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PRATIQUES 64 JANVIER 2014
Tanquerel avait été audité et avait eu les félicita-
tions de l’Assurance maladie pour sa qualité de
codage. Il avait mis au point un logiciel pour essayer
de repérer des atypies +/- prédictives d’un défaut
de remontée d’information vers le DIM, ce qui lui
avait permis, entre 2009 et 2011, de récupérer près
de quatre millions d’euros. Il avait pour projet de
croiser différentes bases de données : par exemple
repérer, par la base du laboratoire de biologie,
qu’une infection urinaire n’avait pas été codée.
Malheureusement, le nouveau directeur, bien qu’in-
formé de ce projet, au lieu de renforcer l’équipe
DIM, a préféré faire appel à la société extérieure
avec laquelle il avait l’habitude de travailler.
Le problème est que ces sociétés, pour pouvoir
recoder, demandent à consulter les données non
anonymisées, ce qu’a refusé notre collègue, car il
savait que c’était contraire au secret médical. Par
ailleurs, il est convaincu que les DIM peuvent faire
aussi bien, et même mieux, que ces sociétés si on
leur en donne les moyens.
C’est un lanceur d’alerte, mais qui n’est pas protégé
par la loi récente sur les lanceurs d’alerte. Il est
soutenu par les députés Gérard Bapt et Jacky Le
Menn, qui ont écrit à la ministre pour demander
sa réintégration en tant que médecin DIM dans son
hôpital.
La CNIL, dans sa décision de septembre, s’oppose
très fermement à la violation du secret médical, mais
dant à son activité, il doit faire la preuve de celle-
ci auprès de l’Assurance maladie, au travers de
données – administratives et médicales – qu’il lui
adresse, d’où le codage. Le codage est très subjectif :
en tant que clinicienne, je code comme diagnostic
principal et comme comorbidité ce qui me semble
le plus important pour le patient. Un médecin DIM
ne va pas avoir le regard clinique, il va interpréter
ce que je code pour voir ce qui rapportera le plus
à l’hôpital.
Le codage est le travail principal des DIM,
mais c’est très complexe (cf. encadré ci-dessous)
Presque tous les hôpitaux et cliniques font appel à
des sociétés extérieures spécialisées qui, pour « opti-
miser le codage », demandent l’accès aux données
non anonymisées. Certaines se font payer au nombre
de dossiers, d’autres en pourcentage, jusqu’à 10 %,
des sommes récupérées grâce au recodage.
Il y a une dizaine de sociétés de ce type qui sont
dirigées par, ou qui salarient, des médecins DIM
« défroqués ». Le problème est qu’à l’hôpital, l’in-
formation médicale est un métier jugé non pénible
et que beaucoup de médecins âgés et fatigués ont
été reconvertis en DIM. L’information médicale
faite par des gens non formés et non compétents
peut entraîner un vrai manque à gagner pour les
hôpitaux. C’est une des causes d’appel à des sociétés
extérieures.
Ce n’était pas le cas à Saint-Malo où Jean-Jacques
DOSSIER
Le secret en médecine
Le Département d’Information médicale gère toute l’information
médicale de l’hôpital, qu’elle soit sur support informatique ou sur
support papier, avec des attributions qui peuvent varier. La mission
des DIM la plus importante, du moins aux yeux des directions, est
le codage.
Les diagnostics sont codés à partir de la Classification Internatio-
nale des Maladies (CIM), les actes sont codés en fonction de la
Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM). Il y a plusieurs
milliers de codes, pour les diagnostics comme pour les actes.
Réglementairement, il est de la responsabilité des cliniciens de
faire remonter vers le DIM les diagnostics et les actes.
– Pour les diagnostics, le codage est, le plus souvent, centralisé,
en raison de la complexité des règles. La logique est médico-
économique et les cliniciens ont du mal à se l’approprier. C’est
donc le DIM qui l’effectue. Pour cela, il reçoit le compte rendu
d’hospitalisation et les comptes rendus au sens large : endo-
scopies, interventions…
– Pour les actes, dans la plupart des établissements, le codage
n’est pas centralisé, car la description des actes médico-chirur-
gicaux est tellement précise que seul le praticien qui a pratiqué
l’acte est apte à pouvoir coder.
Après avoir récupéré l’information, la responsabilité du DIM est
de mettre en place un codage de qualité, sans rien oublier, et en
respectant les règles de la tutelle, qui changent souvent. Ainsi
l’insuffisance rénale fonctionnelle aiguë, qui était codée « autres
insuffisances rénales aiguës », ce qui rapportait beaucoup d’ar-
gent à l’hôpital, relève, depuis 2010, d’un autre code : « urémie
extra rénale », qui ne rapporte rien.
Le guide méthodologique pour le codage fait une centaine de
pages. Les règles, en grande majorité, sont précises, mais certaines
sont plus sujettes à interprétation. L’hôpital les interprète à son
avantage, ce qui peut faire l’objet d’un contentieux avec l’Assu-
rance maladie, lors d’un contrôle.
En pratique, le motif principal d’hospitalisation est bien transmis
au DIM. Mais les transmissions sont moins systématiques pour
des prises en charge associées, comme l’appel à une assistante
sociale pour préparer le retour à domicile. L’hôpital perd beaucoup
d’argent lorsque ce n’est pas codé.
En principe, l’Assurance maladie fait des contrôles tous les trois
ans, qui portent sur l’année précédente et peut, s’il y a surcodage,
demander à l’hôpital de rembourser les sommes versées.
Mais il y a des surprises quand on regarde certains codages : coder
un patient en coma végétatif comme s’il était en soins palliatifs va
rapporter à l’hôpital 3 000 euros de plus par jour que si ce patient
était codé : en attente de placement.
Il est étonnant que certains hôpitaux puissent avoir, sans service
de chirurgie ni de réanimation, des taux de sepsis 36 fois supé-
rieurs à la médiane nationale, avec par contre un taux de morta-
lité trois fois inférieur à la moyenne nationale, le tout sans que
l’Assurance maladie ne s’en rende compte !
DIM, codage et T2A
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