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LA PRESSE MONTRÉAL LUNDI 14 NOVEMBRE 2005ARTS &SPECTACLES 5
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EN BREF
LeCentre des auteurs dramatiques a40ans
Lepasseurdela
dramaturgie québécoise
ÈVE DUMAS
Ovations
>LesReines
DenisMarleauressusciteLesRei-
nesde Normand Chaurette. Le
contexteest le même qu’àla
création de lapièceen1991,par
AndréBrassard. En1483,àLon-
dres,sixfemmesquiontété,
sontouserontreines,attendent
lamort d’Édouardd’Angleterre.
Tandisqueson frèreagonise,Ri-
chardIII complotel’assassinat
de tous ceux quileséparentdu
trône. Lemetteur en scène accé-
lèrelerythme de lapièce,com-
me pour l’harmoniseràl’époque
trépidantequiest lanôtre. Ilfait
même unparallèle entrelema-
gouillage dessixreinespour ac-
céderaupouvoiretlagloire
éphémèrequeprocureaujour-
d’huilatélévision. Une relecture
fort pertinente. AuThéâtred’Au-
jourd’huijusqu’au26novembre.
>La Cloche de verre
Enjanvier2004,auThéâtrede
Quat’Sous,lametteureenscène
BrigitteHaentjensproposaitune
remarquable adaptation duro-
manautobiographiquedela
poèteaméricaine SylviaPlath,
The Bell Jar .La pièce,comme le
livre,raconteleglissementpro-
gressif etinéluctable dansladé-
pression d’une jeune femme des
années50,EstherGreenwood.
Choserarepour une adaptation,
laversion scéniqueneseconten-
tepasde saisirl’espritduroman.
Elle l’éclaireetle magnifie,en
grande partie grâceàlarigueur,
àlajustesseetàl’infinie variété
de tonsquemaîtriselacomé-
dienne Céline Bonnier.Neratez
pascetexceptionnel solo,qui
faitescale auThéâtreOutremont,
mercredi soir.
ÈVE DUMAS
Sinous avonspuvoirdespièces
fortesduCanadaanglaiscomme Le
Monument ,de Colleen Wagner,An-
tarktikos ,de David Young,etDol-
drumBay ,d’Hilary Fannin ;siGeor-
ge F.Walker( L’Enfantproblème,Le
Génie ducrime,etc.) s’est faitconnaî-
treàMontréal;siFrédéricBlan-
chetteest jouéenAutriche,c’est
beaucoupgrâceautravail duCentre
desauteursdramatiques(CEAD),
quifêtecetteannée ses40ans.
«Facilitateur »d’échangesinterna-
tionaux,hôtederésidencesetde sé-
minairesde traduction,gardien de
ladramaturgiequébécoiseetcentre
d’esthétiquethéâtrale,entreautres,
le CEAD travaille généralement
dansl’ombre. Ilensort parfois,en
décembreparexemple,lorsqu’il
tientsaSemaine de ladramaturgie
annuelle.Onpeut yassisteràune
bonne douzaine de lecturesd’oeu-
vrestoutesfraîches,signéespour la
plupart pardesdramaturgesquébé-
cois,ainsiqu’àdestablesrondes,
débats etautresdiscussions.
Aucoursde lasaison théâtrale
2005-2006,l’organisme tenterade
serendreplus visible parle biais
d’une multitude d’activités.Lectures
auSalon dulivre(le samedi 19 no-
vembre),publications,exposition et
accrochage d’oriflammesparlaVille
de Montréalsontauprogramme. Le
pointd’orguedu40 eserasansdou-
teleprojetdes40levers de rideau.
Diane Miljours,directricedu
CEAD depuis1998,prévoitsil-
lonnerle Québec, faireunsaut à
Ottawaetaccueillirdesdirecteurs
artistiquesde théâtresde Vancou-
veretd’Acadie,entreautres,pour
lesinciteràparticiperàcette
aventurequirappellerale talent
desauteurs de cheznous.
