© Fréric Nauczyciel
Arthur Nauzyciel
Anton Tchekhov
La Mouette
du 9 au 19 janvier 2014
Représentations : mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi 19h30, dimanche 15h, relâche lundi
Tarifs : 24 / 15 / 12 / 9
Réservation : sur place ou par téléphone au 01 41 32 26 26 / du mardi au samedi de 13h à 19h
ou billet[email protected] et en ligne sur : www.theatre2gennevilliers.com
Service de presse :
Théâtre de Gennevilliers : Philippe Boulet 01 41 32 26 10 boulet@tgcdn.com
CDN Orléans/Loiret/Centre : Nathalie Gasser 06 07 78 06 10 gasser.nathalie.presse@gmail.com
Arthur Nauzyciel
Anton Tchekhov
La Mouette
du 9 au 19 janvier 2014
de Anton Tchekhov
mise en scène et adaptation, Arthur Nauzyciel
décor, Riccardo Hernandez
lumière, Scott Zielinski
son, Xavier Jacquot
chorégraphie et mouvements, Damien Jalet
costumes, José Lévy
masques, Erhard Stiefel
musique, Winter Family et Matt Elliott
assistante costumes, Sylvie Trehout Bello
conseil littéraire, Leila Adham
avec
Marie-Sophie Ferdane, Nina
Xavier Gallais, Tréplev
Vincent Garanger, Dorn
Benoit Giros, Chamraïev
Adèle Haenel, Macha
Mounir Margoum, Medvédenko
Laurent Poitrenaux, Trigorine
Dominique Reymond, Arkadina
Emmanuel Salinger, Sorine
Catherine Vuillez, Paulina
Adaptation Arthur Nauzyciel, dʼaprès la version originale de 1895, traduite du russe par André Markowicz et
Françoise Morvan (Actes Sud, 1996)
Film Arrivée dʼun train à La Ciotat, Louis Lumière, été 1897 © Association frères Lumière.
durée : 3h30 entracte inclus
Production Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre
Coproduction Festival dʼAvignon ; Région Centre ; CDDB-Théâtre de Lorient, CDN ; Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène
nationale ; Maison des Arts de Créteil ; Le Parvis, Sne nationale Tarbes-Pyrénées ; Le Préau Centre Dramatique Régional de Basse-
Normandie Vire ; le pnix, Scène nationale de Valenciennes ; MCB° Bourges, Scène nationale ; Théâtre National de Norvège ;
France Télévisions. Avec le soutien de lʼInstitut Français et de la Ville dʼOrléans. Le décor est construit par lʼatelier de la MCB° Bourges,
Scène nationale. Les costumes sont fabriqués par lʼatelier Caraco Canezou.
Le spectacle a été créé dans la Cour dʼhonneur du Palais des papes, lors du Festival dʼAvignon 2012.
Il a déjà été présenté en 2012/2013 au CDN Orléans/Loiret/Centre, au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, à la Comédie de
Clermont-Ferrand, au Parvis Scène nationale de Tarbes-Pyrénées, au Phénix Scène nationale de Valenciennes, à la Comédie de
Reims, au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, Scène nationale, au Théâtre national de Nice, au CDDB-Théâtre de Lorient, CDN et à
la Maison des Arts de Créteil.
en tournée :
23 et 24 janvier 2014 - Équinoxe, Scène nationale de Châteauroux
30 janvier 2014 - Le Préau Centre Dramatique gional de Basse-Normandie Vire
++
[samedi 11 janvier à 18h au T2G]
Rencontre philosophique : « Le temps existe-t-il ? »
Emmanuel Alloa invite Etienne Klein !en regard du spectacle dʼArthur Nauzyciel
(entrée libre sur réservation au 01 41 32 26 26 ou billetterie@tgcdn.com)
La Mouette
Sur scène, avant que la pièce ne commence, le noir et blanc tremblé de LʼArrivée
dʼun train en gare de La Ciotat des frères Lumière projeté en boucle nous fait revoir
les premières images animées, exactement contemporaines de La Mouette : un
quai où se pressent les voyageurs descendus des voitures et que lʼon ne peut
sʼempêcher aujourdʼhui de regarder comme autant de fantômes, des mères, des
maris, des enfants, des gens qui se retrouvent peut-être après des années de
séparation... Le spectacle, qui sʼouvre sur la mort de Tréplev, donc sur la fin de la
pièce, propose par un effet de montage la même figure de boucle temporelle qui fait
ensuite se dérouler le texte de Tchekhov comme un retour en arrière. "Je suis une
mouette" dit Arkadina, et tous les personnages font leur apparition vêtus de
couleurs sombres, la tête dissimulée dans un masque de mouette, dansant une
danse légère et joyeuse avant que ne commence la pièce dans la pièce jouée par
Nina. Sur un sol recouvert de sable noir qui contient peut-être les sédiments du lac
désormais asséché et des créatures disparues, les personnages impriment la trace
de leurs trajectoires éphémères comme dans une neige en négatif.
