ARTICLE ORIGINAL
Utilisation d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) dans les déficits
acquis en antithrombine après une chirurgie cardiovasculaire :
étude rétrospective
Antithrombin concentrate (Aclotine
®
) for the treatment of antithrombin deficiency
after cardiac surgery: a retrospective study
S. PELTIER
1
, C. DOMRAULT
1
, J.-C. MAUPETIT
1
*, I. FURIC
1
, Y. BLANLOEIL
2
1
Service pharmacie, CHU Nantes Laënnec, Nantes
2
Service réanimation de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Nantes Laënnec, Nantes
Résumé
.Les déficits acquis en antithrombine peuvent être responsables d’une diminution de l’efficacité de l’héparine
après une chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle. La résistance à l’héparine a déjà été évaluée pendant
la circulation extracorporelle mais pas pendant la période postopératoire. Notre travail a consisté à réaliser une étude
rétrospective d’une année portant sur les patients traités par antithrombine humaine pour un déficit acquis en
antithrombine dans un contexte d’héparinothérapie curative, en effectuant un recueil des données cliniques et
biologiques. Parmi les 20 patients traités au cours d’une héparinothérapie curative, tous présentaient un déficit en
antithrombine (taux d’antithrombine inférieur à 70 %), et 84 % de ces patients avaient un taux d’antithrombine
inférieur à 60 %. Aucun patient ne présentait une héparinémie thérapeutique malgré une posologie quotidienne
moyenne d’héparine de 312 ± 135 UI/kg. Après administration d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) à la posologie
moyenne de 11,6 ± 7,0 UI/kg, l’augmentation du taux d’antithrombine est significative (p< 0,01) et pour 56 % des
patients une normalisation de leur taux d’antithrombine est obtenue. De plus, on observe une augmentation
significative des taux d’héparinémie suite à l’administration d’antithrombine humaine. Ces résultats montrent que
l’administration d’antithrombine humaine peut permettre de corriger le déficit acquis en antithrombine et de restaurer
l’efficacité de l’héparine. Cependant, les doses utilisées dans cette étude sont faibles. Ces résultats ont permis la mise en
place d’un nouveau protocole de prise en charge des défauts d’activité de l’héparine lors des déficits acquis en
antithrombine au sein du service.
Mots clés :
antithrombine, déficit acquis, héparine, résistance à l’héparine, circulation extracorporelle, utilisation
thérapeutique
Abstract
.Acquired antithrombin deficiency may decrease heparin’s efficiency after cardiac surgery with cardiopul-
monary bypass. Heparin resistance has been evaluated during cardiopulmonary bypass but not during the
postoperative period. The aim of this retrospective study was to evaluate during one year the practice of antithrombin
supplementation after cardiopulmonary bypass in the department of cardiac surgery. Clinical and biological data
were collected from patient records. Twenty patients which were treated with heparin at therapeutic doses have
received antithrombin concentrate. For all of these patients, antithrombin level was below 70 % and 84 % of them had
an antithrombin rate under 60 %. No patient had a therapeutic level of anti-Xa activity despite a mean dose of heparin
of 312 ± 135 UI/kg. After administration of 11.6 ± 7.0 UI/kg of antithrombin concentrate (Aclotine
®
), antithrombin
concentration is increased significantly (p < 0,01) and 56 % of treated patients have had a normalization of
antithrombin concentration (antithrombin rate above 60 %). Anti-Xa activity is increased significantly after treatment
with antithrombin concentrate. In conclusion, antithrombin supplementation may correct acquired antithrombin
deficiency and may increase anti-Xa activity. However, low doses of antithrombin concentrate have been used. After
these results, a new protocol of antithrombin supplementation in case of reduction of heparin’s efficiency after
cardiopulmonary bypass has been established in the department.
