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1. Le French Paradox, 20 ans après : bilan
des connaissances acquises. Définition
d’une consommation modérée de vin
Matinée technique du 53ème Congrès des Œnologues de France
par Pierre-Louis Teissedre
Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, Unité de Recherche Œnologie, EA 4577
USC 1366 INRA, Faculté d’Œnologie, 210 chemin de Leysotte - 33882 Villenave-dOrnon cedex
Aujourd’hui, il est communément admis qu’une consommation
modérée mais régulière de vin rouge (deux à trois verres par jour)
protège contre les maladies cardiovasculaires. C’est le fameux
“paradoxe français”, qui défraie la chronique depuis près de 25 ans.
C’est grâce à de nombreuses enquêtes épidémiologiques qu’il est
confirmé que les populations consommatrices de vin présentent
des taux bas de mortalité pour les maladies cardiovasculaires.
Une activité protectrice du vin contre les maladies cardiovasculaires
est admise et un nombre important d’études suggère que le vin peut
diminuer de 40 % les risques d'infarctus du myocarde, ainsi que
les risques de thromboses vasculaires cérébrales de 25 %.
1. Le paradoxe français
Le premier travail qui évoque dès 1981 le french paradox est celui
des Dr Ducimetière, Cambien et Richard (1) après avoir comparé
les niveaux de maladies cardiaques avec les données de prise
de graisse alimentaire fournies par l’OCDE (Organisation pour la
Coopération Economique et le Développement). Dans ces données,
la consommation de graisses animales en France apparaît très élevée
en dépit du fait que les données de mortalité pour les hommes de
la tranche d’âge (35-64 ans) se situent juste au-dessus de la Grèce
ou du Japon. En fait, les risques classiques n’ont pas pu expliquer
la diminution par 4 de la mortalité dans les maladies cardiaques
ischémiques plus tard observée entre Toulouse et Belfast (2).
En effet, l’unité INSERM “Épidémiologie cardiovasculaire”
du Dr P. Ducimetière coordonne, à partir de 1985, la participation
française au projet Monica, lancé par l’Organisation mondiale
de la santé afin d’analyser les variations de la mortalité par maladie
coronaire dans 27 pays. Il est alors mis en place un véritable système
de surveillance des maladies coronaires en France, grâce à la mise
en place de trois équipes en région (Lille, Toulouse, Strasbourg),
devenues aujourd’hui des centres actifs de recherche épidémiologique.
Les données recueillies permettent d’effectuer pour la première fois
des comparaisons internationales qui montrent que l’incidence
de la maladie coronaire en France est intermédiaire, se situant entre
celle des pays d’Europe du Nord et celle des pays d’Europe du Sud.
Dés 1978, une étude (3) est menée sur 123 934 personnes par le Dr Klatsky
(Oakland, Californie) pour voir s’il est possible de trouver des facteurs
qui affectent de manière significative les risques de maladies
cardiovasculaires. Les travaux montrent l’existence dune courbe en J :
les personnes qui consomment de 1 à 3 verres par jour ont un risque
plus bas de décès par maladies cardiovasculaires que ceux qui
s’abstiennent ou ceux qui boivent de façon immorée. Depuis, cette
relation a été confirmée dans plusieurs études sur des populations
diverses et lalcool en modération est connu pour augmenter les teneurs
en HDL (Lipoprotéines Haute Densité), réduire les lipoprotéines
athérogèniques ainsi que l’agrégation plaquettaire (4).
Le retentissement le plus célèbre reste celui de l'émission “60 minutes,
présentée en novembre 1991 sur la chaîne américaine CBS où le
Dr Serge Renaud permet de vulgariser l'existence du “French Paradox.
Cette dénomination révèle donc un constat épimiologique montrant
que, si dans la plupart des pays une consommation élevée de graisses
saturées est fortement corrélée avec des mortalités importantes
pour les maladies cardiovasculaires, cela n’est pas le cas en France
et, plus particulièrement, dans la région de Toulouse où la mortalité
d’origine coronarienne est faible malgré une consommation
conséquente de graisses saturées. Parmi les hypothèses avancées
pour expliquer ce paradoxe, la consommation régulière et modérée
de vin est émise. Le Dr Serge Renaud a rapporté (5) la relation entre
graisses alimentaires, vin et mortalité coronaire pour les hommes
et les femmes dans 17 contrées développées. Une relation positive
a été trouvée entre graisses alimentaires et maladie coronaire
(r = 0,73, p <0,001). Cependant, la France, et, à un moindre degré
la Suisse, étaient éloignées de la droite de régression ; avec des taux
plus bas de maladie coronaire que ceux attendus. Lanalyse multivariée
ajustée sur la consommation de vin déplaçait la France et la Suisse
plus près de la droite de régression, et la corrélation augmentait
(r = 0,87, p<0,0001) (Figure 1).
