Journal Identification = MET Article Identification = 0414 Date: August 29, 2013 Time: 5:9 pm
Mise au point
mt 2013 ; 19 (3) : 179-88
Carence en vitamine C
et scorbut
Olivier Fain
Université Paris-13, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, hôpital Jean-Verdier, service de
médecine interne, avenue du 14-Juillet, 93143 Bondy cedex, France
<olivier.fain@jvr.aphp.fr>
La carence en vitamine C est fréquente en cas de dénutrition et dans les populations à risque.
Elle est sous-évaluée dans la population générale. Les principales sources alimentaires de
vitamine C sont les légumes et les fruits frais. La carence totale en acide ascorbique entraîne
la survenue de manifestations cliniques, caractéristiques du scorbut. L’asthénie, les myal-
gies, les arthralgies, un purpura vasculaire, un syndrome hémorragique et, plus tardivement,
des manifestations stomatologiques – gingivorragies et perte de dents – surviennent après
trois mois de carence totale d’apports. Les signes biologiques sont non spécifiques : anémie,
hypocholestérolémie, hypoalbuminémie. La suspicion clinique est confirmée par la baisse
de l’ascorbémie (<2,5 mg/L). Celle-ci doit être interprétée en fonction des paramètres biolo-
giques de l’inflammation. Le dosage de l’acide ascorbique leucocytaire, témoin des réserves
de l’organisme, est plus fiable. Le traitement consiste en l’administration de 1g de vitamine C
par jour pendant 15 jours. Les déplétions en vitamine C (ascorbémie de2à5mg/L) pour-
raient être à l’origine de complications à long terme. Les apports nutritionnels conseillés en
vitamine C tiennent compte de ces risques.
Mots clés : scorbut, vitamine C, carence vitaminique
La carence en vitamine C reste
d’actualité. Des observations de
scorbut sont régulièrement rappor-
tées [1-13] et la détection d’état
de déplétion vitaminique dans la
population générale a été incrimi-
née comme facteur de risque d’un
certain nombre de pathologies [14].
Cette carence peut s’intégrer dans le
cadre d’une dénutrition globale ou de
carences multiples en vitamines et en
oligoéléments [15].
Historique
Le scorbut est connu depuis
l’Antiquité. L’une de ses premières
descriptions est attribuée à Hippo-
crate : «Ceux qui sont attaqués ont
une haleine puante, les gencives mol-
lasses et sont sujets à l’hémorragie
du nez ; ils ont parfois des ulcères
de jambe. ». Entre le XVeet le XVIIIe
siècle, le scorbut décime les équi-
pages des navigations au long cours ;
la mortalité est estimée entre 50 et
80 %. En 1593, le capitaine d’un
navire anglais prévient la survenue de
la maladie en faisant boire chaque
jour quelques gouttes de jus de
citron à son équipage en route vers
les Indes. C’est en 1753 que James
Lind, chirurgien de la marine britan-
nique, publie un traité du scorbut
mettant en évidence le rôle cura-
tif de la consommation d’oranges et
de citrons, à partir d’une des pre-
mières études cliniques comparant
chez 12 scorbutiques l’effet du cidre,
du vinaigre, de l’eau de mer, du
vitriol, des oranges et des citrons. En
1795, d’après ses travaux, les mate-
lots anglais rec¸oivent préventivement
du jus de citron ; les Franc¸ais ne
bénéficieront de cette mesure qu’en
1856 [16]. En 1907, Holst et Frolisch
provoquent un scorbut expérimental
chez les cobayes qui rec¸oivent un
régime carencé en légumes frais. En
1912, Zylva extrait du citron un prin-
cipe actif contre le scorbut. En 1932,
doi:10.1684/met.2013.0414
mt
Tirés à part : O. Fain
179
Pour citer cet article : Fain O. Carence en vitamine C et scorbut. mt 2013 ; 19 (3) : 179-88 doi:10.1684/met.2013.0414
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Mise au point
la structure précise de la vitamine C est établie par
Haworth qui propose de lui donner le nom d’acide ascor-
bique. La synthèse est réalisée par Reichstein quelques
mois plus tard.
