Analyses Stat 2007 - n° 03 Thérapeutiques CMU et consommation de soins En 2006, en Auvergne, les personnes bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU)1 ont eu plus fréquemment recours aux généralistes et aux dentistes que les personnes non bénéficiaires. Ils ont consommé plus d’antibiotiques, d’inhibiteurs de la pompe à protons, d’anxiolytiques et d’antidépresseurs. Le suivi des personnes diabétiques bénéficiaires de la CMU a été moins conforme aux recommandations que celui des diabétiques non bénéficiaires. Le montant moyen des dépenses de santé par personne bénéficiaire a été de 2 579 euros. Une santé déficiente peut générer des problèmes d’insertion sociale et professionnelle et créer une situation de précarité et d’exclusion. Inversement, les personnes fragilisées socialement sont plus exposées que la moyenne à des problèmes de santé, que ce soit par leurs conditions de vie ou par un recours moindre au système de soins. Dans ce contexte et afin d’améliorer le recours aux soins des populations démunies, la loi du 27 juillet 1999 a créé la couverture maladie universelle (CMU) comportant deux volets, la CMU de base et la CMU complémentaire (CMU-C)[1]. La CMU de base permet d’affilier à l’Assurance maladie toute personne, résidant en France de façon stable et régulière, qui n’est pas couverte au titre de son activité professionnelle ou comme ayant droit d’un assuré. La CMU-C offre une protection complémentaire gratuite en matière de santé aux personnes bénéficiaires ou non de la CMU de base, dont les revenus sont les plus faibles. Une étude réalisée par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés[2] a 1 Dans notre approche, nous avons inclu sous le terme « CMU », à la fois les personnes bénéficiaires de la CMU de base et/ou de la CMU complémentaire. évalué à 1 953 euros les montants moyens des dépenses de santé des personnes bénéficiaires de la CMU-C au cours de l’année 2000 (soit 82 % de plus que les personnes non bénéficiaires, à âge et sexe équivalents). Cet écart dans les dépenses était particulièrement important pour les dépenses hospitalières (+143 %). En 2002, les montants moyens des dépenses de santé pour les personnes bénéficiaires de la CMU-C étaient de 2 133 euros (soit 90 % de plus que les personnes non bénéficiaires, à âge et sexe équivalents)[3]. En 2004, 69 800 Auvergnats, soit 5 % de la population totale de la région, bénéficiaient de la CMU-C[4]. Sommaire 1. CMU et dépenses de santé ................... 2 2. CMU et prise en charge libérale ............. 2 3. CMU et prescriptions pharmaceutiques .... 3 4. CMU, diabète et suivi ......................... 3 5. Références ........................................ 3 publics variaient du simple au triple (+191%) selon que les personnes étaient ou non bénéficiaires de la CMU (Fig. 2). Ce numéro propose une analyse comparée de la consommation de soins des personnes, en fonction du bénéfice ou non de la CMU, en région Auvergne, au cours de l’année 2006. 1800 personnes CMU 1600 personnes non CMU 1400 1. CMU et dépenses de santé 1200 Au cours de l’année 2006, le montant moyen des dépenses de santé, en terme de base de remboursement ou de « dépense reconnue », par personne bénéficiaire de la CMU était de 2 579 euros. A âge et sexe équivalents, cette dépense excédait de plus de 90 % la dépense moyenne des personnes non bénéficiaires (1 340 euros). L’écart le plus important est retrouvé chez les 10-19 ans avec une dépense de +160 % chez les bénéficiaires de la CMU (Fig. 1). Après 60 ans, les dépenses étaient proches de celles des personnes de même âge non bénéficiaires de la CMU. Montant moyen par personne patient 1000 800 600 400 200 0 Hospit publique Pharmacie Honoraires