Key words:
antithrombin, acquired deficiency, heparin, heparin resistance, cardiopulmonary bypass, therapeutic use
*Correspondance et tirés à part : J.-C. Maupetit
ORIGINAL ARTICLE
J Pharm Clin 2005 ; 24 (2) : 70-6
J Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005
70
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Action physiologique de l'antithrombine
L’antithrombine III ou antithrombine (AT) est une glycopro-
téine plasmatique constituée de 432 acides aminés dont
le poids moléculaire est de 58 200 Da [1]. Elle est
essentiellement synthétisée par les hépatocytes ainsi que
par les cellules endothéliales [2]. Sa demi-vie biologique
est de 60 à 70 heures et sa concentration plasmatique
chez le sujet sain est de l’ordre de 2,5 lmol/L (soit 150
mg/L) [2, 3]. En clinique, on évalue plutôt l’activité
plasmatique de l’antithrombine III (en pourcentage par
rapport à celle d’un pool de donneurs sains : 100 %
équivalent à une unité d’antithrombine dans 1 mL du
plasma de référence), les taux normaux variant de 80 % à
120 % [4]. Il s’agit de la principale enzyme inhibitrice des
sérines-protéases générées lors des différentes phases du
processus de coagulation. En effet, elle inhibe principale-
ment la thrombine (facteur IIa) et le facteur Xa, mais
également les facteurs IXa, XIa, XIIa, la trypsine, la plas-
mine et la kallikréine, mais pas le facteur VIIa ni la
protéine C activée [1, 2]. Cette inhibition s’effectue par la
formation d’un complexe stœchiométrique 1:1 inactif
entre la protéase et l’antithrombine [1, 2]. L’antithrombine
joue donc un rôle essentiel dans le maintien de l’équilibre
de l’hémostase.
Interaction avec l'héparine
La formation du complexe antithrombine/sérine-protéase
est fortement accélérée en présence d’héparine (de 1 000
à 2 000 fois pour la neutralisation du facteur IIa) [5, 6].
L’héparine, en se liant à l’antithrombine, entraîne une
modification conformationnelle du site actif de l’antithrom-
bine ce qui produit une accélération de l’activité inhibi-
trice de l’antithrombine [6, 7]. L’antithrombine est liée de
façon covalente à la sérine-protéase mais l’héparine,
après action, se dissocie du complexe ternaire et peut être
réutilisée [7, 8].
Déficits acquis en antithrombine
Il existe des situations de déficits en antithrombine qui sont
de deux types : les déficits congénitaux et les déficits
acquis. Leurs manifestations cliniques sont celles des
thromboses et embolies du système veineux. Les vaisseaux
habituellement atteints sont les veines superficielles ou
profondes : veines iléo-fémorales, veine cave, veines réna-
les, veines axillaires et veines de la rétine [9]. Cependant,
l’estimation du risque thromboembolique est mal connue
[10].
Les déficits acquis en antithrombine (DAAT) sont considé-
rés comme sévères lorsque le taux d’antithrombine est
inférieur à 60 % [4]. Ils peuvent résulter de quatre princi-
paux mécanismes [10] :
diminution de la synthèse hépatique, notamment dans la
cirrhose [11] ;
– augmentation des pertes, notamment au cours des syn-
dromes néphrotiques, des pertes protéiques digestives
majeures [9] ;
taux plasmatique diminué par certains médicaments
(L-asparaginase, œstrogènes) [9] ;
augmentation de la consommation d’antithrombine, no-
tamment au cours des coagulations intravasculaires dissé-
minés (CIVD), en période péri-opératoire, au cours des
traitements par héparine, dans la prééclampsie, au cours
de la circulation extracorporelle (CEC) [9]. Ce mécanisme
de consommation est le mécanisme le plus commun et
fréquemment le plus sévère [9].
Au cours de la CEC, les troubles de la coagulation
observés se traduisent par une génération importante de
thrombine et une diminution des taux circulants de l’anti-
thrombine [12, 13]. Cette diminution est la conséquence
de l’hémodilution ainsi que de la consommation d’anti-
thrombine accrue par la production de thrombine et
accélérée en présence d’héparine, administrée pour pré-
venir l’apparition de thromboses pendant la CEC. La
synthèse d’antithrombine semble également perturbée par
la CEC. L’activité de l’antithrombine ne revient à la
normale qu’après 24 heures [14].
Résistance à l'héparine
L’héparinothérapie augmente le turn over de l’antithrom-
bine entraînant une diminution de 17 à 33 % des taux
plasmatiques d’antithrombine dans les 12 à 24 premières
heures de traitement [15, 16]. Le pic de cette diminution
survient après deux à quatre jours et le taux d’antithrom-
bine se normalise à l’arrêt du traitement par héparine
[15]. Le taux d’antithrombine en-dessous duquel il n’y a
plus d’interaction possible avec l’héparine est estimé de
façon variable selon les auteurs de 60 à 25-30 % [11].