Métabolisme et physiologie
de la vitamine C
La vitamine C ou l’acide ascorbique est une vitamine
hydrosoluble, sensible à la chaleur, aux ultraviolets et à
l’oxygène [16]. Le pool total de l’organisme est de 1 500 à
2 500 mg. Le turnover quotidien est de 45 à 60mg par
jour (soit3%dupool total). La demi-vie est de dix à
20 jours. L’absorption de la vitamine C s’effectue au niveau
de l’iléon par un mécanisme de transport actif saturable
au-delà de 180 mg par jour. Le coefficient d’absorption
est de 85 %. Après ingestion, la vitamine C passe rapide-
ment dans le sang, puis diffuse de fac¸on variable dans tous
les tissus. Dans le sang total, on retrouve principalement
l’acide ascorbique (80 à 95 %) ; l’acide déhydroascorbique
ne représente que5à20%delavitamine C circulante.
La concentration est basse (5 à 15 mg/L) dans le plasma
et les globules rouges, et très élevée dans les plaquettes
et les globules blancs (80 fois supérieure). La concentra-
tion leucocytaire reflète celle des tissus. La vitamine C
est réabsorbée à plus de 90 % au niveau tubulaire rénal
après filtration glomérulaire. L’élimination urinaire se fait
sous la forme native et de métabolites dont le principal est
l’acide oxalique (55 %). Lorsque la concentration plasma-
tique dépasse 14 mg/L, la vitamine C absorbée est éliminée
dans les urines. L’hypophyse et la corticosurrénale sont les
organes les plus riches en acide ascorbique alors que le
muscle et le foie ont les concentrations les plus faibles.
Tableau 1. Prévalence de la carence en vitamine C.
Auteurs Contexte Nombre Ascorbémie <2 mg/L
DHSS [18] Royaume-Uni
1970
Personnes âgées à domicile
?50%
Hercberg et al. [19] Région parisienne
1994
Sujets non hospitalisés
1 108 5 % des femmes (15 % après 65 ans)
12 % des hommes (20 % après 65 ans)
Johnston et Thompson [20] États-Unis
1998
Classe moyenne
494 6 %
Fain et al. [21] Région parisienne
1997
Malades hospitalisés
184 16,9 %
Malmauret et al. [28] Région parisienne
1999
Sans domicile fixe
87 72 % ayant des taux inférieurs au seuil
de détection
Il n’existe ni synthèse ni stockage de la vitamine C dans
l’organisme. Cela est une particularité de l’homme, du
singe et du cobaye, du fait de la mutation du gène codant
pour la L-gluconolactone oxydase nécessaire à la trans-
formation du gluconate en acide ascorbique. Un apport
quotidien minimal d’origine alimentaire est donc néces-
saire, celui-ci provient essentiellement des fruits et des
légumes frais (tableau 1). Le lait, la viande et les pois-
sons n’en contiennent qu’une très faible quantité (0 à
2 mg/100 g). En France, les principales sources alimen-
taires de vitamine C sont les légumes et les fruits frais
(70 %) et en quantité moindre les pommes de terre, le
pain et les céréales (20 %). Le besoin minimal prévenant
le scorbut est de 10 mg par jour, il suffit à maintenir un
pool total de 350 mg [17]. La vitamine C intervient dans
de nombreuses réactions biochimiques par un mécanisme
d’hydroxylation. Son rôle dans la synthèse du collagène
est important. Elle est un cofacteur indispensable à la
proline et à la lysine oxydase qui interviennent dans la
biosynthèse du procollagène et sont responsables de la
formation d’hélices de collagène stables. La carence en
vitamine C induit une altération de la structure du colla-
gène [14]. Cela explique les manifestations cliniques du
scorbut : altération de la formation de dentine et perte
de dents, atteinte de la paroi vasculaire et purpura avec
syndrome hémorragique, œdèmes, altération cutanée par
atteinte de la kératine, remaniements osseux du fait de
l’incapacité des ostéoblastes à former la bordure ostéoïde
chez l’enfant. L’action de la vitamine C sur les dioxygé-
nases, qui interfèrent dans le métabolisme de la carnitine
et donc celui des acides gras à longue chaîne de la mito-
chondrie, explique la fatigue décrite au cours du scorbut.
La vitamineCaunrôle de cofacteur dans la synthèse des
catécholamines, notamment dans la transformation de la
180 mt, vol. 19, n3, juillet-août-septembre 2013
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dopamine en norépinéphrine, ce qui peut rendre compte
des troubles du comportement et de l’humeur observés au
cours du scorbut. D’autres actions sont décrites :
une intervention dans le catabolisme de la phényla-
lanine et du cholestérol vers les acides biliaires ;
une augmentation du métabolisme des toxiques et
carcinogènes par le cytochrome P450 hépatique.
