. LA PRESSE MONTRÉAL LUNDI 30 JANVIER 2006 ARTS & SPECTACLES 7 lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll THÉÂTRE La Chambre d’amis EN BREF Stars d’un soir! ÈVE DUMAS Supplémentaires EVE DUMAS Rarement la petite Salle JeanClaude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui aura-t-elle vu défiler autant de vedettes. Pierre Curzi, Gilles Renaud, René Richard Cyr, Martin Drainville, Marc Labrèche, Patrice Robitaille et bien d’autres seront reçus tour à tour dans La Chambre d’amis de Vincent Champoux et d’Édith Paquet. Dans cette pièce concept qui a connu un grand succès à Québec, le rôle principal change tous les soirs et s’improvise au fil de la représentation. Il fallait avoir du cran pour se présenter devant quelqu’un de la trempe de — prenons un exemple au hasard — Robert Lepage ( !), qui était un des « amis » à Québec, au mois d’août, et lui dire : « J’aimerais que vous participiez à mon projet. J’ai écrit une pièce de théâtre, mais je ne peux vous en fournir le texte. Il faut que vous me fassiez confiance et que vous vous abandonniez. » C’est à peu près ainsi que Vincent Champoux, auteur de La Chambre d’amis et interprète de la pièce avec Édith Paquet, a lancé ses invitations. Croyez-le ou non, il a presque toujours été reçu favorablement. Le soir de sa représentation, donc, l’acteur invité doit arriver au théâtre sans aucune forme de préparation autre qu’une bonne séance de méditation zen pour calmer son trac. On lui donne son unique réplique une demi-heure avant le début du spectacle et c’est parti. « Le trac que nous vivons, les hôtes, est à mi-chemin entre celui qu’on peut avoir avant de jouer dans une pièce de théâtre plus conventionnelle et celui qu’on a lorsqu’on reçoit à souper, expliquait Vincent Champoux la semaine dernière, en entrevue téléphonique depuis Québec. À la limite, l’erreur est possible ou, mieux encore, il n’y a pas d’erreur dans un spectacle comme ça, ce qui nous enlève beaucoup de stress. « Quant à l’invité, il vit un peu le cauchemar de l’acteur, qui est d’arriver au théâtre un soir et de se rendre compte qu’on tient le premier rôle sans en avoir été PHOTO STÉPHANE ALLARD, GRACIEUSETÉ DE LA PRODUCTION Vincent Champoux et Édith Paquet accueillent chaque soir un comédien différent dans leur Chambre d’amis. Et c’est cet invité qui doit improviser le rôle principal de la pièce. averti. Mais c’est aussi un fantasme d’acteur, puisque la pièce se construit autour de l’invité. Lorsqu’il réalise son pouvoir, il s’en donne à coeur joie et nous, nous devons nous adapter à son improvisation. Même si l’invité n’a qu’une réplique à dire, son attitude va tout influencer. » « Même si l’invité n’a qu’une réplique à dire, son attitude va tout influencer. » Le chorégraphe Harold Rhéaume, par exemple, a entraîné Vincent et Édith dans un jeu presque surréaliste. Il a même décidé d’étrangler son hôte à la fin de la représentation. Robert Lepage, pour sa part, n’avait pas à faire de grandes pirouettes, puisque la qualité de sa présence et de sa réputation lui assurait une attention presque religieuse de la part des spectateurs, qui surveillaient ses moindres faits et gestes. « On a redécouvert l’improvisateur qu’il était à l’époque où on le voyait dans la LNI », raconte Vincent Champoux. Le comédien, auteur, metteur en scène et graphiste à ses heures a écrit La Chambre d’amis deux ans après sa sortie du Conservatoire d’art dramatique de Québec. Plutôt que d’attendre les propositions de rôles dans l’oisiveté, il a décidé de se créer de l’emploi. « Lorsque j’ai commencé à écrire, je ne savais pas du tout où ça s’en allait. Je savais seulement que l’argument de base serait la visite guidée d’une maison et que ça se terminerait dans la chambre d’amis. Je n’avais pas du tout la prétention de parler des travers du couple, mais tranquillement, j’ai découvert que le couple sur lequel j’écrivais n’allait pas bien du tout. » En 1998, il a commencé à incarner ce couple, avec la comédienne Édith Paquet et sous la direction du jeune metteur en scène Stéphan Allard. Il créait donc sa pièce et, par la même occasion, le Théâtre de chambre. La Chambre d’amis était reprise à Québec l’été dernier et elle est pour l’instant la seule production de la compagnie. On pense toutefois à une suite au concept. « Un projet comme La Chambre d’amis met bien en lumière la particularité du théâtre par rapport aux autres arts, comme le cinéma par exemple. On dit qu’au théâtre, ce n’est jamais tout à fait pareil d’un soir à l’autre. Avec ce spectacle, la représentation change carrément tous les soirs. Le public nous voit déstabiliser l’invité et voit l’invité nous déstabiliser. C’est de l’ordre de l’immédiat. » À propos d’immédiat, les curieux qui seraient intéressés à assister à cette expérience théâtrale hors du commun ne devraient pas trop tarder à choisir leur star ou leur soir, puisque la Salle Jean-Claude Germain ne compte que 75 places. Des forfaits sont disponibles aux spectateurs qui seraient tentés d’assister à plusieurs représentations. .