Impacts environnementaux, indicateurs et durabilité écologique du

Impacts environnementaux, indicateurs et durabilité écologique
du secteur bois énergie dans la ville de Yaoundé et sa périphérie
Antoinette Nadege KIBOUM KOH
Cadre d'appui PRECESSE en service à la Direction du développement des politiques environnementales,
Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP)
Cameroun
Jolien SCHURE
Antoinette Nadege KIBOUM KOH
La présente étude sur les impacts environnementaux et la durabilité écologique de la filière bois énergie dans
la ville de Yaoundé et sa périphérie a été réalisée par l’auteur, KIBOUM KOH Antoinette Nadège dans le cadre
d’une consultation pour le CIFOR-Cameroun. Cette étude a été coordonnée par Mrs Jolien SCHURE, chercheur
au CIFOR-Cameroun et responsable des recherches sur la filière bois énergie en Afrique Centrale, au sein du
programme « Livelihoods ».
Au terme de cette étude au CIFOR qui a du 09 mois environ, l’auteur a regagné le Ministère de
l’Environnement et de la Protection de la nature du Cameroun (MINEP), elle exerce actuellement comme
cadre au sein de la Direction du développement et des politiques (DDPE).
Doctorante à l’Université de Yaoundé I, titulaire d’un D.E.A en biotechnologies végétales et d’un Master
professionnel en étude d’impact environnemental, KIBOUM KOH Antoinette Nadège est une jeune
Camerounaise de 26 ans qui est appelée dans le cadre de ses fonctions à réaliser des évaluations
environnementales stratégiques, ce qui nécessite d’avoir une connaissance parallèle de tous les domaines
relatifs à l’environnement au Cameroun (santé, énergies propres, urbanisation...).
I. Contexte et justification
La problématique de la déforestation consécutive à la consommation de bois-énergie (récolte du bois pour le
chauffage domestique ou la fabrication de charbon de bois) se pose avec acuité dans les pays en
développement :
La filière bois énergie serait responsable de plus de 90 % du total des prélèvements ligneux en Afrique
subsaharienne (FAO, 2009). Ici, la FAO révèle une consommation de bois de feu de 261 millions m3 en
1970, de 440 en l’an 2000 avec une projection de 544 Mm3 pour 2030 (Mallet et al., 2009).
La consommation de charbon était quant à elle est évaluée à 8 millions de tonnes en 1970, à 23 MT en
2000 et devrait être de 46 MT en 2030.
Cette évolution dans la consommation du bois énergie serait liée à des politiques énergétiques inefficaces en
vigueur dans les pays Africains, ainsi qu’aux dynamiques démographiques des pays concernés, à l’urbanisation
croissante, et à la complexité économique, sociale, écologique de mettre en œuvre et diffuser des alternatives
viables (éolien, solaire, hydraulique, cultures bioénergétiques) (Mallet et al., 2009).
Le Cameroun, pays d’Afrique centrale de 475.442 km de superficie et ayant une population estimée en janvier
2010 à 19,4 millions d’habitants n’est pas en épargné par cette problématique du bois énergie. Il a été classé
par la FAO au 15e rang mondial des pays ayant subi le plus de déforestation entre 1990 et 2005 (FAO, 2005),
avec environ 400 000 ha de superficie forestière déboisée sur 23,9 millions d’hectares de forêt dense humide
disponible. L’Observatoire Mondial des forêts au Cameroun a révélé que la plupart de ce bois récolté à
l’intérieur des forêts et des savanes boisées camerounaises est utilisé pour satisfaire les besoins en énergie du
pays. En 1998, quatre fois plus de bois a été récolté comme combustible que la quantité vendue de bois
industriel rond. Les combustibles traditionnels, notamment le bois de feu et le charbon de bois, représentaient
à peu près 80 % de la consommation totale d’énergie du pays en 1995.
A cause d’une politique nationale inefficace visant à promouvoir des énergies alternatives telles que le gaz et le
pétrole, la quantité de bois énergie consommée au Cameroun est passée de 7 500.000 m3 en 1980 à
12 000.000 m3 en 1998 (WRI, 2000). En 2008, les estimations du SIE (Système d’Information Energétique)
Cameroun ont révélé que la consommation d’énergie domestique était constituée à 82,3 % de bois de feu, à
Lien vers le diaporama
30,6 % de charbon de bois et à 27 % de gaz sur l’ensemble du territoire national; le reste étant la sciure et les
déchets végétaux.
Ces chiffres en Afrique subsahariens et au Cameroun démontrent bien que la crise du bois énergie, annoncée il
y a près de 30 ans lors de la Conférence des Nations unies sur les sources d'énergie nouvelles et renouvelables
(Nairobi, 1981), bien que ne se s’étant pas finalement produite à grande échelle et ayant été largement oubliée
par les décideurs et la communauté internationale (Valeix, 2004; Marien, 2009; Schure, 2009), est pourtant une
réalité dans certaines régions Sahéliennes et se manifeste progressivement à proximité des grandes
métropoles d’Afrique centrale où il existe une consommation accrue de la ressource ligneuse.