Une méta-analyse réalisée en 2002 par le Dr Di Castelnuevo et al.
de l’ université Campobasso en Italie (6), montre que pour 13 études
impliquant 209 418 personnes, le risque relatif de la maladie vasculaire
associée à la consommation de vin était de 0,68 (l’intervalle de confiance
de 95 %, 0,59 à 0,77) par rapport aux abstinents (Figure 2). Une forte
évidence soutient l’existence d’une relation de courbe en J entre
le risque de mortalité vasculaire et les différentes quantités de consom-
mation de vin à partir de 10 études impliquant 176 042 personnes.
Une association inverse statistiquement significative est également
trouvée jusqu'à une consommation quotidienne de 150 ml de vin.
Dans le même temps, le risque relatif global de la consommation
de bière modérée, qui a été mesurée dans 15 études impliquant
208 036 personnes, est de 0,78 (l’intervalle de confiance de 95 %,
0,70 à 0,86). Cependant, aucune relation significative entre les quantités
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différentes de consommation de bière et le risque vasculaire n’a pu
être trouvée après la prise en compte de 7 études impliquant
136 382 personnes. Les résultats concluent donc à un effet cardio-
protecteur supérieur du vin par rapport à la bière et aux autres
alcools. La seule présence de l'éthanol ne suffit donc plus à expliquer
l’effet cardioprotecteur du vin. Quels peuvent-être les processus
responsables de cet effet bénéfique de la consommation de vin
pour la santé ? Qu’est-ce qui, dans le vin, produit cet effet favorable
à la santé ? Est-ce l’alcool à dose modérée et pris de façon régulière
à chaque repas ? Ou certaines substances retrouvées spécifiquement
dans la fraction non-alcoolique du vin : les composés phénoliques
antioxydants ou ces mêmes substances en synergie avec l’alcool ?
2. Rôle des composés phénoliques
Une des proprs essentielles des polypnols, qui pourrait expliquer
leurs activités bénéfiques pour la santé, est leur aptitude à capter
les radicaux libres. Produits en permanence, les radicaux libres sont
pour la plupart détruits par les diverses défenses antioxydantes de
l’organisme (enzymatiques ou non-enzymatiques) dont une grande
partie est apportée avec l’alimentation. Mais, avec l’âge, cet équilibre
se modifie et le stress oxydatif augmente avec la conséquence d’une
altération des molécules biologiques pouvant favoriser des pathologies
chroniques. Les recherches qui se sont engagées sur les composés
phénoliques du vin se sont focalies sur les proprs antioxydantes
de ces molécules pour apprécier la possibilité de réduction de loxydation
Figure 1
Figure 2
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4
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des lipides, ce qui pourrait être responsable des effets cardioprotecteurs
constatés. Des mécanismes possibles sur le rôle protecteur des
antioxydants dans les maladies cardiovasculaires et pathologies
oxydatives ont été décrits. Comme l’oxygène est une molécule
réactive et abondante dans l’environnement, les lipides du corps
sont constamment sujets à s’oxyder par l'intermédiaire de réactions
de radicaux libres. Si ces réactions ne sont pas contrôlées, les lipides
oxydés conduisent à des dommages extensifs de tissus pouvant
causer des maladies incluant l’athérosclérose avec formation de
plaques d’athérome et, dans des cas extrêmes, la mort ( Figure 3).
Le corps dispose de protection contre les dommages oxydatifs
des lipides par des antioxydants. Les lipides dans les particules
de LDL (Lipoprotéines Basse Densité) sont typiquement protégés
des dommages oxydatifs par des composés comme la vitamine E,
le ß-carotène, lacide ascorbique et des enzymes contenant du sélénium.
