Mon cœur a des crocs. Déchiqueteur d’amour, il mord…Déshabilleur d’étoiles, il lacère leurs voiles qui chutent en lambeaux dans la voie lactée… Cric ! …Crac ! …Croc ! … Mon cœur a des crocs. Il casse les reins aux aiguilles du temps : tic…Cric ! tac…Crac ! tic…Crac ! tac…Cric !… Le temps s’immobilise… Et voilà que les corporels assauts s’émeuvent d’une verdeur vertigineuse ! Le coup de rein renaît sous la morsure du coup de dent ! Mon cœur a des crocs. Mon cœur a des roulis Et se rit des tangages. Sans boussole, au gré de ses errances sur le dos d’océans sans limites, il guette le halo de l’Espérance et prétend assécher les mers des injustices et des violences. Mon cœur a des roulis : il rend gorge devant la laideur du monde ! Mon cœur se rit des tangages : en abeille butineuse, il survole les vagues et déverse du miel sur les lèvres meurtries des naufragés mal-aimés. Mon cœur a quatre mains. Mon cœur a quatre pieds. Ses mains se tendent. Est-ce vain ? Ses pieds arpentent le chemin…hier… aujourd’hui… demain. Est-ce vain ? Mon cœur a quatre mains : avec avidité, il quête l’amitié… Mon cœur a quatre pieds : il marche, ses idéaux bouillonnant dans sa musette militante, de vieux espoirs en bandoulière… : un petit Ethiopien n’ayant plus jamais faim… une femme battue étuvant les bleus de son âme… Il marche pour piétiner les inégalités, les mensonges, les contraintes, l’amer chiendent du terreau libéral… Soudain, ses mains se tendent vers de dansantes lumières. Le havre ?… le havre enfin ? Non ! Ce ne sont que les bivouacs des feux fraternels allumés pour un soir au bord du chemin ! Mais c’est quand même bien ! Danielle Manoa Quête Un os sec des doigts tendus un poing corps nus englués dans le silence et le temps sous la terre moisie et la mousse avec une lune rouillée qui roule tout là-haut elle la femme vive un moment encore regarde au loin cherche le contrepoint des teintes du soir et la douceur d'une voix loin là-bas là où les mots "moderato" rappellent un plaisir émoussé à l'horizon une écume de laine et de soie cabriole et tourne-boule dans les remous comme à un bal hors d'haleine hors d'atteinte une échappée une perdition en vrai ici une benne se remplit de terre d'os et de cailloux Geneviève Fabre Tribulations de la forêt En Amazonie, un extraterrestre mutant, tel un virus cruel et méchant, exploitait cette belle forêt primaire. Sans effort, ce virus huant et broutant, ne voyait pas la détresse de cette forêt. Il monta à une échelle au sommet de l’arbre, et revit l’évolution de son travail menant à un désert. En chutant, comme s’il était défenestré, tomba dans une écuelle et cassa la cruche. Le terrible virus et bourreau de la forêt mourut. Une lueur apparut. La forêt refit peau neuve, relookée, restaurée en mieux d’une façon artistique. Dominique André (1) Tronçonneuse L’extraterrestre, muni d’une tronçonneuse, découpe une échelle en morceaux. L’amélioration apportée à cet objet lui donna valeur artistique. Le virus voulut la restaurer sans trop d’effort. Il reprit des forces en buvant et broutant. La tronçonneuse continuait son travail de déforestation. Une lueur apparut dans son regard. « Menteuse ! », dit le virus mutant. « Bourreau ! », dit l’échelle. Faute à tronçonneuse. Belle détresse. Tronçonneuse. Dominique André (2) On ne sait plus vraiment où ça a commencé, Qui a été le premier commun des humains, Qui a tenu les rênes du monde depuis la nuit des temps, Qui a jugé les sentiments des noces idéales, Su qui sera rivé le poids écrasant de la justice, Quelle semonce anéantira les âmes pourries et les corps ridés des derniers humains, On ne sait plus vraiment si le monde seul aura une once de vouloir pour s’en sortir et quérir la vérité. Brigitte Goury (1) On ne sait plus vraiment où tout ça a commencé Qui détient les rênes du monde depuis tout temps ? Quelle semonce anéantira âmes pourries et corps ridés ? Qui osera goûter les arômes du pouvoir ? Quelles noces écrasantes vous riveront évidemment ? Quelle musique vous en sortira ? Seule réalité pour vous ! Vouloir la quérir : Idéale vérité, Plaisir Brigitte Goury (2) Création Mettons une majuscule au premier mot et partons ! La nature nous invite. Marchons dans la ronde de verdure La liberté nous attend. Oublions les points, les