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Français 1re – Livre du professeur
Séquence 1
Le « théâtre dans le théâtre », du XVIIe siècle à nos jours p. 149 (ES/S et Techno)
p. 151 (L/ES/S)
Problématique : Qu’est-ce que l’illusion théâtrale ? Quels sont les rapports entre illusion et réalité
au théâtre ? Quels sont les rôles de l’auteur, du metteur en scène et des comédiens dans la création
de cette illusion ?
Éclairage : Il s’agira de définir ce qu’est une représentation théâtrale, et ainsi de préciser la place de l’illu-
sion et celle de la réalité. Il conviendra aussi de distinguer le personnage du comédien et d’en saisir toutes
les conséquences. Enfin, nous pourrons définir le genre de l’« impromptu » et en dégager les enjeux.
Texte 1 – Pierre Corneille, L’Illusion comique
(1636)
p. 150 (ES/S et Techno) p. 152 (L/ES/S)
OBJECTIFS ET ENJEUX
– Définir les conditions de la représentation théâtrale.
– Montrer en quoi consiste l’illusion théâtrale.
– Dégager les enjeux de ce procédé qu’on appelle
« le théâtre dans le théâtre, et ses rapports avec le
baroque.
LECTURE ANALYTIQUE
Dans l’Examen (1660) de la pièce, Corneille écrit :
« Le cinquième (acte) est une tragédie assez courte
pour n’avoir pas la juste grandeur que demande
Aristote et que j’ai tâché d’expliquer. Clindor et Isa-
belle, étant devenus comédiens sans qu’on le sache,
y représentent une histoire qui a un rapport avec la
leur et semble en être la suite. Quelques-unes ont
attribué cette conformité à un manque d’imagina-
tion, mais c’est un trait d’art pour mieux abuser par
une fausse mort le père de Clindor qui les regarde, et
rendre son retour de la douleur à la joie plus surpre-
nant et plus agréable ». Le « trait d’art » consiste donc
à créer l’illusion pour mieux la dissiper en suscitant
une émotion fondée sur la surprise et le plaisir. La
formule classique qui mêle l’instruction et le divertis-
sement est donc déjà bien présente dans cette pièce
éminemment baroque de Corneille.
La magie du théâtre
On remarquera d’abord que le rideau se « relève »
(l. 1) au moment où l’illusion va se dissiper ! On
attendrait plutôt l’inverse : l’illusion se dissipe quand
le rideau se baisse et que la représentation théâtrale
cesse ! N’y aurait-il pas là, par un retournement qui
caractérise le baroque, l’idée que le théâtre, fondé
sur l’illusion, est le genre qui la dissipe le mieux ;
mais si le rêve est la réalité, la réalité peut se révéler
un songe, tout aussi bien ! L’étonnement (au sens du
XVIIe siècle, c’est-à-dire comme frappé par le ton-
nerre) de Pridamant est d’abord marqué par la ques-
tion initiale : « Que vois-je ? » (v.3). Cette interroga-
tion partielle est immédiatement suivie par sa
réponse, elle-même sous forme de question : « Chez
les morts compte-t-on de l’argent ? ». L’étonnement
est traduit par ce fort contraste entre deux « mondes »
opposés : celui des morts, et celui des vivants méto-
nymiquement représenté par l’argent. La seconde
réplique du père le souligne encore plus : trois excla-
mations se succèdent dans un même alexandrin :
« Je vois Clindor ! ah Dieux ! quelle étrange surprise ! »
(v.5). La remarque ironique d’Alcandre devrait rame-
ner Pridamant à la réalité (v.4) puisqu’elle marque
une rupture de registre et souligne la réalité quasi
sordide du comptage de la recette. Mais Pridamant
est si étonné que cette illusion ne se dissipera vrai-
ment qu’au vers 21, marqué lui aussi encore par
l’exclamation et un alexandrin réduit à l’hémistiche :
« Mon fils comédien ! ». Pridamant parle de «charme»
au vers 7 (voir le sens de ce mot au XVIIe siècle dans
«Vocabulaire»). Comment se traduit ce sortilège ?
D’abord, on voit des morts qui se livrent à des tâches
de vivants. Leurs « discords » (v. 7) sont effacés
en « un moment », comme par magie. D’où cette
« étrange surprise » (v.6), étrange au XVIIe siècle ayant
un sens plus fort qu’aujourd’hui et signifiant : hors
des conditions où l’on vit habituellement, extraordi-
naire. Tout cela est impossible dans la réalité, alors
que c’est justement la réalité (parce que l’illusion a
été prise pour la réalité avant). Ainsi si on se laisse
prendre par l’illusion théâtrale, on se retrouve inca-
pable de reconnaître la réalité, la réalité devient
« étrange », après. Serait-ce une mise en garde ?
(Mise en garde d’ailleurs démentie ensuite dans le
discours d’Alcandre, le faux magicien dont l’ironie
mordante ramène les choses à leur juste propor-
tion). Le quiproquo cesse quand Pridamant com-
prend que son fils est comédien (v.21), autrement
dit quand le père comprend qu’il faut dissocier le
comédien du personnage : le comédien n’est pas le
personnage, il le joue (cette distinction conduira aux
réflexions de Diderot (p. 164 ES/S et Techno / p.166
L/ES/S) et Brecht (p. 166 ES/S et Techno / p.168
L/ES/S) sur l’art du comédien. Alcandre s’acharne à
détruire l’illusion, la magie (voir le vers 10, où
« poème », dans le premier hémistiche, entre en
résonance avec « pratique », dans le second). Jouer
sur le théâtre est d’abord un moyen de gagner sa
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