L`infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (IV)

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7. Du latin au français
7.1 Verbe français qui est l’aboutissement d’un verbe latin à infixe nasal
7.1.1 Verbes où la nasale n’apparaît que dans le thème du présent
7.1.1.1 -cumb
7.1.1.2 find
7.1.1.3 frang
7.1.1.4 fund
7.1.1.5 linqu
7.1.1.6 rump
7.1.1.7 scind
7.1.1.8 tang
7.1.1.9 vinc
7.1.2 Verbes où la nasale apparaît dans les deux thèmes du présent et du parfait ou du supin
7.1.2.1 fing
7.1.2.2 ming
7.1.2.3 pand
7.1.2.4 pang
7.1.2.5 ping
7.1.2.6 pins
L’infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (IV)
MORITA Shin’ya
A professor in the Faculty of Economics, and member of the Institute of Human Sciences at Toyo University
7.1.2.7 pung
7.1.2.8 string
7.1.2.9 tund
7.1.3 Verbes où la nasale apparaît dans tous les thèmes
7.1.3.1 jung
7.1.3.2 lamb
7.1.3.3 ling
7.1.3.4 mung
7.1.3.5 plang
7.1.3.6 prehend
7.1.3.7 stingu
(À suivre)
Mots-clés: latin, français, évolution diachronique, aspect, infixe nasal
ç
Comme nous l’avons vu, le sentiment de l’infixe n’est plus senti dans le français prendre avec le temps.
Dès lors, nous nous proposons de retracer l’évolution des verbes latins à infixe nasal. D’abord, nous essayerons
de saisir l’aboutissement d’un verbe latin à nasale infixée du point de vue étymologique, ensuite d’examiner son
changement phonologique et d’analyser son changement selon son type de conjugaison, du latin au français.
ç à
Pour bien présenter la généalogie de chaque mot, il convient tout d’abord d’en présenter la racine indo-
européenne et ensuite d’examiner son aboutissement en français.
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-cumbo
La racine *keu- «se courber » d’où la forme à vocalisme radical zéro avec élargissement *kub- > le latin
cub re «se coucher » (< « se courber pour se coucher de tout son long ») ; la forme à nasale infixée *ku-m-b-
Morita : L’infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (IV)
d’où le latin -cumbere «se coucher ou s’allonger ». (Watkins, p.30)
Le français couver, comme verbe transitif et intransitif, continue (v.1121) le latin cub re «être couché, être
alité » dont les formes----on ne sait pourquoi----ont remplacé les formes verbales de la racine *legh-, qui s’est
en revanche maintenue dans les formes nominales (> le français lit). En français, tandis que le sens de
«s’étendre » a été attribué au représentant de colloc re (> coucher), couver s’est spécialisé au sens de «rester
posé sur les œufs pour les faire éclore», d’après un sens tardif de cub re qui a supplanté son composé incub re
(> incubation, incube). Le participe passé féminin couvée est substantivé (v.1100, covede) comme nom d’action
et employé par métonymie pour l’ensemble des œufs couvés en même temps. (Alain Rey, p.933) D’après Le
Grand Robert électronique DMW, ce mot est attesté comme covede vers la fin du 11esiècle.
D’autre part, le français incomber représente un emprunt savant (1440-75) au latin classique incumbere
«s’appuyer, se pencher sur », « s’abattre sur », au figuré « s’appliquer à » et, en bas latin, « incomber à ». Le
verbe latin est formé de in- et de -cumbere «se coucher », forme à infixe nasal attestée seulement dans des
composés et indiquant l’action par opposition à cub re «être couché » indiquant l’état (> couver et incuber).
(Rey, p.1807) Le français succomber, comme verbe intransitif, est emprunté (1376 ; peut-être 1356) au latin
succumbere «tomber sous (qqn) », formé de sub et d’une forme altérée de cub re «être couché » (> couver,
succube), reconstituée en -cumbere. (Rey, p.3673)
D’après Ernout et Meillet (2001 : 153-4), les composés de -cub et de -cumb se présentent comme suit :
ac-cub «être couché auprès »
con-cub «être couché ensemble »
d-cub «être couché dehors »
ex-cub «être couché dehors »
in-cub «être couché dans/sur » d’où « couver »
oc-cub «être couché, reposer auprès » (avec l’idée de mort par rapport à occid et occ d )
pr -cub «être couché en avant, le long de »
re-cub «être couché en arrière, sur le dos »
suc-cub «être couché dessous »
ac-cumb «se coucher auprès, se mettre à table »
d -cumb «se mettre au lit ou à table, tomber mourant »
dis-cumb «s’attabler »
in-cumb «se coucher, reposer sur » d’où « se donner tout entier à une tâche » ou « peser de tout son
poids sur »
oc-cumb «se coucher pour mourir, tomber »
pr cumb «se pencher en avant, se prosterner »
re-cumb «se coucher en arrière »
suc-cumb «succomber à »
Comme on l’a vu plus haut, cub re s’est spécialisé dans le sens de « couver » en français, où il a remplacé
incub re, tandis que coll re prenait le sens de « coucher ». Les composés de cub re ne survivent donc pas sauf
la forme simple couver et le composé incuber en tant que verbe. Mais le français incuber est emprunté (1771)
au latin incub re pour servir de verbe à incubation. À cet égard, ce n’est que le français couver qui remonte au
latin sans aucune interruption. Pour les composés de cumb , uniquement incomber et succomber survivent,
mais ce sont des emprunts savants. Comme c’est également le cas pour d’autres exemples, le français concubin
est emprunté au latin concubina au féminin (1213). La forme féminine concubine désigne une femme qui vit
avec un homme sans être mariée avec lui. Le masculin concubin (14es.), fait sur le féminin, a eu du mal à
s’imposer. Il a éliminé le moyen français concubin, repris au 16esiècle au latin concubinus «compagnon de lit »
au sens d’ « homosexuel ». Aujourd’hui, le sens est généralisé et par suite signifie « concubin ou concubine ».
