PHYSIQUE CELLULAIRE Introduction à la Neurobiologie -1Principes généraux de fonctionnement du système nerveux Jean-Pierre HENRY 4 Février 2010 Neuroscience: un exemple d’interface physique-biologie • La grenouille est disséquée avec la moelle épinière attachée aux nerfs cruraux • Un long fil métallique sert d’antenne ( voir le site http://www.ampere.cnrs.fr/) • Entre 1780 et 1790, Luigi Galvani, anatomiste à Bologne, observe qu’une machine électrostatique déclenche à distance la contraction des muscles d’une cuisse de grenouille Neuroscience: un exemple d’interface physique-biologie • Le même phénomène est observé lorsque la machine électrostatique est remplacée par l’électricité atmosphérique (foudre), mais … Neuroscience: un exemple d’interface physique-biologie Galvani conclura à l’existence d’une « électricité animale » • Les mêmes contractions sont observées avec un crochet de cuivre dans la moelle et les cuisses sur une plaque de fer Neuroscience: un exemple d’interface physique-biologie • • • • Ce fut le début d’une controverse de 10 ans avec Alessandro Volta, physicien à Pavie, pronant « l’électricité métallique » Il remplaça la cuisse de grenouille par du carton mouillé par une solution saline et montra l’électrisation de son électromètre Dans l’expérience de Galvani, la cuisse sert d’électromètre Mais, il existe bien une « électricité animale » détectée par l’électromètre de Volta Neuroscience: un exemple d’interface physique-biologie • Un courant électrique a des effets physiologiques • Les effets physiologiques sont dus à une « électricité animale » • La controverse a bénéficié à la physique puisqu’elle a permis la découverte de « l’électricité métallique » et celle des piles électriques « L’électricité animale » Le neurone Les signaux électriques La cellule nerveuse est le neurone • Le neurone est une cellule très ramifiée : neurites • Les neurites contactent d’autres neurones (ou un muscle) au niveau de synapses • On distingue l’axone et les dendrites • Les phénomènes électriques (influx nerveux) se propagent depuis les dendrites vers l’axone • L’axone se caractérise par la présence de « vésicules synaptiques » Biologie cellulaire du neurone Vésicules synaptiques au niveau amont (axone, présynaptique) • Épaississement au niveau aval (dendrites, post synaptique) • L’axone a un cytosquelette polarisé, riche en microtubules et en moteurs assurant le transport des vésicules • A la terminaison, il y a des mitochondries et une synthèse protéique locale • Exemples de neurones du cerveau • Neurones pyramidaux du cortex cérébral de souris exprimant la GFP. En rouge, marquage de neurones à GABA (interneurones) • Neurones du même type marqués par un anticorps contre le cytosquelette (neurofilaments) • On distingue l’axone plus fin et sans ramifications Autre exemple de neurone: cellule de Purkinje (cervelet) • Le cervelet comporte uniquement 5 types de neurones • Le cellule de Purkinje a des dendrites arborescents, très caractéristiques • Première coloration par AgNO3 (réaction de Golgi) • Première description par Ramon y Cajal • Prix Nobel à Golgi et Cajal, en 1906 Bases de l’électrophysiologie Les signaux électriques des neurones Potentiel local • On utilise l’axone d’un neurone isolé • On mesure la ddp entre intérieur et milieu à deux sites distants de 2 mm • Au repos, la ddp est d’environ - 70 mV (potentiel de repos) • On injecte du courant (dépolarisant ou hyperpolarisant) sous forme de pulses • On observe une variation gradée et locale du potentiel de repos • L’effet s’amortit très vite avec la distance (Kuffler et Nicholls, From Neuron to brain) Potentiel d’action • Sur le même neurone et avec le même montage, on voit une faible dépolarisation avec modification du potentiel local • Au delà d’un seuil, la dépolarisation produit un phénomène plus important: le potentiel d’action • C’est du tout ou rien, pas de rapport entre le pic et l’intensité du pulse • Propagation sans amortissement sur toute la longueur de l’axone dans les deux sens Potentiel local, potentiel d’action • Même expérience • A) un potentiel de repos (- 70 mV) est mesuré • B) des pulses dépolarisants modifient le potentiel de repos, sous un seuil • Au delà, apparition d’un potentiel d’action • C) dans le sens de l’hyperpolarisation, pas de potentiel d’action Le système nerveux fonctionne avec ces deux types de codage électrique D’où vient la complexité du cerveau avec si peu de diversité des signaux? Comment sont articulés les neurones? L’arc