Nouvelles donnes monétaires et budgétaires aux USA et en zone euro

Nouvelles donnes monétaires et budgétaires aux USA et en
zone euro en 2017 ?
En 2015, les économistes et les analystes évoquaient un « alignement des planètes » pour
signifier un concours heureux de circonstances : baisse des prix du pétrole, baisse des taux
d’intérêt, baisse du dollar (mais hausse de l’euro en contrepartie). Ce dernier effet atténuait
d’ailleurs sensiblement la portée du premier puisque le pétrole est payé en dollar. Toutefois
ces bonnes nouvelles étaient sensées stimuler la croissance économique dans la zone euro (ce
qui n’a pas été franchement le cas en France le PIB n’aurait augmenté que de 1.2 % en
2015 et de 1,1% à 1,2 % en 2016, contre 1,4% espérés par le gouvernement).
Or l’actualité économique fin 2016 et début 2017 est en train d’inverser ces tendances et de
mettre fin à cet « alignement des planètes », sur 3 fronts : le marché du pétrole, les USA et la
zone euro. Les prix du pétrole ont commencé à remonter depuis septembre 2016 ; aux USA,
la FED (la banque centrale) a modifié sa politique monétaire accommodante fin 2016 et
commencé à relever ses taux d’intérêt directeurs ; enfin en zone euro, les questions restent
posées devant l’atonie de la croissance alors que la divergence des économies s’accentue. Ces
évolutions laissent craindre un retour de l’inflation. Or nous allons voir que les politiques
économiques conduites sont parfois paradoxales.
I) La hausse du prix du pétrole, d’abord timide pendant l’automne 2016 (septembre à
novembre), puis plus marquée depuis le 1
er
décembre 2016. Le baril est passé de 40 dollars en
août 2016 à près de 60 dollars mi-décembre, pour retomber un peu et se stabiliser début 2017
autour de 50 dollars. En effet, pour enrayer la chute des prix (article du 4 mars 2015)
(occasionnée par l’offre trop abondante née du pétrole de schiste des USA et du pétrole de
sables bitumineux au Canada) et la baisse de leurs recettes, les pays de l’OPEP sont parvenus
à un accord le 30 novembre à Vienne pour réduire leur production de 1.2 millions de
barils/jour à partir de janvier 2017. La Russie (hors OPEP) a aussi accepté de réduire sa
production. L’offre baisse face à la demande, donc les cours remontent un peu. Cette hausse
des prix du pétrole ravive un peu l’inflation dans les pays importateurs (UE) : c’est
l’inflation importée. Elle a été de 2% en zone euro sur les 12 derniers mois cumulés jusque
février 17), ce qui correspond à la cible de la BCE. Toutefois l’inflation sous-jacente (hors
prix de l’énergie surtout) n’a été que de 0.9% sur la même période (source : Eurostat, jeudi 2
mars 2017)
Graphique : le prix du baril de pétrole (WTI) en dollars sur les 12 derniers mois
(Source : prixdubaril.com, 21 mars 2017)
II) La hausse des taux d’intérêt courts aux Etats-Unis, décidée par la FED, la Federal
Reserve System ou banque centrale américaine (commencée sous la Présidence Obama et
poursuivie depuis l’élection de Donald Trump, début novembre).
Les faits :
Rappelons que les banques qui ont besoin de liquidités ou monnaie banque centrale « au jour
le jour » (pour 1 jour) s’adressent sur un marché appelé « marché monétaire » aux banques
qui en ont trop. Ce marché monétaire est ouvert (« open market ») à la Banque Centrale.
Celle-ci peut intervenir, en fonction des objectifs de sa politique monétaire pour offrir des
liquidités (ou en racheter) à un prix, le taux d’intérêt interbancaire au jour le jour (aux USA,
c’est le « taux des fonds fédéraux ou federal funds »). De plus ce taux doit osciller dans une
fourchette de deux taux directeurs (plancher et plafond). C’est cette fourchette qui est relevée
ici (pour plus d’explications dans le cadre de la BCE, voir article et graphique du 29 mars
2016, paragraphe I B, sur ce blog).
