Quand l’animal devient
vecteur de transmission
M
algré les ressources de la
science, aucun pays n’est à
recomposés à l’origine de nou-
velles épidémies sont peu prévi-
sibles. Voici quelques exemples de
maladies infectieuses surveillées
actuellement par l’OMS : une
fièvre d’origine inconnue en Aus-
tralie, des décès fébriles inexpli-
qués en Inde et en Indonésie, la
fièvre hémorragique aiguë au Sou-
dan, le choléra dans plusieurs
pays, le virus Ebola au Congo, la
rougeole au Niger, le virus in-
fluenza en Hollande.
Le rôle de l’animal
Lorsque certaines maladies in-
fectieuses sautent la barrière de
l’animal à l’homme, on parle de
zoonoses. Celles-ci sont définies
comme des maladies bactériennes,
virales ou parasitaires, transmis-
sibles des animaux vertébrés à
l’homme et vice versa. Une demi-
douzaine étaient déjà connues dès
l’Antiquité et, à ce jour, environ
200 zoonoses ont été reconnues,
parfois après une longue hésitation.
Dans le passé, le refus des autorités
sanitaires d’admettre la transmis-
sion possible à l’homme d’une ma-
ladie animale n’était pas rare : ainsi,
la possibilité de la contagion de la
morve des chevaux à l’homme qui
fut évoquée dès 1810 par des tra-
vaux expérimentaux n’a pas été
prise en compte pendant quarante
ans et des contaminations hu-
maines par la tuberculose bovine
démontrées dès 1863 étaient en-
core contestées en 1901. Cela dit,
la lutte contre les zoonoses visant
très souvent l’éradication du réser-
voir animal de l’agent pathogène a
remporté quelques succès, tels ceux
contre la peste humaine, la brucel-
lose, l’échinococcose, la trichinel-
lose, la rage (grâce à la vaccination
des renards). A noter que le carac-
tère zoonotique de la rage a été
démontré expérimentalement en
1803 (le siège de la virulence
dans la salive de l’animal mor-
deur). Cependant, la rage canine
est encore responsable d’environ
30 000 morts humaines chaque
année, surtout dans les pays en
voie de développement, où les
traitements modernes sont peu dis-
ponibles ou mal appliqués (vacci-
nation et gamma-globulines spéci-
fiques en cas de morsure).
Il semble aujourd’hui que le risque
de passage des agents infectieux
de l’animal à l’homme pourrait être
plus important qu’on ne le croyait.
En effet, les scientifiques pensent
que la grippe espagnole de 1918 à
1919 (20 à 40 millions de morts)
serait due à un virus de grippe por-
cine qui a muté aux États-Unis et
s’est répandu ensuite dans le
monde en 4 mois par l’intermé-
diaire des soldats mobilisés pen-
dant la Première Guerre mondiale.
Le virus de la grippe asiatique
(1957-1958 : 1 million de morts)
provenait de la Chine du Sud où
il est resté à l’état dormant chez le
canard, avant de passer au cochon,
chez lequel il a muté avant d’in-
fecter l’homme. Le virus Ebola en
Afrique, qui est un virus haute-
ment contagieux et dangereux (au-
cun traitement n’est disponible ;
plus de 1 000 personnes sont dé-
cédées), commence souvent par
une épidémie chez les chimpan-
zés. L’épidémie de sida (42 mil-
lions de personnes sont infectées,
25 millions sont déjà mortes) a été
clairement identifiée en tant que
zoonose virale. Les analyses phy-
logénétiques montrent que des
transmissions se sont produites à
partir des singes vers l’homme :
VIH1 est étroitement lié à un virus
du chimpanzé tandis que VIH2
l’est à celui du singe sooty man-
gabey. Concernant la variante de
la maladie de Creutzfeldt-Jakob
(vMJC) liée à l’agent bovin EBS, en
8
Maladies émergentes
La menace des maladies épidémiques et émergentes mobilise
les scientifiques, les médecins et les vétérinaires à l’échelle
internationale. La lutte entre l’homme et le monde microbien
ne cesse d’évoluer, notamment à cause du formidable pouvoir
d’adaptation des agents infectieux.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No48 - août-septembre 2003
l’abri de l’émergence d’une mala-
die infectieuse d’origine inconnue
jusqu’alors. Il semble que la ma-
jorité des émergences virales chez
l’homme soit liée à des virus gé-
nétiquement proches, qui avaient
circulé initialement chez l’animal.