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... . . LA CHAMBRE D’AMIS est à l’affiche de la Salle Jean-Claude Germain du 2 au 25 février. lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll Britannicus Le triomphe du mal ÈVE DUMAS CRITIQUE Il n’y a pas plus difficile à jauger qu’un public d’adolescents. Applaudissent-ils parce qu’ils ont apprécié la pièce ou tout simplement parce qu’ils sont heureux qu’elle soit enfin terminée ? Allez savoir. Ceux et celles qui ont assisté à la matinée scolaire de Britannicus, jeudi dernier, semblaient pour la plupart adhérer à la proposition du metteur en scène Martin Faucher. Les adultes aussi. Cette production vient clore le « cycle classique » de Martin Faucher. L’ont précédée Le Menteur de Corneille et Les Femmes savantes de Molière, deux comédies. Avec Britannicus, le metteur en scène plonge dans la tragédie, et pas n’importe laquelle : la tragédie racinienne dans sa plus pure expression, sans lumière, sans un soupçon d’espoir pour diluer la charge. Le mal triomphe haut la main et c’est tant pis pour les gentils. Ce mal, on le voit naître chez le jeune Néron, que sa mère Agrippine et ses conseillers manipulent comme une marionnette. Pour s’affranchir de l’influence maternelle et affirmer son pouvoir, l’empereur jusque-là vertueux fait enlever Junie, fiancée de son frère Britannicus. Il ne lui faut qu’un seul regard pour tomber éperdument amoureux de la princesse. Mais lorsque celle-ci lui résiste, et qu’il comprend que sa mère tente en plus de faire alliance avec Britannicus pour rester au pouvoir, PHOTO ROBERT ETCHEVERRY, GRACIEUSETÉ DE LA PRODUCTION Maxime Denommée prête ses traits angéliques à Britannicus tandis que la belle Junie est personnifiée par Geneviève Alarie. Néron assassine son rival, à qui il avait déjà usurpé le trône. En regardant ce Britannicus, le film Moulin rouge m’est venu à l’esprit. L’esthétique baroque de Baz Luhrmann n’a évidemment rien à voir avec la mise en scène limpide et dépouillée de Martin Faucher. Mais dans Moulin rouge, il est également question d’un homme de pouvoir (le duc) qui tente par tous les moyens de se faire aimer de la belle courtisane, dont le coeur appartient pourtant au pauvre poète. Le parallèle se trouve dans la haine que l’on peut éprouver à l’égard de celui qui, par jalousie et par possessivité, tente d’écraser un couple d’innocents et de se venger d’un désir refusé. Il s’arrête là, bien entendu, puisque le Néron de Benoît McGinnis, bien qu’il soit détestable, parvient tout de même à susciter ne seraitce qu’une étincelle de sympathie, sans doute attribuable au jeune âge du personnage et à la connaissance que nous avons de sa vertu antérieure. Évoluant dans un décor qui ressemble davantage à un fond de ruelle qu’à un palais romain, le monstre naissant a le look et les manières d’un petit leader cocaïnomane qui tente d’imposer le respect par la terreur. S’il n’était investi d’un pouvoir souverain, son entourage serait peut-être tenté de lui dire d’aller se rhabiller. Son rival Britannicus, sous les traits angéliques de Maxime Denommée, attire au contraire une honnête sympathie. Quant à la belle Junie, elle est d’une intégrité et d’un altruisme qui ne se démentent jamais, si bien qu’elle alimente la haine qu’on a à l’égard de celui qui tente de la posséder contre son gré. Voilà pour le triangle. Dominique Quesnel incarne une Agrippine implacable, complètement dénuée d’amour maternel pour celui qu’elle a pourtant fait monter sur le trône, en assassinant son propre mari. L’actrice la joue à la fois masculine et sexy, comme pour justifier son inextinguible soif de pouvoir, assez rarement associée au tempérament féminin. Dans la catégorie des truands, Sébastien Dodge interprète un Narcisse démoniaque à souhait. Ses motivations demeurant secrètes, l’hypocrite conseiller de Néron et de Britannicus apparaît comme la plus pure personnification du mal. Pour le rapprocher de cette belle galerie de personnages, Martin Faucher invite le public sur la scène du Théâtre Denise-Pelletier. On y a installé des gradins. Les comédiens jouent contre le mur du fond, qui reçoit leurs ombres plus grandes que nature grâce aux efficaces éclairages d’Étienne Boucher. L’intimité est réussie et permet une excellente réception du texte. .