Un parcours pour enseigner la théorie de Darwin dans la Grande

Plateforme de formation en ligne du MNHN 2010 - Auteurs : Alexis Matamoro-Vidal / Sophie Mathé
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Un parcours pour enseigner la théorie de Darwin dans la
Grande Galerie de l’Evolution
du Muséum national d’Histoire naturelle
En rouge, il est fait référence entre guillemets aux arrêts proposés dans
la visite virtuelle de la plateforme de formation en ligne des enseignants
A différentes étapes de sa conception, ce parcours a bénéficié des conseils de Pierre-Henri Gouyon, Guillaume
Lecointre et de Pascal Tassy pour les aspects scientifiques ; ainsi que de ceux de Sophie Mathé et Sophie Mouge
pour les aspects pédagogiques.
Objectifs et contenus de la visite
L’objectif de cette visite est de mettre en évidence l’évolution des espèces par sélection
naturelle telle que l’a proposée Charles Darwin dans l’ouvrage L’origine des espèces paru en
1859. Nous proposons ici une démarche méthodique permettant de construire pas à pas les
différents éléments de la théorie, en tenant compte des exigences des programmes scolaires
et à l’aide d’un discours pouvant être appréhendé par les élèves.
L’évolution n’est pas une discipline qui s’enseigne à l’aide « du tableau noir et de la craie ».
Pour comprendre la théorie de l’évolution, il faut observer, décrire et comparer des
organismes ainsi que leurs milieux de vie. Pour cela, nous utiliserons les éléments
muséologiques présents à la Grande Galerie de l’Evolution (GGE). Notre démarche
permettant de comprendre la théorie de l’évolution s’appuie donc sur de nombreux exemples
exposés à la GGE.
« Arrêt 1 : Maquette de la Grande Galerie de l’Evolution »
La GGE comporte 4 niveaux : le rez-de-chaussée et le premier étage exposent la diversité
des organismes dans leur environnement respectif. Le deuxième étage présente l’impact de
l’homme sur la nature et le 3
ème
étage montre des spécimens illustrant l’évolution des
espèces. Lors de cette visite, nous allons parcourir ces 4 niveaux, en nous arrêtant à chaque
fois devant des vitrines particulièrement pertinentes dans le cadre de notre objectif.
En primaire
Le contenu de la visite est en lien direct avec plusieurs éléments présents dans le
programme du cycle 3. En effet, la théorie de l’évolution permet d’expliquer trois grandes
notions qu’il est demandé de transmettre aux élèves. En premier lieu, le programme stipule
que les élèves doivent « parvenir à une première approche de la notion d’évolution à partir
de l’unité et de la diversité du vivant». Par ailleurs, les élèves doivent « savoir quil existe
une interaction entre les organismes et leur milieu de vie ». Autrement dit, ils doivent
appréhender le fait que les organismes sont adaptés à des conditions de vie particulières.
Lors de cette visite, nous allons mettre en évidence ces trois faits que sont l’unité, la diversité
et l’adaptation des êtres vivants à l’aide d’exemples démonstratifs présentés à la GGE.
D’autre part nous allons voir comment la théorie d’évolution par sélection naturelle permet
d’expliquer ces trois faits.
Enfin, le programme indique que les élèves doivent « savoir pratiquer une démarche
d’investigation : formuler une hypothèse et chercher à la valider […] distinguer le savoir
scientifique de ce qui relève d’une opinion ». Ainsi, pour chaque observation nous
prendrons le soin d’adopter une démarche propre à la méthodologie scientifique : description
des faits (c'est-à-dire l’unité, la diversité et l’adaptation des organismes à leur milieu de vie) ;
proposition des hypothèses permettant d’expliquer ces faits ; et recherche de nouveaux faits
permettant de choisir parmi les différentes hypothèses celle qui est la plus plausible.
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Au collège et au lycée
Cette visite permet d’«observer, de recenser et d’organiser des informations afin détayer la
théorie de l’évolution » (B.O. de 3
ème
du 28 août 2008).
Au cours de cette visite, nous vous proposons de mettre en évidence l’unité, la diversité et
l’adaptation des êtres vivants et de voir comment la théorie de l’évolution par sélection
naturelle permet d’expliquer ces trois faits, à l’aide d’exemples démonstratifs présentés à la
GGE.