Trente nouvelles maladies
Depuis le milieu des années 1970,
plus de 30 nouvelles maladies
nous ont affectés, causant des di-
zaines de millions de morts.
Certes, on dispose aujourd’hui de
méthodes de prévention et de
moyens thérapeutiques, plus ou
moins efficaces, pour les six ma-
ladies transmissibles les plus
tueuses dans le monde (sida, tu-
berculose, maladies diarrhéiques,
pneumonie, paludisme et rou-
geole), pourtant, plus de 10 mil-
lions de personnes en meurent
chaque année, principalement
dans les pays en voie de dévelop-
pement. Dans les pays industria-
lisés, le sida est encore un pro-
blème très préoccupant étant
donné le phénomène de résis-
tance croissante aux traitements.
Ainsi des travaux sont en cours
sur une nouvelle génération de
vaccins et leur utilisation à titre
thérapeutique (avec pour but d’in-
duire des réactions immunitaires
contre le virus chez les séroposi-
tifs sous trithérapie antivirale).
On s’aperçoit que, au cours des six
dernières années, les maladies épi-
démiques ou émergentes ayant un
potentiel de gravité pour l’homme
sévissent un peu partout dans le
monde et que les nouveaux virus
une multiplication des contacts
entre l’homme et des animaux in-
fectés ; le commerce international
de produits agricoles a été multi-
plié par cinq depuis 1950 ; le
nombre des voyages internatio-
naux a considérablement aug-
menté ; l’altération de l’environne-
ment a modifié la distribution des
populations animales, sans oublier
les facteurs liés à l’industrialisation
du secteur de production animale
et à la modification des techniques
de production. A l’heure actuelle,
les zoonoses peuvent être dépis-
tées de façon plus rapide grâce aux
progrès de la biotechnologie et les
méthodes épidémiologiques per-
mettent de découvrir la nature du
contage et son mode de transmis-
sion ou son réservoir. Néanmoins,
il faudrait encore renforcer des ré-
seaux de surveillance dans tous les
pays en voie de développement,
notamment en Afrique, afin de
disposer d’un système fonctionnel
permettant la détection de l’épi-
démie à la source suivie de la
prise des mesures de prophylaxie
appropriées.
Ludmila Couturier
D’après des communications du colloque
de l’Institut des sciences du vivant
sur le thème “De l’animal à l’homme :
une communauté de destin”
et des 5es Journées francophones de virologie
Maladies émergentes
9
Professions Santé Infirmier Infirmière - No48 - août-septembre 2003
mars 2003, on recensait 132 cas
au Royaume-Uni et 10 dans le
reste du monde, dont 6 en France.
Les mesures de précaution prises
en 1997 ont permis l’observation
d’un tournant de l’épidémie de
l’ESB en Europe et les études épi-
démiologiques revoient leurs pré-
dictions du nombre de cas de
vMJC à venir à la baisse, en sa-
chant que la durée moyenne d’in-
cubation serait d’environ 15 ans.
Rapportons aussi la transmission
des virus du poulet à l’homme, qui
a tué six personnes à Hong Kong
en 1999 et, plus récemment, l’épi-
démie de grippe du poulet en Hol-
lande (18 millions de volailles ont
été abattues) a entraîné 83 infec-
tions chez l’homme et s’est éten-
due à la Belgique et à l’Allemagne.