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... . . BRITANNICUS, de Jean Racine. Mise en scène : Martin Faucher. Avec : Maxime Denommée, Benoît McGinnis, Dominique Quesnel, Geneviève Alarie, Philippe Cousineau, Sébastien Dodge, Chantal Dumoulin et Denis Gravereaux. Décor : Jonas Veroff Bouchard. Costumes : Denis Lavoie. Éclairages : Étienne Boucher. Ambiance sonore : Pednô. Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu’au 24 février. Montréal connaît jusqu’à maintenant un hiver théâtral exceptionnel. À preuve, presque tous les spectacles présentement à l’affiche bénéficieront de supplémentaires. Allons-y dans l’ordre. La Compagnie Jean Duceppe offre une matinée de Petit Déjeuner compris le dimanche 5 février, à 14 h 30, et une dernière représentation en soirée, le vendredi 10 février à 20 h. Le remarquable Tout comme elle ajoute à son calendrier deux représentations le samedi 4 février (15 h et 20 h) et tient l’affiche cinq soirs de plus, du 7 au 11 février. Sachez aussi qu’il y a de très fortes chances que ce spectacle mettant en scène 50 femmes soit présenté à Québec, au printemps, dans le cadre du Carrefour international de théâtre. Au TNM, on annonce six supplémentaires du triomphal Malade imaginaire, du 14 au 18 février (deux représentations le samedi 18, à 15 h et à 20 h). Britannicus, qui a pris l’affiche du Théâtre Denise-Pelletier la semaine dernière seulement, prolonge déjà de deux soirs, le mardi 21 février, à 19 h, et le vendredi 24 février, à 20 h. Finalement, L’Espace Go programme une semaine de supplémentaires de La Promesse de l’aube, dont les représentations régulières se terminent le 4 février. Mais il faudra attendre le 23 juin avant de revoir cette adaptation du roman de Romain Gary. Activités au CEAD Pas moins de 20 acteurs, dont Annick Bergeron, Emmanuel Bilodeau, Réal Bossé, Henri Chassé, Benoît Girard, Julie LeBreton, Hélène Loiselle, Gilles Pelletier et Monique Spaziani, s’adonneront à une lecture publique, au Théâtre La Licorne, ce soir, 19 h. Celle-ci fait suite à la résidence de traduction tenue par le Centre des auteurs dramatiques (CEAD) en septembre dernier. L’auteur, acteur et metteur en scène québécois Michel Monty a traduit une pièce de l’auteur et metteur en scène irlandais Owen McCafferty. Scenes From The Big Picture trace le portrait d’une journée à Belfast, à travers les vies de 21 personnages. Entrée libre. Renseignements et réservations : 514 288-3384, poste 221. Le CEAD a aussi dévoilé ses levers de rideau du mois de février. Il y en aura cinq, dont une seule à Montréal. Philippe Soldevila lira un extrait d’Émilie ne sera plus jamais cueillie par l’anémone, de Michel Garneau, avant la représentation de Bhopal à Espace Libre, le mercredi 8 février. Les autres lectures auront lieu à Sherbrooke, Québec, Ottawa et Vancouver. Rappelons que le projet de levers de rideau marque le 40e anniversaire du CEAD. Au Québec et dans plusieurs villes canadiennes, jusqu’en septembre 2006, 40 extraits tirés de 40 textes seront lus par 40 directeurs artistiques de 40 compagnies théâtrales. Jules Verne et la mondialisation Une jeune compagnie, Le Vieux Coffre, s’inspire du roman de Jules Verne, Le Tour du monde en 80 jours, pour créer une pièce de théâtre destinée à un public âgé de 12 ans et plus. L’auteur visionnaire du XIXe siècle, téléporté en 2006, se demande combien de temps Phileas Fogg mettrait, aujourd’hui, à parcourir le monde. La réponse de Valérie Beaulieu et David Pelletier, adaptateurs de l’oeuvre ? Quatre jours ! Une équipe de cinq comédiens nous en feront la démonstration par un mariage de jeu ludique, de théâtre d’objets et de théâtre de marionnettes. Avec ce spectacle, les jeunes créateurs du Vieux Coffre souhaitent sensibiliser le public aux réalités d’aujourd’hui que sont le choc des cultures, la tolérance, la disparition des barrières géographiques, l’accélération de l’information, etc. Le Tour du monde en quatre jours est à l’affiche de la Salle Fred-Barry du 31 janvier au 18 février. Réservations: 514 253-8974. ENTRÉE EN SCÈNE > Bhopal, Espace Libre, 31 janvier au 18 février > Le Tour du monde en quatre jours, Salle Fred-Barry, 31 janvier au 18 février > Hellfire Pass, Théâtre Centaur, 31 janvier au 26 février > La Chambre d’amis, Salle Jean-Claude Germain, 2 au 25 février > A Doll House, Centre SaidyeBronfman, 5 au 25 février .