Aux USA, une hausse en douceur étalée en plusieurs étapes :
La FED a d’abord relevé ses 2 taux directeurs d’un quart de point le 16 décembre 2015 : la
fourchette qui était comprise entre 0% et 0.25% depuis le 16 décembre 2008 (crise financière)
passe de 0.25 % à 0.5 %.
Puis le 14 décembre 2016, nouvelle petite hausse d’un quart de point : le loyer de l’argent
ou taux au jour le jour (TJJ) oscillait désormais entre 0.5 % et 0.75 %.
Enfin, une nouvelle hausse d’un quart de point vient d’intervenir le 15 mars 2017. Désormais
le TJJ va osciller entre 0.75 % et 1 %.
De nouvelles hausses sont prévues au cours de l’année 2017.
Evolution du principal taux directeur aux USA
(
Source : le Monde, Economie et Entreprise, p 4, vendredi 17 mars 2017)
Causes : La croissance demeure vive aux Etats-Unis. De plus, le taux de chômage a beaucoup
baissé 4.7 % début 2017). Les économistes considèrent que l’économie américaine est
proche du plein-emploi. Il en résulte donc des risques de tensions salariales et d’inflation (+
1.9% en rythme annuel en janvier 2017). Ce risque de surchauffe peut encore s’accentuer
après l’élection de Trump si celui-ci tient ses promesses de vaste plan de relance
économique : hausse des dépenses militaires et d’investissements publics (1000 milliards de
dollars sur 4 ans), baisse massive du taux de l’impôt sur les sociétés de 35% à 15%, alors que
la croissance est déjà soutenue. D’ailleurs, cette perspective fait monter la bourse de New
York. Le Dow Jones, l’indice des 30 valeurs les plus prestigieuses cotées au NYSE est passé
de 16865 points le 1
er
mars 2016 à 19000 points le 22 novembre 2016, puis 20000 points le 25
janvier 2017 et 21000 points le 1
er
mars, contre 10000 le 29 mars 1999 et 6547 le 9 mars
2009 (au plus bas de la crise financière de 2008).
Pour freiner cette croissance de l’inflation, il faut donc durcir la politique monétaire
puisque la politique budgétaire va à contre-courant (hausse des dépenses, baisse des
impôts, endettement accru). En augmentant le coût du crédit, les entreprises et ménages
freineront leur dépenses financées par le crédit. S’agissant du crédit à court terme, financé par
création de monnaie, cela ralentira automatiquement l’inflation. S’agissant du crédit à long
terme financé par l’épargne des ménages placée en obligations, cela ralentira la croissance des
investissements privés et de la demande globale privée (par rapport à l’offre globale), donc au
final l’inflation.
Mécanisme attendu : le coût du crédit augmente
Ainsi, les banques américaines vont payer plus cher leur refinancement quotidien (échange de
titres contre des liquidités à la FED). Elles vont répercuter cette hausse de leurs coûts sur le
coût des emprunts à court terme demandés par les entreprises (crédit de trésorerie) et les
ménages (crédit à la consommation). Ceux-ci pourraient alors freiner leur recours au
crédit, ce qui ralentirait la croissance de la demande. Au total, la demande globale
augmenterait un peu moins vite que prévu, par rapport à l’offre globale (PIB +
importations) ce qui atténuerait les pressions inflationnistes.
Des répercussions sont à attendre aussi sur le crédit à long terme (taux longs) fixés sur le
marché financier (obligations à 10 ans, notamment), à cause des pressions inflationnistes
actuelles. Ils sont déjà passés de 1.35 à 2.41 % entre juillet et décembre 2016 (Le monde, 13
décembre 2016).
Schéma :
Autres conséquences possibles :
La hausse relative du dollar et donc la baisse de l’euro comme en 2015 (article du 19 février
2015). Ainsi, depuis l’élection de Donald Trump, le dollar est passé de 0.90 euro le 1
er
novembre 2016 à 0.94 euro le 8 mars 2017. Donc l’euro est tombé de 1.11 à 1.06 dollar en
moyenne sur cette période (- 4.5%).
Ceci pourrait favoriser les exportations des entreprises des pays de la zone euro, donc être
bénéfique pour elles. Cependant, ceci renchérira aussi leurs importations, notamment de
produits pétroliers (or le prix en dollar augmente aussi, voir en I).