Valérie Mréjen
© Fréric Nauczyciel
Note dʼintention
« Les fleurs sont immortelles.
Le ciel est intact.
Et ce qui sera nʼest quʼune promesse. »
Ossip Mandelstam. Sur la terre vide
Répondre à la question « Pourquoi monter La
Mouette ? », cʼest répondre à la question « Pourquoi ou
comment faire du théâtre, pour moi, aujourdʼhui ?
Quelle histoire raconter après Jan Karski ? » Il y a bien
sûr dans le choix qui pourrait étonner de cette
pièce, une réponse à lʼinvitation de créer un spectacle
dans la Cour dʼhonneur du Palais des papes. Quel
discours y tenir, quelle parole y faire entendre, de quoi
lʼinvestir ? La Mouette parle dʼart, dʼamour, et du sens
de nos existences. Une pièce sur lʼart, cʼest-à-dire sur
le spirituel dans lʼart et sa nécessité dans nos vies, des
vies gâchées ou absurdes, que seuls la beauté, le rêve,
la psie viennent parfois éclairer. Et lʼespérance. Cela
devrait suffire. Elle finit par la mort dʼun jeune homme,
un artiste, et cʼest justement comme ça que nous la
commencerons.
En Art, comme dans la vie, il nʼy a ni début ni fin, la
ligne nʼest pas horizontale, lʼhistoire nʼest pas linéaire,
cʼest une brume traversée de trous, dʼimages, de
stridences et dʼéclats. La fin de la pièce EST le début
de ce spectacle. La pièce se reconstruit sur le corps de
son personnage principal, un artiste idéaliste, entier,
rêveur, blessé, effaré par la cruau du Monde et des
êtres, qui a choisi de ne plus y vivre. Devant le Palais
des papes, sorte de Château de Laze fantomatique,
une cérémonie, une danse triste et élégante est donnée
pour lʼaccueillir, et retraverser sa vie, les événements
qui lʼont mené là, dans ce monde des morts. Bien sûr,
on est aussi à la fin dʼOrdet, à la fin de Jan Karski :
parler pour ressusciter les morts, la scène comme lieu
de réparation, lʼévocation des absents, la consolation
fragile mais si bouleversante que cela peut procurer.
Tchekhov répare par lʼécriture, il sauve. Comme il le
faisait médecin. Après avoir soigné les corps souffrants,
fermé les yeux des morts, le médecin quʼil est, choisit
lʼécriture et console les âmes, tente de se mettre en
paix avec ses propres démons.
Plus quʼen lʼ« illustrant » ou en la « représentant », cʼest
en retraversant La Mouette, en étant à lʼécoute de ces
mots dans ce lieu aujourdʼhui, comme dans un rituel
mémoriel, le souvenir dʼune Mouette perdue, que cette
pièce peut nous troubler encore. Elle-même hantée par
dʼautres pièces Hamlet, LʼOrestie. Dans un lieu de
Foi, puis de Théâtre hanté par le théâtre, et par les voix
de ceux et celles qui nous y ont précédés.
Ces textes, ces classiques, sont comme à chaque fois
pour moi, un souvenir du futur, en ce sens quʼils
contiennent pour toujours la mémoire collective dʼune
humanité à venir. Un monde enfoui, celui de nos
aspirations et désillusions : « Dans un mois, dans un
an, comment souffrirons-nous… » dit Bérénice.
Fortement symboliste, mais également épique, et avec
une certaine brutalité, la pièce raconte aussi une
génération détruite, lʼabandon des pères, un monde qui
tue ses artistes et, en eux, toute possibilité deve ou
dʼélévation. Un monde où lʼon aime lʼAutre en vain,
seul, hanté par la question de lʼexistence. Medvédenko
aime Macha qui aime Tréplev qui aime Nina qui aime
Trigorine, quʼaime Arkadina, alors que Chamrev aime
Paulina qui aime Dorn. Cʼest une hécatombe.
« Jʼarracherai cet amour jusquʼà la racine » dit Macha.
Tchekhov décrit sans concessions mais avec empathie
notre condition humaine nous sommes les seules
créatures vivantes à avoir conscience de la mort, de
notre temps compté, et nous partageons un immense
besoin dʼamour afin de supporter cette conscience,
celle dʼêtre désespérément seul, dʼune solitude
quʼaucun amour ne viendra rassurer.
La pièce, écrite quand sʼinventent le cinéma et la
psychanalyse, témoigne des changements du tournant
du 19e au 20e scle, qui sans être énons, projettent
les personnages entre attente et inquiétude, mélancolie
et espérance, peu de temps avant les grandes guerres.
