JARDINS DE FRANCE JANVIER/FEVRIER 2008
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Arbres & Arbustes d’ornement
Descat / MAP
Ilex rotunda.
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I
lex – connu en Europe par le houx – est
un vaste genre qui compte plus de 800
espèces dans le monde et des milliers
de cultivars, à feuillage persistant ou
caduc, d’une grande diversité. Leur feuil-
lage et leurs fruits d’automne en font des
arbustes ou de petits arbres très décoratifs
dans les jardins et les parcs. Ils sont même
utilisables en bac, pour la décoration ur-
baine, résistant très bien à la pollution.
Même sans feuilles, les tiges, garnies gé-
néreusement d’attrayantes baies, généra-
lement rouges, mais éventuellement jaunes,
orange, blanches ou noires, font merveille
dans les arrangements floraux.
Des sexes séparés
Le houx est une plante dioïque : chaque
individu est mâle ou femelle. Ce sont les
femelles qui produisent les baies. Les
fleurs groupées, à court pédoncule, appa-
raissent fin mai, début juin, sur les ra-
meaux extérieurs. Petites et blanchâtres,
elles passent la plupart du temps inaper-
çues : quatre pétales blancs à pointe pour-
pre, recouverts d’une surface cireuse. Les
fleurs mâles sont pourvues de quatre éta-
mines saillantes à anthères jaunes, les
fleurs femelles d’un pistil vert, court,
ovale. Souvent, une même plante possède
à la fois des fleurs mâles et des fleurs fe-
melles, atrophiées. Quelques cultivars,
dont ‘J.-C. van Tol’, développent de façon
permanente des fleurs des deux sexes, qui
s’autopollinisent sans qu’il soit nécessaire
d’avoir d’autres houx dans les parages.
Les houx polygames existent donc, mais
sont malgré tout assez rares.
Quand on parle du
houx…
Texte de Pierre Paris*
Les houx sont mal connus en France, alors que leur extrême
diversité pourrait en faire un arbuste de choix dans les jardins, isolés,
en massifs, en haies ou même en bac. L’arboretum des Prés des
Culands, collection nationale, est l’occasion de les mettre
en valeur et de les observer. Voici les conseils et la sélection de son
conservateur, notre meilleur spécialiste français.
* Créateur de l’arboretum des Prés des Culands (Loiret) et conservateur de la collection nationale d’Ilex.
P. Paris
Fleur femelle.
P. Paris
Fleur mâle.
Une plante aux
multiples usages
Les fruits apparaissent à la fin de l’au-
tomne, sous la forme de baies écarlates, ou
drupes. Elles contiennent quatre graines
brunes, dont la dispersion est assurée par
les oiseaux qui se nourrissent de leur
pulpe jaune, farineuse.
Les cotylédons qui émergent au printemps
suivant, ou l’année d’après, sont mous.
Les feuilles coriaces n’apparaissent que
plus tard. L’écorce est lisse et grise, parfois
teintée de vert olive, contenant une subs-
tance gluante. Celle-ci était jadis utilisée
pour capturer les oiseaux qui restaient col-
lés aux rameaux préalablement broyés.
Le bois, blanc à crème clair, est très dense et
lourd, mais néanmoins tendre et facile à
travailler. Il contient peu d’eau par rapport
à son poids sec, et constitue donc un excel-
lent combustible, même “vert”. Il est prin-
cipalement utilisé pour l’ornementation, la
sculpture et l’ébénisterie, notamment en
marqueterie (en tant qu’”incrustation”
blanche ou teint dans sa masse en noir). Il
imite alors l’ébène en donnant un beau bois
poli. Les tiges, plus lisses, fournissent no-
tamment des bâtons de marche ou des bâ-
tons souples pour la confection des fouets.
intéressante
en médecine
Les houx, à l’instar du caféier et du ca-
caoyer, sont riches en caféine. En Forêt
Noire, une sorte de thé est confectionnée
avec ses feuilles. L’extrait de caféine a par-
fois été utilisé pour soigner certaines ma-
ladies cardiaques. La décoction de racines,
le “vin de houx”, l’infusion des feuilles,
sont d’emploi traditionnel en médecine
populaire.
