Partager la souffrance

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FAMILLE DU CŒUR DE DIEU
4 novembre 2007
Partager la souffrance
« Si un membre souffre, tous les membres partagent
sa souffrance. » (I Co 12,26)
Qui n’a pas fait l’expérience de la souffrance ? Réalité mystérieuse à laquelle
personne n’échappe - pas même Dieu -, elle est dans notre existence ce que
l’ombre est à la lumière. Sa présence interroge jusqu’à l’angoisse et la révolte.
Profondément contraire au bonheur auquel nous aspirons, elle est injustifiable,
scandaleuse et inhumaine. Alors pourquoi est-elle à ce point chevillée à notre
existence ? Pourquoi la vie et l’amour ne peuvent-ils se développer sans elle ?
L’absurdité de la souffrance et du mal ne laisse personne indifférent. Devant ce
mystère incompréhensible et insoluble à l’intelligence humaine, la véritable
question n’est pas de se demander pourquoi la souffrance existe – c’est une
question qui n’aura jamais de réponse – mais plutôt comment donner sens à une
réalité qui n’a aucune valeur en elle-même. Le dynamisme de notre vie dépend
essentiellement de la façon dont nous nous situons devant la souffrance et de ce
que nous en faisons. La souffrance est là. Qu’on le veuille ou non, elle fait partie
de notre environnement, de notre existence terrestre et de notre condition de
créature tout comme la vie ou l’air que nous respirons. Plutôt que de philosopher
à son sujet, demandons-nous comment vivre avec elle de telle sorte qu’elle ne
soit plus négative, écrasante et insupportable, mais positivement intégrée à la
construction de notre humanité et de notre dignité de fils bien-aimé du Père.
Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé
Dieu lui-même n’a pas été épargné par la souffrance. Le côté transpercé de Jésus
au Calvaire nous en révèle toute l’intensité et le réalisme. Il n’y a qu’à regarder
vers lui pour s’en convaincre. La façon dont le Seigneur s’est fait solidaire de
notre souffrance est l’unique réponse qu’il propose à celui qui cherche un sens à
sa souffrance. Comme l’écrit Paul Claudel :
« Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance. Il n’est même pas
venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence. »
En devenant l’un de nous, Jésus a assumé toute la réalité humaine. Il n’a pas
esquivé la souffrance, mais au contraire il a fait le choix de la vivre avec nous par
amour pour nous. Ce faisant, il a rempli la souffrance humaine de sa présence et
lui a conféré une valeur inestimable, celle de l’amour extrême : « Il n’y a pas de
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plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15,13) Jésus
transforme ainsi la réalité absurde et inhumaine de la souffrance en une réalité
digne de l’homme et porteuse de vie, capable de manifester l’amour le plus grand.
Mieux encore, le Seigneur nous invite à partager avec lui et comme lui ce qu’il a
choisi de partager avec nous afin que notre souffrance unie à la sienne soit riche
de la fécondité de son amour, contribue à la rédemption du monde et nous assure
d’être avec lui dans la gloire auprès du Père:
« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne
sa croix chaque jour et qu’il me suive (Lc 9,23)… Et là où je suis, là
aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera (Jn
12,26). »
Pour l’avoir expérimenté dans sa chair, Jésus sait combien la souffrance fait mal.
Il nous aime trop pour nous abandonner seuls face à elle. Il sait combien elle est
destructrice et insupportable quand elle est vécue dans la solitude et sans
possibilité de partage. Mais il en connaît le prix quand elle est vécue avec amour
et par amour. Il n’y a que l’amour pour lequel et avec lequel on l’assume qui
puisse donner sens, valeur et grandeur à la souffrance. Afin que celle-ci ne soit
pas perdue, Jésus nous propose de la vivre avec lui et d’en faire une occasion
d’aller jusqu’au bout de la confiance, de l’amour et du don. Relisons dans cette
perspective la parabole du bon Samaritain en Lc 10,29-38.