En effet, des études récentes dans certaines grandes villes d’Afrique centrale montrent que du fait d’une
augmentation de la demande et par conséquent de l’offre, les forêts périurbaines déjà fragilisées par
l’urbanisation jouent un le important dans l’approvisionnement en bois et charbon de bois (Marien, 2009).
Approvisionnement matérialisé par une exploitation de la ressource sans un souci de gestion durable et une
dégradation des milieux naturels boisés (Mallet et al., 2009). La fourniture en bois de feu et en charbon de bois
est y est ainsi devenue associée à des problèmes écologiques tels que la déforestation, entraînant les cercles
vicieux de l’érosion des sols et des changements climatiques (Brown, Carbale et al., 1997; White, Cannell et
al.,1999 cités par Schure, 2009).
II. Problématique
Au Cameroun, les études sur le bois-énergie qui soulignent la nécessité d’une meilleure gestion de la filière en
réponse à une dégradation accrue des écosystèmes sont celles réalisées dans la zone septentrionale du pays.
Pendant longtemps, l’opinion publique a pensé que de tels problèmes ne sont récurrents que dans la zone
sahélienne du Pays, contrairement à la zone forestière.
Toutefois, dans les grandes villes du Cameroun telles que Yaoundé une augmentation de la demande et par
conséquent de l’offre est notée, des phénomènes de dégradation et de déforestation sont susceptibles de se
produire sur les forêts périurbaines, comme c’est le cas dans d’autres villes d’Afrique Centrale telles que
Kinshasa et Kisangani en RDC.
Une telle consommation de la ressource présente un risque pour la durabilité des écosystèmes à court, moyen
ou long terme. Le principal facteur de risque étant celui de l'exploitation prédatrice des ressources, non
organisée dans l'espace et dans le temps, ne prenant pas en compte l'autécologie et la résilience ou
régénération naturelle des espèces forestières exploitées, s'affranchissant des modes d'organisation des
communautés locales et ignorant le cadre juridique réglant ce type d'activités (Valeix et al., 2004).
Il importait donc d’étudier l’ampleur du phénomène de dégradation des forêts périurbaines et l’impact
environnemental à la filière bois énergie à Yaoundé et sa périphérie, afin de proposer des stratégies de
gestion durable et ainsi assurer la pérennité des activités source de revenus développées autour du secteur
bois énergie dans cette cité-capitale du Cameroun.
Cette étude visait donc à répondre à trois principales questions de recherche :
1. Quels indicateurs, critère, ou vérificateurs sont relevés pour une étude de la durabilité écologique de la
filière bois énergie à Yaoundé et sa périphérie?
a) Quels sont les indicateurs décrits dans la littérature?
b) Quels indicateurs sont spécialement retenus et vérifiables dans le contexte de Yaoundé et ses
environs?
c) Quel est le contexte écologique des forêts approvisionnant la filière bois énergie aux alentours de la
ville de Yaoundé?
2. Quel est l’impact environnemental de la filière bois-énergie à Yaoundé et sa périphérie?
d) Quels sont les impacts identifiés/observés?
e) Quelle est l’importance desdits impacts?
f) Quelles perspectives pour les différentes parties prenantes?
3. Quelles sont les propositions en terme de gestion/mitigation des impacts négatifs générés dans le secteur
Bois-énergie aux alentours de la ville de Yaoundé?
III. Objectifs
L’objectif principal de cette étude était d’étudier les impacts environnementaux et la durabilité écologique du
secteur bois énergie dans la ville de Yaoundé et sa périphérie.
Spécifiquement, les objectifs étaient de :
Os1 1. Décrire le type de forêts est prélevée la ressource pour l’approvisionnement du secteur bois énergie
de la ville de Yaoundé
Os 2. Déterminer les indicateurs de durabilité vérifiables dans le contexte local des forêts périurbaines de
Yaoundé
Os 3. Identifier et caractériser les impacts générés par les activités de la filière bois énergie à Yaoundé. À savoir
identifier et caractériser les impacts générés par les quatre activités suivantes :
la production du bois énergie
le transport du bois énergie
la commercialisation du bois énergie
la consommation du bois énergie
Os 4. Proposer des mesures d’atténuation des impacts négatifs identifiés
Os 5. Proposer des mesures de bonification des impacts positifs identifiés
Os 6. Proposer des stratégies pour une meilleure gestion environnementale de la filière bois énergie à Yaoundé
IV. Méthodologie
La collecte des données sur le terrain s’est faite en utilisant les méthodes suivantes :
1. Les enquêtes auprès des différents acteurs de la filière. Le but était d’obtenir des informations générales
sur le profil des acteurs, sur leur activité et sur les impacts découlant de ces activités.