Quand Tchekhov écrit La Mouette, tout est en
transformation, un monde se reconstruit sur la fin dʼun
autre. Nous-mêmes, aujourdʼhui habitons dans les
ruines du scle précédent, un monde dʼaprès la
catastrophe cʼest-dire, comme lʼa écrit Walter
Benjamin, dans lʼOrigine du drame baroque allemand :
« Lʼorigine ne désigne pas le devenir de ce qui est né,
mais bien ce qui est en train de naître dans le devenir
et le déclin ». Nous sommes en mutation. Nina parle de
lʼHorizon. Mais notre horizon à nous sʼest déplacé, nous
sommes résigs et sceptiques au sortir des
expériences du siècle passé. Entre utopie et mémoire,
projection dans lʼavenir et regard vers le passé, dans un
horizon dʼattente vers lequel sʼorientent nos actes et
nos pensées. Il nʼy a plus cet horizon de lʼautre côté du
lac, lieu desir, de possibilités nouvelles et dʼavenir.
Aujourdʼhui, les personnages de La Mouette sont
devenus cet horizon dʼattente, ils hantent le lac qui sʼest
asséché, comme dans la pièce de Tréplev. Dans ce qui
fut un lac, dans ce qui fut peut-être un théâtre, une
humanité perdue tente de ne pas oublier. Il leur reste
les mots. Les mots, une fois prononcés, ne peuvent
faire disparaître lʼespace quʼils ont ouvert.
« … ma jeunesse, ce sentiment qui ne reviendra plus,
le sentiment, que je pouvais durer éternellement,
survivre à la mer, au ciel, à tous les hommes : ce
sentiment dont lʼattrait décevant nous porte vers des
joies, des dangers, vers lʼamour, vers lʼeffort illusoire,
vers la mort : conviction triomphante de notre force,
ardeur de vie brûlant dans une poignée de poussière,
flamme auur, qui chaque ane sʼaffaiblit, se
refroidit et sʼéteint trop tôt, tropt, avant la vie elle-
même…» - Joseph Conrad, Jeunesse.
Arthur Nauzyciel
mars 2012
Mouettes
« En mer (Norvège, 1930) », extrait du journal de voyage de Walter Benjamin
Le soir, le cœur lourd comme du plomb, plein
dʼangoisse, sur le pont supérieur. Je suis longtemps
des yeux le jeu des mouettes. Il y en a toujours une,
perchée sur le mât le plus haut, qui accompagne les
mouvements de pendule quʼil dessine par à-coups dans
le ciel. Mais ce nʼest jamais longtemps la même. Une
autre arrive, et en deux battements dʼailes elle a je
ne sais imploré ou chas lʼautre, jusquʼà ce que
brusquement le sommet reste vide.
Mais les mouettes nʼont pas cessé de suivre le navire.
Imprévisibles comme toujours, elles décrivent leurs
cercles. Cʼest quelque chose dʼautre qui introduit un
ordre parmi elles. Le soleil est depuis longtemps
couché, à lʼest il fait très sombre. Le navire fait route
vers le sud. Quelque clarest restée à lʼouest. Ce qui
se passa alors chez les oiseaux ou en moi ?
arriva par la vertu de lʼendroit que jʼavais choisi dans
ma mélancolie, de ma position dominante et solitaire au
milieu de la plage arrière du pont supérieur. Il y eut
brusquement deux peuples de mouettes, celui des
mouettes orientales, celui des mouettes occidentales, à
gauche et à droite, si totalement étrangers lʼun à lʼautre
quʼils perdirent le nom de mouettes.
Les oiseaux de gauche, sur le fond du ciel défunt,
conservaient quelque chose de leur blancheur, ils
étincelaient à chaque volte vers le haut ou le bas,
allaient de concert ou sʼévitaient et semblaient dessiner
sans cesse devant moi une série ininterrompue et
interminable de signes, tout un entrelacement dʼailes,
infiniment divers et fugitif, mais lisible. Mais mon regard
glissait et je finissais toujours par me retrouver chez les
autres oiseaux.
Ici je nʼavais plus rien devant moi, plus rien ne me
parlait. Je venais à peine de suivre ceux de lʼest dans
leur vol sur une dernière clarté, quelques ailes affilées
dʼun noir profond qui se perdaient dans le lointain et
revenaient, et dé je nʼaurais plus été capable de
décrire leur passage. Il me bouleversait si
profondément que je revenais moi-même du lointain
noir de souffrance, silencieuse troupe dʼailes. À gauche
tout devait encore se déchiffrer et mon destin était
suspendu à chaque signe ; à droite il sʼétaitjà jadis
réalisé et cʼétait un seul signal silencieux. Ces
renversements durèrent longtemps, jusquʼà ce que je
ne fusse plus moi-même que le seuil au-dessus duquel
les messagers sans nom, noirs et blancs, changeaient
dans les airs.
Walter Benjamin, Les chemins du labyrinthe,
éditions La Quinzaine Littéraire - Louis Vuitton (2005)
© Frédéric Nauczyciel
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