virgules, donnons au poème un visage nouveau. Lançons l'apostrophe de l'environnement vivant. Chassons l'interrogation du faux, du doute jusqu'au point de non retour. Aline Andrès(1) Genèse Au premier mot de la première ligne une majuscule mettons Sur la piste inconnue de l'idée naissante avec confiance partons Dans l'ombre des frondaisons des phrases en construction à tâtons avançons. Le poème en liberté nous attend de plaisir espérons. Les points, les virgules, les accents sans regrets effaçons l'apostrophe rejetons L'exclamation l'interrogation sans pitié oublions Les tirets, les guillemets de bon cœur délaissons Plus de sanctions, plus d'obligations de joie éclatons Plus de craintes plus de contraintes de bonheur resplendissons Au poème sans ponctuation sous marin de futures ambitions un visage nouveau donnons par l'écriture exprimons par la lecture magnifions par l'esprit apprécions Ce n'est pas du rap Ce n'est pas du slam Juste un truc à moi Rien que pour toi. Aline Andrès (2) Plus du toc, La rage dans les caries Il a plus envie d’ faire la lessive La lessive de la pacotille. Ploc ! Un coup de crayon Ça tombe en loque Devant la devanture du bijoutier… Sa vie plaquée or Devient hargneux Pas de panique Cède pas à la manip A la pression Tu sauras jouer ta partition On lâche la valve Tout a un prix C’est plus du toc Ça a du corps Ça mord, ça rage Ça râle et c’est bon Ça a du son. Brigitte Lumière (1) Par les temps qui…. Zut ! pas de verbe ! Dur, dur, la consigne Pas de verbe ! Pas d’action, de sentiments, Pas d’expression. Que du fade, du décousu, Sans intérêt. Quoi à part le verbe Hum mieux hum hum ce qu’on hum ? Donc, par les temps qui… Place au bonheur Régal des mots, méli mélo, Chaleur de la table aux feuilles grattées, Petits biscuits de Lorient ou de Landerneau, Place au bonheur. Adieu la pression, les masques anti-respiration, Les sommations d’évaluations, Ici le rêve. Pas de verbe ? Finalement, quoi de plus sage, Immobilisme apparent Vie intérieure sous-jacente. Jeu fou des mots Musique du vent de l’être Musique à mon oreille Vers mon cœur battant Vers mon cœur mordant. Brigitte Lumière (2) Il était une fois….. Sur la rive, soudée à ses idéaux, Marianne, ogresse de l’impossible, médite. De l’autre côté, une prairie parfumée Invitant au repos. Que faire ? que décider ? Sur la rive, soudée à ses idéaux, Marianne se délite. Renoncer, abandonner ses enfants : Solidarité, Fraternité, Egalité, Liberté. Sur la rive, soudée à ses idéaux, Marianne hésite. Fuir face à la violence de l’Ogre Et de ses rejetons : Stress, Chômage, Bonus, Rentabilité et consort… Sur la rive, soudée à ses idéaux, Marianne s’agite. La prairie, ses fleurs, ses parfums, Son troupeau paisible l’attirent, Comme une certaine lueur dans la nuit… Sur la rive, soudée à ses idéaux, Marianne ressuscite. Attaquer, Mordre, Faire face, comme le Petit Poucet… Mais où trouver les bottes de sept lieues ? Graziella Boudinaud Sans commentaire (jingle) les haut-parleurs vomissent de leur voix monocorde « le train en provenance du passé est annoncé voie une » sur le quai de la gare elle écrit à la craie l’histoire d’un homme… un homme au soleil avec, pour seules compagnes quelques tranches de chorizos coulure du temps elle observe partir, rentrer, rester, s’enfermer, hurler, attendre nuits froides et chagrins elle relit son histoire rayer des mots, recommencer, se mordiller les doigts jusqu’au sang assise sur une marche des escaliers comment taire sa faim croquer l’image du jambon ou celle des cornichons ? elle pense à cette caresse comment comprendre ? caresses volées ou partagées sans arrière goût de violence plaisir ficelé caresses décalées posé sur l’étagère du cosy (jingle) les haut-parleurs vomissent de leur voix monocorde « le train à destination inconnue est annoncé voie cinq les maux accompagnants les voyageurs ne sont pas autorisés à monter dans les wagons attention à la fermeture automatique des portes de l’avenir Madeleine Ginet Aux tiens tu as fait la promesse de revenir chez toi un jour libre fort et chanceux. Mers montagnes et océans avec ta seule volonté sans jamais renoncer tu les as traversés. En vie et debout tu es là sous nos yeux malgré toutes les souffrances que l’on t’a infligées. En transit chez nous tu espères