L’acide ascorbique favorise l’absorption du fer non
héminique (réduction des ions ferriques en ions ferreux et
chélation des ions ferriques) et joue un rôle dans la mobi-
lisation du fer d’un compartiment à l’autre (fer circulant lié
à la sidérophiline et fer de réserve lié à la ferritine). La vita-
mine C est un des quatre antioxydants de l’alimentation
avec la vitamine E, le bêtacarotène et le sélénium, et parti-
cipe à la dégradation des radicaux libres oxygénés, ce qui
assure une protection contre les agents toxiques pour la
cellule.
Quelle est la prévalence
de l’hypovitaminose C ?
Les études réalisées dans les années 1970 au
Royaume-Uni montraient que 50 % des personnes âgées
vivant à domicile avaient une ascorbémie inférieure
à 2 mg/L (tableau 1) [18]. Dans une étude réalisée
sur 1 108 sujets (non hospitalisés) en région parisienne
(Val-de-Marne 1994), Hercberg et al. [19] mettaient en
évidence une ascorbémie inférieure à 2 mg/L chez 5 %
des femmes et 12 % des hommes, pourcentage atteignant
15 % des femmes et 20 % des hommes après 65 ans.
Johnston et Thompson [20] notaient6%desujets carencés
(<2 mg/L) et 30,4 % de sujets déplétés dans une popula-
tion «en bonne santé »de la classe moyenne américaine
en 1998. Nous avons objectivé, dans une étude pros-
pective de 184 patients hospitalisés dans un service de
médecine interne de Seine-Saint-Denis [21], une hypovi-
taminose C dans 47,3 % des cas (ascorbémie <5 mg/L) et
une carence (ascorbémie <2mg/L) dans 16,9 %. Plus de
100 000 cas de scorbut ont été répertoriés dans les années
1990 parmi les réfugiées de la corne de l’Afrique [22]. Les
taux d’ascorbémie varient en fonction de la saison avec
des valeurs plus basses pendant les périodes hivernales où
il est plus difficile de se procurer des fruits et des légumes
frais [23].
Quelles sont les circonstances
qui favorisent la carence en vitamine C ?
Diminution des apports
Elle est la conséquence du mode de vie ou de condi-
tions socio-économiques particulières. Les hommes seuls,
les personnes âgées, les éthyliques et les sujets ayant des
régimes alimentaires volontairement restrictifs sont prin-
cipalement atteints (tableau 2). Un certain nombre de
facteurs de risque de carence ont été identifiés dans notre
étude menée en milieu hospitalier ; en analyse univariée
(le sexe masculin, le fait d’être retraité ou chômeur, d’avoir
une maladie infectieuse et une consommation alcoolo-
tabagique excessive) et en analyse multivariée : la retraite
et la consommation excessive d’alcool et de tabac [21].
La prédominance masculine de l’hypovitaminose C est
notée également par Jacob et al. [24] alors que Johns-
ton et Thompson [20] ne trouvent pas de différence entre
les deux sexes. Le tabac diminue l’absorption et aug-
mente le catabolisme de la vitamine C avec un turnover
journalier de vitamine C pour les gros fumeurs (plus de
20 cigarettes par jour), 40 % supérieur à celui enregistré
chez les non-fumeurs [25]. Schectman [26] montre que
les fumeurs ont trois fois plus de carence en vitamine C
et considère que leur apport quotidien doit être supérieur
à 200 mg par jour. L’influence du tabac n’est pas retrou-
vée par Lowik et al. [27] mais ils étudient une population
très sélectionnée de femmes âgées. Dans notre étude, c’est
la consommation excessive de tabac et d’alcool qui était
significativement associée à l’hypovitaminose C. Kallner
et al. [25] montrent également que l’alcool augmente les
besoins.
Tableau 2. Carence en vitamine C :
populations à risque et facteurs favorisants.
Diminution des apports
Hommes seuls
Sujets âgés
Sans domicile fixe
Consommation excessive d’alcool et de tabac
Troubles psychiatriques : psychose, anorexie mentale...
Maladies cachectisantes : cancer, sida...