Cette visite est aussi l’occasion pour les élèves de développer une « démarche
d’investigation » : pour chaque observation une méthodologie hypothético déductive propre
aux sciences sera développée :
- Observation des faits (c'est-à-dire l’unité, la diversité et l’adaptation des organismes à
leur milieu de vie).
- Proposition d’hypothèses pour expliquer ces faits.
- Déduction des conséquences possibles à partir des différentes hypothèses.
- Observation de nouveaux faits permettant de choisir parmi les différentes hypothèses
celle qui est la plus plausible.
L’approche historique des travaux de Darwin est aussi un atout fort qui permet à l’élève de
se construire une solide connaissance scientifique sur l’évolution des espèces par sélection
naturelle. En terminale S, cette visite permet aussi, à l’aide de l’exemple de la phalène du
bouleau ou des coquilles des escargots des haies, d’illustrer les relations entre mécanismes
de l’évolution et génétique.
Les questions qui seront soulevées au cours de cette visite et auxquelles nous apporterons
les réponses sont donc :
Comment l’unité, la diversité et l’adaptation des organismes à leur milieu sont
expliquées grâce à l’évolution des espèces par sélection naturelle ?
Quel est le raisonnement scientifique qui permet de formuler ces explications ?
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Arrêt 2 : Mise en évidence de l’unité et de la diversité du vivant (1)
« Des membres tous pareils, tous différents ? »
Ce panneau présente les membres antérieurs de différents animaux : deux oiseaux
(manchot et huîtrier) et trois mammifères (dauphin, chauve-souris et martre). La description
des spécimens de cette vitrine constitue un premier exemple afin d’appréhender l’unité et la
diversité des êtres vivants. Commençons par décrire les différents os qui constituent le
membre de la martre, de la gauche vers la droite dans la vitrine. La structure la plus à
gauche est la ceinture scapulaire. Elle est suivie d’un seul os : l’humérus, puis de deux os :
le radius et le cubitus, puis des carpes, du métacarpe et des phalanges. Si l’on décrit
maintenant les membres des autres animaux présentés dans la vitrine, on retrouve tous ces
os assemblés dans le même ordre. On met donc ici en évidence une unité au sein de ces
animaux présentés : tous ont des membres antérieurs constitués de ces pièces osseuses
assemblées dans le même ordre. Si l’on regarde maintenant plus en détail chacun des os, et
qu’on les compare d’une espèce à l’autre, on s’aperçoit qu’ils présentent des différences. Par
exemple, la chauve souris a des phalanges relativement grandes par rapport à celles de la
martre. Il y a donc une diversité au sein du vivant.
Nous avons mis en évidence une unité au sein de ces différents animaux. A l’intérieur de
cette unité, il y a une diversité. Maintenant nous pouvons nous questionner sur les causes de
cette unité et de cette diversité. Comment l’expliquer ? C’est le moment de proposer
différentes hypothèses pour rendre compte de ce fait. En effet, différentes explications
peuvent venir à l’esprit. Nous pouvons toutes les garder pour le moment et nous verrons au
cours de la visite des éléments qui nous permettront de trancher entre ces hypothèses :
- Hypothèse 1 : Ces animaux ont des membres similaires car ils font la même chose
avec leurs membres. Autrement dit, l’usage d’un membre modifierait sa structure. Si
ces animaux font des usages similaires de leurs membres alors ils se ressemblent. Il
y a une diversité entre les organismes car ils ne font pas tous exactement la même
chose.
- Hypothèse 2 : Ces animaux ont des membres similaires car ils vivent dans un
environnement similaire. Autrement dit, le milieu dans lequel vit un organisme modifie
directement sa structure. Il y une diversité entre les organismes car ils ne vivent pas
tous exactement dans le même environnement
- Hypothèse 3 : Ces animaux ont des membres similaires car ils descendent tous d’un
unique ancêtre commun. Autrement dit, ils ont donc tous hérité de la même structure
de base (on parle d’homologie secondaire). Il y a une diversité entre les organismes
car au cours des générations, les différentes lignées issues de l’ancêtre commun ont
acquis de légères modifications, faisant que certains ont un membre en forme d’aile,
d’autres en forme de nageoire ou encore en forme de patte.