réflexe, un circuit neuronal court -1• • • • • Dans le muscle, il y a des neurones sensitifs afférents avec des récepteurs sensibles à l’élongation Un stress modifie le potentiel local (dépolarisation) Quand le seuil est atteint, on a un potentiel d’action Il se propage vers le corps cellulaire, puis dans l’axone On a un potentiel d’action présynaptique L’arc réflexe, un circuit neuronal court -2• Entre le neurone afférent et le motoneurone efférent, il y a une synapse • Un neurotransmetteur est libéré qui déclenche la dépolarisation du corps cellulaire du neurone moteur • Un potentiel d’action est engendré qui va dans l’axone L’arc réflexe, un circuit neuronal court -3• A l’extrémité du motoneurone, il y a une synapse: la jonction neuromusculaire • La libération du neurotransmetteur déclenche la contraction musculaire • Selon le neurotransmetteur et ses récepteurs, l’effet est de dépolariser ou d’hyperpolariser le postsynaptique L’arc réflexe, un circuit neuronal court -4• Le neurone bleu excite les neurones rouge et jaune • Le neurone jaune inhibe le neurone rouge • Il y a des synapses « excitatrices » et « inhibitrices » Plasticité des circuits neuronaux • C’est la modulation du potentiel local qui conditionne l’apparition du potentiel d’action • Au niveau de l’entrée dans le circuit, c’est l’intensité et la durée de l’élongation qui sont codées en potentiel d’action • Le point sensible des réseaux est la synapse: le neurotransmetteur libéré en amont modifie le potentiel local post-synaptique • Il y a des synapses excitatrices et inhibitrices • Il y a de nombreux mécanismes capables de renforcer ou d’affaiblir une synapse Codage de l’excitation • La stimulation produite par l’élongation est traduite en un signal électrique, le potentiel du récepteur • Quand celui-ci atteint la valeur seuil, il y a un potentiel d’action • Au delà, l’intensité et la durée sont traduites par un train de potentiels d’action Exemples de synapse: la jonction neuromusculaire • La contraction musculaire est induite par une stimulation par les motoneurones • Un neurone peut stimuler 1 000 fibres (pour une jonction) • Le neurotransmetteur est l’acétylcholine (Ach), stockée dans des vésicules synaptiques • L’Ach libérée par fusion des membranes vésiculaires et plasmique se fixe sur des récepteurs post-synaptiques • Cela déclenche l’ouverture de canaux ioniques et la dépolarisation du muscle (Kandel et Schwartz) Exemple de synapse axo-dendritique • Entre deux neurones, le contact s’effectue entre l’axone du neurone amont et les dendrites ou le corps cellulaire du neurone aval • Morphologiquement, la synapse est identifiée par la présence des vésicules synaptiques et la proximité des deux cellules • Entre les deux, fente synaptique (environ 50 nm) Ultrastructure de synapses • Les vésicules synaptiques et la fente synaptique sont visibles • La terminaison est riche en mitochondries (énergie) Différents types: synapses « en passant » • Ces synapses sont présentes dans l’innervation des organes autonomes (cœur, vaisseaux,..) • L’axone est très ramifié et il comporte des varicosités avec les vésicules • Souvent, il n’y a pas de contact: les synapses arrosent des régions Synapses entre neurones • La synapse peut être entre l’axone et le corps cellulaire • Entre l’axone et les dendrites • Entre deux axones Structure de la synapse axo-dendritique • Synapse fréquente dans le cerveau • Il y a une spécialisation du neurone cible: l’épine dendritique L’efficacité d’une synapse est contrôlée par le réseau • Considérons la synapse a-b (axo-somatique) • Deux neurones contactent la terminaison (axo-axonique) • Selon leur neurotransmetteurs et les récepteurs cibles, ils inhibent (c1) ou ils facilitent la libération • De même, le neurone axosomatique d, peut hyperpolariser la cellule Complexité des réseaux neuronaux • La complexité n’est pas dans la nature des signaux électriques • Elle est dans l’organisation des réseaux • Elle est dans la signalisation chimique au niveau de la synapse • Selon le neurotransmetteur et ses récepteurs, on a des synapses excitatrices ou inhibitrices • Un neurone peut recevoir 10 000 synapses, qui modulent le potentiel local • Le cerveau a une « horloge » lente: de l’ordre du kHz Complexité des circuits neuronaux: le cerveau Organisation et plasticité (Changeux, Décembre 2009) Certains circuits paraissent simples: le cervelet • Le cervelet contiendrait 50% des neurones du cerveau, avec seulement 5 types de neurones • Organisation très