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VII. Les diélectriques polaires et non linéaires – Pyroélectriques et Piézoélectriques
1. Introduction
Dans le chapitre précédent on s’est restreint au cas des diélectriques strictement linéaire. Ceci veut dire que
nous avons considéré que la constante diélectrique k de la relation
!
D =k
!
0
!
E
soit une constante et ne
dépend pas du champ électrique
!
E
. En plus, nous avons assu que la polarisation ne soit qu’une
conséquence du champ électrique
P=
!
0(k"1)E=N
#
E'
qui polarise les atomes et molécules (avec le
champs E’ à l’endroit des ces derniers). Il y a pourtant des matériaux pour lesquels ni l’un ni l’autre c’est le
cas. Les matériaux polaires sont polarisés par la manière d’arranger les ions dans les solides ioniques. Il y a
une auto-polarisation qui existe sans champ électrique. Ce phénomène peut être très fort dans des
matériaux cristallins. Il en résulte des propriétés intéressantes comme la piézoélectricité qui a amené à des
applications importantes comme l’imagerie à ultrasons, les filtres RF dans la téléphonie mobile, ou bien les
actionneurs à l’échelle nanométrique, pour mentionner quelques unes. Parmi ces matériaux polaires il y a
ceux qui permettent de changer la direction de l’auto-polarisation par un champ électrique. Ceci a pour
conséquence que la constante diélectrique est dépendante du champ électrique et de l’histoire du matériau.
On parle de la ferroélectricité, en analogie avec le ferromagnétisme. (Le ferromagnétisme es basé sur les
spins des électrons. Le spin est un moment magnétique et un dipôle par sa nature. La ferroélectricité est
basée sur les charges électriques, donc des monopôles).
Si la polarisation d’un matériau change d’une manière non-linéaire en réponse à un champ électrique
appliqué, le matériau est considéré comme étant un diélectrique non-linéaire.
2. Diélectriques non-centro-symétriques et polaires, et leurs propriétés fonctionnelles
2.1 Origine de la polaripolarisation spontanée (auto-polarisation)
L’existence d’une polarisation spontanée suppose une asymétrie du cristal. Un matériau qui possède une
polarisation spontanée, matériau polaire, possède des dipôles: les centres de charges positives ne
coïncident pas avec les centres des charges négatives. Les éléments exemplaires de structures polaires
sont illustrés schématiquement dans la Fig. 1. Pour arriver à un effet polaire macroscopique, ces éléments
doivent être répétés périodiquement dans le même sens.
E
O2-
H+
E
H+
Un dipôle
électrique
Une molécule polaire
Un cristal polaire
Figure 1 : Structures polaires : Le concept des dipôles, une molécule polaire et une maille d’un cristal polaire.
Dans la physique des solides, la symétrie joue un rôle central. Si nous nous demandons si une structure
cristalline possède une polarisation spontanée (ou auto-polarisation), il faut se demander si une telle
polarisation est compatible avec la symétrie de cette structure. La polarisation
!
P
est un vecteur (comme le
champ électrique). Il faut alors investiguer s’il y a un vecteur dans la structure qui ne change jamais de
direction si on applique toutes les opérations de symétrie de la structure cristalline en question. Un tel
vecteur indiquerait une direction polaire. Bien évidement, l’inversion ne doit pas faire partie de la symétrie,
car celle-ci change la direction d’un vecteur dans son opposé:
!
P I
! " ! #
!
P
, donc
!
P =!
!
P =0
. Ainsi, un carré
régulier comme dessiné dans la fig. 2 ne peut pas contenir un axe polaire dans le plan. Seulement les
symétries ne possédant pas de centres d’inversion peuvent admettre une direction polaire. L’exemple du
triangle gulier montré en fig. 2 ne possède pas de centre d’inversion. Pourtant, il n’y a pas de vecteur
invariable dans le plan, car la structure possède un axe de rotation 3. Si on admet un vecteur quelconque
dans le plan du triangle, il y a deux autres vecteurs équivalents résultant des rotations de 120° et 240°, ainsi
la somme de ces 3 vecteurs vaut zéro ! Donc, il faut encore exigé qu’il n’y ait pas d’axe de symétrie (les
cristaux peuvent avoir des axes de rotation 2, 3, 4 et 6) qui tourne l’axe polaire dans une autre direction. Par
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exemple, on brise la symétrie de trois en allongeant le triangle dans une direction (fig. 2). Le plan de miroir
ou axe de 2 qui est maintenu devient un axe polaire. Ainsi, on différencie 3 classes de matériaux cristallins:
(1) La maille cristalline possède des centres d’inversion
(2) La maille ne possède pas de centre d’inversion
(3) Parmi les symétries du 2ème cas, il y a celles qui possèdent en plus un axe polaire.