Ce mécanisme pourrait expliquer le phénomène d’hépari-
norésistance. Au cours d’une chirurgie cardiaque avec
CEC, la résistance à l’héparine a été définie, de façon
uniquement biologique, comme un allongement insuffisant
de l’ACT (activated clotting time ou temps de coagulation
activée) après l’injection d’une dose donnée d’héparine
non fractionnée. Les valeurs d’ACT et les doses d’héparine
sont variables suivant les auteurs [17]. Les causes possi-
bles sont le déficit relatif en antithrombine, l’hyperfibriné-
mie, les variations individuelles, la sécrétion de PF4...
[17]. L’héparinorésistance est également évoquée dans
un contexte de thrombose veineuse et est alors définie par
un accroissement progressif des doses d’héparine, supé-
rieures à 35 000 UI/24 h, pour le maintien d’une effica-
cité [18].
Traitement des déficits en antithrombine
par antithrombine humaine
En cas de déficit en antithrombine, de l’antithrombine peut
être apportée par l’intermédiaire du plasma frais congelé
(PFC) ou sous forme d’antithrombine humaine purifiée
(Aclotine
®
100 UI/mL injectable – Laboratoire français du
fractionnement et des biotechnologies). La demi-vie de
55 ± 14 heures peut être diminuée lors d’un traitement
concomitant par l’héparine. L’antithrombine humaine a
obtenu l’AMM dans les indications thérapeutiques suivan-
tes : déficits constitutionnels (en curatif et préventif) et
déficits acquis sévères (< 60 %) en antithrombine dans les
CIVD et les états septiques graves [4]. L’antithrombine
humaine est également parfois utilisée hors AMM dans les
déficits acquis en AT au cours d’héparinothérapie cura-
tive, dans le but de lutter contre le phénomène d’héparino-
résistance.
Utilisation de l’antithrombine après une chirurgie cardiaque
J Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005 71
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La pharmacie de l’hôpital Laënnec du CHU de Nantes a
réalisé une enquête rétrospective de l’utilisation de l’anti-
thrombine (Aclotine
®
) afin d’identifier les indications, les
critères de prescription, ainsi que les posologies utilisées.
La forte proportion de prescriptions du service de réani-
mation de chirurgie thoracique et cardiovasculaire (CTCV)
81 % des patients traités par l’antithrombine humaine à
l’hôpital Laënnec sont en CTCV – ainsi que les particulari-
tés des déficits acquis d’antithrombine dans un contexte
d’héparinothérapie curative nous ont conduits à mener
notre étude dans ce service. Ce bilan permettra d’évaluer
l’homogénéité des pratiques, d’étudier l’intérêt de l’AT
dans le cadre d’une héparinothérapie curative post-CEC
avec héparinorésistance et d’envisager la mise en place
de recommandations internes afin d’harmoniser les moda-
lités de l’utilisation de l’antithrombine humaine (Aclotine
®
)
et de favoriser son bon usage.
Matériels et méthodes
Population étudiée
La pharmacie a réalisé un suivi rétrospectif des prescrip-
tions d’antithrombine humaine 100 UI/mL (Aclotine
®
,
Laboratoire français du fractionnement et des biotechnolo-
gies, courtabœuf, France) au cours de l’année 2002 dans
le service de réanimation CTCV. Durant cette période, 31
patients ont été traités par antithrombine (Aclotine
®
l’hôpital Laënnec du CHU de Nantes dont 25 patients en
réanimation CTCV, soit 81 % des patients traités. Parmi
ces 25 patients, nous avons pu recueillir les données
nécessaires pour 24 d’entre eux. Tous ces patients sont
admis de manière programmée ou en urgence afin de
subir une intervention chirurgicale sous circulation extra-
corporelle (CEC). Quelques heures après la fin de la CEC,
une héparinothérapie est instaurée avec des objectifs
d’héparinémie différents en fonction du contexte clinique
motivant la prescription d’héparine. Un seul patient n’a
pas subi d’intervention sous CEC : il a été admis en
urgence pour un infarctus du myocarde qui a été suivi par
un choc cardiogénique ; ce patient a été dialysé.
Tous les patients traités par antithrombine humaine présen-
tent une chute du taux d’antithrombine, avec un taux
d’antithrombine inférieur à 70 %, mais dans des contex-
tes cliniques différents. Trois patients reçoivent de l’anti-
thrombine au cours d’une hémorragie thrombotique et un
patient lors d’une coagulation intravasculaire disséminée.
La majorité des patients, soit 20 patients sur les 24
étudiés, sont traités dans le cadre d’une héparinothérapie
curative. Les paramètres biologiques explorés pour cha-
cune de ces indications étant différents, l’étude s’est
ensuite limitée aux 20 patients présentant une diminution
du taux d’antithrombine dans le cadre d’une héparinothé-
rapie curative, qui représente l’indication la plus fréquem-
ment retrouvée.