d’autres contrées où ta vie ne sera plus niée. Echoué malgré toi dans cette jungle du Calaisie tu t’es retrouvé là relégué bloqué et pourchassé sans grande dignité. Aujourd’hui sur les routes tu marches tu as faim tu as soif tu ne sais plus où il te faut aller. Tes habits en guenilles tes chaussures sans lacets ta tête éclatée et baissée tu avances tu avances quand même tu avances malgré tout car tu ne peux plus renoncer. Monsieur B lui a bien rempli sa mission. Chantal Bleicher. (1) En plein dans l’absurde dans le monde des riches nous les occidentaux chanceux et orgueilleux vivons bien à l’abri sous la houlette des financiers en concert avec eux de proclamer haut et fort la planète est à nous la colonisant l’exploitant la bouffant jusqu’à la déranger il nous faut toujours plus ne sachant plus nous arrêter la conscience endormie les idées dévoyées dans un principe d’égoïsme absolu. Qui a bien pu parler de crise bof on ne sait plus car vite oubliée que celle là toi tu te dis toi en loucedé « cesse s’il te plait de grincer » tu n’es pas le responsable depuis le temps qu’on le répète tu le sais maintenant qu’on est globalisé avec qui et pourquoi ça n’est pas ton problème ta conscience parfois te souffle avec nous mêmes pour te retrouver piégé jusqu’à l’os et volontairement mais ça n’est la question puisqu’ avons perdu la mémoire oubliant le passé vivant comme des fous à cent à l’heure dans la fuite permanente d’un bonheur perpétuel un bonheur notre bonheur est à ce prix il faut consommer et consommer encore consommer sans foi consommer sans loi consommer sans compter consommer pour la croissance consommer pour la relance consommer jusqu’à en crever. Certes chez nous on a aussi des pauvres mais on ne les voit pas. Certes chez nous on a aussi des faibles n’ont qu’à se suicider. Certes chez nous le peuple aussi s’angoisse mais de quoi au fait mais de peur ma brave dame de la peur des autres et peut-être bien de la peur de soi. Quand tout cela nous rend ivres zigzaguons entre nous les idées encore bafouées car l’ailleurs les guerres l’outre mer c’est loin on finit par s’en foutre se bouchant les oreilles se fermant les yeux écoutant les cassandres ou les politiques véreux votant comme un seul homme pour de mauvaises solutions. Se réveiller avec la gueule de bois bien au chaud tout de même alors on sursaute un peu puis on lèche on lâche on lynche mais au plus profond des tripes ne se dit-on pas cette petite phrase célèbre « pourvu que ça dure » c’est pas moi le responsable et aphasique on continue à obéir et on s’endort devant la télé qui elle imperturbablement déverse d’émissions débiles en émissions débats stériles nous engluant tel le cormoran sur une plage de Bretagne après le passage d’un bateau poubelle qui a vomi sur lui son gasoil puant. Chantal Bleicher. (2) Atelier d’écriture : Mon cœur a des dents (29/09/09) 1- Proposer des textes différents donnant envie de mordre : poèmes ; articles de journaux (actualités, faits divers….) 2- Chacun choisit un texte et relève 3 mots forts dans ce texte. qui lui semblent significatifs de ce texte. 3- Travailler ces mots sur les pôles idéels et matériels ( 5-6 mots par liste) 4- Lire le texte « mon cœur a des dents » 5- Donner des textes du recueil dans lesquels, on retiendra une expression une bribe de phrase. Quand le choix est fait on l’entoure et il n’est pas possible de le choisir à nouveau. 6- Dans l’expression retenue choisir un mot que l’on travaille sur le pôle matériel et idéel. 7- Ecriture du 1er texte 8- Afficher les textes pour lecture. En dessous une feuille blanche sur laquelle on fera cadeau de mots intrus (5 maxi) 9- On ré-écrit son texte en utilisant un mot intrus offert. 10- Choisir un contrainte d’écriture et ré-écrire son texte 11- Lecture offerte Contraintes d’Ecriture Choisir un mot dans son texte et le répéter au moins 5 fois. Choisir un mot dans son texte et le répéter au moins 8 fois. Ecrire sans ponctuation. Choisir un morceau du texte et le répéter comme un refrain. Ecrire sans verbe. Ecrire une phrase qui doit tenir sur une ligne. En compter les mots. Continuer le texte à la ligne suivante avec un mot de moins Poursuivre ainsi jusqu’à ne plus avoir qu’un mot. Choisir une rime qui revient le plus possible dans le texte