«Uncomitédepairs formé parle
CEAD adresséune listedes40
auteurs lesplus marquants.Nous
leur avonsdemandé de nous four-
niruncourtextraitd’undeleurs
textespour quecelui-cisoitluen
leverde rideau,avantune repré-
sentation,parle directeur artisti-
queduthéâtreoude lacompagnie
quiprésenterale spectacle. Lesex-
traits aurontétépigésauhasard»,
expliquaitDiane Miljours,quel-
quesheuresavantle lancementdu
40 e ,il yadeux mardis,auCafé du
Monument-National.
Ceporte-à-porteseraégalement
l’occasion pour ladirectricedefai-
relepointetde rappeleraux di-
recteurs artistiquesqu’il existe
cheznous (auQuébeccomme au
Canadafrançais)une multitude
de dramaturgesquin’attendent
qued’êtreproduits ourepris.Car
voilà, finalement,lamission pre-
mièreduCEAD :affirmerl’exis-
tencedenosauteurs de théâtre.
Soutien àlacréation
Àl’époquedelafondation du
Centred’essaidesauteurs drama-
tiques(le mot«essai»est dispa-
ru de laraison sociale en 1991),
en 1965,le dramaturge québécois
étaitune espècerare. Onleconsi-
déraitmême comme inexistant,
jusqu’àcequeJacquesDuchesne,
RogerDumas,Robert Gauthier,
Robert Gurik,Jean-PierreMorin
etDenys Saint-Denisserencon-
trentauDominion DramaFestival
etsereconnaissent.Ensemble,les
sixauteurs ontdécidé de créer
une vitrine pour lescréateurs de
leur acabit.
Lespremièreslecturespubliques
onteulieuen 1966.«C’est vrai-
mentlalecturedesBelles-Soeurs
quialancéleCEAD, en 1968»,
serappelle Jean-Claude Germain,
quiàl’époqueexerçaitle métier
de critiquedramatique. Ilatout
laissépour setournerluiaussi
vers l’écriturethéâtrale etdevenir
le premiersecrétaireexécutif du
CEAD, en 1969.
«Àl’époque,ladramaturgie
québécoiseapparaissaitcomme
une cause. Etmoi,c’étaitune cau-
sequejedéfendaisàtitredecriti-
que. Ilyavaitchezlesacteurs
d’iciundésirtrèsprofond de
jouerduthéâtrequileur ressem-
blait.Lepublicjeune étaitluiaus-
siintéresséàentendrecetteparo-
le-là, même s’il yad’abordeuun
choc, puisqu’il n’étaitpashabitué
de sevoirreprésentésur scène »,
racontetoujours Jean-Claude Ger-
main.
Plusieurs autreslecturesmar-
quantesontsuivi,dontLa Charge
de l’orignalépormyable,de Claude
GauvreauetLa Sagouine,d’Anto-
nine Maillet.En1983,on créaitle
centrededocumentation,quiest
aujourd’huigarni de 3652docu-
ments,dont2187textesd’auteurs
membres(ilsontmaintenant224).
La premièreSemaine de ladrama-
turgie avaitlieuen 1987.Oncréait
laPrimeàlacréation en 1994,
pour inciterlescompagniesde
théâtreàproduirelesauteurs d’ici.
Aujourd’hui,le CEAD est unorga-
nisme particulièrementactif,quiof-
freune multitude de services.Le
soutien dramaturgique—conseils
d’écriture,parrainage,misesen lec-
ture,laboratoires,ateliers,etc.—
n’en est pasle moindre. Même un
auteur chevronné commeMichel
MarcBouchard,porte-parole du
40 e ,en abénéficié àquelquesocca-
sions.Ilprésentecetteannée
untexteàlaSemaine de la
dramaturgie,une nouvelle
version de sapièceLa Poupée
de Pélopia ,intitulée Desyeux de
verre .L’auteur desFeluettes ,
jouédansle monde entier,es-
time queleCEAD aexercé
unrôleimportantdansladif-
fusiondesesoeuvresà
l’étranger.«Letravail duCEAD a
uneffetmultiplicateur,tantsur le
planlocalquesur le planinterna-
tional. C’est aujourd’huiunorganis-
me avecdesramificationstellement
nombreusesqu’on n’en tientplus le
compte. Maisl’espritn’apaschan-
gé. LeCentreest toujours dirigé par
lesauteurs (NDLR :son conseil
d’administration est entièrement
formé de praticiens). J’espèrequ’il
sauramaintenirlacadence. »
PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE
Michel MarcBouchard, Jean-ClaudeGermain etDiane Miljourfêtentles 40ans duCEAD.