Méthodes d'analyse
Recueil des données
Le recueil des données a été effectué à partir des dossiers
médicaux des patients par une interne en pharmacie. Les
paramètres étudiés ont été relevés à partir de la fin de la
CEC (retour du bloc et entrée en service de réanimation
CTCV) et jusqu’à 24 heures après la dernière administra-
tion d’antithrombine humaine (Aclotine
®
).
Paramètres étudiés
Afin de comprendre les critères conduisant à la prescrip-
tion d’antithrombine humaine, nous avons étudié diffé-
rents paramètres. Une fiche de recueil a été élaborée afin
de rassembler les informations suivantes :
l’identification, le sexe, l’âge et le poids du patient ;
le type d’héparine administrée et les doses quotidien-
nes, afin de suivre l’évolution dans le temps des doses
d’héparine ;
le taux d’UI anti-Xa : celui-ci reflète l’héparinémie. En
fonction du contexte clinique, le clinicien fixe des objectifs
d’héparinémie. En fonction du résultat de l’héparinémie, il
pourra procéder à l’ajustement de la posologie d’hépa-
rine afin de maintenir un taux dans la fourchette thérapeu-
tique fixée. Afin de pouvoir effectuer des calculs, une
héparinémie rendue par le laboratoire < 0,1 UI anti-Xa
a été considérée arbitrairement comme égale à zéro ;
– le contexte clinique motivant la prescription d’héparine
car il conditionne les objectifs d’héparinémie ;
le taux d’antithrombine afin d’objectiver un éventuel
déficit et de suivre l’évolution du taux d’antithrombine
après administration d’antithrombine humaine ;
la posologie d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) afin
de voir s’il existe une homogénéité de pratique ;
le délai entre la fin de la CEC et la première administra-
tion d’antithrombine ;
le nombre d’administrations d’antithrombine.
Analyse des résultats
L’analyse statistique des résultats est réalisée avec un test
tde Student pour séries appariées, sauf lors de la compa-
raison du taux moyen d’antithrombine initial chez les
patients corrigés et non corrigés (test tde Student de
comparaison de moyenne).
Résultats
Description de la population étudiée
La moyenne d’âge de la population étudiée est de
59 ± 15 ans (de 23 à 79 ans) et ilya80%d’hommes.
Le poids moyen des patients est de 72 ± 16 kg. Les
différents contextes cliniques motivant la prescription d’hé-
parine à dose curative sont présentés dans le tableau 1.
Suivi du traitement par héparine
Tous les patients sont traités par une héparine non fraction-
née.
Tableau 1.Situations cliniques des patients recevant de l’hépa-
rine à doses curatives.
Situation clinique Nombre de
patients
Assistance circulatoire 7
Valve aortique
(2 valves mécaniques, 3 bioprothèses)
5
Valve mitrale
(2 valves mécaniques, 1 bioprothèse, 1 annuloplastie)
4
Triple pontage 2
Prothèse aortique 1
Dialyse et infarctus du myocarde suivi d’un choc cardiogénique 1
Total 20
S. Peltier, et al.
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Suivi des doses d'héparine administrées
Les doses par kilogramme d’héparine administrées aug-
mentent au cours du temps (figure 1). Avant la première
administration d’antithrombine humaine (Aclotine
®
), la
dose quotidienne d’héparine est de 312 ± 135 UI/kg.
Après la première administration d’antithrombine (Aclo-
tine
®
), la dose quotidienne d’héparine est de 333 ± 133
UI/kg. La différence par patient entre la dose quotidienne
d’héparine avant et après administration d’antithrombine
n’est pas significative (test de Student pour séries appa-
riées).
Suivi du taux d'UI anti-Xa plasmatique
Avant la première administration d’antithrombine (Aclo-
tine
®
), l’héparinémie est de 0,072 ± 0,096 UI anti-Xa
(n= 19) et aucun patient ne présente un taux thérapeuti-
que. Après la première administration d’antithrombine
(Aclotine
®
), l’héparinémie est de 0,18 ± 0,12 UI anti-Xa
(n= 19). La différence par patient entre le taux d’UI
anti-Xa avant injection et celui obtenu après injection
d’antithrombine humaine est statistiquement significative
(p< 0,01 – test de Student pour séries appariées).
Parmi les neuf patients porteurs de valve, 33 % obtiennent
une anti-Xa thérapeutique après la première administra-
tion d’antithrombine humaine (Aclotine
®
).