médecins Hospit privée Postes de dépenses Fig. 2 - Comparaison des montants moyens remboursés, après standardisation sur l’âge2, selon les principaux postes de dépense, Auvergne, année 2006 5000 4500 personnes CMU 4000 personnes non CMU 2. CMU et prise en charge libérale Au cours de l’année 2006, 79 % (± 2) des personnes3 bénéficiaires de la CMU et 65 % (± 0,6) des non bénéficiaires ont bénéficié d’au moins une prise en charge par un médecin généraliste. Le nomadisme médical, approché par le pourcentage de personnes3 avec un nombre de médecins généralistes différents supérieur à trois, concernait 8 % des personnes bénéficiaires de la CMU pour seulement 3 % des non bénéficiaires. 3500 3000 2500 Montant en euros 2000 1500 1000 500 0 0-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 Le nombre moyen d’actes réalisés par un médecin généraliste, par personne bénéficiaire de la CMU, était supérieur à celui des non bénéficiaires (Fig.3). 60et+ Classe d'âge Fig. 1 - Dépenses moyennes de santé par personne, selon l’âge et l’affiliation à la CMU, Auvergne, année 2006 10 personnes CMU Les soins hospitaliers publics représentaient 72 % des montants remboursés aux personnes bénéficiaires de la CMU (Tableau I). personnes non CMU Nombre moyen d'actes par personne patient 8 Tableau I - Principaux postes de soins en terme de montants remboursés pour des personnes bénéficiaires de la CMU, Auvergne, année 2006 Poste de dépenses Part des Part cumulée (%) dépenses (%) 71,6 71,6 Pharmacie 8,7 80,3 Honoraires des médecins 6,6 86,9 Hospitalisation privée 4,0 90,9 Autres 9,1 100,0 Hospitalisation publique 6 4 2 0-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60et+ Classe d'âge Après standardisation sur le facteur âge2, les montants moyens remboursés par personne en rapport avec des soins hospitaliers 2 Afin de neutraliser le facteur âge, les montants moyens des personnes non affiliées à la CMU ont été calculés par application des montants moyens par classe d’âge de ces personnes à la structure âge des personnes bénéficiaires de la CMU. 2 Fig. 3 - Nombre moyen par personne d’actes (C ou V) réalisés par un médecin généraliste, Auvergne, année 2006 Une prise en charge par un chirurgien-dentiste concernait 33 % des personnes3 bénéficiaires de la CMU et 30 % des 3 Personnes âgées de moins de 60 ans non bénéficiaires. Les personnes bénéficiaires ou non de la CMU ne présentaient pas de différence significative quant à leur prise en charge par un ophtalmologue3 ou par un pédiatre4 (Tableau II). Tableau II - Pourcentage de personnes avec au moins une prise en charge par un chirurgien-dentiste, un ophtalmologue ou un pédiatre, Auvergne, année 2006 Moins de 60 ans Personnes CMU Personnes non CMU n = 2 036 n = 26 381 33 % 30 % Chirurgien-dentiste Ophtalmologue ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ ○ 17 % ○ ○ Moins de 16 ans ○ ○ ○ ○ ○ ○ Tableau IV - Pourcentage de personnes diabétiques avec au moins un dosage ou un acte en ambulatoire, Auvergne, 1er trimestre 2006 Personnes diabétiques CMU (n = 1 141) Personnes diabétiques non CMU (n = 32 050) Degré de signification Créatinine 68 % 79 % < 10-3 HbA1c 68 % 77 % < 10-3 Suivi par un OPH 31 % 38 % < 10-3 Bilan lipidique 55 % 63 % < 10-3 Suivi cardio ou ECG par un généraliste 18 % 27 % < 10-3 ns* 18 % ○ En ambulatoire, le suivi des personnes diabétiques bénéficiaires de la CMU était moins conforme aux recommandations que celui des personnes non bénéficiaires de la CMU (Tableau IV). 10-3 ○ n = 694 n = 5 774 17 % 18 % Pédiatre * ○ Degré de signification 4. CMU, diabète et suivi ○ ○ ○ ○ ○ ○ ns* Non significatif 3. CMU et prescriptions pharmaceutiques Le pourcentage de personnes avec au moins une prescription remboursée d’antibiotiques atteignait 45 % (± 1) des personnes 3 bénéficiaires de la CMU pour seulement 34 % (± 0,5) des non bénéficiaires, cette sur-consommation était particulièrement marquée chez les 20-29 ans (Fig.4). 