Une autre proposition peut venir à l’esprit pour expliquer l’unité et la diversité du vivant. Il
s’agit de l’explication créationniste suivant laquelle l’unité et la diversité du vivant résultent
d’une volonté divine. Cette explication ne peut être considérée comme une hypothèse car
cela signifierait qu’elle rentre dans un cadre scientifique. Or, cette explication ne peut pas
rentrer dans notre démarche scientifique. En effet, depuis un peu plus de deux siècles, par
contrat, un scientifique ne peut pas faire appel à un élément surnaturel (Dieu) pour expliquer
les phénomènes de la nature. Le scientifique se donne pour objectif d’expliquer les
phénomènes observés dans la nature à l’aide d’autres observations faites dans la nature.
Toute explication surnaturelle s’écarte d’une démarche scientifique car elle peut donner une
réponse à toutes les observations d’entrée de jeu. Il ne serait donc pas nécessaire de mener
une recherche scientifique.
Dans le cadre de cette visite nous cherchons justement à conduire une démarche
scientifique pour expliquer les faits observés. Nous verrons donc par la suite les éléments
permettant de trancher entre nos différentes hypothèses. Mais avant cela, voyons d’autres
exemples permettant de mettre en évidence l’unité et la diversité au sein du vivant.
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Arrêt 3 : Mise en évidence de l’unité et de la diversité du vivant (2)
« Des oursins tous pareils, tous différents ? »
Cette vitrine présente, entre autres, plusieurs espèces faisant partie du groupe des
échinodermes. Toutes ont une symétrie pentaradiée (c'est-à-dire une même structure de
base répétée cinq fois) et la plupart ont une peau comportant des épines. On reconstitue
donc une unité au sein de ce groupe. Parmi les espèces présentées, il est facile de
constituer des sous groupes. On peut distinguer les étoiles de mer, les oursins et les
ophiures. Il y a donc également une diversité à l’intérieur de ce groupe. Pour chaque sous-
groupe (étoiles de mer, oursins, ophiures) les différentes espèces exposées sont toutes
différentes par leur taille, leur forme ou leur couleur.
A nouveau les 3 hypothèses évoquées précédemment peuvent être proposées pour
expliquer l’unité et la diversité. Gardons ces hypothèses en tête et voyons maintenant la
troisième notion que doivent appréhender les élèves : l’adaptation.
Arrêt 4 : Mise en évidence de l’adaptation des êtres vivants aux milieux arctique et
antarctique (1) - « Qu’est-ce qu’une adaptation ? »
Une adaptation est une caractéristique d’un organisme lui permettant de mieux accéder aux
ressources, de mieux échapper aux prédateurs, de mieux résister aux conditions
environnementales ou encore de mieux accéder aux partenaires sexuels, et donc de mieux
se reproduire dans un environnement donné, par rapport à un autre individu ne possédant
pas cette caractéristique. Une adaptation peut se présenter sous la forme d’un organe, d’une
physiologie ou encore d’un comportement.
Les organismes vivant dans des milieux dits extrêmes permettent de bien cerner des
exemples d’adaptations. Par exemple, les milieux de l’arctique et de l’antarctique présentent
des caractéristiques particulières : il fait froid, la couleur dominante du paysage est le blanc,
et dans certains habitats, les ressources alimentaires sont présentes de façon très
sporadique. En observant les organismes présentés dans cet espace, pouvons-nous
discerner des caractéristiques communes qui leurs sont propres et qui leur permettent de
vivre et de se reproduire dans ce type de milieu ?
Arrêt 5 : Mise en évidence de l’adaptation des êtres vivants aux milieux arctique et
antarctique (2) - « Être adapté au milieu antarctique »
On distingue ici trois types différents d’adaptations : anatomiques, physiologiques et
comportementales.
Comme adaptation physiologique, nous pouvons relever que les animaux représentés, en
particulier l’éléphant de mer et les manchots, ont une importante capacité de stockage de
graisses. Ceci se remarque par la présence de tissus adipeux volumineux. Ces deux
animaux passent la majeure partie de leur temps dans une eau à basse température. Or,
chez ces organismes, les organes vitaux doivent rester à 37°C ou 40°C (comme chez tous
les autres oiseaux et mammifères). L’épaisse couche de graisse périphérique sert de
gradient de température et on peut donc supposer qu’il s’agit là d’une adaptation. Par
contraste, les poissons osseux et les poissons cartilagineux n’ont pas de tissus adipeux
importants et leur température interne est celle de l’eau. Nous voyons donc que, chez
certains mammifères et certains oiseaux est apparue une adaptation leur permettant la vie
dans les eaux froides. Il s’agit bien d’une adaptation car un mammifère ou un oiseau vivant
dans de telles conditions et n’ayant cette couche de graisse protectrice dépenserait
beaucoup d’énergie pour maintenir ses organes vitaux à la bonne température. Il lui resterait
par conséquent moins d’énergie à consacrer aux autres fonctions vitales, par rapport à un
individu disposant d’une telle couche protectrice.