«Fast-fooder »et autres régimes déséquilibrés
Alimentation parentérale exclusive non supplémentée
Augmentation du métabolisme
Fumeurs
Diabétiques
Hémodialyse et dialyse péritonéale
Diminution de l’absorption
Maladie de Crohn
Maladie de Whipple
Maladie cœliaque
Augmentation des besoins
Surcharges en fer
Croissance, grossesse, allaitement
Fausses carences (redistribution de la vitamine C plasmatique
vers les leucocytes)
Syndromes inflammatoires
mt, vol. 19, n3, juillet-août-septembre 2013 181
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Mise au point
Une étude réalisée à Paris chez 87 sujets sans domi-
cile fixe (depuis plus de deux ans) a recensé 95 % de
sujets déplétés et 72 % ayant des taux inférieurs au seuil
de détection ; 84 % d’entre eux consommaient régulière-
ment de l’alcool (175 ±167g par jour) et 75,5 % fumaient
[28]. Des pathologies et certaines situations favorisent la
carence : les troubles psychiatriques (psychose, anorexie
mentale), les affections cachectisantes (cancer [29], sida
par diminution des apports et augmentation des besoins),
la nutrition parentérale non supplémentée, les sujets en
hémodialyse ou en dialyse péritonéale.
Diminution de l’absorption
La carence peut être liée à une diminution de
l’absorption au cours de pathologies intestinales : la mala-
die de Crohn [30], la maladie de Whipple [31] et la
maladie cœliaque [32].
Augmentation des besoins
Les besoins sont augmentés pendant la croissance, la
grossesse, l’allaitement et au cours du diabète. Cunnin-
gham et al. [33] montrent que le taux d’acide ascorbique
leucocytaire est plus bas chez les diabétiques insuli-
nodépendants malgré des apports quotidiens conformes
aux recommandations, ce que confirment Johnston et
Thompson [20] pour des valeurs plasmatiques. Enfin, une
augmentation de l’élimination est possible dans les sur-
charges en fer.
Quelles sont les manifestations
de la carence en vitamine C ?
Le modèle de scorbut expérimental a montré le délai
d’apparition des signes cliniques (tableau 3). Si le régime
restrictif débute à J0, l’ascorbémie devient nulle à J41, la
déplétion cellulaire à J121 et les premiers signes cutanés
à J132. Les anomalies dentaires n’apparaissent qu’au bout
de six mois.
Le tableau clinique se constitue en un à trois mois de
carence absolue en acide ascorbique quand le pool total
de l’organisme est inférieur à 300 mg et que l’ascorbémie
s’abaisse en dessous de 2 [20] à 2,5 mg/L [21]. Hodges
et al. [34] montrent, en créant un scorbut expérimental
chez cinq patients, que les premiers signes cliniques de
scorbut apparaissent lorsque l’ascorbémie est entre 1,3 et
2,4 mg/L.
Manifestations cliniques
Les manifestations cliniques associent des signes
généraux (asthénie, anorexie, amaigrissement) et des
manifestations articulaires (arthralgies des genoux, des
chevilles, des épaules, des poignets, des myalgies et des
Tableau 3. Manifestations cliniques
et biologiques du scorbut.
Signes généraux
Asthénie
Anorexie
Manifestations ostéoarticulaires
Arthralgies
Myalgies
Hémarthrose
Chez l’enfant
- Douleurs osseuses (hémorragies sous-périostées)
- Radiographies (manchon périostéodiaphysaire, élargissement
de l’extrémité antérieure des côte)s
Syndrome hémorragique
Purpura
Ecchymoses
Hématomes
Hémarthrose
Hémorragies des gaines des nerfs
Hémorragies cérébrales, gynécologiques
Manifestations stomatologiques
Gingivite hypertrophique et hémorragique (absente en
cas d’édentation)
Parodontolyse
Chutes des dents
Manifestations cutanées
Hyperkératose folliculaire
Ichtyose pigmentée
Œdèmes des membres inférieurs
Atteinte des phanères : «cheveux en tire-bouchon », alopécie
Autres
Syndrome sec
Hypertrophie parotidienne
Troubles psychiatriques : dépression
Déficit de l’immunité cellulaire et troubles de la phagocytose
Convulsions
Atteintes cardiaques
- Modifications du segment ST et des ondes T
- Morts subites
Signes biologiques
Anémie
Leucopénie
Hypocholestérolémie
Hypoalbuminémie
Ascorbémie inférieure à 2 mg/L ;
baisse de l’acide ascorbique leucocytaire
hémarthroses). Le syndrome hémorragique se traduit par
un purpura pétéchial des membres et du tronc centré
sur les follicules pileux, des ecchymoses, des héma-
tomes (figure 1) mais également des hémorragies des
gaines des nerfs («paralysie douloureuse du scorbut »),
des hémorragies intramusculaires pouvant être à l’origine
de syndromes des loges, des hémarthroses responsables
182 mt, vol. 19, n3, juillet-août-septembre 2013
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Figure 1. Hématomes spontanés et œdèmes au cours du scorbut.
