Conceptions, obstacles, apprentissage Patricia MARZIN Maître de conférences Laboratoire LIG [email protected] Tel : +33 (0)4 76 57 47 02 Introduction • L'étude et la connaissance des conceptions des élèves nous aide à interpréter leurs réponses, leurs productions et leurs erreurs. • Elles nous aident à construire d'apprentissage et/ou d'enseignement. des situations • Elle nous renseigne sur la cohérence interne des apprenants. 1ère mise en situation "vous buvez un verre de bière ; peu de temps après vous allez uriner. Faites un schéma rapide annoté, indiquant tous les lieux par où transite le liquide ingéré, depuis le moment où vous avez bu jusqu'au moment où vous urinez". Patricia Marzin - Conceptions 3 Consignes Analysez les productions : Donnez les notions qui semblent être acquises et les notions à acquérir. Expliquez les erreurs que vous constatez en référence au savoir scientifique. Essayez de retrouver la logique utilisée. Patricia Marzin - Conceptions 4 2ème mise en situation « Vous buvez un verre de bière. Vous avez un accident de la route ; avant de vous hospitaliser, on vous fait une prise de sang pour un alcootest : pourquoi ? Où est passé le litre de bière ingéré ? Complétez le dessin précédent » Patricia Marzin - Conceptions 5 Analyse des réponses Représentation de type Tuyau continu : 90% des lycéens (troisième à terminale A), 72 % des étudiants biologistes de première année et 57 % des étudiants biologistes de deuxième année. Un schéma jugé correct : indiquant les trois types de conduits impliqués (digestif, circulatoire et excréteur) est produit par 0 à 8% des lycéens, 14% des étudiants de première année de DEUG, 36% des étudiants de deuxième année de DEUG. Intermédiaire systèmes. : il manque Patricia Marzin - Conceptions un des trois 6 2 points de vue épistémologiques Il apparaît deux façons de voir les conceptions des apprenants selon le point de vue épistémologique que l'on adopte à propos de la construction des connaissances. Selon que l'on se réfère au savoir ou à l'élève. Patricia Marzin - Conceptions 7 2 points de vue épistémologiques Ecart entre la pensée de l'apprenant et la pensée scientifique (Novak, 1984), Savoirs acquis en dehors de la science Ce qui peut faire obstacle à l'acquisition des connaissances scientifiques Misconceptions Patricia Marzin - Conceptions 8 2 points de vue épistémologiques Ces définitions renvoient à une représentation où l'apprentissage doit rectifier les “mauvaises“ conceptions des élèves, dans ce cas, les conceptions s'opposent à l'objectif d'apprentissage puisqu'elles sont ce qui empêche de l'atteindre rapidement. Patricia Marzin - Conceptions 9 2 points de vue épistémologiques Dans une vision plus dynamique de l'apprentissage, les conceptions sont définies comme des explications fonctionnelles pour l'élève. Les conceptions ne sont plus alors ce qui s'oppose à l'objectif, mais elles se situent au cœur même du projet didactique Il faut “faire avec pour aller contre“ Patricia Marzin - Conceptions 10 2 points de vue épistémologiques Un déjà là conceptuel, Un univers construit de significations, mettant en jeu des savoirs accumulés plus ou moins structurés, proches ou éloignés des connaissances scientifiques qui leur servent de référence. Patricia Marzin - Conceptions 11 2 point de vue épistémologiques “C'est un décodeur qui permet à l'apprenant de comprendre le monde qui l'entoure“ (Simpson et al, Osborne et al, cités par Giordan et al, 1994). C'est une explication fonctionnelle qui pour l'élève, “marche“ depuis longtemps. Patricia Marzin - Conceptions 12 A quoi servent les conceptions ? • L'étude des conceptions des élèves nous aide à interpréter les réponses des élèves, des étudiants, leurs productions et leurs erreurs. • Elle nous aide à construire des situations d'apprentissage et/ou d'enseignement. • Elle nous renseigne sur la cohérence interne des étudiants. • Elles peuvent nous aider à évaluer notre enseignement en se posant la question : comment évoluent les conceptions des élèves au cours de l ’apprentissage ? Patricia Marzin - Conceptions 13 Caractéristiques Les conceptions sont liées à la situation dans laquelle l'apprenant se trouve placée. Pour Jean Migne c'est “un modèle personnel d'organisation des connaissances par rapport à un problème particulier“ (Astolfi, et al, 1997). Patricia Marzin - Conceptions 14 Caractéristiques Les conceptions sont tenaces Les conceptions sont organisées en modèles et servent à comprendre le monde et à l'observer. L'enseignant et l'enseignement peuvent induire des conceptions. Patricia Marzin - Conceptions 15 Les conceptions construisent la théorie qui nous sert à voir le monde. Boris Cyrulnik nous relate cette expérience parlante :“je regarde un match de rugby à la télévision. Arrive une de mes amie à qui je demande : “peux-tu me décrire ce que tu vois sur cet écran ?