Maladies émergentes - Quand l animal devient vecteur de

publicité
Maladies émergentes
Quand l’animal devient
vecteur de transmission
La menace des maladies épidémiques et émergentes mobilise
les scientifiques, les médecins et les vétérinaires à l’échelle
internationale. La lutte entre l’homme et le monde microbien
ne cesse d’évoluer, notamment à cause du formidable pouvoir
d’adaptation des agents infectieux.
M
algré les ressources de la
science, aucun pays n’est à
l’abri de l’émergence d’une maladie infectieuse d’origine inconnue
jusqu’alors. Il semble que la majorité des émergences virales chez
l’homme soit liée à des virus génétiquement proches, qui avaient
circulé initialement chez l’animal.
Trente nouvelles maladies
Depuis le milieu des années 1970,
plus de 30 nouvelles maladies
nous ont affectés, causant des dizaines de millions de morts.
Certes, on dispose aujourd’hui de
méthodes de prévention et de
moyens thérapeutiques, plus ou
moins efficaces, pour les six maladies transmissibles les plus
tueuses dans le monde (sida, tuberculose, maladies diarrhéiques,
pneumonie, paludisme et rougeole), pourtant, plus de 10 millions de personnes en meurent
chaque année, principalement
dans les pays en voie de développement. Dans les pays industrialisés, le sida est encore un problème très préoccupant étant
donné le phénomène de résistance croissante aux traitements.
Ainsi des travaux sont en cours
sur une nouvelle génération de
vaccins et leur utilisation à titre
thérapeutique (avec pour but d’induire des réactions immunitaires
contre le virus chez les séropositifs sous trithérapie antivirale).
On s’aperçoit que, au cours des six
dernières années, les maladies épidémiques ou émergentes ayant un
potentiel de gravité pour l’homme
sévissent un peu partout dans le
monde et que les nouveaux virus
8
recomposés à l’origine de nouvelles épidémies sont peu prévisibles. Voici quelques exemples de
maladies infectieuses surveillées
actuellement par l’OMS : une
fièvre d’origine inconnue en Australie, des décès fébriles inexpliqués en Inde et en Indonésie, la
fièvre hémorragique aiguë au Soudan, le choléra dans plusieurs
pays, le virus Ebola au Congo, la
rougeole au Niger, le virus influenza en Hollande.
Le rôle de l’animal
Lorsque certaines maladies infectieuses sautent la barrière de
l’animal à l’homme, on parle de
zoonoses. Celles-ci sont définies
comme des maladies bactériennes,
virales ou parasitaires, transmissibles des animaux vertébrés à
l’homme et vice versa. Une demidouzaine étaient déjà connues dès
l’Antiquité et, à ce jour, environ
200 zoonoses ont été reconnues,
parfois après une longue hésitation.
Dans le passé, le refus des autorités
sanitaires d’admettre la transmission possible à l’homme d’une maladie animale n’était pas rare : ainsi,
la possibilité de la contagion de la
morve des chevaux à l’homme qui
fut évoquée dès 1810 par des travaux expérimentaux n’a pas été
prise en compte pendant quarante
ans et des contaminations humaines par la tuberculose bovine
démontrées dès 1863 étaient encore contestées en 1901. Cela dit,
la lutte contre les zoonoses visant
très souvent l’éradication du réservoir animal de l’agent pathogène a
remporté quelques succès, tels ceux
contre la peste humaine, la brucel-
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 48 - août-septembre 2003
lose, l’échinococcose, la trichinellose, la rage (grâce à la vaccination
des renards). A noter que le caractère zoonotique de la rage a été
démontré expérimentalement en
1803 (le siège de la virulence
dans la salive de l’animal mordeur). Cependant, la rage canine
est encore responsable d’environ
30 000 morts humaines chaque
année, surtout dans les pays en
voie de développement, où les
traitements modernes sont peu disponibles ou mal appliqués (vaccination et gamma-globulines spécifiques en cas de morsure).
Il semble aujourd’hui que le risque
de passage des agents infectieux
de l’animal à l’homme pourrait être
plus important qu’on ne le croyait.
En effet, les scientifiques pensent
que la grippe espagnole de 1918 à
1919 (20 à 40 millions de morts)
serait due à un virus de grippe porcine qui a muté aux États-Unis et
s’est répandu ensuite dans le
monde en 4 mois par l’intermédiaire des soldats mobilisés pendant la Première Guerre mondiale.
Le virus de la grippe asiatique
(1957-1958 : 1 million de morts)
provenait de la Chine du Sud où
il est resté à l’état dormant chez le
canard, avant de passer au cochon,
chez lequel il a muté avant d’infecter l’homme. Le virus Ebola en
Afrique, qui est un virus hautement contagieux et dangereux (aucun traitement n’est disponible ;
plus de 1 000 personnes sont décédées), commence souvent par
une épidémie chez les chimpanzés. L’épidémie de sida (42 millions de personnes sont infectées,
25 millions sont déjà mortes) a été
clairement identifiée en tant que
zoonose virale. Les analyses phylogénétiques montrent que des
transmissions se sont produites à
partir des singes vers l’homme :
VIH1 est étroitement lié à un virus
du chimpanzé tandis que VIH2
l’est à celui du singe sooty mangabey. Concernant la variante de
la maladie de Creutzfeldt-Jakob
(vMJC) liée à l’agent bovin EBS, en
Maladies émergentes
mars 2003, on recensait 132 cas
au Royaume-Uni et 10 dans le
reste du monde, dont 6 en France.