répétitive (cristal!) • Le rôle serait de comparer l’action et l’intention Origine de la complexité des réseaux • Origine génétique? • Origine épigénétique? La complexité du cerveau n’est pas génétique (Changeux, Décembre 2009) Cerveau et plasticité • • • • Plasticité et développement Plasticité et neurogénèse du cerveau adulte Plasticité à court terme Plasticité et évolution Cerveau et plasticité • • • • Plasticité et développement Plasticité et neurogénèse du cerveau adulte Plasticité à court terme Plasticité et évolution Développement du cerveau humain • La taille du cerveau augmente beaucoup (x 5) après la naissance et le nombre des neurones augmente peu • C’est la connectivité qui augmente Modèle de la stabilisation sélective • On a une connectivité maximale au cours de la croissance, puis une stabilisation sélective • Des chatons dont on occulte les yeux à un stade précoce deviennent aveugles Cerveau et plasticité • • • • Plasticité et développement Plasticité et neurogénèse du cerveau adulte Plasticité à court terme Plasticité et évolution Neurogénèse dans le bulbe olfactif de souris adulte • On injecte un retrovirus codant pour la GFP dans la niche des cellules souches (zone sous ventriculaire) • Seules les cellules se divisant expriment la GFP • Elles migrent selon une voie définie: Rostral migratory stream • Elles s’incorporent dans le bulbe olfactif (Ortega-Perez et al (2007) J Mol Hist,38, 555) Neurogénèse adulte et cellules souches • Dans deux régions du cerveau, il existe des cellules capables de se diviser ou d’évoluer en neurones • Les cellules neuronales migrent selon une voie bien définie • Elles s’intègrent ensuite dans les circuits neuronaux de l’olfaction Cerveau et plasticité • • • • Plasticité et développement Plasticité et neurogénèse du cerveau adulte Plasticité à court terme Plasticité et évolution La morphologie des réseaux est plastique • Des épines dendritiques (synapses axo-dendritiques) peuvent apparaître sur des neurones de l’hippocampe stimulés pendant 10 min en culture • Rôle dans la mémoire? (Segal, 2005, Nature reviews Neuroscience,6, 277) La complexité des réseaux neuronaux empêche-t-elle leur compréhension? • L’organisation fonctionnelle est souvent soustendue par une organisation structurale: • Il existe des aires fonctionnelles dans la définition desquelles les connaissances sont de plus en plus précises • Un certain nombre de méthodes permettent une imagerie fonctionnelle Les aires visuelles: données anatomiques • A l’arrière du cerveau (cortex occipital), il y a deux aires visuelles (17) • Les aires visuelles reçoivent une image de la rétine • Cette image est composée des demi champs visuels de chaque œil • Ces données sont obtenues sur un singe anesthésié, avec des électrodes dans l’aire visuelle Principe de l’imagerie fonctionnelle • L’activation neuronale nécessite de l’énergie • On a une augmentation du flux sanguin, de la consommation de glucose • La déoxyhémoglobine diminue le signal RMN • La stimulation diminue la déoxyhémoglobine et augmente le signal • Il y a marquage des aires visuelles BOLD fRMI (Blood Oxygen Level Dependent functional RMI) Cerveau et plasticité • • • • Plasticité et développement Plasticité et neurogénèse du cerveau adulte Plasticité à court terme Plasticité et évolution Aire de la lecture • On démontre l’existence d’une aire spécialisée dans la lecture (occipito-temporale gauche) • L’information passe de l’aire visuelle a des aires plus spécialisées • La lésion de l’aire supprime spécifiquement la lecture • D’autres aires sont impliquées dans la reconnaissance: visages, objets,… (Dehaene et Cohen (2007)Neuron,56, 384) Evolution « culturelle » des circuits neuronaux • L’histoire de la lecture a 6 000 ans • Ce délai est trop court pour l’évolution: la construction des neurones de la lecture ne peut pas s’être faite dans une période si courte • S Dehaene et L Cohen proposent l’hypothèse du recyclage de circuits primitifs • C’est une nouvelle facette de la plasticité des circuits neuronaux sur une échelle de temps longue Conclusion • La compréhension des circuits neuronaux du cerveau fait des progrès rapides • Ces progrès impliquent des neurobiologistes, des psychologues et des physiciens • Malgré les progrès, des efforts restent à faire en imagerie: fRMI, résolution temporelle et spatiale, arrivée de la dRMI • Utilisation de la diffusion anisotropique des molécules d’eau le long des axones myelinisés •Repérage des axones longs reliant des aires différentes