Le médecin reste muet un instant. Implanter des smartlens ne
fait pas de lui un technicien informatique pour autant. Puis il
comprend.
– Ah ! Le temps de transférer vos données vers les implants,
votre compte a peut-être été momentanément désactivé. C’est
déjà arrivé à certains patients. Juste quelques heures. Une
journée tout au plus.
– Mais c’est mon anniversaire !
– Écoutez, ce n’est pas de chance. Mais vos amis vous
enverront des messages malgré tout, ne vous inquiétez pas avec
ça. Au pire, vous pourrez récupérer vos données demain.
Quand il quitte la pièce, j’ai l’impression de devenir dingue.
Dans le coin supérieur gauche de mon champ de vision, la petite
enveloppe transparente reste désespérément vide. Aucun
message, pas plus que sur mon smartphone.
Ne sachant que faire, je m’amuse à inspecter chaque objet de
la pièce. Il faut que je gagne en habileté. Pas facile de contrôler
son regard. Je jette un œil à mes chaussures de sport, posées au
pied du lit. Le logo est reconnu, s’encadre de bleu, s’affiche en
grand dans un coin de mon champ de vision. Clic de paupière
droite pour plus d’informations. Je consulte l’histoire de la
marque sur Internet, m’exerce à faire défiler le texte, ni trop, ni
trop peu. Mais ces pratiques sont douloureuses pour les yeux si
tôt après l’opération... Je décide de me reposer en dormant un
petit peu. Et là, sur l’écran noir de mes paupières closes, je peux
encore distinguer clairement, en bleu clair, le logo de la marque
de mes chaussures de sport.
Deux infirmières me réveillent dans l’après-midi. Leur visage
s’accompagne d’une étiquette virtuelle, je lis leur nom, leur
prénom, glane d’autres informations tout en leur disant merci et
en me dégageant des draps. Elles partent, je m’habille, fais mon
sac minuscule. Je quitte la chambre, traverse le couloir, descends
et signe un document à la réception avant de sortir dans la rue.