Dieu, bon Samaritain de l’homme
Cette parabole est celle qui décrit le mieux l’attitude de Dieu face à l’humanité qui
souffre, quelle que soit l’origine de son malheur :
« J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu son cri, je connais sa
souffrance… Je suis descendu pour le délivrer. » (Ex 3,7)
Dans le bon samaritain agenouillé près de l’homme à demi-mort et seul face à sa
détresse, nous reconnaissons sans peine Jésus partageant la souffrance des
hommes. Qu’il soit spirituel, moral ou physique, notre malheur le touche au coeur.
Il se fait immédiatement notre prochain, même quand nous ne pouvons plus crier
vers lui. L’Evangile nous en laisse de multiples exemples. Rappelons-nous
comment Jésus est bouleversé par la mort de son ami Lazare et la douleur de ses
sœurs. (Jn 11) Le moment venu, il n’hésite pas à les rejoindre pour partager leur
désarroi et susciter en elles la foi qui redonne la vie à Lazare. Pensons à la façon
dont Jésus interpelle Zachée et s’invite à sa table pour faire de lui, un voleur, un
homme heureux et généreux. (Lc 19,1-10) Il ne résiste pas au désespoir de la
veuve de Naïm qui enterre son jeune fils. Il arrête le cortège de la mort pour
rendre l’enfant à sa mère. (Lc 7,11-17). Il répond sans tarder aux appels au secours
qui lui parviennent de partout : la fille de Jaïre (Lc 8,40), l’aveugle de Jéricho (Lc
18,35). « Regarde mon fils (Lc 9,37) … Au secours, nous périssons ! (Lc 8,24) » etc.
Le Seigneur ne se contente pas d’accéder à nos demandes, il les précède : «Tes
péchés te sont pardonnés »… (Lc 5,20) « Veux-tu guérir ? » (Jn 5,6) etc. Jésus voit
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l’aveugle de naissance assis par terre et l’invite à se mettre en marche vers Siloë.
(Jn 9) C’est encore lui qui prend l’initiative de libérer Pierre du poids qui l’oppresse
après le reniement. (Lc 22,61 et Jn 21,15-17) Et combien d’autres exemples ! Il suffit
d’ouvrir l’Evangile pour s’en rendre compte.
Ce n’est pas d’abord la souffrance ou le mal qui attirent l’attention de Jésus, mais
l’homme qui souffre. Il se fait proche de lui, compâtit à sa détresse et lui porte
secours dans la mesure de ses possibilités. Jésus partage réellement la
souffrance des personnes qu’il rencontre ou qui viennent vers lui jusqu’à se livrer
à notre place :
« Déshonoré à cause de nos révoltes… Ce sont nos souffrances qu’il
a portées, ce sont nos douleurs qu’il a supportées… Dans ses
plaies se trouvait notre guérison. » (Is 53,4-5)
Le Seigneur ne vit pourtant pas ce partage à sens unique. De même qu’il ne nous
a pas laissés seuls face à la souffrance, de la même façon, il ne se résigne pas à
souffrir tout seul. Quand l’angoisse et la peur l’étreignent, quand le poids de la
détresse est trop lourd, il en fait part à ses amis. Il les associe à sa peine. Il
n’hésite pas à leur demander de le soutenir et à l’accompagner dans son
épreuve :
« L’un de vous va me livrer… (Jn 13,21-20) Mon âme est triste à en
mourir. Demeurez ici et veillez avec moi… (Mt 36-46)
« Toi aussi, fais de même. » (Lc 10,37)
En s’identifiant au bon samaritain, Jésus nous donne l’exemple : « Ce que j’ai fait
pour vous, faites-le vous aussi. » (Jn 13,15) Nous avons donc par amour pour lui à
adopter devant l’homme qui souffre la même attitude que lui. Mais parce qu’il est
également solidaire de l’homme blessé, il désire que nous nous comportions visà-vis des frères comme nous agirions en sa faveur :
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont
mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,40)
Par l’Incarnation du Fils de Dieu dans l’humanité, Dieu et l’homme sont
indissolublement liés en la personne de Jésus-Christ. Tout ce qui touche l’un
affecte l’autre. Ce que Paul traduit à sa façon quand il écrit :
« Vous êtes le corps du Christ – qui est la Tête de ce corps – et vous
êtes ses membres. Si un membre souffre, tous les membres – y
compris la Tête – partagent sa souffrance. » (I Co12, 26-27)
Cette communion entre le Christ et l’homme rend donc naturel et impératif le
partage des joies et des peines de chacun comme cela se fait en famille entre
parents et enfants. Se refuser à ce partage revient à se couper du corps.
