RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE La crise politico-sécuritaire a eu des conséquences néfastes sur la situation urbaine de la RCA. Elle a détérioré les perspectives pour un développement durable des villes, en raison, notamment, de son incidence sur le plan humain, avec un nombre élevé de décès et de personnes déplacées, de la destruction du tissu social et économique, et de l’affaiblissement des capacités de l’État. Ainsi, selon l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés, environ 25 % de la population centrafricaine a été déplacée à l’intérieur du territoire depuis le début de la crise, avec une profonde fracture ethnico-religieuse. Aussi est-il aujourd’hui extrêmement difficile de s’appuyer sur la situation d’avant la crise pour procéder à des projections sur la dynamique urbaine et la soutenabilité des villes dans le contexte centrafricain actuel. Avant le déclenchement de la crise, l’urbanisation, estimée à 38 % pour l’ensemble de la RCA, était déjà relativement limitée et essentiellement concentrée à Bangui. Au moment de la crise de 2013, la capitale comptait près d’un million d’habitants (soit environ 10 000 habitants/km²), tandis que les autres villes considérées comme urbaines avaient moins de 100 000 habitants ‒ à l’exception de Bimbo, avec environ 180 000 habitants. Plusieurs villes considérées comme urbaines ne se distinguent des agglomérations rurales que par la présence des services de l’administration publique, ce qui en fait les chefs-lieux de préfecture, et par celle des infrastructures scolaires et sanitaires. La RCA connaît donc une situation de macrocéphalie urbaine, caractérisée par l’absence de villes intermédiaires entre la première ville urbaine et le reste du réseau urbain. Par conséquent, seule Bangui a réellement retenu l’attention dans le traitement de la problématique de l’urbanisation en RCA et des enjeux liés au développement des villes durables. Dans les faits, plusieurs facteurs ont contribué à la faible urbanisation en RCA : faible densité de la population, manque de dynamisme de l’économie combiné à une absence de transformation structurelle, déficience des infrastructures de transport sur un territoire vaste et fortement enclavé, récurrence de crises et de conflits armés depuis l’indépendance du pays, etc. Ainsi, dotée d’une superficie de 623 000 km² et d’une population d’environ 4 millions d’habitants, la RCA présente l’une des plus faibles densités d’Afrique avec 7 habitants/km² contre une moyenne de 38 habitants/km² ailleurs sur le continent. Le pays connaît par ailleurs une grande dispersion démographique : à l’est, un « désert humain » avec moins de 1 habitant au km², au centre des densités intermédiaires de 4 à 5 habitants au km² et, à l’ouest, une zone de concentration ne dépassant toutefois pas 12 habitants au km². Pour remédier au problème de développement urbain en RCA, les gouvernements successifs avaient, au cours de ces dernières années, adopté, avec l’appui de l’Union européenne, une stratégie pour promouvoir des pôles de développement avec la création d’un ministère en charge de ces questions. Il s’agit en fait de promouvoir certaines agglomérations urbaines grâce au développement des activités économiques, en ciblant notamment les régions disposant de ressources naturelles importantes et susceptibles d’agglomérer des zones pour dépasser plus de 100 000 habitants. Ces dernières décennies, l’urbanisation de Bangui, qui a fait l’objet de plusieurs études1, s’est caractérisée par une accentuation de l’occupation anarchique des sols sous l’effet de l’évolution de la démographie, mais sans une véritable planification urbaine. De nombreux schémas d’urbanisme ou plans d’aménagement ont certes vu le jour depuis la création de la capitale, mais ils n’ont pratiquement jamais guidé le développement urbain, entraînant ainsi l’expansion des quartiers non lotis. La ville de Bangui, fondée en 1889, a ainsi vu sa population passer de 80 000 habitants en 1960 à 622 771 habitants en 2003, date du dernier recensement, et sa superficie de 22.56 km² à 92.50 km² au cours de la même période. Cette dynamique urbaine, sans véritable lien avec celle de l’économie et de sa transformation structurelle, n’est pas sans poser des problèmes de durabilité pour l’agglomération de Bangui, en raison notamment de sa © BAfD, OCDE, PNUD 2016 ST REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 2016.indd 1 Perspectives économiques en Afrique 20/05/16 16:26 configuration géographique et de l’absence ou de l’inadéquation des infrastructures par rapport aux besoins des habitants. En effet, riveraine du fleuve Oubangui, confluent du Congo, la capitale, dont le sol est très argileux et limoneux, compte de nombreuses zones marécageuses, avec des risques d’inondation dus au ruissellement pluvial. Ces dangers sont d’autant plus probables que plus de 65 % de la zone construite est occupée par un habitat spontané assez dense près du centre-ville. L’urbanisation galopante pose de véritables défis pour les conditions de vie et la mise en place d’un cadre d’habitation sain. Aussi, avec la multiplication des problèmes liés aux personnes déplacées et à la constitution des camps de réfugiés dans la zone urbaine de la capitale, les autorités de transition ont récemment entrepris, avec le soutien des PTF et en particulier de la Banque africaine de développement, l’élaboration d’un nouveau plan d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Bangui. Ce nouveau plan urbain, qui remplacera celui de 1971, vise en particulier à i) localiser les zones futures d’urbanisation et les actions importantes à engager dans les quartiers existants ; ii) préciser le tracé et les caractéristiques des principales voies de circulation ; iii) localiser les grands équipements d’infrastructures et de superstructures dont l’implantation ne peut s’improviser ; et iv) identifier et localiser les espaces naturels à protéger et/ou à mettre en valeur. Notes 1. Voir par exemple Mossoa L. (2014), Où en est l’urbanisation en Centrafrique, L’Harmattan ; Nguimalet C. R. (2007) « Population et croissance spatiale : diagnostic et implications pour une gestion urbaine de Bangui », Document LACCEG, Université de Bangui. Perspectives économiques en Afrique ST REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 2016.indd 2 © BAfD, OCDE, PNUD 2016 20/05/16 16:26