«Ilyavaitchezles acteurs
d’iciundésir très profond
dejouer duthéâtre quileur
ressemblait.» PHOTO RÉMI LEMÉE, ARCHIVES LA PRESSE
Céline Bonnier
L’Usine C
soutient
lacréation
L’Usine Cannonçaitrécemmentla
misesur pied d’unfondsde soutien
àlacréation. Onsaitquecelieu,
toujoursàl’affût desprojets artisti-
queslesplus novateurs,offrecha-
quesaison desrésidencesde créa-
tion àdesartistesen manque
d’espaceetd’équipement.Lenou-
veaufondspermettrade maintenir
cesrésidencesetd’offrirunsoutien
supplémentairecorrespondantaux
besoinsdescréateurs oudescompa-
gniesdontle projetauraétéretenu.
Lespremièressommesverséesdans
cenouveaufondsproviennent
d’une soirée-bénéficetenueàl’occa-
sion de l’avant-premièredelapièce
4.48 Psychose ,avecIsabelle Huppert.
Leprixdesbillets commençaità
300$. Plusieurs donsontégalement
étéfaits aufondscesoir-là.
20eanniversaire
del’AQCT
L’Associationquébécoisedescriti-
quesde théâtrefêteson 20 eanni-
versaire,cesoir,àl’Usine C.Criti-
ques,spectateurs etautrescurieux
sontconviésàune discussion sur
le thème :commentsurvivreau
métierde critiquedethéâtre?
Cinq invitéstenterontde répondre
àlaquestion,soitGilbert David,
Diane Pavlovic, JeanSt-Hilaire,
Michel VaïsetMarianne Acker-
man. Aupréalable,PaulLefebvre,
traducteur,metteur en scène,ex-
critiqueetadjointde DenisMar-
leauauCentrenationaldesArts,
auraposéunregardrétrospectif
sur son parcours diversifié dansle
milieuduthéâtre. L’AQCT profite-
raégalementde l’occasion pour re-
mettresesprixde lacritique,dé-
voilésil yaquelquessemaines.La
soirée commenceà17h30,auCa-
fé de l’Usine C.Renseignements :
514 598-7405.
Entrée en scène
LeMalade imaginaire,Salle Fred-
Barry,15 novembreau14 décem-
bre.
THÉÂTRE
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Les Fridolinades
Touteune relecture!
JEAN BEAUNOYER
CRITIQUE
Jemesuislonguementdemandé
siGratien Gélinasauraitapprécié
larelectureques’est permisele
jeune metteur en scène Jean-Guy
Legaultde sesFridolinades .Jene
saispas.Son filsMichel,quiassis-
taitàlapremièreduspectacle,
semblaitd’accordaveccettenou-
velle vision tout en admettant
qu’il pouvaitêtreaussidéchiré
quejepouvaisl’êtreentrelepassé
etle présent.
Parcequ’il faut bien admettre
quelanouvelle version desFrido-
linades ,quipuisedanslestextes
de l’oeuvreoriginale de Gratien
Gélinas,ne ressemble en rien au
style desrevuesannuellesprésen-
téesde 1938à1946.Jean-Guy Le-
gaultatout ramasséetnous fait
vivrel’évolution de Fridolin,
avantetaprèslaguerre,tout en le
confrontantauQuébecactuel. Ce
quinous éloigne passablementde
l’espritde fêtedeFridolin desan-
nées40etduspectacle de varié-
tés,style cabaret,quenous propo-
saitDeniseFiliatrault,reprenant
lamiseenscène desFridolinades
auRideauVert,il yaune dizaine
d’années.
J’aid’abordétédéçud’avoirraté
unspectacle de riresetde déli-
cieusesinsolencesen première
partie etpuisje me suisravisé,
ajustéàcethommage de lapart
d’une nouvelle génération
qu’avaitsolidementpréparée
Jean-Guy Legault,unmetteur en
scène quinemanquesurtout pas
d’audace.