Les mesures de précaution prises
en 1997 ont permis l’observation
d’un tournant de l’épidémie de
l’ESB en Europe et les études épidémiologiques revoient leurs prédictions du nombre de cas de
vMJC à venir à la baisse, en sachant que la durée moyenne d’incubation serait d’environ 15 ans.
Rapportons aussi la transmission
des virus du poulet à l’homme, qui
a tué six personnes à Hong Kong
en 1999 et, plus récemment, l’épidémie de grippe du poulet en Hollande (18 millions de volailles ont
été abattues) a entraîné 83 infections chez l’homme et s’est étendue à la Belgique et à l’Allemagne.
Quant à l’actuelle épidémie de
pneumopathie atypique (SRAS),
première pandémie apparue au
xxIe siècle (environ 700 décès pour
8 000 cas), l’OMS a lancé l’alerte
mondiale en mars 2003 mais l’épidémie sévissait déjà en Chine
depuis novembre 2002 et, par
conséquent, les avions ont dispersé
rapidement l’agent pathogène en
provenance d’Asie sur les quatre
continents. Il s’est révélé que le virus du SRAS appartient au groupe
Coronavirus et son origine animale
a été suggérée après l’isolation d’un
Coronavirus génétiquement très
proche du SRAS prélevé sur des civettes et d’autres animaux sauvages
(la petite différence en délétion de
quelques nucléotides serait la modification qui s’est produite lors du
passage à l’homme).
Des origines multiples
Comme le rappelle le Dr Diego
Buriot (directeur de l’OMS, Lyon),
les raisons de l’émergence ou de la
réémergence des maladies infectieuses sont multiples. D’une part,
le monde microbien évolue en permanence et s’adapte aux nouveaux
médicaments, les mutations étant
variables selon les milieux. D’autre
part, notre monde change : la croissance de la population entraîne
Brèves...
une multiplication des contacts
entre l’homme et des animaux infectés ; le commerce international
de produits agricoles a été multiplié par cinq depuis 1950 ; le
nombre des voyages internationaux a considérablement augmenté ; l’altération de l’environnement a modifié la distribution des
populations animales, sans oublier
les facteurs liés à l’industrialisation
du secteur de production animale
et à la modification des techniques
de production. A l’heure actuelle,
les zoonoses peuvent être dépistées de façon plus rapide grâce aux
progrès de la biotechnologie et les
méthodes épidémiologiques permettent de découvrir la nature du
contage et son mode de transmission ou son réservoir. Néanmoins,
il faudrait encore renforcer des réseaux de surveillance dans tous les
pays en voie de développement,
notamment en Afrique, afin de
disposer d’un système fonctionnel
permettant la détection de l’épidémie à la source suivie de la
prise des mesures de prophylaxie
appropriées.
Ludmila Couturier
D’après des communications du colloque
de l’Institut des sciences du vivant
sur le thème “De l’animal à l’homme :
une communauté de destin”
et des 5es Journées francophones de virologie
Fièvre jaune
Malgré l’existence d’un vaccin sûr et
efficace, le nombre de personnes atteintes dans le monde a augmenté depuis une vingtaine d’années, et la
fièvre jaune pose actuellement de sérieux problèmes de santé publique. Le
responsable est un virus de la famille
des Flavivirus, transmis à l’homme par
la piqûre de moustiques.
Deux types génétiques différents sont
actifs en Afrique : l’un à l’Est et l’autre
à l’Ouest. Deux autres types génétiques sont présents en Amérique du
Sud, mais, depuis 1974, un seul a été
rendu responsable de flambées épidémiques de la maladie.
Diabète : sensibiliser les jeunes
Selon plusieurs communications lors
du Congrès mondial du diabète, à Paris, le diabète sera un phénomène dévastateur pendant les vingt premières
années du XXIe siècle. Cette maladie, du
moins dans sa forme la plus répandue,
celle du type 2 (appelée autrefois “diabète gras”) va de pair avec l’explosion
du surpoids et de l’obésité. La sédentarité et les nouvelles habitudes alimentaires (trop de gras, trop de sucré, repas
pris trop vite) sont désignées comme les
principales responsables.
Alzheimer contre Parkinson
Des chercheurs ont constaté que les sujets traités durant de longues années par
des médicaments antimuscariniques (qui
bloquent l’action d’un neurotransmetteur
appelé acétylcholine), présentent une
densité de plaques amyloïdes 2,5 fois supérieure à celle des patients n’ayant jamais reçu ces produits ou n’ayant été traités que pendant moins de deux ans. Mais,
en utilisant des molécules ayant l’effet inverse (c’est-à-dire en stimulant le neurotransmetteur appelé acétylcholine et non
plus en l’inhibant, comme c’est le cas
contre la maladie de Parkinson), il serait
possible de ralentir l’évolution de la maladie d’Alzheimer. De telles découvertes
nécessitent d’être confirmées. Des travaux sur l’homme sont actuellement en
cours afin de vérifier cette hypothèse.
(Sources : Perry EK et al. Ann Neurol
2003 ; 54 (2) : 235-8).
Le Chlamydiae :
à dépister d’urgence
Depuis 1997, comme pour toutes les
autres infections sexuellement transmissibles (IST), une augmentation des
infections à Chlamydiae est observée.
Ce sont les plus fréquentes des IST, et elles
sont asymptomatiques dans un cas sur
deux. Or, les conséquences à long terme
sont graves, sous forme de stérilités définitives. La fréquence des chlamydioses
chez les moins de 25 ans serait comprise
entre 0,8 % et 5 %, tandis que, dans
les populations identifiées comme étant
à risque, elle peut atteindre 8 à 15 %.
Les plus touchés sont les femmes de
15-25 ans et les hommes de 15-34 ans.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 48 - août-septembre 2003
9
Téléchargement