M
adame L., 72 ans, est hospitalisée depuis
quelques jours. Malgré tous ses efforts et
les médicaments, son médecin de famille n’a
pu lui redonner force et tonus ; “elle se laisse
glisser”, en a-t-il conclu.
Tout a commencé plusieurs mois auparavant, la
fatigue s’est installée subrepticement : d’abord à
l’effort, elle s’amplifie au point de ne plus per-
mettre d’activité. L’appétit baissant, les muscles
fondent, ce qui se traduit sur la balance par une
perte sensible de poids. Tous les examens prati-
qués (cliniques, radiologiques ou biologiques)
sont pourtant normaux. La crainte d’une mala-
die pernicieuse est écartée.
La malade continue de se plaindre de cette fatigue
qui augmente avec, depuis peu, l’apparition de
signes nouveaux : ses gencives sont désormais
gonflées, douloureuses et saignantes. De manière
diffuse, mal systématisée, ses muscles et ses arti-
culations sont douloureux, ce qui n’engage guère
la patiente à sortir de chez elle. Désormais, celle-ci
ne peut plus beaucoup bouger, d’autant que ses
jambes enflent et que le phénomène s’amplifie
rapidement. Une nouvelle batterie d’examens est
alors demandée pour diagnostiquer une affection
regroupant des atteintes articulaires, musculaires,
vasculaires et muqueuses.
Ayant éliminé les maladies auto-immunes, tels
la polyarthrite rhumatoïde, le lupus ou la sclé-
rose en plaques, seul un déficit – mais lequel ? –
peut réunir tous ces symptômes.
Un élément nouveau, une anémie, cependant
peu spécifique, est détectée ; elle est sans carence
martiale. A l’apparition des taches hémorragiques
sur la peau, mais aussi sur les yeux (niveau
conjonctival) et sur les ongles, l’hôpital affirme le
diagnostic. Le dosage sanguin du taux d’acide
ascorbique (vitamine C) au niveau des globules
blancs est très faible, quasi inexistant ; le test de
fragilité capillaire est positif. Ces deux tests suffi-
sent à poser le diagnostic de déficit en vitamine C
ou scorbut.
Étiologie, facteurs de risque et traitement
Autrefois, le scorbut touchait les marins embar-
qués pour longtemps car on ne pouvait stocker
les produits frais. Aujourd’hui, la maladie est
devenue plus sournoise. Elle est donc principa-
lement due à un défaut d’apport en vitamine C
ou à une incapacité à l’absorber au niveau intes-
tinal. Elle peut toucher (principalement) les per-
sonnes âgées, mais aussi celles suivant un régime
alimentaire trop restrictif ou carentiel. Elle peut
atteindre les personnes présentant une dénutri-
tion ou une malabsorption digestive (intesti-
nale), conséquences de cancers, du sida, d’une
cirrhose hépatique, d’une dialyse rénale, ou
encore les personnes souffrant de la maladie
d’Addison. A un degré moindre, l’abus de laxa-
tifs n’est pas anodin. Pas plus que ne le sont cer-
taines diarrhées chroniques.
Historiquement, on traitait le scorbut par l’ab-
sorption d’eau de Cologne riche en agrumes dans
sa composition. Aujourd’hui, le traitement est très
simple : 100 mg par jour de vitamine C suffisent
à prévenir la maladie chez les personnes à risque.
Si le scorbut est installé, la prise est de 1 à 2 g par
jour. Encore faut-il penser qu’il existe !
J.B.
Le scorbut concernait surtout les marins au long cours. Devenu
rare, ce déficit vitaminique referait-il son apparition ? Au cours
des dernières années, onze cas ont été détectés, notamment à
l’hôpital Jean-Verdier, à Bondy (93).
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Scorbut
L’affection oubliée serait-elle de retour ?
Libérale
Professions Santé Infirmier Infirmière - No40 - octobre 2002
Fonction de la vitamine C
Vitamine hydrosoluble, la vitamine C est indispen-
sable chez l’homme : son taux sanguin normal est de
45 à 90 µl (soit 8/16 mg/l).
•Son absorption intestinale est rapide et sa distribu-
tion se fait dans tout le corps.
•En couple, sous forme hydratée ou oxydée, elle agit
dans la synthèse des catécholamines, du collagène.
•En neutralisant les radicaux libres, elle a une action
anti-oxydante.
•Elle sert à mobiliser le fer en transformant les ions
ferriques en ions ferreux capables d’être absorbés.
•Elle stimule les défenses immunitaires et son action
anti-inflammatoire dépend des prostaglandines.
•Enfin, elle diminue la sensibilité du corps à
l’histamine.