Plusieurs espèces font partie de la méde-
cine traditionnelle chinoise : Ilex chinensis,
Ilex cornuta, Ilex rotunda
Le maté, yerba maté ou thé des jésuites,
boisson répandue en Amérique du Sud,
est préparé à base de feuilles de houx du
Paraguay (Ilex paraguayensis). C’est un sti-
mulant nerveux, musculaire et cérébral,
qui a été utilisé pendant la Première Guerre
mondiale par les armées britanniques,
françaises et allemandes.
Si une vilaine toux vous afflige, une petite
infusion de feuilles de houx vous fera le
plus grand bien ! Enfin, si la déprime hi-
vernale s’empare de vous, plantez du
houx !
Une bonne plante
de haie
Dommage que les houx soient si peu em-
ployés dans les jardins, car ces plantes
supportent parfaitement la taille au séca-
teur. Vous pouvez leur donner la forme
Arbres & Arbustes d’ornement
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Didillon / MAP
Ilex crenata
(‘Helleri’) en couvre-sol.
Descat / MAP
Ilex verticillata.
Descat / MAP
Ilex X koehneana
‘Chestnut Leaf’.
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désirée, comme le font les artistes de l’art
topiaire. Ces arbustes peuvent constituer
d’excellentes haies, durables et décora-
tives toute l’année, certaines espèces étant
impénétrables. Il est vrai que leur crois-
sance est lente et qu’il faut compter huit à
dix ans pour qu’une haie atteigne 1,70 à
2 mètres de haut. Pour les plus pressés, cet
inconvénient peut être contourné en mê-
lant d’autres arbustes, tels que cornouil-
lers, cytises, kolkwitzias, etc. Ils donne-
ront plus rapidement du volume à la haie,
laissant ainsi aux houx le temps de se dé-
velopper et de constituer, à terme, de
splendides rideaux de verdure. La taille
de ces plantes ne doit pas être faite à n’im-
porte quelle époque : avril/mai ou début
septembre.
Mais l’utilité des houx ne se borne pas à
la haie : pourquoi ne pas en planter en iso-
lés ? Ils prennent tout naturellement une
LA MULTIPLICATION DES HOUX
Semis
Le semis est possible pour les espèces pures dans de bonnes conditions, mais il ne
donne pas de résultats probants. Les fruits sont prélevés aussitôt après maturité,
lorsque les couleurs commencent à apparaître (novembre à février), emmagasinés
en petits tas et laissés à pourrir pendant plusieurs semaines. La pulpe doit être éli-
minée, car elle contient une substance qui entrave la germination. Les graines sont
lavées, séchées et stratifiées dans du sable ou de la tourbe fine. Semez à l’automne
ou au printemps suivant, en planches sur sol humifère suffisamment humide ou,
mieux, quelque peu tourbeux, à mi-ombre. En hiver, recouvrez les planches d’une
couche de sapinette (aiguilles de pin). La germination, très irrégulière, peut se ma-
nifester après trois à quatre ans. Les jeunes plants seront repiqués après la troi-
sième feuille, pendant le repos de végétation (fin août) en planches ombragées.
Bouturage
Les boutures sont possibles pour les espèces à feuillage persistant, de préférence en
juillet/août, mais encore jusqu’en janvier/février, en utilisant une hormone (acide
indolacétique en poudre). Bouturez dans deux tiers de tourbe et un tiers de sable,
en caissette sous plastique, en serre ou sous châssis.
Au printemps suivant, lorsque la pousse va commencer, transplantez en godets ou
en planches. Les boutures faites à partir de rameaux de l’année poussent mieux
que celles de rameaux âgés ! Le racinage commence déjà au bout de trois semaines.
Pendant l’hiver, il faut donner une chaleur de fond.
