Défi diagnostic - STA HealthCare Communications

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le clinicien avril 2010
Défi diagnostic
Tout feu, tout flamme...
François Melançon, M.D.
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Le cyanure : de multiples usages et précurseurs
Les cyanures font partie de l’arsenal industriel et sont utilisés dans de nom-
breuses industries (ex. : galvanisation, fabrication de rodenticides, fabrica-
tion du plastique, etc.). De plus, on les retrouve partout dans la nature, en faibles
concentrations. On retrouve du cyanure notamment dans les cerises, les
ches, les amandes, les fèves de lima et les racines de manioc. En fait, il y en a
dans la plupart des organismes vivants, y compris les humain, à de très faibles
concentrations dans le sang (0,20 µg/mL [8 µmol/L]) métabolisées au travers des
poumons, de la transpiration et de l’urine à 17 µg/kg/min. À des concentrations
plus élevées, c’est un dangereux poison. L’inhalation de 100 ppm de cyanure est
fatale en dedans d’une heure, l’inhalation de 300 ppm tue en quelques minutes.
On peut se contaminer de plusieurs façons : par l’inhalation de la vapeur ou l’ab-
sorption de la forme liquide du cyanure par la peau intacte, par les plaies ou au
travers de la muqueuse des yeux.
Comme le cyanure est un produit de la combustion du carbone, de l’azote et du
plastique, les feux d’édifices produisent souvent non seulement du monoxyde de
carbone, mais aussi du cyanure et plusieurs autres irritants. Les sources de cyanure
dans les incendies d’immeubles sont multiples, provenant autant de substances
naturelles (laine, soie, coton, papier) que de substances synttiques (plastiques et
autres polymères).
Labsence d’un test diagnostique fiable et rapide renforce la fausse impression
que le monoxyde de carbone est le seul responsable des sympmes et de la mor-
talité dus à l’inhalation de fumée. Comme les constructions modernes sont remplies
de précurseurs du cyanure, il faut donc s’attendre à sa psence dans les incendies
et traiter les victimes en conséquence.
Les symptômes dun empoisonnement au
cyanure
Lempoisonnement aigu au cyanure ne se caractérise pas seulement par les symp-
tômes décrits comme étant « classiques ». Si on attend d’avoir la présence de tous
les sympmes suivants, on ne traitera presque aucune intoxication au cyanure :
une couleur de peau normale ou roe;
des veines et des arres rétiniennes rouge vif;
une odeur d’amandes amères de l’haleine et de la peau;
de la cyanose tôt dans l’évolution;
la présence de suie aux narines et à la bouche des victimes d’une inhalation de
fumée.
Le cas de
Jean-Pierre
Jean-Pierre qui est pompier vous
consulte à l’urgence après un
incendie pendant lequel, à la suite
d’une explosion, il a été projeté à
terre et a perdu son masque
respirateur.
Il a quelques contusions et abrasions,
mais il se plaint surtout d’un malaise
nérali. Il a une céphalée
bitemporale grave et souffre de
naues. Il se plaint de faiblesse et se
sent dyspnéique avec un vague
malaise thoracique.
Deux de ses enfants sont atteints de
la grippe depuis une semaine et Jean-
Pierre aimerait un traitement de son
« état grippal ».
Selon vous, de quoi souffre Jean-
Pierre?
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En fait, cliniquement, il est impos-
sible de difrencier une intoxication
au monoxyde de carbone d’une intoxi-
cation au cyanure. Il faut donc soup-
çonner une intoxication au cyanure
chez tout patient exposé à la fumée
dans un endroit clos, qui présente de la
suie à la bouche, une alration de
l’état mental et de l’hypotension.
Les indicateurs diagnostiques sont
vagues et n’aident que très peu :
Les pupilles sont normales ou en
mydriase.
La réponse pupillaire est cependant
plus lente chez les patients intoxiqués.
Il n’y a pas de production anormale
de sections.
La peau est sèche et rosée.
Le rythme respiratoire peut être
augmenté ou diminué.