Traitement par antithrombine humaine (Aclotine®)
Le délai s’écoulant entre la fin de la CEC et la première
administration d’antithrombine humaine est présenté dans
la figure 2. Le traitement par antithrombine intervient au
cours des troisième et quatrième jours post-CEC pour la
majorité des patients (58 % des patients). Un seul patient,
parmi les 20 traités dans un contexte d’héparinothérapie
curative, n’a pas eu de CEC et n’apparaît donc pas sur la
figure 2.
Les doses d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) adminis-
trées lors du premier traitement sont présentées dans la
figure 3. La dose moyenne utilisée est de 11,6 ± 7,0
UI/kg. La dose totale moyenne d’antithrombine adminis-
trée est de 823 ± 546 UI.
Lorsque l’on relie la dose d’antithrombine humaine utilisée
à l’augmentation du taux plasmatique d’antithrombine,
on constate qu’une unité d’antithrombine humaine par
kilogramme administrée augmente en moyenne le taux
d’antithrombine de 0,92 ± 0,80 %. C’est-à-dire que pour
augmenter le taux d’antithrombine de 1 %, on a adminis-
tré en moyenne 1,2 ± 1,0 UI/kg.
On peut noter que 60 % des patients sont traités par une
administration unique d’antithrombine humaine (n= 12) ;
30 % des patients en reçoivent deux injections (n=6)et
10 % des patients reçoivent plus de deux administrations
(n= 2).
Taux d'antithrombine plasmatique
Le taux d’antithrombine précédant la première administra-
tion d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) est de
48,6 ± 11,2 % (n= 19). Pour trois patients (soit 16 %
des patients), le taux d’antithrombine est supérieur à 60 %
mais inférieur à 70 %.
Le taux d’antithrombine suivant la première injection d’an-
tithrombine humaine (Aclotine
®
) est de 59,1 ± 12,3 %
(n= 18).
La figure 4 permet de comparer pour chaque patient le
taux d’antithrombine plasmatique avant et après adminis-
tration d’antithrombine humaine. On constate que pour
13 patients, le taux d’antithrombine après administration
d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) est supérieur à celui
précédant l’injection. Cette différence du taux d’anti-
thrombine avant et après administration d’antithrombine
humaine est significative (p < 0,01 – test de Student pour
séries appariées).
Exception faite des trois patients présentant un taux d’anti-
thrombine initial supérieur à 60 %, le taux d’antithrom-
bine devient supérieur à 60 % pour dix patients sur 18,
soit 56 % des patients déficitaires. Cependant, seulement
trois patients atteignent un taux d’antithrombine d’au
moins 70 %. Les 18 patients corrigés présentaient, en
moyenne, un taux d’antithrombine initial plus élevé
(AT = 49,6 ± 11,0 % en moyenne) que les patients non
corrigés (AT = 41,3 ± 8,2 % en moyenne) mais la
0
100
200
300
400
500
600
J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7
Temps post-CEC (jours)
Dose quotidienne
d'héparine (UI/kg)
Figure 1.Doses moyennes d’héparine administrées par jour
post-CEC jusqu’au lendemain de la 1
re
administration d’anti-
thrombine. (j8 et j9 non représentés car n = 1).
0
1
2
3
4
5
6
7
0-24
25-48
49-72
73-96
97-120
121-144
145-168
169-192
193-216
Nombre de patients
Délai avant la 1re administration d'antithrombine (heures post-CEC)
Figure 2.Délai entre la fin de la CEC et la 1
re
administration
d’antithrombine.
0
2
4
6
8
10
12
0-5 5-10 10-15 15-20 20-25 25-30 30-35
Dose d'Aclotine® administrée (UI/kg)
Nombre de patients
Figure 3.Dose d’antithrombine humaine administrée lors de
la 1
re
injection.
Utilisation de l’antithrombine après une chirurgie cardiaque
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différence n’est pas statistiquement significative du fait des
écarts importants entre les taux des patients (test de
Student de comparaison de moyennes).