“ Patricia Marzin - Conceptions 16 Elle me répond “je vois des hommes couverts de boue qui s'entassent et se bagarrent dans une ambiance de vociférations“…. Je pose alors la même question à son fils qui joue à l'école de rugby … Patricia Marzin - Conceptions 17 Il me répond : “la troisième ligne s'est détachée rapidement parce que les piliers toulonnais sont plus solides, ce qui a permis au demi de mêlée de passer son adversaire et d'envoyer à l'essai son trois-quart centre déjà lancé. Quelle beauté, quelle élégance, la foule crie son enthousiasme …“ il faut des règles pour voir, pour donner forme au monde et mieux le percevoir.“ (Cyrulnik, 2000, p. 13) Patricia Marzin - Conceptions 18 Consigne Remplissez vous-même le premier tableau (vivant/non vivant). Relevez les principales réussites et erreurs des 4 élèves : qu’est-ce qu’ils considèrent comme vivant et comme non vivant Retrouver les critères des élèves concernant le concept de vie. Patricia Marzin - Conceptions 19 Les réponses de Rémy Vivant : Ordinateur, la planète terre, un océan, une ville ? Non vivant : La fleur coupée C'est vivant parce que : Ça mange, ça grandit, ça bouge, ça réfléchit (ordinateur), ça voit, ça a un corps. Patricia Marzin - Conceptions 20 Les réponses de Rémy C'est non vivant parce que : C'est fabriqué à partir de quelque chose de non vivant (coton, briques, gaz), c'est fabriqué, ça ne boit pas et ça ne mange pas, elle n'a pas de corps (la lune). Finalisme, (pas de distinction entre mouvement autonome et mouvement provoqué), la matière constitutive, anthropomorphisme. Le critère de reproduction n'est pas utilisé. Patricia Marzin - Conceptions 21 Les réponses de Morgan Vivant : Une montagne, le feu, la planète terre ?, le soleil, de l'eau dans un verre, l'eau d'une rivière, la lune (?), un océan. Vivant parce que : Ça bouge, ça mange, ça respire, ça boit, ça brûle. Non vivant parce que : Ça a été fabriqué par l'homme, ça ne bouge pas, ça ne respire pas, ça ne mange pas. Patricia Marzin - Conceptions 22 Les réponses de Morgan Les critères de croissance et de reproduction ne sont pas utilisés. La matière constitutive, l'anthropomorphisme. Patricia Marzin - Conceptions 23 Les réponses de Lucy Interrogations : Nuage, étoile, virus, volcan. Vivant : La planète terre, le soleil, l'eau d'une rivière, la lune, un océan, une ville. Non vivant : Un arbre Patricia Marzin - Conceptions 24 Les réponses de Lucy Vivant : C'est un animal, je le sais, ça mange, ça dort, ça bouge, c'est dans notre corps, ça nous fait vivre, ça produit de la lumière, besoin d'eau. Non vivant : C'est un jouet, c'est une construction, ce n'est pas un animal ou un être humain, ça ne bouge pas, ça ne parle pas, ça ne mange pas, ça ne dort pas. Anthropomorphisme. Elle classe dans le vivant les hommes et les animaux. Patricia Marzin - Conceptions 25 Les principales erreurs sur le concept de Vie l'activité et le mouvement, (sans que la distinction soit faite entre mouvement autonome et mouvement provoqué). Finalisme. Le contact avec les êtres vivants : phénoménisme : qui établit un lien de causalité entre des phénomènes contigus dans l'espace et dans le temps L'origine naturelle L'anthropomorphisme : la référence à l'homme. La maladie La matière constitutive Patricia Marzin - Conceptions 26 Proposition de critères Le vivant : animaux, végétaux, ce qui provient du vivant Le non vivant : roche, air, eau. Vivant : fonctionne tout seul, grandit, s'alimente, se reproduit, meurt, vit pendant une période définie. Patricia Marzin - Conceptions 27 Apprendre c ’est transformer “Apprendre, c'est procéder à une synthèse indéfiniment renouvelée entre la continuité et la nouveauté“ (Inhelder et al, 1974). L'apprentissage est un processus permettant le passage d'une conception à une autre, plus pertinente par rapport à la situation proposée. Agir tout au long de la vie