Partager la souffrance du Christ
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Plutôt que de supprimer la souffrance, Jésus l’a transfigurée par son amour pour
en faire un chemin de vie et de résurrection. Il nous invite à prendre le même
chemin :
« Si quelqu’un veut venir à ma suite… qu’il prenne sa croix chaque
jour et qu’il me suive. » (Lc 9,23)
Le Seigneur nous associe ainsi à sa vie et à sa mission afin que nous puissions
collaborer avec lui au salut des hommes :
« Je trouve maintenant ma joie dans les souffrances que j’endure
pour vous et ce qui manque aux détresses du Christ, je l’achève
dans ma chair en faveur de son corps qui est l’Eglise. » (Col 1,24)
Dans cette perspective, partager la souffrance de Jésus c’est unir notre
souffrance à la sienne, la vivre et l’assumer avec les mêmes motivations que lui.
Partager la souffrance des hommes
Si nous partageons la souffrance du Christ, nous ne pouvons pas détourner notre
regard de l’homme qui souffre et encore moins ignorer sa détresse. Partager la
souffrance des hommes c’est comme Jésus avoir le courage de la regarder en
face et de nous faire proches de ceux qui peinent. C’est comme lui nous laisser
toucher par le mal qui les blesse, nous investir et payer de notre personne pour
les soulager. Il ne s’agit pas pour autant de souffrir à la place des autres, ni de
subir leurs caprices ou de nous laisser écraser par leur détresse, mais d’y prendre
notre part, à notre place, selon nos compétences et selon nos possibilités afin de
leur apporter une aide efficace et lucide. On ne peut pas répondre à tous les
appels à l’aide. Il est important de discerner les vrais besoins des besoins
imaginaires. La compassion n’est pas de la pitié. Partager la souffrance c’est
autant prendre part à la peine et aux épreuves de ceux qui nous entourent que de
faire part de sa souffrance – sans qu’elle pèse sur eux – à ceux qui peuvent nous
aider à l’affronter.
Partager sa souffrance
On partage plus facilement la souffrance des autres que la sienne. Que de
drames et de souffrances inutiles pourraient être évités si nous étions assez
simples pour nous en ouvrir ! Nous peinons à partager nos souffrances ou nos
problèmes parce que nous craignons de peser sur notre entourage. Nous avons
peur de peiner ceux qui nous sont proches ou de leur causer du souci. Il n’est
jamais facile de dévoiler ses faiblesses, ses larmes, son découragement par
crainte d’être jugé par ceux qu’on aime ou mal compris. Il faut beaucoup de
confiance mutuelle, d’amitié et d’humilité pour oser exprimer ses angoisses, ses
craintes, ses incertitudes, son péché etc. Il est difficile d’admettre que nous avons
besoin d’être aidé et soutenu dans l’épreuve, de constater que l’on ne peut pas
s’en sortir tout seul. L’attitude de Jésus en ce domaine ne peut que nous
encourager à le faire. Mais encore faut-il bien choisir celle ou celui qui reçoit nos
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confidences. Cette personne doit être fiable, discrète et capable d’assumer ce
qu’elle entend. Partager sa souffrance est le plus beau cadeau que l’on puisse
faire à quelqu’un, le cadeau de la confiance.
P. Henri Caldélari msc
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