70 personnes CMU 60 personnes non CMU 50 40 5. Références [1] Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle (JO du 28 juillet 1999). [2] Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Direction des statistiques et des études. La consommation médicale des bénéficiaires de la CMU en 2000. Paris : CNAMTS. Point Stat n° 35;2002 (http://www.ameli.fr). [3] Rapport n° III évaluation de la CMU. Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle du risque maladie. Paris : 2003:1-85 (http://www.ladocumentation française.fr). [4] Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Regards croisés sur la précarité en Auvergne. 2006. (http://www.insee.fr/auvergne). Méthode : Origine des données Taux % 30 La population source était l’ensemble des assurés et bénéficiaires du régime général des travailleurs salariés stricto sensu, affiliés dans l’une des quatre caisses primaires d’assurance maladie de la région Auvergne. Dans notre étude, le terme « CMU » incluait les personnes bénéficiant de la CMU de base et/ou de la CMU complémentaire. En ce qui concerne les dépenses, nous avons constitué un échantillon à partir du numéro de sécurité sociale. Les deux derniers chiffres de ce numéro sont attribués de façon aléatoire. Nous avons utilisé cette caractéristique pour définir les sujets à inclure dans l’échantillon (fraction de sondage : 3/97). Les prestations en espèces (indemnités journalières, rente, pension) n’ont pas été prises en compte.Les données collectées correspondent à des montants remboursés au cours de l’année 2006 par l’assurance maladie. 20 0-9 10-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60et+ Classe d'âge Fig. 4 - Taux spécifiques selon l’âge des personnes avec au moins une prescription d’antibiotiques, Auvergne, année 2006 Comme pour les antibiotiques, la consommation d’inhibiteurs de la pompe à protons, d’anxiolytiques, d’antidépresseurs était plus importante pour les personnes3 bénéficiaires de la CMU (Tableau III). Tableau III - Pourcentage de personnes avec au moins une prescription remboursée d’inhibiteurs de la pompe à protons, d’anxiolytiques, d’antidépresseurs et d’hypnotiques, Auvergne, année 2006 Personnes CMU (n = 2 036) Personnes non CMU (n = 26 381) Degré de signification Inhibiteurs de la pompe à protons 15 % 12 % 10-3 Anxiolytiques 15 % 11 % < 10-3 Antidépresseurs 9% 6% < 10-3 Hypnotiques 5% 4% ns* Statines 2% 3% ns* * Non significatif 4 Personnes âgées de moins de 16 ans En ce qui concerne le suivi des patients diabétiques, nous nous sommes intéressés à l’exhaustivité des assurés et bénéficiaires auxquels a été remboursé au cours du premier trimestre 2006 au moins un antidiabétique oral ou au moins une insuline. L’analyse des prescriptions d’HbA1c a été effectuée sur le deuxième semestre 2005. L’analyse des dosages de créatinine, des bilans lipidiques, et des suivis cardiologique et ophtalmologique a été effectuée sur l’année 2005. L’analyse statistique a utilisé comme test de comparaison de pourcentages, le test du Khi2 de Pearson, au seuil de signification 5 %. Les intervalles de confiance ont été calculés au niveau de confiance de 95 %. 3 Service Médical d’Auvergne - 48-50, boulevard Lafayette BP n° 48 - 63002 CLERMONT-FERRAND CEDEX 1 Contact : Docteur Jérôme LECADET - Tél. 04.73.98.47.33 - e-mail : [email protected] Conception : Docteur Jérôme LECADET - Docteur Patricia VIDAL - Statisticienne : Karine VIALARET Maquette : Danièle PARRAIN - Valérie SALSON ISSN 1777-182X 4 Date d’édition : MARS 2007