Discussion
Critères de mise sous traitement
Les patients étudiés présentent tous un déficit acquis en
antithrombine dans le cadre d’une héparinothérapie cura-
tive postopératoire de chirurgie cardiaque. Le déficit en
antithrombine est objectivé par un taux d’antithrombine
inférieur à 70 % et 84 % des patients présentent un déficit
acquis sévère (AT < 60 %). Ce déficit peut s’expliquer par
une consommation accrue de l’antithrombine circulante
due à la présence de doses curatives d’héparine [9]. De
plus, l’héparine ne disposant plus de quantité suffisante en
cofacteur est moins efficace. En effet, le taux d’UI anti-Xa
moyen avant administration d’antithrombine humaine
(Aclotine
®
) est inférieur à 0,10 UI anti-Xa et n’est donc pas
dans la fourchette thérapeutique à atteindre, en dépit
d’une dose quotidienne moyenne d’héparine de
312 ± 135 UI/kg. Aucun patient ne présente un taux
d’héparinémie thérapeutique avant traitement par anti-
thrombine.
Ces patients sont donc en situation d’héparinorésistance.
En effet, l’héparinorésistance est définie de façon géné-
rale comme l’absence de réponse adéquate à une hépari-
nothérapie menée à des doses standards thérapeutiques
[16]. Par ailleurs, dans le traitement des thromboses
veineuses, les doses rapportées dans la littérature pour
définir l’héparinorésistance sont de 500 UI/kg (pour un
patient de 70 kg) et sont supérieures à celles de cette
étude (312 UI/kg) [18]. Pour combattre l’héparinorésis-
tance, la pratique la plus courante est l’augmentation des
doses d’héparine afin d’obtenir une anticoagulation thé-
rapeutique. Néanmoins, ce résultat n’est pas toujours
atteint [16]. De plus, un phénomène de rebond peut
survenir et entraîner une hémorragie. C’est pourquoi, en
pratique, l’augmentation des doses au-delà de 300 UI/kg
doit être conduite avec précaution et est à éviter lorsque le
risque hémorragique est important. Une autre alternative
peut consister en l’apport exogène d’antithrombine, par
l’intermédiaire de plasma frais congelé ou par un concen-
tré d’antithrombine humaine (Aclotine
®
). Ainsi, l’ajout
d’antithrombine chez des patients en situation d’héparino-
résistance au cours d’une CEC a effectivement permis
d’augmenter l’ACT à un niveau thérapeutique [19]. Par
contre, il n’y avait aucune différence observée sur le
devenir clinique des patients complémentés ou non en
antithrombine [19]. Dans leur étude, Bastien et al. ont
effectué une recherche systématique pendant un an en
post-opératoire de chirurgie cardiaque et ont complé-
menté en antithrombine les 25 patients de leur étude
présentant un déficit acquis en antithrombine contrôlé à
deux reprises [20]. Ils n’ont pas précisé les doses d’hépa-
rine qui étaient utilisées chez ces patients avant adminis-
tration d’antithrombine, mais ont décrit une restauration
d’efficacité de l’héparine par l’antithrombine sans compli-
cation chez 68 % des patients [20]. Dans les autres
situations de déficit acquis en antithrombine, telles qu’en
chirurgie orthopédique, en obstétrique ou les CIVD, les
critères d’instauration d’un traitement par antithrombine
sont différents [2, 10, 21]. De plus, dans ces autres
situations de déficits, une restauration d’efficacité d’une
héparinothérapie curative comme en post-CEC n’est pas
recherchée.
Au cours de notre étude, nous constatons que l’administra-
tion d’antithrombine est réalisée au cours des troisième et
quatrième jours post-CEC pour plus de la moitié des
patients (58 %), c’est-à-dire au cours de la période durant
laquelle on augmente les doses d’héparine pour obtenir
des taux thérapeutiques. On peut noter que trois patients
ont reçu de l’antithrombine au cours des premières
24 heures suivant la CEC. Or, la synthèse d’antithrombine
est perturbée au cours de la CEC et l’activité de l’anti-
thrombine ne revient à la normale qu’après 24 heures
[14]. On peut donc supposer que les déficits constatés
pour ces trois patients auraient pu être transitoires et ne
pas se prolonger au-delà de 24 heures. En effet, dans la
période du début de l’instauration du traitement par
héparine, il semble normal que les objectifs thérapeuti-
ques ne soient pas encore atteints et il conviendrait donc
de différer le recours à l’antithrombine.
Modalités de mise en œuvre du traitement
Les doses d’antithrombine humaine (Aclotine
®
) adminis-
trées sont assez hétérogènes. Ces doses sont nettement
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
ABCDEFGH I JKLMOPQRSTU
Patients
avant
administration
d'antithrombine
après
administration
d'antithrombine
Taux d'AT plasmatique (%)
Figure 4. Taux d’antithrombine plasmatique par patient avant et après administration d’antithrombine.
S. Peltier, et al.
J Pharm Clin, vol. 24, n° 2, juin 2005
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