La figure 2 représente ces 3 cas. Les matériaux du cas 2 possèdent des propriétés de piézoélectricité (voir
prochain chapitre), les matériaux du cas 3 sont aussi piézoélectriques et sont en plus pyroélectriques voire
parfois même ferroélectrique. La structure polaire de la fig. 2c doit être répétée d’une manière parallèle afin
de constituer un cristal polaire.
(a) (b) (c)
Figure 2 : (a) Un carré régulier, formé par des ions de même type, centré avec un ion de signe opposé, possède un
centre d’inversion. Il n’y a aucune direction polaire dans le plan. (b) Le triangle régulier ne possède pas de centre
d’inversion. Pourtant il n’y quand même pas de vecteur polaire. (c) La symétrie de rotation 3 est brisée par l’allongement
du triangle dans une direction. Il reste un axe de rotation 2. Celui-ci est devenu un axe polaire.
2.2 La piézoélectricité
Les cristaux non-centro-symétriques sont piézoélectriques (Exemple: le quartz, qui ne possède pas d'axe
polaire). C’est à dire, en appliquant une déformation, il y a une séparation de charge (effet direct), ou en
applications un champ électrique, il y a une déformation (effet converse). L’effet direct est illustré par les la
figure 4, et en contraste avec fig. 3 qui montre l’absence d’une séparation de charge quand il y a un centre
d’inversion.
Les structures avec un axe polaire sont aussi piézoélectriques. En effet, la structure montrée en fig. 4b a
perdu la symétrie de rotation 3 (qui est perpendiculaire au plan en fig. 4a), et est devenu polaire le long des
flèches qui indiquent la déformation. Donc, si cette structure possède cette déformation en étant en équilibre
(sans forces extérieures), elle est de toute façon aussi piézoélectrique. Notez aussi, que si on applique un
champ électrique, les ions négatifs et positifs vont dans des directions inverses, et amènes à une
déformation qui est linéaires avec le champs électrique.
Figure 3 : Structure centro-symétrique
Structure centro-symétrique
Sous contrainte :
Les centres des charges positives et négatives
correspondent. Il n’y a pas de charge nette.
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a)
b)
Figure 4. Une structure non-centrosymétrique contenant des ions positifs et négatifs (a) soumise à une contrainte,
(b) montrant comment la contrainte crée la polarisation. Cette structure est une simplification du quartz « quartz
planaire » (hexagone de Si-O).
2.4. La pyroélectricité
Les structures polaires sont aussi pyroélectriques. Quand la température change, les ions se déplacent de
sorte que le centre de gravité des ions positifs, et le centre de gravités des ions négatives se séparent plus
(pendant l’abaissement de la température) ou se rapprochent (pendant la montée de la température). Ainsi
des charges sont créées aux surfaces perpendiculaires à l’axe polaire.
2.5. La ferroélectricité
Il y a encore une particularité de plus parmi les structures polaires, ou pyroélectriques : c’est la
ferroélectricité. Quand l’axe polaire s’invertit en appliquant un champ électrique, on parle de ferroélectricité.
Ceci se passe dans des structures qui donnent assez de place aux ions pour changer leurs positions. Dans
les ferroélectriques, la polarisation électrique P, qui se forme spontanément à cause de la polarité de la
structure (on parle aussi de la polarisation spontanée Ps), devient mesurable, car elle se manifeste aux
surfaces perpendiculaires à P par un changement de charge de 2P lors de l’inversion de P par un champ
électrique.
E (MV/m)
00.1 0.2
0.2
0.3
0.1
Ec
Pr Ps
P (C/m )
Figure 5 : Cycle d’hystérésis d’un monocristal de BaTiO3. Pr est la polarisation rémanente qui reste à E=0.
-Pr
D(E) = P(E)
(C/m2)
Champ
coercitif Ec
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Figure 6 : Graph situant les différents types de relations propriétés-symétries pour quelques piézoélectriques
majeurs. Notez que les meilleures pyroélectriques sont parmi les ferroélectriques. La structure a droite est le
wurtzite, présent sous forme de AlN et ZnO.