find
La racine *bheid- «fendre », en face du vieil anglais btan «mordre », et de l’ancien français beter
«harceler qn d’un chien », d’où la forme à vocalisme zéro avec nasale infixée *bhi-n-d- donne le latin findere
«fendre ». (Watkins p.6)
Le français fendre, comme verbe transitif, est l’aboutissement (vers 980) du latin findere «ouvrir, séparer,
diviser », qui se rattache à une racine indo-européenne qu’attestent le sanscrit bhinádmi «je fends » et le
germanique (le gotique beita «je mords »). Sur fendre ont été construits deux préfixés : pourfendre est attesté
comme verbe transitif, au 13e siècle, de même que purfendre «fendre avec un sabre » à la fin de 11esiècle.
D’autre part, le français refendre est archaïque au sens de « fendre à nouveau » (v.1268). (Rey, p.1412)
Ernout et Meillet (2001 : 235) constatent les composés de find comme suit :
cn-find «fendre »
dif-find «faire éclater en fendant »
ef-find «fendre »
n-find «fendre en enfonçant »
per-find «fendre »
Mais aucuns ne survivent en français.
Morita : L’infixe nasal et ses valeurs aspectuelles en latin (IV)
frang
La racine *bhreg- «briser », en face du vieil anglais brecan > l’anglais break, l’ancien français breier
«briser », l’ancien français brier (la forme normande, d’où le français brioche, Rey, p.526) et broyer «pétrir la
pâte avec un rouleau en bois », d’où la forme à vocalisme zéro avec infixe nasal *bhr-n-g- donne le latin
frangere «briser ». (Watkins, p.9)
Le français enfreindre «violer (une loi, un engagement) » est surtout attesté sous la forme enfraindre en
ancien français ( 1er quart du 12es.), la forme moderne étant dialectale (13es.), est issu du latin populaire
*infrangere, réfection du latin classique infringere «briser », « abattre, mettre en pièces », au propre et au
figuré, de frangere, de même sens, qui se rattache à une racine indo-européenne *bhreg- «briser ». (Rey,
p.1242)
D’après Ernout et Meillet (2001 : 251), on trouve les composés de frang comme suit : af-, con-, dif-, ef-,
in-, of-, per-, prae-, re-, et suf-fring avec des doublets en -frang . Mais, aucun d’entre eux ne survit, si ce
n’est le français enfreindre, qui provient du latin infring /infrang . Pour les dérivés du latin frang , on trouve
le français fretin, qui est un diminutif (v.1193) de l’ancien français frait, fret «débris » provenant du participe
passé de l’ancien verbe freindre, fraindre «briser » (1080), issu du latin frang «briser » (Rey, p.1514) ; le
dérivé fraction, qui est un emprunt (v.1187) au bas latin fracti , - nis «action de briser », terme mathématique
en latin médiéval (1150), « division » ; ce mot dérivé du supin du latin classique frangere «briser » qui se
rattache, comme le gotique brikan «briser » (cf. l’anglais break, l’allemand brechen) à une racine indo-
européenne *bhreg- «briser ». (Rey, p.1478) ; il en est de même pour le français infraction (1250) (Rey,
p.1834), refrain (1260) (Rey, p.3137) et réfraction (1270) (Rey, p.3137).
fund
La racine *gheu- «verser », d’où la forme à vocalisme zéro avec infixe nasal *ghu-n-d- donne le latin
fundre «verser ». (Watkins, p.22)
Le français fondre est l’aboutissement (v.1050, intransitif) du latin fundere «répandre » et « fondre (un
métal) », puis « disperser » et « abattre ». Fundere vient d’une racine indo-européenne *gheuw- ou *gheu-
exprimant l’idée d’un liquide versé abondamment et de façon continue, et représentée en grec par kheein
«verser, répandre », ainsi que dans plusieurs langues germaniques (par exemple le vieil islandais geysir
«geyser », l’allemand giessen «verser »). (Rey, p.1455)
Pour les composés de fund , Ernout et Meillet (2001 : 261) donne af-, circum-, con-, dif-, ef-, in-, inter-,
of-, per-, prae-, pr -, re-, suf-, et trans-fund .
ad-fund «verser sur »
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