Comme adaptation anatomique, nous pouvons relever que les animaux vivant dans ces
milieux extrêmes sont relativement grands, par rapport à leurs congénères vivant sous des
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températures plus douces. Par exemple, les manchots empereurs présentent une taille bien
plus grande que d’autres espèces de manchots (par exemple le manchot adélie) vivant sous
des températures plus « clémentes ». Ceci peut être considéré comme une adaptation vis-à-
vis des basses températures. En effet, le principal problème rencontré par les animaux
homéothermes (c'est-à-dire ceux qui sont capables de réguler leur température interne
indépendamment de la température extérieure) dans les milieux froids est la perte de chaleur
au travers de la surface de leur corps en contact avec l’extérieur. Or, une façon de maintenir
une température interne de façon efficace, c’est d’avoir un métabolisme qui produit
beaucoup de chaleur, ce qui s’obtient en étant très volumineux. Ainsi, les organismes de
grande taille vivant dans des milieux froids sont favorisés par rapport à des congénères plus
petits car l’augmentation du volume est la meilleure façon de minimiser son rapport
surface/volume, c'est-à-dire avoir un volume le plus grand possible (donc un métabolisme
important), tout en ayant une surface (c'est-à-dire des pertes de chaleur) les plus faibles
possible.
Enfin, comme adaptation comportementale, on peut relever chez les manchots empereurs le
fait qu’ils se regroupent en constituant des « tortues » (voir la vidéo), ce qui à nouveau
minimise le contact avec l’extérieur et donc les pertes de chaleur.
Maintenant que nous avons mis en évidence des adaptations de ces organismes à leurs
conditions de vie, il est temps de se demander comment expliquer le fait que les organismes
soient adaptés à leur milieu de vie. A nouveau, différentes hypothèses, c'est-à-dire
différentes explications possibles, peuvent venir à l’esprit :
- Hypothèse 1 : Les organismes sont adaptés à leur milieu de vie car l’usage qu’ils font
de leurs organes les modifient afin qu’ils puissent mieux réaliser ce pour quoi ils sont
utilisés. Suivant cette hypothèse, l’usage d’un organe crée sa fonction. Les
organismes qui utilisent un organe donné pour la même fonction présentent donc des
adaptations similaires pour cet organe.
- Hypothèse 2 : Les organismes sont adaptés à leur milieu de vie car les
caractéristiques de l’environnement modifient directement l’anatomie, la physiologie
et le comportement des organismes, ce qui rend ces différents caractères adaptés à
l’environnement. Les organismes qui vivent dans les mêmes conditions de vie
présentent ainsi les mêmes types d’adaptations.
- Hypothèse 3 : Les organismes sont adaptés à leur milieu de vie car ils évoluent sous
l’action du processus de la sélection naturelle. Selon ce processus, des variations
(qui sont provoquées par des mutations) peuvent apparaître au sein de la
descendance des organismes, et c’est par l’accumulation de ces variations au cours
de nombreuses générations qu’évoluent les espèces. De façon tout à fait
hasardeuse, il peut arriver qu’une variation permette à l’individu qui la porte de mieux
survivre, et donc de se reproduire de façon plus abondante que les autres dans un
environnement donné (parce que cette variation lui permet par exemple de mieux
résister au froid). Si cette variation est héritable, à la génération suivante, la
descendance de cet individu est donc plus nombreuse et remplace alors celle des
autres individus de la population. Les organismes qui vivent dans les mêmes
conditions de vie présentent donc les mêmes types d’adaptation car c’est le même
type de variation qui est sélectionné.
Nous avons donc trois hypothèses scientifiques afin d’expliquer le fait de l’adaptation des
organismes à leur milieu de vie. A nouveau, l’explication suivant laquelle l’adaptation des
organismes résulte d’une volonté divine n’est pas considérée car elle ne répond pas aux
critères de la démarche scientifique suivant laquelle la validité des hypothèses peut être
vérifiée ou rejetée à l’aide d’observations. Nous verrons par la suite de la visite les
observations et les faits qui permettent de trancher parmi ces différentes hypothèses. Avant
cela, voyons d’autres exemples d’adaptations des organismes à leur milieu de vie.
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