Le sucs de notre intervention
dépend du niveau d’exposition à la
fumée et du délai entre l’exposition et
un traitement approprié. Un diagnostic
psomptif et un traitement empirique
sont nécessaires. Le cyanure étant ts
volatile, il n’y a pas de risque particu-
lier pour le personnel de la salle d’ur-
gence et aucune précaution respira-
toire ne doit être pore.
Les antidotes
On peut utiliser plusieurs méthodes,
dont la fixation indirecte avec forma-
tion de méthémoglobine (MetHb) par
les nitrites et le 4-DMAP (4-dithy-
lamino-pnol), la fixation directe du
cyanure par l’hydroxycobalamine et la
désintoxication enzymatique augmen-
tée.
Le thiosulfate de sodium, un don-
neur de souffre, augmente 30 fois
l’efficacité enzymatique.
Les antidotes sont ts sécuritaires
et on ne devrait pas hésiter à les utili-
ser. Ils nont pas de toxicité, autant
pour les patients affectés que les
patients non affectés, et sont utilisables
rapidement en urgence et lorsque de
multiples victimes sont affectées.
L’hémoglobine normale (Hb
[Fe2+]) est oxydée en MetHb (Fe3+).
Cette MetHb ne peut transporter
l’oxyne, les hautes concentrations
de MetHb sont donc dangereuses,
surtout pour les enfants. On considère
sécuritaires des taux de MetHb entre
30 et 40 %. Lanion cyanure CN-
combiné à la MetHb forme un com-
plexe moins toxique. La MetHb est
réduite à nouveau en Hb par la réduc-
tase, une enzyme des globules rouges
(le cyanure CN- est alors relâc).
Un point important à noter : le satu-
romètre qui mesure la SaO2confond la
MetHb et l’Hb! Les valeurs du saturo-
mètre ne sont donc absolument pas
fiables.
Le meilleur antidote
Le meilleur antidote pour une intoxi-
cation au cyanure est en fait une com-
binaison d’antidotes (nitrite de sodium
et thiosulfate de sodium). En les com-
binant, on réduit le risque d’effets
secondaires. Entre autres, une infusion
rapide de nitrite peut pcipiter l’hypo-
tension, et une surdose de nitrite peut
être la cause d’une méthémoglo-
binémie dangereuse. Les enfants étant
plus sensibles à l’hypoxie, ceux-ci sont
plus à risque.
Pour réduire le risque de complica-
tions, on donne l’infusion de nitrite de
sodium et l’infusion de thiosulfate de
sodium (Na2S2O3) dans des lignes IV
sépaes. Si les symptômes d’intoxica-
DrMelançon est
omnipraticien et
compte 25 années
d’expérience dont 18
en salle d’urgence. Il a
pratiqué en cabinet
privé et en CLSC. Il
est récemment revenu
à ses premières amours, soit la
médecine d’urgence, la traumatologie et
la psychiatrie.
Tableau 1
Symptômes comparés
d’une intoxication au
cyanure et au monoxyde
de carbone
Intoxication au monoxyde de
carbone
Empoisonnement léger à modéré :
malaise, symptômes grippaux,
céphalée, confusion, léthargie,
dyspnée d’effort, nausées,
vomissements, diarrhée.
Empoisonnement grave :
- perte de conscience, convulsions,
coma, hypotension, arrêt
cardiaque;
- les trouvailles à l’examen physique
sont très variables;
- les signes et symptômes sont non
spécifiques;
- les symptômes neurologiques
apparaissent souvent tardivement.
Intoxication aux cyanures
Faibles concentrations : faiblesse,
flush cutané, anxiété, excitabilité,
diaphorèse, vertige, céphalée,
somnolence, tachypnée, dyspnée,
tachycardie.
Rarement, on perçoit une odeur
d’amandes amères (qui est en général
couverte par l’odeur de fumée).
Les gens se sentent « mal », affirment
avoir les tempes comme dans un
étau, se plaignent de douleur
cervicale postérieure, de douleur
thoracique, de palpitations et d’une
respiration laborieuse.
tion au cyanure récidivent, on peut
redonner la moitié de la dose initiale.