D’autre part, si les taux augmentent aux USA et deviennent plus élevés qu’en zone euro (c’est
le cas en ce moment) et si le dollar monte, les placements aux USA deviennent plus attractifs
qu’en zone euro. Ceci pourrait gêner la politique monétaire de la BCE (en s’efforçant de
s’aligner sur les taux américains, donc en relevant ses taux directeurs alors que la conjoncture
ne le nécessite pas, au contraire (voir III ci-dessous).
III) En zone euro, le dilemme de la BCE
A) léger assouplissement de la politique budgétaire
Ors d’une réunion à Bruxelles le 16 novembre 2016, la Commission européenne a fait preuve
d’un peu de souplesse en adoucissant légèrement sa politique budgétaire contraignante (dans
chacun des 19 pays de l’euro zone, le déficit budgétaire ne doit pas dépasser 3 % du PIB et la
dette publique ne doit pas dépasser 60 % du PIB). Plusieurs pays ne respectent pas ces
critères, notamment le seuil des 3% pour le déficit budgétaire (outre la Grèce, l’Espagne,
Taux
directeurs
FED
Coût du
refinancement
des banques
auprès de la
FED
Coûts des
banques
Coût du
crédit
bancaire
aux
ménages et
entreprises
Moins de
crédits à
court terme
distribués
Frein à la
consommation
des ménages et
au crédit de
trésorerie des
entreprises
Freinage
croissance
économique
Jseco22
Frein à
l’inflation
l’Italie, le Portugal, la France). La Commission n’a pas sanctionné ces pays, qui font des
efforts pour revenir vers les 3%. En effet, la croissance reste faible en zone euro (entre 1.5 %
et 2 %/an prévus jusque 2018). Il ne faut pas compromettre la reprise économique d’autant
que le Brexit fait peur. Serait-ce un relatif aveu d’échec des politiques d’austérité conduites
notamment depuis la crise des dettes souveraines de 2008 ?
B) reconduction de la politique monétaire (QE) car croissance atone (voir l’article du 28
mars 2015 sur ce blog)
La BCE a reconduit pour l’essentiel sa politique monétaire accommodante lors de sa réunion
du 8 décembre 2016.
1) Contrairement à la FED aux USA, les taux directeurs de la BCE restent inchangés et à
un niveau très bas quasi voisin de zéro (coût du refinancement des banques dans le cadre de
l’open market sur le marché monétaire, voir article et graphique du 29 mars 2016, paragraphe
I B, sur ce blog pour les définitions).
2) la politique monétaire dite de « quantitative easing ou assouplissement quantitatif »
(QE) reste quasiment inchangée. Elle est prolongée jusque décembre 2017. Simplement, les
rachats de titres publics ou de grandes entreprises privées par la BCE (contre des liquidités)
porteront sur un volume mensuel de 60 milliards d’euros au lieu de 80 milliards (total = 2280
milliards d’euros cumulés fin 2017, soit l’équivalent du PIB de la France). Rappelons qu’il
s’agit pour la BCE d’injecter des liquidités dans l’économie de la zone euro, via les banques
(en échange des titres rachetés), afin de soutenir l’activité et de créer un peu d’inflation. En
effet, cette politique avait été décidée pour lutter contre le risque de déflation en zone euro
(voir l’article du 26 mars 2016 sur ce blog, résumé avec les schémas ci-dessous).
a) au moment de l’intervention de la BCE
:
Banques ---> cession de titres (obligations d’Etat déjà émises) ---> BCE
En retour :
BCE ---> liquidités ----> banques
Modifications au bilan des banques :
ACTIF PASSIF
Liquidités compte des clients
Au bilan de la BCE :
ACTIF PASSIF
Titres d’Etat monnaie supplémentaire mise en circulation
b) après l’intervention de la BCE : que font les banques des liquidités reçues ?
Banques (liquidités) -> achats d’actions ou autres placements à risque
ou
Banques -> crédit à long terme pour financer l’investissement ou à moyen terme pour financer la consommation
de biens durables -> clients (entreprises, ménages).
BANQUES ----- Crédit (à LT) -------- Entreprises , Ménages
1 / 7 100%

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