Labsence des antioxydants cités ci-dessus dans l’alimentation
conduit alors des dommages aux vaisseaux sanguins. Les composés
phénoliques, qui sont préservés dans le vin, pourraient amener une
protection antioxydante significative par l’interdiaire de différents
mécanismes :
> le premier d’entre eux pourrait opérer par capture directe des
radicaux libres avant qu'ils ne réagissent avec les LDL lipidiques
aussi bien qu’en réprimant les formes de radicaux libres avant
qu’aucun dommage ne s'occasionne,
> Le deuxième mécanisme doit se produire par réduction de l’activi
des enzymes oxydatives,
> Le troisième agit par diminution de la concentration en lipides
peroxydés dans le plasma.
Parmi les mécanismes moléculaires de l’effet protecteur des composés
du vin, (7, 8, 9, 10) il a pu être démontré que les compos phénoliques
inhibent l'oxydation des lipoprotéines de basses densités (LDL)
(un des premiers phénomènes conduisant à la constitution de la
plaque d’athérome) in vitro, et ce de façon plus importante que la
vitamine E, pourtant considérée comme un antioxydant de référence
(Figure 4).
Les vins rouges contribuent de fon importante à l’apport alimentaire
en polyphénols, et particulièrement en catéchines et en anthocyanes.
Ainsi, la consommation modérée de vin rouge (180 mL par jour)
correspond à une consommation moyenne de 400,2 mg de composés
phénoliques totaux par jour et par personne et à une consommation
journalière de 83,2 mg de catéchines soit 21 % des polypnols totaux
sous forme de monomères (8,4 %) et de dimères (12,6 %), ainsi qu’un
apport moyen en anthocyanes de vins rouges de 80 mg/jour.
Dans le cas des vins blancs l’apport en composés phénoliques
correspond seulement à une consommation moyenne de 44,1 mg
par jour et par personne soit près de 10 fois moins que dans le cas
du vin rouge. Lapport en catéchines par le vin blanc représente
alors seulement près de 3 % (1,17 mg) du contenu phénolique
lors de cette consommation (11).
3. Études in vivo et activité antioxydante
La capacité antioxydante du plasma après consommation de 300 mL
de vin rouge a pu être suivie pour plusieurs sujets et des valeurs
maximales sont atteintes 55 min après l’ingestion. Les pourcentages
d’augmentation de la capacité antioxydante du plasma varient
en fonction des méthodes d’évaluation : 16,4 % (méthode ORAC-PE,
capacité d’absorbance de radical oxygène/ß-Phycoerytrine), 22,8 %
(méthode ORAC-FL, capacité d’absorbance de radical oxygène/
Fluoresceine), et 28,6 % (méthode FRAP capacité à réduire les ions
ferriques). Des corrélations élevées et significatives entre la présence
d’acide urique dans le plasma et les activités antioxydantes
sont obtenues (12). Lacide urique pourrait expliquer jusqu’à 60 %
des valeurs antioxydantes (13). Leffet de la consommation d’alcool
dans les teneurs en acide urique du sérum a été très discuté (14),
car on ne connaît pas complètement les mécanismes impliqués.
En effet, après la consommation d'éthanol (0,6 g/kg), l’acide urique
na pas augmen (15) et il en a été de même pour l’activité de xanthine
oxydase du plasma après l’administration orale d’éthanol (16).
Pendant l’administration d’éthanol intraveineuse à court terme,
les teneurs en urate du sérum, la clearance de l’urate et l’excrétion
urinaire d’acide urique n’ont pas été considérablement modifiées
par rapport à la période ligne de base (17). La consommation d’alcool
na conduit à aucune différence dans la concentration d’acide urique
pour les non-buveurs, mais a augmenté de 6,7 mg/L pour des buveurs
réguliers (18) qui avaient bu la moitié de la dose d’éthanol utilisée
dans l’étude (15). Cependant, l’acide urique a été rapporté en
augmentation après l’administration de vin, mais pas après
la consommation de vin désalcoolisé. Et il a été suggéré que
la consommation d'alcool produit une augmentation de la consom-
mation d’ATP dans les hépatocytes ainsi qu’une augmentation
de la formation d’acide urique par le métabolisme purin (19).
