PAUVRETÉ ET NOURRITURE

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PAUVRETÉ ET NOURRITURE
18e dimanche ordinaire(A) ; 2011.07.31
Is 55, 1-3; Rm 8,35.37-39; Mt 14, 13-21
Jésus le Nazaréen a sans doute participé à quelques grands rassemblements
durant sa vie publique. Ce que l’évangéliste Matthieu vient de nous relater fait cependant
ressortir moins un événement du vivant de Jésus, qu’une réalité rendue possible grâce au
Christ, le Ressuscité. Celui-ci reflète un Dieu, qui se donne en partage et qui promeut le
partage entre les êtres humains. Cela ne pose pas moins des questions et c’est heureux.
Par exemple, nous pouvons nous demander, au sujet du problème de la faim dans le
monde : si Dieu a vraiment créé le blé, le riz et tout le reste, pourquoi cela ne suffit-il pas
à nourrir tous les peuples? Comment se fait-il que la famine sévisse en tant de régions
comme Somalie et que des milliers d’enfants meurent encore chaque jour, faute de
nourriture? Quant à y être, comment se fait-il que Dieu n’enraye pas tout ce qui est
source de destruction et de souffrance ou même ne prévient-il tous les actes terroristes ou
fanatiques?
Si Dieu était un deus ex machina, un dieu païen qui dirige l’univers comme une
machine mécanique ou même comme un ordinateur, si par sa toute-puissance il menait
les êtres humains par le bout du nez, si tout fonctionnait à la baguette magique, est-ce que
les êtres humains seraient plus heureux et deviendraient meilleurs?
Soyons réalistes et regardons dans le récit biblique ce que le Seigneur nous
laisse entendre, que l’événement soit historique ou fictif, peu importe. À la question : «où
trouverons-nous de quoi nourrir cette foule?», Jésus ne répond pas : « je m’en occupe »; il
répond plutôt : «donnez-leur vous-mêmes à manger». Cette réponse peut nous paraître
surprenante, contre tout bon sens et peut-être même insolente, puisqu’ils n’ont rien ou si
peu, seulement deux poissons et cinq pains. Et pourtant elle est la plus importante du
texte.
Ces propos peuvent nous faire saisir l’ampleur du fossé entre les besoins et les
solutions, entre la faim dans le monde et le peu de moyens efficaces. Que peuvent les
disciples en face d’une si grande foule? Que pouvons-nous faire en face des peuples
affamés, blessés, lointains? Que pouvons-nous faire en faveur des personnes démunies,
même dans notre milieu? Pour autant que nous soyons émus ou interpellés, il peut n’y
avoir, semble-t-il, que du scepticisme, étant donné l’écart entre le besoin et l’aide possible.
Nous serions peut-être portés à utiliser des prières comme moyen de
marchandage : «Seigneur, faites que ceci arrive ou donnez-nous cela ». Ou encore nous
nous tournerions vers le ciel pour demander la réalisation miraculeuse de ce que nous
pourrions faire nous-mêmes. Et ainsi, nous demanderions de la nourriture pour le quart1
monde affamé, sans renoncer à notre surplus. Ainsi nous mendierions le pain pour les
pays lointains, sans consentir à un partage de nos propres biens.
Il est possible que lors du partage des cinq pains et des deux poissons d’autres
personnes de la foule se soient jointes aux disciples pour partager ce qu’elles avaient, elles
aussi, et qu’ainsi toute la foule eût de quoi se nourrir, laissant même un surplus. Le
partage des mets, provenant de chacune des personnes présentes lors d’une rencontre
festive, comme cela nous arrive à l’occasion, ne se traduit-elle pas toujours en
surabondance. Il en reste tout le temps.
En écoutant la réponse de Jésus : «donnez-leur vous-mêmes à manger», nous
sommes amenés à considérer nos propres possibilités, afin de tout tenter par nousmêmes. Nous sommes appelés à prendre en main nos propres responsabilités, car les
êtres humains sont librement maîtres de l’univers, selon la Bible. Et plus on est riche
financièrement, plus on peut partager. Quand on a cinq talents, on n’en fait pas fructifier
un ou deux, mais tous les cinq, pour mieux les partager avec d’autres.
Une fois que les disciples eurent obéi à Jésus, une fois qu’ils se furent
dépouillés de leurs quelques pains et poissons, Jésus, à la manière de Dieu, a favorisé le
partage. Il rompit les pains, les bénit, les donna aux disciples, les disciples les donnèrent à
la foule, la foule étant ainsi entraînée à partager ce qu’elle avait en réserve. Et tous
mangèrent à leur faim; il en resta douze corbeilles, symbole des douze tribus d’Israël. Le
miracle, s’il y en eut un, ne fut-il pas que toutes les personnes présentes aient partagé ce
qu’elles avaient? Comme le prophète Ésaïe l’avait annoncé, Yahveh ne demande pas
mieux que de nous combler : « mangez de bonnes choses, régalez-vous de viandes
savoureuses. Venez à moi. Écoutez et vous vivrez », comme nous avons entendu en
première
lecture.
C’est ainsi que la toute-puissance de Dieu s’accomplit à travers nos gestes de partage :
partage de nos avoirs, de nos connaissances, de nos pouvoirs, de nos savoirs, en somme
de nos diverses richesses.
Poursuivons cette eucharistie avec l’espérance que le Seigneur nous rassasie de
sa tendresse, pour autant que nous fassions d’abord notre part, envers les êtres humains
d’ici et d’ailleurs de quelque peuple que ce soit. Rendons-nous compte, par exemple, que
par nos impôts les gouvernements fédéral et provincial versent à l’occasion des dons
alimentaires à des populations dans le besoin. Des organismes, tels que Développement
et Paix, font de même grâce à nos dons. Ce sont là quelques-unes des nombreuses façons
de partager. Si nous poursuivons dans ce sens, individuellement et collectivement, nous
pourrons affirmer, comme saint Paul nous l’a tantôt rappelé : « rien ne pourra nous
séparer de l’amour de Dieu, qui est en Jésus Christ notre Seigneur », car Dieu nous invite
à partager, lui qui ne cesse de partager ce qu’il est avec l’humanité, et ce de multiples
façons. Sans nous prendre pour Dieu, soyons des signes sensibles de lui à la manière de
Jésus. Amen.
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