Les êtres humains, maîtres du monde ? Laura Scozzi a comme un doute : et si les animaux avaient
leur mot à dire ? Alors, elle refait l’histoire. Elle se pose aussi des quesons : que se passerait-il si la
Belle au bois dormant ne se réveillait pas, si Cendrillon ne retrouvait pas sa pantoue, si Blanche-
Neige était noire ? Alors, elle imagine… Et puis, elle met les pieds dans un plat qui nuit gravement à
la santé des lles : l’amour toujours, les princesses blondes aux yeux bleus dont la vie se résume à
aendre le prince charmant ? Bobards et compagnie !
Elle invente un plan B et c'est un autre monde On y croise une abeille qui tue un ours, une fée
handicapée de la baguee ou un nain harcelé par sept Blanche-Neige nymphomanes Coachés par la
chorégraphe italienne, aiguillonnés par les trilles du grand Paganini, nos genls pets héros se livrent
à un jeu de massacre dont les contes de notre enfance sortent groggys.
Danse classique, claquees, contemporain,
Laura Scozzi a tout exploré avec la curiosité
vive qui la caractérise. Après des études de
sociologie et de photographie, elle fait son
apprenssage à l’Académie d'Art Dramaque
de Rome, puis à l'Ecole de Mimodrame Marcel-
Marceau. Depuis 1994, à la tête de la compagnie
Opinioni in Movimento, elle combine danse,
chant, théâtre, avec un sens redoutable de
l’extravagance. En 2008, elle signe sa première
mise en scène d'opéra avec Benvenuto Cellini
d’Hector Berlioz, puis Il Viaggio à Reims, La
Flûte enchantée, Orphée aux enfers et Les Indes
galantes en 2014.
J’ai voulu assassiner le modèle "imposé" de
rencontre amoureuse, le culte de la beauté,
le bien moralisateur et, surtout, le mythe du
prince charmant souverain des contes de fées
occidentaux desnés aux petes lles. J’ai voulu
poser un regard crique sur les rêves enfanns
inuencés par des histoires d’amour qui
nissent bien, de beaux princes forts et musclés
et de sublimes princesses minces, fragiles et de
préférence blondes aux yeux bleus. J’ai voulu
subverr les mythes. Disséquer les personnages.
Déformer les acons clés que nous connaissons.
J’ai voulu ller d’autres possibles. D’autres
routes navigables. Il fallait manipuler les codes,
subverr les références, malaxer les clichés.
J’ai enn voulu poursuivre et aner la recherche
d’un spectacle diversié, non-spécialisé et
populaire. Tous les personnages jouent ainsi à la
marge, aux limites confuses entre danse, mime
et théâtre. Laura Scozzi
©Didier Plowy
©Dan Aucante
A TOI DE JOUER !
Aujourd’hui, jour des Contalenvert, sauras-tu retrouver les titres des
histoires qui ont été mélangées et racontées n’importe comment ?
Sais-tu, Mieux-Aimé, pourquoi jamais tu ne mangeras de vraie pizza ? Non ? Ah, mais il faut que je te raconte
ça. C’était une fois, au commencement du commencement du monde moderne.
Jeune Papa et Jeune Maman avaient, pour la première fois, réussi à faire cuire la première pizza. La vraie. Il
leur avait fallu trouver tous les ingrédients et ça n’était pas si facile que tu le crois, Mieux Aimé, de trouver
du chou blanc pour faire le rond de pâte, des fragolacongelato pour la jolie couleur rouge, des pets
cailloux noirs et ronds- juste comme ceux que tu vois toujours sur les photos des pizzas - et des ascots mais
pas trop gros, pour cee décoraon que les gens d’ailleurs appellent anchois.
Dans leurs familles à eux, avec tout ça, ou juste avec les cailloux, d’habitude, on faisait de la soupe.
Mais eux, ils étaient jeunes et ils voulaient faire de la pizza.
Et tu sais, leur pizza, elle était bien belle, elle sentait bien bon, mais sapreloe qu’elle était chaude !
Ils la mirent à refroidir sur le rebord de la fenêtre.
De sa place, la pizza regarda le monde qui s’ouvrait devant elle, beau à en avoir l’eau à la bouche. Elle
entendit au loin le chien du Père Lustucru, qui pleurait à fendre l’âme à force de vouloir se promener dans
la montagne et la voix haut perchée de mère Michel qui lui disait que c’était dangereux, la montagne, on
y trouvait des canards, et parfois même de fort vilains canards, qui vous mordaient les mollets. Bien sûr,
Mieux-Aimé, tu le sais, c’étaient des canards très parculiers, tu te souviens, ceux qui allaient en groupe,
qui n’avaient qu’un seul chemin qui valait pour eux et qui du coup se sont retrouvés transformés en cygnes
couronnés. Mais c’est une autre histoire.
Donc la pizza, avec son pet cœur de pizza, ne résista pas longtemps à l’appel de la montagne et, tout à
coup, hop ! elle sauta. Elle était sûre de pouvoir se promener en roulant sur sa tranche. Elle avait bien eu
une cousine, une Bretonne, qui l’avait fait. Même qu’elle avait tellement roulé qu’elle s’était dissoute dans
l’eau de Ploughernet. Ou alors un renard l’avait mangée ? Bah elle ne savait plus. Il surait de se méer des
renards de Ploughernet.
Elle avait oublié sa garniture de cailloux hélas. Elle s’écrasa pauvree, et même la pete Boucle-en-coeur, tu
sais, celle qui cherchait sa famille d’ours dans tous les coins et qui avait bien faim, ne voulut pas en manger.
Jeune Papa et Jeune Maman mirent la pizza à la poubelle et jurèrent qu’on ne les y prendrait plus : leurs
enfants auraient de la soupe à cailloux, comme tout le monde ! C’est ainsi que se perdit la vraie recee de
la première pizza. Comment, tu ne la regrees pas ? Comment, ça n’avait pas l’air bon ?!
Histoires comme ça, R. Kipling
Le vilain pet canard, Le chat qui s’en va tout seul, Boucle d’or, Roule-Galee, la Soupe à cailloux, Comment Vieux Père et
Vieille Mère rent l’homme, Les Cygnes Sauvages, la Mère Michel, la chèvre de monsieur Seguin, l’Appel de la Forêt.
LE SAVAIS-TU ?
Les contes sont d’abord faits pour être racontés et écoutés
le soir à la veillée. Quand on a commencé à les mere
à l’écrit, les auteurs n’ont jamais oublié de signaler qu’il
fallait « dire le texte ». Ainsi, dans l’édion manuscrite des
, sous l’illustraon du pet chaperon
rouge on trouve noté cee indicaon ; En marge de l’ulme
réplique du loup « C’est pour te manger », est écrit : « On
prononce ces mots d’une voix forte, pour faire peur à l’enfant
comme si le loup l’alloit manger. »
(site : Bibliothèque Naonale de France, exposions : contes)