Au moins six études ont examiné les effets de consommation
de vin sur la capacité antioxydante du plasma chez les humains
et toutes ont trouvé des niveaux accrus (20). Day et Stansbie (21)
ont rapporté une augmentation de 24 % de la capacité d’antioxydant
du sérum pour 6 hommes sains qui avaient consommé 250 ml
de porto, tandis que l’ingestion d'éthanol comme contrôle n’avait
aucun effet. Serafini et al. (22) constatent que la capacité antioxydante
du plasma et la concentration en polyphénols du plasma s’accroissent
de façon significative pour 10 sujets sains 50 minutes après la
consommation de vin rouge sans alcool, mais pas après la consom-
mation de vin blanc sans alcool ou d’eau. De même Whitehead et al.
(23) ont rapporté que la capacité antioxydante moyenne du sérum,
mesurée par chimioluminescence, pour 9 sujets est augmentée
Figure 3
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5
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de 18 et 11 %, respectivement, 1 et 2 h après avoir bu 300 mL de vin
rouge et 4 et 7 %, respectivement après avoir bu une quantité
équivalente de vin blanc. Dans une autre étude, 9 volontaires,
qui ont consommé 100 mL de vin rouge ou de whisky de malt, ont
montré une augmentation significative des phénols plasmatiques
et de la capacité antioxydante du plasma FRAP dans les 30 minutes
suivant la consommation (24). Maxwell et Thorpe (25) ont aussi
trouvé une augmentation moyenne significative de 14 % dans
la capacité antioxydante du sérum 60 minutes après l'ingestion
de vin rouge de Bordeaux. Le rôle de l’urate a été confirmé par une
étude sur le vin rouge de Modun et al. (26). En faisant consommer
successivement du vin rouge, du vin rouge désalcoolisé, du vin
rouge débarrassé de ses polyphénols, de l’éthanol et de l’eau,
ces auteurs ont pu établir clairement que l’augmentation de la
capacité antioxydante du plasma pouvait s’expliquer par à la fois
un pic de catéchines (formes libres et conjuguées) et un pic d’urate.
Laugmentation de l’urate plasmatique après consommation de vin
rouge a depuis été démontrée indépendante des polyphenols,
et la combinaison de glycérol et d'éthanol apparaît responsable
de l’augmentation de la teneur en urate de la capacité antioxydante
du plasma (27). Ce phénomène pourrait être lié à l'épuisement
significatif d’ATP et l'adénine nucléotides (qui pourrait indiquer qu’ils
avaient été métabolisés en urate) se produit seulement dans des
tranches de foie de rat incubées dans un milieu contenant à la fois
glycérol et éthanol (28). Le mécanisme détaillé par lequel cet effet
peut se produire reste à être élucidé. La découverte que le glycérol
et l’éthanol interagissent dans la modulation de la production d’urate
et le lien à l’augmentation de la capacité antioxydante du plasma a
fourni une nouvelle direction expérimentale pour clarifier les effets
biologiques de vin rouge. Des vins rouges préparés pour différentes
variétés de raisin (grenache et syrah) et procédés technologiques
ont été testés pour des hamsters recevant un régime athérogenique
pendant 12 semaines et un gavage quotidien avec de l’éthanol
à 12 % vol. et des vins rouges issus de vinifications par flash détente,
tanisage, vinification traditionnelle, ou bien de l’eau pour le groupe
contrôle. La consommation nutritionnelle de vin a diminué le choles-
térol total et les LDL du plasma. Les dépôts de lipides aortiques ont
été réduits par l’éthanol (30 %), les vins (moyenne de 54 %) ou les
vins obtenus par tanisage (65 %). La production cardiaque d’anions
superoxyde a diminué de 20 à 33 % pour les vins de flash détente.
Lexpression de la NAD(P)H oxydase est diminuée de 44 % pour
les vins de flash détente et les vins réalisés avec tanisage et 26 %
pour les vins traditionnels. Les vins ont augmenté l’uricémie d'une
moyenne de 15 %. Ces résultats indiquent qu’une consommation
modérée et régulière de vins rouges sur le long terme pourrait
prévenir le développement de l’athérosclérose. La prévention
de l’induction de la NAD(P)H oxydase et la préservation des lipides
aortiques de l’oxydation contribue très probablement a cet effet (29).