Des questionnaires ont été administrés à : 30 consommateurs, 30 vendeurs de charbon, 30 vendeurs de
bois, 20 transporteurs, 30 des producteurs de charbon et 30 producteurs de bois.
2. L’utilisation des critères et indicateurs (C&I) choisis après revue de la littérature pour l’évaluation de la
durabilité de la gestion des forêts périphériques à Yaoundé. La méthode utilisée pour ce faire a été la
« méthode d’appui à l’évaluation de critères et indicateurs utilisés pour juger de la durabilité de la
gestion forestière » développée par le CIFOR en 1999. L’utilisation et l’évaluation de ces C&I a également
servi à voir si les indicateurs s’adaptent au contexte local. Plus précisément, la phase « travaux de terrain »
de cette méthode du CIFOR a été utilisée. Elle a consisté à :
o avoir des discussions de groupe avec les parties prenantes et les acteurs clefs de la gestion des forêts sur
le profil historique des forêts;
o conduire des entretiens avec des personnes ressources (guides locaux, agriculteurs, chasseurs...);
o réaliser les études de terrain : inventaire des espèces exploitées comme bois de chauffe ou pour la
fabrication du charbon; prise du diamètre de ces espèces afin d’estimer leur régénération; abondance
des espèces2; estimation du taux de prélèvement (dans les quadras mis en place);
o effectuer des recherches bibliographiques chaque fois que possible.
3. L’évaluation de l’impact environnemental et des mesures d’atténuation potentielles a été faite grâce à
l’observation directe, aux travaux de terrain, à la MARP et à la méthode des grilles d’évaluation impacts sur
les composantes du milieu.
o La Méthode Accélérée de Recherche Participative (MARP) a consisté aux entretiens semi structurés. Cet
outil de collecte de données socioéconomiques avait pour objectif de conduire à l’obtention des
renseignements en petits groupes, recourant à une série de questions consignées dans une fiche servant
de guide des conversations avec possibilité d’ajouter d’autres questions au cours de l’entretien.
L’entretien avec les communautés portait sur le profil historique des forêts, le fonctionnement de la
filière bois de feu dans le village, les effets de cette activité sur les revenus des ménages et l’état des
forêts, les solutions à mettre en place dans le cas où cette activité est source de problèmes
environnementaux.
1 Os = Objectif spécifique
2 Abondance = Nombre des espèces utilisées pour le bois énergie par quadra
o La méthode d’évaluation des impacts des différentes activités sur l’environnement a été faite comme
suit :
i. L’identification des impacts basée sur les données récoltées sur le terrain (inventaires, observation)
et après enquêtes a été faite à partir de la matrice de Léopold qui met en phase les activités liées à la
filière bois énergie et les composantes du milieu (composantes biophysique et socioéconomique) qui
sont affectées par celles-ci (tableau 7).
Tableau 1 : Matrice d’interrelation des impacts pour la filière bois énergie à Yaoundé et sa périphérie
Éléments valorisés de l’environnement
Milieu biophysique
Milieu humain
Air
Sol
Eaux de surface
Eaux souterraines
Végétation
Biodiversité
Paysage
Écosystème
emplois
Revenus des ménages
Éducation
Santé
Hygiène et salubrité
Sécurité/accidents
Gouvernance
Activités
sources
d’impacts
ii. l’évaluation de l’importance des impacts identifiés, a reposé sur une méthodologie qui intègre les
paramètres de la durée, de l’étendue, de l’intensité de l’impact et de la valeur de la composante
affectée. Les trois premiers paramètres sont agrégés en un indicateur de synthèse pour définir
l’importance absolue de l’impact. Le quatrième paramètre vient s’ajouter à l’importance absolue de
l’impact pour donner l’importance relative de l’impact (tableaux 2 et 3).
Tableau 2 : Grille de détermination de l’importance absolue d’un impact
Intensité
Étendue
Durée
Importance absolue
Forte
Régionale
Longue
Majeure
Moyenne
Majeure
Courte
Majeure
Locale
Longue
Majeure
Moyenne
Moyenne
Courte
Moyenne
Ponctuelle
Longue
Majeure
Moyenne
Moyenne
Courte
Mineure
Moyenne
Régionale
Longue
Majeure
Moyenne
Moyenne
Courte
Moyenne
Locale
Longue
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Courte
Moyenne
Ponctuelle
Longue
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Courte
Mineure
Faible
Régionale
Longue
Majeure
Moyenne
Moyenne
Courte
Mineure
Locale
Longue
Moyenne
Moyenne
Moyenne
Courte
Mineure
Ponctuelle
Longue
Mineure
Moyenne
Mineure
Courte
Mineure
Source : Martin Fecteau
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