Patricia Marzin - Conceptions 28 Apprendre c ’est transformer Le passage d'une conception à une autre implique une réorganisation des processus cognitifs, une “mutation intellectuelle“. En cela il est possible de faire un parallèle entre l'apprentissage personnel et la construction des connaissances scientifiques, ce que Kuhn a appelé les révolutions scientifiques. Patricia Marzin - Conceptions 29 Apprendre c ’est transformer la notion de ponts cognitifs (Ausubel) Pour Giordan, l'apprentissage se fait selon un modèle allostérique L ’apprentissage se fait par assimilation accomodation (Piaget) Patricia Marzin - Conceptions 30 Les conditions du changement Une condition possible de changement consiste à ce que l'élève puisse prendre conscience de la distance entre ses propres conceptions Construction de situations-problèmes, Poser des questions que la mise en œuvre des conceptions ne permet pas de résoudre. Patricia Marzin - Conceptions 31 Les erreurs des élèves “L'erreur n'est pas seulement l'effet de l'ignorance, de l'incertitude, du hasard que l'on croit dans les théories empiristes ou béhavioristes de l'apprentissage, mais l'effet d'une connaissance antérieure, qui avait son intérêt, ses succès, mais qui maintenant, se révèle fausse, ou simplement inadaptée“ (Brousseau, 1983). Patricia Marzin - Conceptions 32 Des exemples Des exemples de productions à différents niveaux scolaires et à différents âges … Patricia Marzin - Conceptions 33 Respiration Respiration/ventilation. Respiration imperméable. Difficulté à concevoir que deux orifices, deux organes puissent exercer la même fonction. Difficulté à concevoir que quelque chose qui se gonfle ne soit pas en creux et puisse avoir de "fuites". Patricia Marzin - Conceptions 34 Respiration Etablissement d'une relation entre rythme respiratoire et rythme cardiaque : l'air va dans le cœur et fait battre le cœur. Difficulté à concevoir que tout ce qui entre par la bouche ne va pas exclusivement dans le tube digestif. Obstacle : la notion de perméabilité sélective. Le rôle du sang. Patricia Marzin - Conceptions 35 Reproduction Tout est apporté par la mère, (ou) tout est apporté par le père. La mère apporte la nourriture, le père apporte la diversité génétique. Rôle du placenta, difficulté à se représenter la surface d'échange. Le fœtus respire par le nez dans un espace contenant de l'air. la mère et le fœtus partagent la même circulation sanguine. Obstacles : perméabilité sélective du placenta. Le fonctionnement de la membrane. Préformisme (oviste ou animalculiste) Patricia Marzin - Conceptions 36 La digestion Tube digestif « cul-de-sac » Tuyauterie continue. Problème du lien entre le digestif, l'excréteur et le circulatoire. Obstacle de la surface d'échange et de la perméabilité. Patricia Marzin - Conceptions 37 Le volcanisme Les volcans se forment comme des montagnes Le magma vient du centre de la terre La lave n ’est pas de la roche Obstacles : Les volcans se forment par accumulation de matières Les mécanismes effusifs et explosifs Patricia Marzin - Conceptions 38 La nutrition végétale Difficulté à concevoir que les plantes se “nourrissent“ de gaz. “Les plantes mangent de la terre.“ Les gaz ne sont pas de la matière Obstacle : les gaz sont de la matière. Anthropomorphisme. Patricia Marzin - Conceptions 39 Méthodologie pour obtenir et analyser des productions d'élèves Déterminer précisément le ou les objectif(s) d'apprentissage visé. Créer une situation qui permette d'obtenir des productions qui rendent compte d'un modèle utilisé par l'élève. Anticiper sur les réponses possibles des élèves. Analyser les productions des élèves au regard de votre objectif d'apprentissage et de votre grille d'analyse. Définir les principaux obstacles à franchir par les élèves. Patricia Marzin - Conceptions 40 Analyser les productions d ’élèves Créer une situation-problème qui déstabilise ces représentations. Construire une représentation alternative scientifiquement plus satisfaisante. Faire comparer par les élèves leurs représentations avant et après. Patricia Marzin - Conceptions 41 Obstacles C'est ce qui, pour l'enseignant, donne sens aux conceptions des élèves. Patricia Marzin - Conceptions 42 Les obstacles “En fait, on connaît contre une connaissance antérieure en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même fait obstacle à la