Les effets d’une prise alimentaire unique sur l’augmentation modérée
d’acide urique, la rigidité artérielle et les marqueurs des dommages
oxydatifs dans le plasma ont pu être explorés pour des hommes en
bonne santé. Dix sujets ont été exposés à des doses d’oxygène pur
dans une étude croisée menée sur une période de quatre semaines.
Une élévation aigüe de l’acide urique du plasma a été induite par
la consommation de vin rouge et une combinaison d'éthanol et
de glycérol. Avant exposition à l’hyperoxie, la capacité antioxydante
et l’acide urique du plasma se sont accrus. Une augmentation
significative des hydroperoxydes lipidiques se produit pendant
les 30 minutes d’hyperoxie dans le groupe consommant l’eau, mais
est en grande partie prévenue dans les groupes qui ont consommé
le vin rouge et une combinaison de glycérol et d'éthanol.
En contraste avec l’hyperuricémie chronique, que l’on considère
généralement comme un facteur de risque pour les maladies
cardiovasculaires et le syndrome métabolique, une augmentation
aigue d’acide urique s’avère protectrice contre le stress oxydatif
induit par l’hyperoxie et l’augmentation reliée de rigidité artérielle
dans les grandes artères périphériques (30). Bien que l’hyperuricémie
chronique soit associée à la goutte (31) et à la consommation
d’alcool (32), des études épidémiologiques récentes ont montré que
la consommation modérée de vin nest pas associée à une incidence
plus élee de goutte. Ceci contraste avec la consommation de bière
et de spiritueux (33, 34).
Lensemble de ces éléments permet de conclure qu’il n’est pas
probable qu'une augmentation aigüe d’urate dans le plasma après
consommation de vin puisse causer des effets préjudiciables sur
la santé humaine associée à hyperuricemie chronique. En effet,
si le vin est consommé avec des repas, l’élévation d’acide urique
plasmatique prévue peut significativement contribuer aux effets
protecteurs de vin sur le stress oxydatif d’après-dîner. Dans une
méta-analyse sur la consommation modérée de vin et les dommages
oxydatifs chez les humains, les effets protecteurs de vin sont plus
convaincants pendant la période de stress oxydatif post-prandiale
d’après repas (35).
4. Consommation de vin et diabète
Plusieurs études menées sur un nombre important de personnes
lent que les sujets ayant une consommation légère ou modérée
de boissons alcoolisées présentent moins de risques de contracter
le diabète que les sujets qui ne boivent pas du tout ou de manière
excessive. Les résultats d’une méta-analyse examinant la corrélation
entre une consommation modérée d’alcool et le diabète de type 2,
indiquent que le vin a un effet protecteur contre le diabète si celui-ci
est consommé avec modération (36). La réduction du risque de diabète
est estimée à 30% à la fois pour les hommes et les femmes (37, 38, 39,
40, 41). Le mécanisme par lequel une consommation modérée
Figure 4
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de boissons alcoolisées pourrait réduire les risques de diabète reste
à définir. Des études montrent que l’alcool est susceptible d’améliorer
la résistance à l’insuline, problème caractéristique du diabète
de type 2 ou du diabète de l’adulte (42, 43). Les sujets souffrant
de diabète de type 2 ne peuvent pas utiliser efficacement le glucose
étant donné leur résistance à l’insuline (hormone permettant au
glucose de pénétrer dans les cellules).
Une consommation modérée de boissons alcoolisées permettrait
non seulement de réduire le risque de velopper le diate de type 2,
mais également de réduire les risques d’éventuelles complications
cardiaques liées au diabète. Cet aspect est des plus importants
si l’on considère que les maladies coronariennes sont la principale
cause de décès pour les sujets souffrant de diabète de type 2.
En effet, les diabétiques sont susceptibles de développer quatre fois
plus de crises cardiaques ou d’accidents vasculaires cérébraux.
Compte tenu de l’ampleur du diabète de type 2 à l’échelle mondiale,
et si lon garde à lesprit que cette maladie va encore gagner du terrain
dans le futur avec des coûts de soins de santé importants, la préven-
tion du diabète est aujourd’hui une préoccupation majeure de san
publique. Il semble donc qu’une consommation modérée de vin
pourrait aider à réduire les risques de diabète de type 2 et donc
contribuer de manière significative à la santé publique (44).