3. Transition de phase ferroélectrique et matériaux ferroélectriques
3.1. Transition de phase et maille élémentaire
La ferroélectricité est un phénomène des structures polaires. Dans les structures ferroélectrique l’axe polarie
peut être renversé par un champ électrique extérieur, car l’énergie du système s’abaisse quand
!
P
et
!
E
sont
parallèles. Les matériaux ferroélectriques se transforment habituellement en un état ferroélectrique depuis
une phase paraélectrique stable à haute température (le plus souvent non polaire). Les céramiques
ferroélectriques les plus utiles possèdent une structure cubique de type pérovskite à haute température. Lors
du refroidissement, elles subissent une transition de phase : la structure devient polaire non-cubique. Cette
température de transition se nomme la température de Curie (Tc). La transition de phase se fait par un petit
déplacement des ions de leur position symétrique, schématiquement montré en fig. 7 :
Figure 7 : La transition paraélectrique-
ferroélectrique brise la symétrie d’inversion par un
déplacement des ions, dans ce cas dans la
direction horizontale. La maille s’allonge dans la
direction de ce déplacement. Ferroélectrique veut
dire que le déplacement peut être renversé dans
la direction opposée par un champ électrique.
Deux des matériaux ferroélectriques les plus utilisés sont le titanate de baryum (BaTiO3) (fig. 8) et le
titanate/zirconium de plomb (Pb(Zr0.5Ti0.5)O3), plus connu sous le nom de PZT. Leur température de Curie
vaut respectivement 130°C et 370°C. En-dessous de la température de Curie, le BaTiO3 devient tétragonal.
Les ions sont déplacés (fig. 7) d’une telle manière qu’une polarisation spontanée de 0,26 C/m2 existe à
température ambiante dans une des directions de la maille. D’autres ferroélectriques utiles, n’ayant pas la
structure de la pérovskite, sont le LiNbO3 (souvent utilisé comme monocristal pour les filtres RF (1 à 3
GHz)), les éléments actifs en optiques et le polymère PVF2 (polyvinildiène di-fluoride (CH2F2)n).
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A T > TCurie (120-130°C) : symétrie cubique avec un
cation Ti4+ centré dans un octaèdre de O2-
A T < TCurie : Ti4+ occupe une position décentrée dans
une maille tétragonale : un axe de rotation 4 devient l’axe
polaire
une polarisation spontanée, dans ce cas parallèle à un
des axes de rotation 4 (dont il en existe 3 dans la
phase cubique à haute température) donne donc
2x3=6 directions possibles pour la polarisation,
comme indiqué avec les flèches.
Figure 8 : Maille pérovskite du BaTiO3 et aussi du PZT en
substituant Ba par Pb et une partie (moins de 50 % de Ti par Zr
d’une manière aléatoire (solution solide)).
O2-
Ti4+
Ba2+
0.12
0.03
0.06
Déplacements en Å
Figure 9 : Projection faciale de la maille tétragonale du BaTiO3 indiquant les nouvelles positions des ions. L’axe c est
vertical. Dans un domaine, tous les ions équivalents font le même déplacement: mouvement collectif.
3.2. Domaines ferroélectriques
Sachant que les six directions le long des arêtes du cube du BaTiO3 dans sa phase paraélectrique sont
équivalentes, la polarisation peut se développer selon une de ces directions, avec la même probabilité pour
chaque direction. Sans force ou champ électrique extérieurs, toutes les directions possibles sont assumées
en formant des zones homogènes (domaines), séparées par des parois la polarisation saute (parois de
domaines, Figure ). Les parois de domaines possèdent une épaisseur de l’ordre de 100 Å, quand l'angle de
rotation est différent de 180 °. Dans le dernier cas, la paroi a une épaisseur d'une maille (4 Å).
La structure finale des parois de domaines du cristal peut être très complexe, dépendant des champs
extérieurs et des forces agissant sur le cristal lors du refroidissement en passant par la température de
transition Tc. Pour obtenir un cristal avec seulement un mono-domaine (un seul domaine ou sans domaine),
il doit généralement être soumis, après sa croissance, à des champs électriques et parfois mécaniques,
dans des conditions soigneusement contrôlées. Le fait que le cristal puisse être transformé d’une
configuration en multidomaines à une configuration en mono-domaine est une conséquence directe de la
définition de la ferroélectricité: à savoir que la direction spontanée de polarisation peut être changée sous
l’action d’un champ extérieur.
Ti - charge
positive
O - charge
négative
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