spiritualisation. (…) face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas ; elle traduit des besoins en connaissances (…) Elle est le premier obstacle à surmonter” (Bachelard, 1938). Patricia Marzin - Conceptions 43 Les obstacles “ un obstacle sera une connaissance, une conception, pas une difficulté ou un manque de connaissance. Cette connaissance produit des réponses adaptées dans un certain contexte, fréquemment rencontré. Mais elle engendre des réponses fausses hors de ce contexte. Une réponse correcte et universelle exige un point de vue notablement différent. » (Brousseau) Patricia Marzin - Conceptions 44 Les obstacles “L’idée d’obstacle entretient évidemment des relations avec celle de représentations et de conceptions des élèves, mais on peut la décrire comme plus forte. Ce n’est pas seulement que les élèves pensent différemment et que l’on peut identifier leur logique cognitive, c’est qu’existe une certaine nécessité au maintien de ce système de pensée. On peut dire que l’obstacle présente un caractère plus général et plus transversal que la représentation : il est ce qui, en profondeur, l’explique et la stabilise. Divers représentations, qui portent sur des notions sans lien apparent, peuvent en effet apparaître, à l’analyse, comme les points d’émergence d’un même obstacle”. (Astolfi JP.& Peterfalvi B, 1993). Patricia Marzin - Conceptions 45 Les obstacles La plupart des obstacles ne s’inscrivent pas dans l’histoire d’un concept comme une difficulté, ils apparaissent le plus souvent comme un “passage obligé”. (…) Certains de ces obstacles apparaissent même comme un “palier d’intégration indispensable”. (…) Giordan Patricia Marzin - Conceptions 46 La respiration du poisson : les idées des élèves Le poisson ne respire pas dans l’eau, il sort la tête pour respirer Le poisson respire par la peau Les branchies filtrent l’eau Il a des poumons très actifs Le poisson avale de l’eau Le poisson avale des petites bulles d’oxygène Le poisson fabrique l’air Patricia Marzin - Conceptions 47 La respiration du poisson : obstacles La notion de surface d’échange La notion de dissolution des gaz La présence de gaz dans l’eau La notion de gaz et de volume Patricia Marzin - Conceptions 48 Objectif-obstacle Obstacle 1 : La respiration se limite à certains organes (poumons, cœur) Objectif-obstacle 1 : La respiration ne se limite pas à certains organes Situation 1 : comparer les échanges gazeux réalisés par un organisme, un organe, une culture de cellules Patricia Marzin - Conceptions 49 Objectif-obstacle Obstacle 2 : Le cœur fait partie de l'appareil respiratoire Objectif-obstacle 2 : Le cœur n'est pas un organe respiratoire Situation 1 : expliquer pourquoi le cœur d'un plongeur sous-marin continue à battre lorsqu'il plonge en apnée c'est-à-dire sans bouteille. Situation 2 : travail sur la respiration du poisson Patricia Marzin - Conceptions 50 Objectif-obstacle Obstacle 3 : L'air ne fait qu'entrer et sortir Objectif-obstacle 3 : L'air ne fait pas qu'entrer et sortir. Il est modifié par la respiration. Ces modifications sont la conséquence d'un processus de transfert d'énergie. Il est important de faire la différence entre ventilation et respiration. Patricia Marzin - Conceptions 51 Objectif-obstacle Obstacle 4 : les plantes se nourrissent d’eau et de terre. Objectif-obstacle : les plantes se nourrissent de gaz carbonique Situation-problème: montrer que la plante grandit sans que le poids de terre diminue. Analyser les constituants de la plante comparativement à ceux apportés. Patricia Marzin - Conceptions 52 Principales étapes utilisées dans la situation du poisson Définition des objectifs : programme Analyse du concept Analyse des conceptions des élèves Identification d’obstacles a priori Elaboration d’une situation-problème Formulation et appropriation d’un problème :comment le poisson respire-t-il dans l’eau ? Formulation d’hypothèses Création d’expériences destinées à tester les hypothèses Anticipation des résultats Confrontation des observations réalisées avec les prédictions Patricia Marzin - Conceptions 53 D’autres travaux récents en didactique de la biologie La problématisation-Débat (Orange) Les questions socialement vives (Simonneaux) Les TP et la démarche d’investigation (Marzin, Darley, ….) Le rapport au vivant (Coquidé) Valeur-modèle KVP (Clément, Favre, …) Patricia Marzin - Conceptions 54