et étalons propres. La mesure de capacité pouvait même varier selon
la nature de l’élément mesuré. Ainsi, le pays de Loon (Limbourg) utilisait pour les céréales une unité dénommée «sister», et 1 «sister» correspondait à
29,814l pour la mesure du blé, mais à 32,524l pour celle de l’avoine.
Certains problèmes se manifestaient également dans le domaine scientifique, où les publications pouvaient être particulièrement difficiles à lire. Pour ne
citer qu’un seul exemple, l’ouvrage «The Urine in Health and Disease», de Thomas Watson, MD, publié en 1863, inclut plusieurs données chiffrées. Le
volume urinaire en 24 h correspond en moyenne à 52 onces, avec une variation personnelle pouvant atteindre un quart. Il s’agit peut-être de l’une des
premières publications incluant une variation biologique pour un paramètre. Pour l’analyse de la composition, les composants sont communiqués en
«grains» pour 24h. Sur la base de facteurs de conversion (une once correspondant approximativement à 31,1gr), nous obtenons un volume urinaire
moyen de 1.612mL pour 24 h. Si nous utilisons, pour un «grain» (la base étant le grain d’orge), un poids de 64,8mg, cela signifie que cette urine contient
au total quelque 59gr de composants divers, dont le principal est l’urée (33gr).
Et il faut en outre tenir compte du fait que chaque unité incluait à la fois des petits et des grands formats. Ces étalons coexistaient: pied et mille, ou
encore once et grain, et le rapport entre ces mesures n’était pas vraiment facile à établir, loin de là. Un yard comptait trois pieds et 4.852,4 yards
correspondaient à un mille romain. Une once équivalait à 437,5 «grains». Ce type d’équivalence était monnaie courante. Tout système décimal était
inconnu.
Autrement dit, à la fin du XVIIIe siècle, plus personne ne savait à quel saint se vouer dans les domaines du commerce ou de la science et il fut décidé, en
conséquence, d’établir un système d’unités basé sur le nombre 10.
Ce type de changement nécessita de toute évidence une patience exceptionnelle et une collaboration à l’échelle internationale. De nombreuses initiatives
furent mises en oeuvre en France, un pays qui, vers 1800, connut nombre de bouleversements – outre une révolution et l’instauration de la République
– dans le domaine des sciences. De nombreux érudits, dont Lavoisier, collaborèrent entre 1790 et 1793 pour élaborer des unités de longueur, de masse
et de temps. En ce qui concerne la longueur, il fut décidé qu’une unité correspondrait au 1/10.000.000e de la distance entre le pôle Nord et un point fixe
à Paris. Cette unité fut alors dénommée «mètre» et fixée dans une barre de platine comportant deux «traits».
Pour le poids, une approche indirecte fut adoptée, ce qui, avec le recul, ne semble pas avoir été une mauvaise idée. Le poids d’un décimètre cube d’eau
à 0°C fut utilisé en guise d’unité, laquelle fut dénommée «grave». Soulignons que la France opta alors clairement pour le système décimal, un décimètre
équivalant au dixième d’un mètre.
Lavoisier fut guillotiné le 18 mai 1794 et le système métrique décimal fut légalement adopté par la République française le 7 avril 1795. La France fut le
premier pays à procéder à ce type de changement à grande échelle. L’unité de masse était le gramme, qui ne correspond plus aujourd’hui à un litre
d’eau: ce volume équivaut en fait à 1kg, ou 1.000g («kilo» étant l’expression de 1.000 sous forme décimale). Le kilogramme fut ultérieurement utilisé
comme unité de masse, afin de répondre à la production en platine et de faciliter les manipulations.
Mais rien n’est simple et tout changement implique des résistances. Les anciens poids et mesures furent d’ailleurs réintroduits en 1816 pour le
commerce.
La 1e commission internationale sur le système métrique fut convoquée à Paris en 1870. Une première proposition – freinée par quelques guerres –
visant à utiliser le centimètre, le gramme et la seconde comme unités (le système «CGS») fut soumise en 1873. Les unités utilisées internationalement
furent fixées dans des alliages de platine: la norme correspondait à 100cm pour la longueur et à 1.000g pour le poids.
Il fallut attendre 1946 pour que la commission internationale adopte le système MKSA aujourd’hui couramment utilisé (mètre-kilogramme-seconde-
ampère). Une unité de température (kelvin) et une unité d’intensité lumineuse (candela) furent ultérieurement intégrées à ce cadre de référence. Cet
ensemble de mesures – dénommé «système international» (S.I.) – constitue aujourd’hui l’étalon de base.
Des unités supplémentaires ont été incluses par la suite dans le domaine de la chimie, telles que la mole, le nombre d’Avogadro et le katal (kat), soit
l’unité de mesure de l’activité catalytique.
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