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Défi diagnostic
le clinicien avril 2010
Défi diagnostic
En fait, cliniquement, il est impos-
sible de différencier une intoxication
au monoxyde de carbone d’une intoxi-
cation au cyanure. Il faut donc soup-
çonner une intoxication au cyanure
chez tout patient exposé à la fumée
dans un endroit clos, qui présente de la
suie à la bouche, une altération de
l’état mental et de l’hypotension.
Les indicateurs diagnostiques sont
vagues et n’aident que très peu :
•Les pupilles sont normales ou en
mydriase.
•La réponse pupillaire est cependant
plus lente chez les patients intoxiqués.
•Il n’y a pas de production anormale
de secrétions.
•La peau est sèche et rosée.
•Le rythme respiratoire peut être
augmenté ou diminué.
Le succès de notre intervention
dépend du niveau d’exposition à la
fumée et du délai entre l’exposition et
un traitement approprié. Un diagnostic
présomptif et un traitement empirique
sont nécessaires. Le cyanure étant très
volatile, il n’y a pas de risque particu-
lier pour le personnel de la salle d’ur-
gence et aucune précaution respira-
toire ne doit être portée.
Les antidotes
On peut utiliser plusieurs méthodes,
dont la fixation indirecte avec forma-
tion de méthémoglobine (MetHb) par
les nitrites et le 4-DMAP (4-diméthy-
lamino-phénol), la fixation directe du
cyanure par l’hydroxycobalamine et la
désintoxication enzymatique augmen-
tée.
Le thiosulfate de sodium, un don-
neur de souffre, augmente 30 fois
l’efficacité enzymatique.
Les antidotes sont très sécuritaires
et on ne devrait pas hésiter à les utili-
ser. Ils n’ont pas de toxicité, autant
pour les patients affectés que les
patients non affectés, et sont utilisables
rapidement en urgence et lorsque de
multiples victimes sont affectées.
L’hémoglobine normale (Hb
[Fe2+]) est oxydée en MetHb (Fe3+).
Cette MetHb ne peut transporter
l’oxygène, les hautes concentrations
de MetHb sont donc dangereuses,
surtout pour les enfants. On considère
sécuritaires des taux de MetHb entre
30 et 40 %. L’anion cyanure CN-
combiné à la MetHb forme un com-
plexe moins toxique. La MetHb est
réduite à nouveau en Hb par la réduc-
tase, une enzyme des globules rouges
(le cyanure CN- est alors relâché).
Un point important à noter : le satu-
romètre qui mesure la SaO2confond la
MetHb et l’Hb! Les valeurs du saturo-
mètre ne sont donc absolument pas
fiables.
Le meilleur antidote
Le meilleur antidote pour une intoxi-
cation au cyanure est en fait une com-
binaison d’antidotes (nitrite de sodium
et thiosulfate de sodium). En les com-
binant, on réduit le risque d’effets
secondaires. Entre autres, une infusion
rapide de nitrite peut précipiter l’hypo-
tension, et une surdose de nitrite peut
être la cause d’une méthémoglo-
binémie dangereuse. Les enfants étant
plus sensibles à l’hypoxie, ceux-ci sont
plus à risque.
Pour réduire le risque de complica-
tions, on donne l’infusion de nitrite de
sodium et l’infusion de thiosulfate de
sodium (Na2S2O3) dans des lignes IV
séparées. Si les symptômes d’intoxica-
DrMelançon est
omnipraticien et
compte 25 années
d’expérience dont 18
en salle d’urgence. Il a
pratiqué en cabinet
privé et en CLSC. Il
est récemment revenu
à ses premières amours, soit la
médecine d’urgence, la traumatologie et
la psychiatrie.
Tableau 1
Symptômes comparés
d’une intoxication au
cyanure et au monoxyde
de carbone
Intoxication au monoxyde de
carbone
•Empoisonnement léger à modéré :
malaise, symptômes grippaux,
céphalée, confusion, léthargie,
dyspnée d’effort, nausées,
vomissements, diarrhée.
• Empoisonnement grave :
- perte de conscience, convulsions,
coma, hypotension, arrêt
cardiaque;
- les trouvailles à l’examen physique
sont très variables;
- les signes et symptômes sont non
spécifiques;
- les symptômes neurologiques
apparaissent souvent tardivement.
Intoxication aux cyanures
• Faibles concentrations : faiblesse,
flush cutané, anxiété, excitabilité,
diaphorèse, vertige, céphalée,
somnolence, tachypnée, dyspnée,
tachycardie.
• Rarement, on perçoit une odeur
d’amandes amères (qui est en général
couverte par l’odeur de fumée).
• Les gens se sentent « mal », affirment
avoir les tempes comme dans un
étau, se plaignent de douleur
cervicale postérieure, de douleur
thoracique, de palpitations et d’une
respiration laborieuse.