Parcequ’ilfaut accepterbien des
chosesdanscesFridolinadesrevisi-
tées.D’abordFridolin quidescend
en parachutevêtu de l’uniforme mi-
litairedel’armée canadienne.Frido-
lin quej’aitoujours vu sous les
traits d’unadolescentde 15 ou16
ans,fairesubitementlaguerresur
le champ de batailleenEurope. Fri-
dolin agiterle drapeaucanadien
(pasencoreinventé). Fridolinconsi-
dérécomme unfantôme de théâtre
alors qu’unentrepreneur veut dé-
molirl’édificepour construiredes
condos.Fridolin quifonde le parti
duFlop populaireetquirépète
«Commentdites-vous ?» (com-
mandite).Ouf! C’est beaucoupde-
manderen premièrepartie duspec-
tacle. Heureusementquecette
représentations’adressaitàunjeune
public.Lesautres,dontje suis,
avaientl’impressiondeperdreleur
latin oudumoinsleurs classiques
québécois.Douloureux,je vous
l’avoue!
D’autantplus douloureux que
Jean-Guy Legaultnous assène une
véritéquin’est pasfacile àadmettre
etquiest presquedésespérante:
rien n’achangé dansle beaumonde
duCanadaetmême duQuébec.Le
lienentrePaulMartin etMackenzie
Kingest évident.Lelien entreles
partispolitiquesde cetteépoqueet
ceux d’aujourd’huiest tout aussi
évident.La corruption est telle que
je ne savaispassionparlaitd’au-
jourd’huioude l’époqueoùon
achetaitdesvotesavecdespromes-
ses,de lapublicitéoude l’argent.
LesfantômesdesFridolinadesrevi-
venten deuxième partie,alors que
lesgrandesportesen forme de radio
s’ouvrentetnous présententdes
quatuors de chanteuses,style An-
drews Sisters etlesfameux radioro-
mans.OnvoitégalementSéraphin
quidiscuteavecDonaldapendant
qu’Aurore(l’enfantmartyre) gémit
sous latable.Tout sepasseàla
vitessed’unclip. Au-dessus des
acteurs de laradio,on voitdeux
commèresquiécoutentleur
émissionpréférée en étendant
leur linge surlacorde.Comme
lespersonnagesde Michel
Tremblay.Onsepermetmême
de nous présenterundéfilé de
laSaint-Jean-Baptisteavecdes
commentairesécrits pour le
moinsmordants.Maisc’est fina-
lementunbombardementen rè-
gle de notrepasséquinous arri-
veenpleine gueule. Unpassé
cependantquin’ariendenos-
talgique. Legaultachoisides
textesjamaisjoués,destextes
engagésdesFridolinadesqui
changentquelquepeul’image
qu’on avaitde Fridolin,magnifi-
quementjoué,incidemment,par
NicoGagnon. La scénographie est
impressionnanteetl’énergie des
comédiensest époustouflante. Etfi-
nalement,Jean-Guy Legaults’est
livréàune tâche colossale,ambi-
tieuse,quiexige énormémentdu
publicquin’apasbeaucoupd’oc-
casionsde sedivertir.Parce
quesionregarde toutesles
Fridolinadesdansune seule
soirée,il n’yavraimentpas
de quoi rire. Ceseraitle seul
reproche quejepourraisfaire
àcespectacle sicen’étaitpas
lavérité.
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LES FRIDOLINADES deGratien Gé-
linas. Mise en scène :Jean-Guy Le-
gault.Costumes :Pierre-Yves Lapoin-
te. Décor :Étienne Ricard.Éclairages :
Kareen Houde. Distribution :Nico
Gagnon,GenevièveBélisle,ÉricBer-
nier,LucBourgeois,Sébastien Gau-
thier,DominiqueLeduc, Marie-Ève
Pelletier etMyriamPoirier. AuThéâ-
tre Denise-Pelletier jusqu’au19 no-
vembre (représentations scolaires jus-
qu’au25novembre).
Jean-Guy Legaults’estlivré àune tâche colossale,
ambitieuse,quiexige énormémentdupublicquin’a
pasbeaucoupd’occasions desedivertir.