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L’ARPENTEUR DU WEB
QUANTITÉ DE MOUVEMENT GUY BOUYRIE
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L’ARPENTEUR DU WEB : NOTION DE QUANTITÉ DE MOUVEMENT
Force vive, quantité de mouvement, énergie cinétique, impulsion, percussion : la physique s’est enrichie
de concepts qu’il n’a pas été facile de démêler tout au long de son histoire ! Nos programmes de lycée
introduisent certains d’entre eux, mais pas toujours là où on les attendrait, comme celui de quantité de
mouvement en terminale S. Incontestablement, la lecture que l’on peut en faire avec nos élèves s’avère
difficile. Par sa grande richesse documentaire, Internet peut nous aider à montrer comment ces concepts ont
pu émerger historiquement ; et certains dispositifs « expérimentaux » comme le billard, ont été de puissants
outils conceptuels pour appréhender certaines de ces grandeurs. Si aucun lycée ne peut actuellement s’offrir
une caméra numérique rapide la seule capable d’analyser ces processus complexes que sont les chocs et
percussions, il est possible de trouver sur le Web de magnifiques vidéos qui seront un support pédagogique
inestimable pour le professeur.
1. VERS LA NOTION DE QUANTITÉ DE MOUVEMENT : CONSERVATION DU MOUVEMENT
Pour DESCARTES, la question du « mouvement » est centrale au point de constituer un des fondements de
ses « Principes philosophiques » publiés en 1644. Contrairement à ses prédécesseurs héritiers d’ARISTOTE,
pour DESCARTES, le repos ou le mouvement ne sont que des états d’un système pour lequel la seule propriété
intrinsèque est son « inertie », un terme qui fut d’ailleurs introduit par KEPLER pour désigner cette capacité
d’un corps à s’opposer de lui-même à toute modification de son état de mouvement ou de son état de repos.
On lira avec intérêt ce bel article émanant de l’Université de Lille, par Sébastien VISCARDY « Sciences du
mouvement de DESCARTES et NEWTON : entre rupture et continuité ».
http://www.bascoe.oma.be/sviscardy/docs/Viscardy_Sciences_mouvement_Descartes_Newton.pdf
Extraits :
Dans la physique aristotélicienne, mouvement et repos s’opposent comme la lumière et les ténèbres : le
premier est un processus, le deuxième un état. DESCARTES rompt radicalement avec cette conception du
mouvement. Le mouvement n’est plus un processus maintenu par une cause – les qualités du corps – et par
lequel un corps rejoint son lieu naturel par un mouvement naturel ou s’en éloigne par un mouvement
violent ; il est un état au même titre que le repos : « que le mouvement & le repos ne sont rien que deux
diverses façons dans le corps où ils se trouvent. [...] un corps est autrement disposé, lors qu’il est transporté,
que lors qu’il ne l’est pas. [...]Que Dieu est la première cause du mouvement, & qu’il en conserve toujours
une égale quantité en l’univers. [...] puis qu’il a mu en plusieurs façons différentes les parties de la matière,
lors qu’il les crée, & qu’il les maintient toutes en la même façon & avec les mêmes lois qu’il leur a fait
observer en leur création, il conserve incessamment en cette matière une égale quantité de mouvement ».
Cette « quantité de mouvement » est donc définie par ce qui caractérise les deux pôles de sa philosophie
mécanique, que sont la matière-étendue et le mouvement, à savoir le produit de l’extension d’un corps par sa
vitesse.
DESCARTES énonce alors trois lois :
Première loi de la nature : « que chaque chose demeure en l’état qu’elle est, pendant que rien ne le change ».
Deuxième loi de la nature : « que tout corps qui se meut, tend à continuer son mouvement en ligne droite ».
Troisième loi de la nature : « si un corps qui se meut en rencontre un autre plus fort que soi, il ne perd rien
de son mouvement, & s’il en rencontre un plus faible qu’il puisse mouvoir, il en perd autant qu’il lui en
donne »
Ce troisième énoncé amène DESCARTES à formuler des règles d’impact entre deux corps qui s’avèreront
inexactes : il faudra attendre les travaux de HUYGENS pour qu’elles soient corrigées.
En effet, DESCARTES estime que lorsqu’un corps léger heurte un corps dur beaucoup plus massif, ce dernier
ne prélève pas de quantité de mouvement, ce qui n’est qu’approximativement vrai. D’autre part, DESCARTES
a des difficultés réelles à interpréter les interactions entre un corps en mouvement et les particules
constitutives du milieu de son environnement, dès lors que ce milieu est « fluide » au point de ne pas opposer
de résistance, ou au contraire dès qu’il s’avère plus compact.
2. CHOCS ET CONSERVATION DE LA QUANTITÉ DE MOUVEMENT : MODÈLE DU BILLARD
Qui d’entre nous n’a pas joué ou regardé jouer au billard ? C’est en observant des collisions sur les tables
de ce jeu populaire que, historiquement, l’idée de la conservation de la quantité de mouvement a été bâtie par
Isaac BEECKMAN, puis René DESCARTES lui-même.
Et le billard est devenu un outil extraordinaire pour des expériences de pensée, imaginées tant par les
physiciens que par les mathématiciens