Quant à l’actuelle épidémie de
pneumopathie atypique (SRAS),
première pandémie apparue au
xxIesiècle (environ 700 décès pour
8 000 cas), l’OMS a lancé l’alerte
mondiale en mars 2003 mais l’épi-
démie sévissait déjà en Chine
depuis novembre 2002 et, par
conséquent, les avions ont dispersé
rapidement l’agent pathogène en
provenance d’Asie sur les quatre
continents. Il s’est révélé que le vi-
rus du SRAS appartient au groupe
Coronavirus et son origine animale
a été suggérée après l’isolation d’un
Coronavirus génétiquement très
proche du SRAS prélevé sur des ci-
vettes et d’autres animaux sauvages
(la petite différence en délétion de
quelques nucléotides serait la mo-
dification qui s’est produite lors du
passage à l’homme).
Des origines multiples
Comme le rappelle le Dr Diego
Buriot (directeur de l’OMS, Lyon),
les raisons de l’émergence ou de la
réémergence des maladies infec-
tieuses sont multiples. D’une part,
le monde microbien évolue en per-
manence et s’adapte aux nouveaux
médicaments, les mutations étant
variables selon les milieux. D’autre
part, notre monde change : la crois-
sance de la population entraîne
Fièvre jaune
Malgré l’existence d’un vaccin sûr et
efficace, le nombre de personnes at-
teintes dans le monde a augmenté de-
puis une vingtaine d’années, et la
fièvre jaune pose actuellement de sé-
rieux problèmes de santé publique. Le
responsable est un virus de la famille
des Flavivirus, transmis à l’homme par
la piqûre de moustiques.
Deux types génétiques différents sont
actifs en Afrique : l’un à l’Est et l’autre
à l’Ouest. Deux autres types géné-
tiques sont présents en Amérique du
Sud, mais, depuis 1974, un seul a été
rendu responsable de flambées épi-
démiques de la maladie.
Diabète : sensibiliser les jeunes
Selon plusieurs communications lors
du Congrès mondial du diabète, à Pa-
ris, le diabète sera un phénomène dé-
vastateur pendant les vingt premières
années du XXIesiècle. Cette maladie, du
moins dans sa forme la plus répandue,
celle du type 2 (appelée autrefois “dia-
bète gras”) va de pair avec l’explosion
du surpoids et de l’obésité. La sédenta-
rité et les nouvelles habitudes alimen-
taires (trop de gras, trop de sucré, repas
pris trop vite) sont désignées comme les
principales responsables.
Alzheimer contre Parkinson
Des chercheurs ont constaté que les su-
jets traités durant de longues années par
des médicaments antimuscariniques (qui
bloquent l’action d’un neurotransmetteur
appelé acétylcholine), présentent une
densité de plaques amyloïdes 2,5 fois su-
périeure à celle des patients n’ayant ja-
mais reçu ces produits ou n’ayant été trai-
tés que pendant moins de deux ans. Mais,
en utilisant des molécules ayant l’effet in-
verse (c’est-à-dire en stimulant le neuro-
transmetteur appelé acétylcholine et non
plus en l’inhibant, comme c’est le cas
contre la maladie de Parkinson), il serait
possible de ralentir l’évolution de la ma-
ladie d’Alzheimer. De telles découvertes
nécessitent d’être confirmées. Des tra-
vaux sur l’homme sont actuellement en
cours afin de vérifier cette hypothèse.
(Sources : Perry EK et al. Ann Neurol
2003 ; 54 (2) : 235-8).
Le Chlamydiae :
à dépister d’urgence
Depuis 1997, comme pour toutes les
autres infections sexuellement trans-
missibles (IST), une augmentation des
infections à Chlamydiae est observée.
Ce sont les plus fréquentes des IST, et elles
sont asymptomatiques dans un cas sur
deux. Or, les conséquences à long terme
sont graves, sous forme de stérilités défi-
nitives. La fréquence des chlamydioses
chez les moins de 25 ans serait comprise
entre 0,8 % et 5 %, tandis que, dans
les populations identifiées comme étant
à risque, elle peut atteindre 8 à 15 %.
Les plus touchés sont les femmes de
15-25 ans et les hommes de 15-34 ans.
Brèves...
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