Figure 2. Atteinte gingivale et chute de dents au cours du scorbut.
parfois d’ostéolyses, des hémorragies digestives, voire
des hémorragies gynécologiques ou cérébrales. Ce syn-
drome hémorragique est secondaire à une altération de
la synthèse du collagène ; des anomalies des fonctions
plaquettaires (troubles de l’agrégation) ont été toutefois
détectées. Les manifestations stomatologiques (figure 2)
ne sont pas toujours présentes bien qu’elles soient caracté-
ristiques. La gingivite hypertrophique et hémorragique est
d’autant plus intense qu’existe un mauvais état dentaire
mais est absente en cas d’édentation. Une parodonto-
lyse peut survenir secondairement entraînant une mobilité
dentaire accrue et parfois une chute des dents. Sur le plan
cutané, en dehors du purpura et des ecchymoses, les autres
signes sont l’hyperkératose folliculaire, l’ichtyose pigmen-
tée, les œdèmes des membres inférieurs et l’atteinte des
phanères : «cheveux en tire-bouchon »et alopécie. Un
syndrome sec associé à une hypertrophie parotidienne
sont décrits. Enfin, des troubles psychiatriques à type de
dépression ne sont pas rares. L’association d’arthralgies, de
syndrome sec, de purpura peut égarer à tort vers un syn-
drome de Sjögren [35] ou une vascularite [7], un syndrome
hémorragique vers une hémopathie.
Manifestations cliniques chez l’enfant
Le scorbut peut survenir chez l’enfant (maladie de
Barlow) principalement entre six et 18 mois en cas
d’alimentation artificielle exclusive non supplémentée
[36]. Les manifestations sont principalement ostéoarticu-
laires : douleurs osseuses secondaires aux hémorragies
sous-périostées. Les radiographies montrent un manchon
périostéodiaphysaire et un élargissement de l’extrémité
antérieure des côtes.
Manifestations biologiques
Il existe le plus souvent une anémie hypochrome,
normo- ou macrocytaire et multifactorielle. Elle peut être
secondaire aux hémorragies, à une hémolyse intravas-
culaire mais elle est essentiellement liée à des carences
associées en fer et en folates. Les folates ont la même
origine alimentaire que la vitamine C et la vitamine C
est nécessaire à l’absorption du fer. La leucopénie,
l’hypoalbuminémie (témoin de la malnutrition globale) et
l’hypocholestérolémie sont fréquentes. Le taux de choles-
térol plasmatique évolue parallèlement à l’ascorbémie. Le
diagnostic est établi par le dosage de l’ascorbémie, qui
reflète plus les prises récentes d’acide ascorbique que
le statut vitaminique réel de l’organisme. Les normales
varient entre 5 et 16mg/L. Cependant, ces valeurs ne
peuvent être interprétées qu’en fonction de l’existence ou
non d’un syndrome inflammatoire. Le syndrome inflam-
matoire favorise le transfert de la vitamine C du sérum vers
les leucocytes, à l’origine d’une baisse de l’ascorbémie
mais d’une augmentation de l’acide ascorbique leuco-
cytaire, sans modification du pool total de l’organisme
[37]. Le dosage de l’acide ascorbique leucocytaire est plus
fiable car il représente mieux les stocks de l’organisme
mais il n’est pas réalisé en pratique courante. L’évolution,
en l’absence de diagnostic et de traitement, peut être
dramatique : aggravation du syndrome hémorragique,
risque infectieux majoré lié au déficit de l’immunité
cellulaire et à des troubles de la phagocytose, convul-
sions, voire atteintes cardiaques. Les modifications du
segment ST et des ondes T ne sont pas rares et il a été
décrit des morts subites [38]. Durant la dernière guerre
d’Afghanistan, 40 décès dus au scorbut ont été recensés
par l’OMS en quelques semaines dans la région de Taiwara
[39].
Déplétions asymptomatiques
en vitamine C
À côté des carences symptomatiques (scorbut) corres-
pondant à des valeurs d’ascorbémie inférieures à 2mg/L,
des états de déplétion (entre 2 et 5 mg/L) peuvent être
délétères s’ils se pérennisent : augmentation de risque
d’infarctus du myocarde [40], de la sévérité des infections
mt, vol. 19, n3, juillet-août-septembre 2013 183
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