Récemment, pour une consommation de vin pour les hommes
et les femmes, la réduction d’un risque plus bas de diabète de type 2
a pu être mise en évidence et cet effet apparaît plus important pour
les personnes en surpoids (45). La consommation de vin est donc
possible pour le diabétique de type 2, à plusieurs conditions : cette
consommation doit être modérée (pas plus de deux verres de vin
par jour), celle-ci doit se faire au cours des repas, et l’apport calorique
correspondant doit être pris en compte.
5. Mécanismes d’actions
et effets vasodilateurs
Parmi les mécanismes d’actions, on doit rapporter des activités :
antiagrégante plaquettaire, vasodilatatrice et anti-inflammatoire
des flavonoïdes du vin. Il est maintenant bien établi chez l’animal
et l’homme que les cellules endothéliales ont un rôle déterminant
dans le contrôle de l’homéostasie vasculaire. Leffet protecteur des
cellules endotliales s’explique par leur capacité à libérer de puissants
facteurs vasoactifs comme le monoxyde d’azote (NO), le facteur
hyperpolarisant dérivé de l’endothélium (EDHF) et la prostacycline.
Le facteur le plus étudié est le NO, à la fois puissant vasodilatateur,
mais aussi inhibiteur de la prolifération et de la migration des cellules
musculaires lisses vasculaires. De plus, il contribue à maintenir la
fluidi sanguine en inhibant l’agrégation et l’adhésion plaquettaires.
Enfin, le NO inhibe l’expression de nombreuses molécules pro-
athérothrombotiques comme le monocyte chemoattractant
protein-1, le vascular endothelial growth factor et le facteur tissulaire.
L’EDHF participe à la régulation du tonus vasculaire des artères
coronaires et des vaisseaux de petit calibre. La prostacycline est,
elle aussi, capable de dilater de nombreux vaisseaux sanguins
et elle agit en synergie avec le NO pour empêcher l’activation
plaquettaire. Les pathologies cardiovasculaires majeures comme
l’athéroscrose, l’hypertension artérielle, le diabète et le vieillissement
vasculaire sont caractérisés par un dysfonctionnement des cellules
endothéliales avec une réduction des relaxations dépendantes de
l’endothélium. Cette altération de la fonction endothéliale apparaît
trèst suggérant qu’il sagit dun événement qui participe à l’initiation
et au développement de la pathologie. Très souvent la dysfonction
endothéliale implique un stress oxydant dépendant de la NADPH
oxydase qui génère des anions superoxyde capables de dégrader le NO.
Les polyphénols de vin rouge sont de puissants vasodilatateurs
en stimulant, via la voie PI3-kinase/Akt redox-sensible, la formation
de NO et d’EDHF ; et préviennent l’hypertension artérielle et la
dysfonction endothéliale induites par l’angiotensine II en partie
en prévenant le stress oxydant vasculaire-dépendant de la NADPH
oxydase et la formation de métabolites vasoconstricteurs via les
cyclooxygénases (46-58).
Les flavonoïdes du vin pourraient réduire la tendance thrombotique
en réduisant le taux d’hydropéroxydes lipidiques et en inhibant les
cyclooxygénases et la formation des précurseurs du Thromboxane
TXA2. Cette action pourrait être analogue à l'effet bénéfique de
l’aspirine qui, à faible dose, inhibe la formation du TXA2et réduit
la tendance thrombotique. Labsorption de vin rouge entraîne une
diminution de l’agrégation plaquettaire sensiblement équivalente
à celle consécutive à l'absorption d'alcool. Cependant, l’absorption
de vin rouge après une période de sevrage de dix-huit heures,
n’est pas associée à un effet rebond de l’agrégation plaquettaire
comme cela est observé avec l'alcool (59). L'effet inhibiteur du vin
rouge sur l’agrégation des plaquettes peut être complètement
reproduit en ajoutant de l’alcool aux tanins extraits de raisins.
Les auteurs suggèrent que les tanins ne seraient absorbés qu’en
présence d’alcool.
Une action vasodilatatrice a également été décrite pour le vin rouge
(60). Outre la réduction par certains flavonoïdes de la formation
de TXA2, vasoconstricteur, le vin stimulerait la synthèse du radical
oxyde nitrique (NO) dans la cellule endothéliale. Or, une des fonctions
Figure 5
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