Des études animales ont démont
qu’on pouvait désintoxiquer 20 fois la
dose létale de cyanure ou d’acide
hydrocyanique. Cette combinaison est
efficace, même aps un arrêt respira-
toire. Tant que le cœur bat, les chances
de récupération demeurent.
Le 4-DMAP
Comme il forme rapidement de la
MetHb, le 4-DMAP peut en induire
des pics dangereusement éles. On
doit éviter l’injection intramusculaire
en raison du risque de nécrose muscu-
laire au site d’injection. Le risque de
causer une hémolyse est un peu plus
élevé avec cet agent.
L’hydroxycobalamine
Lhydroxycobalamine pour injection
est un composé du cobalt, précurseur
de la vitamine B12. Utilisé depuis
10 ans en France de façon empirique
pour traiter les victimes d’une inhala-
tion de fumée, il est maintenant
approuvé chez nous. Son grand avan-
tage est de ne pas interrer avec
l’oxygénation des tissus. Ses deux
seuls désavantages sont le ct élevé et
la quantité nécessaire au traitement.
Mécanisme d’action de
l’hydroxycobalamine
L’hydroxycobalamine s’attache au
cyanure pour former de la cyanocoba-
lamine non toxique qui peut alors être
excrétée dans l’urine. L’hydroxyco-
balamine peut induire une augmenta-
tion transitoire de la tension artérielle
en raison des effets de l’oxyde
nitrique. C’est un médicament extrê-
mement sûr et on a pu en donner
jusqu’à 15 g sans effets secondaires. Il
est approprié pour l’utilisation chez les
victimes d’inhalation de fumée et pour
l’utilisation pré-hospitalière et hospi-
talière chez les patients atteints d’un
empoisonnement au cyanure suspec
ou confirmé. On peut utiliser l’hydro-
xycobalamine de façon empirique
chez les victimes d’inhalation de
fumée. Une étude prospective a dé-
montré un taux de survie de 73 %,
même lorsque les patients ont souffert
de coma et d’arrêt cardiaque.
Le retour au travail
Lorsque le patient ne souffre que
d’une intoxication légère à moe, il
peut retourner au travail en quelques
heures. Les patients souffrant d’une
intoxication plus grave peuvent
prendre plusieurs jours avant de pou-
voir retourner à leurs occupations.
Ceux qui auront souffert d’une intoxi-
cation presque létale peuvent montrer
une dérioration intellectuelle, de la
confusion et du parkinsonisme. On
a décrit dans leur cerveau des lé-
sions, comme l’infarctus du globus
pallidus.
Retour sur le cas
de Jean-Pierre
Vous soupçonnez une intoxication
au cyanure et traitez Jean-Pierre de
façon empirique avec de
lhydroxycobalamine.
Le patient a très bien répondu au
traitement et ses symptômes se sont
rapidement estompés. Jean-Pierre a
pu retourner au travail après
quelques jours de repos.
C
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Figure 1. Protocole pré-hospitalier suggéré pour l’inhalation de fumée
Retirez le patient de la fumée;
Maintenez des voies respiratoires ouvertes;
Administrez de l’oxygène à haut volume, au
moyen d’un masque;
Appliquez un moniteur cardiaque;
Obtenez un accès vasculaire;
Effectuez la prise en charge du trauma et des
brûlures.
Patient conscient, respiration spontanée
5 minutes après l’exposition à la fumée
Patient inconscient, en convulsions, en
détresse respiratoire ou en panée;
Intubez, O2100 %.
Faites un prélèvement sanguin, si possible;
Infusez l’hydroxycobalamine 5 g/200 mL pendant 15 minutes (ou
4-DMAP 3,5 mg/kg IV ou nitrite de sodium 300 mg dans 10 mL
d’eau stérile pendant 3 minutes), suivi de thiosulfate de sodium 12,5
mg (50 mL) IV pendant 10 minutes.
Observation, repos et
oxygène supplémentaire
• Réévaluez;
Considérez, au besoin, une seconde
dose identique à la première.
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