Marcottage
Pour l’amateur, les houx ne sont pas des arbustes faciles à multiplier. Toutefois,
cette pratique réussit bien, si le sol est approprié : tourbeux et frais. Les branches
basses peuvent être facilement marcottées. Couchez une branche sur le sol, appli-
quez-la à l’aide d’un cavalier qui l’empêchera de se redresser. Recouvrez le milieu
de la branche d’un peu de tourbe blonde et redressez l’extrémité que vous fixerez
sur un tuteur. Attention, le cintrage doit être le plus court possible, mais sans cas-
ser la branche. Retirez alors toutes les feuilles de la partie se trouvant en terre. La
marcotte sera sevrée au bout de dix-huit mois environ. Une fois bien enracinée,
elle sera replantée à son emplacement définitif.
Greffage
Il peut être entrepris pour les très nombreuses variétés, de différentes façons :
- greffage à l’anglaise : en serre pendant l’hiver, sur des plants de semis d’Ilex
aquifolium, voire même Ilex crenata.
- greffe en fente : incrustation pour former des sujets pleureurs ou des formes
diverses.
- greffe en écusson : en plein été, sur plants issus de semis, en pleine terre.
Descat / MAP
Ilex vomitoria
‘Wiggins Yellow’.
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Historique du genre Ilex
Des restes fossiles indiscutables trouvés en Australie datent du crétacé. Puis le
genre s’est diversifié sur l’ensemble des continents, mais a presque disparu
d’Australie, d’Europe et d’Afrique, les foyers actuels de grande diversité étant l’est
de l’Asie et l’Amérique du Sud.
La comparaison de plusieurs séquences d’ADN du chloroplaste et du noyau a per-
mis de retracer l’histoire du genre Ilex. Ses principales conclusions sont que :
- le genre actuel ne représente pas la lignée entière et les lignées basales (re-
présentées par les fossiles d’Australie) se sont éteintes au tertiaire,
- la lignée actuelle est le résultat de migrations intercontinentales complexes,
faisant intervenir, d’une part des relations entre l’Asie et l’Amérique du Nord,
et d’autre part des relations entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud,
- deux lignées différentes coexistent en Amérique du Sud : une lignée ancienne,
présente avant que l’Amérique du Sud ne se rattache à l’Amérique du Nord,
au pliocène, et une lignée récente provenant d’Amérique du Nord à la suite
de la formation de l’isthme de Panama.
Histoires d’houx
Agrelon, oulette, épine du diable,
mesplier sauvage, et Ilex pour les bo-
tanistes… tous ces noms désignent le
houx. Ainsi que les noms vernacu-
laires grand houx, greou, grifeuil,
agrifous…
• Ilex vient du latin “chêne vert”
(Quercus ilex), signifiant en grec “pierre”,
en celte “pointu”.
• Le terme “houx” vient du francique
hulis, qui a donné également le verbe
“houspiller”. La racine se retrouve dans
le néerlandais “hulst”.
• L’adjectif spécifique aquifolium, em-
prunté par Linné à Pline, signifie litté-
ralement “à feuille épineuse”, de fo-
lium, feuille, et acus, aiguille. Le nom
générique Ilex était le nom latin de
l’yeuse, en référence à l’aspect du feuil-
lage persistant. Selon Pierre Lieutaghi,
aquifolium serait la déformation de
acrifolium (de acer, acris, aigu) terme
rencontré chez Caton dans la forme
acrufolius pour qualifier des outils agri-
coles.
• Un lieu planté de houx s’appelle une
houssaie ou une houssière.
• En anglais, hollywood signifie bois de
houx.
• En France, ce nom est fréquent en
toponymie pour désigner des com-
munes et des lieux-dits avec diverses
variantes : La Houssaye, La Houssoye,
Houssay, Housseras, Housset, Houssine,
Oussières…
• De acrifolium dérivent également les
Aigrefeuilles, Arfeuille, Arpheuilles…
• Depuis la nuit des temps, le houx est
le symbole de fêtes religieuses ou
païennes.
• Dans le langage des fleurs et des
plantes, le houx est le symbole de l’in-
sensibilité.
• La famille de Yves Joseph de Kerguelen
de Trémarec, découvreur des îles qui
portent son nom, avait pour emblème
le houx et pour devise “vert en tous
temps”. Le nom de Kerguelen fait d’ail-
leurs référence en breton à un lieu
planté de houx.
Descat / MAP
Ilex crenata
‘Mariesii’.
Descat / MAP
Ilex crenata
‘Golden Gem’.
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