
Forum Med Suisse 2012;12(1–2):15–17 15
HigHligHts 2011 : ORl, cHiRuRgie ceRvicO-faciale
Rôle du papillomavirus humain dans le cancer
de l’oropharynx
Epidémiologie et répercussions cliniques
Martina A. Broglie, Sandro J. Stöckli
Klinik für Ohren-, Nasen-, Hals- und Gesichtschirurgie, Kantonsspital St. Gallen
Contexte
En Suisse, l’incidence des cancers de la cavité buccale
et du pharynx s’élève à env. 1000 nouveaux cas par an,
représentant 3% de tous les nouveaux cas de cancer
(Ligue suisse contre le cancer, chiffres 2008). Plus de
70% des tumeurs sont diagnostiquées à un stade tardif
et elles sont alors associées à un taux de survie à 5 ans
inférieur à 50%. Des études récentes ont montré une
augmentation de l’incidence chez les patients jeunes
également, malgré une diminution de l’exposition aux
facteurs de risque connus que sont le tabagisme et l’al
cool [1–3]. Déjà en 1985, dans un travail de Loning et
al. [4], une relation avait été supectée entre l’infection
par le papillomavirus humain (HPV) et la survenue de
cancers de la tête et du cou (head and neck squamous-
cell carcinoma, HNSCC). Au cours des dernières an
nées, cette relation a été conrmée par de nombreuses
publications [5–10].
Les HPV infectent 70–80% de la population. Le virus a
été reconnu comme étant la cause de maladies bénignes
et malignes, particulièrement du cancer du col de l’uté
rus. La famille des HPV est composée de plus de 100 gé
notypes différents, parmi lesquels il convient de faire la
distinction entre les HPV à haut risque ou oncogènes
(HPV HR) et les HPV à bas risque (non oncogènes). Une
infection à HPV HR (HPV de type 16 dans 90% des cas)
constitue un facteur de risque indépendant supplémen
taire de survenue d’un cancer de la tête et du cou, avec
une prédilection pour l’oropharynx [11].
La raison pour laquelle les cancers des amygdales et de
la base de la langue en particulier sont associés à une
infection à HPV n’est pas claire. Il est soupçonné que la
zone frontière entre l’épithélium pavimenteux et le tissu
lymphatique constitue une zone de transformation
comparable à celle du col de l’utérus, dont la couche ba
sale de l’épithélium à une ou deux couches peut facile
ment être infectée. Alternativement, il se pourrait que
les cryptes amygdaliennes fassent ofce de réservoir
v iral [1, 12].
A côté des études épidémiologiques, des études séro
logiques ont conrmé qu’une infection à HPV constituait
un facteur de risque pour le développement d’un cancer
de la tête et du cou [13, 14]. Mork et al. [15] ont montré
que les individus ayant des anticorps antiHPV16L1
détectables à la sérologie présentaient un risque deux
fois plus élevé de développer un cancer de la tête et du
cou et un risque augmenté de 10 fois de développer un
cancer amygdalien. D’Souza et al. [7] ont conrmé ces
résultats en constatant une prévalence accrue d’anti
corps dirigés contre la protéine tardive L1 et contre les
protéines précoces E6 et E7 de l’HPV 16 chez les pa
tients atteints de cancers de l’oropharynx (oropharyn-
geal squamous cell carcinoma, OPSCC).
Des études ont montré que des rapports sexuels fré
quents et le nombre de partenaires sexuels augmen
taient le risque de développer un cancer du col de l’uté
rus. Jusqu’à présent, il n’existe pas de preuves établies
concernant l’évolution naturelle et les facteurs de risque
d’infection oropharyngée à HPV. Il a néanmoins pu être
montré chez les patients avec OPSCC qu’un âge jeune
lors du premier rapport sexuel, un nombre élevé de
partenaires sexuels et en particulier les contacts oro
génitaux augmentaient le risque de développer une
t umeur HPVpositive [5, 7, 16, 17]. Ainsi, il se pourrait
qu’une partie des cancers de la tête et du cou doivent
être considérés comme des maladies sexuellement
transmissibles [18, 19] et que l’augmentation de la pré
valence de ces cancers ait un lien avec les pratiques
sexuelles en mutation.
Les cancers HPVpositifs présentent des altérations gé
nétiques spéciques liées aux oncoprotéines virales (E6
et E7) (g. 1 x) [20]. L’ oncoprotéine E6 inactive le gène
suppresseur de tumeur p53. Alors que les mutations de
p53 sont fréquentes dans les cancers HPVnégatifs et
dans les cancers associés à la nicotine et à l’alcool, l’on
coprotéine p53 de type sauvage est généralement re
trouvée dans les tumeurs HPVpositives [2, 21]. L’ onco
protéine E7 se lie à la protéine du rétinoblastome (pRb),
qui est alors inactivée. L’inactivation fonctionnelle de la
pRb par E7 conduit à une surexpression de la protéine
p16, qui devient dès lors un marqueur des tumeurs in
duites par l’HPV (g. 2 x). Ces altérations génétiques
moléculaires permettent de clairement distinguer deux
catégories de cancers dans la région de la tête et du cou:
ceux induits par l’HPV et ceux induits par des substances
toxiques.
Sur la base de ces connaissances, Smeets et al. [22] ont
élaboré un algorithme pour dépister ablement un can
cer induit par l’HPV, en détectant à la fois l’expression
de p16 par immunohistochimie et l’ADN d’HPV HR par
PCR. Alternativement, l’hybridation in situ (HIS) est en
visageable. Dans des études actuelles, il a pu être mon
tré que 20–80% des patients atteints d’un OPSCC
étaient HPVpositifs [10, 23–26]. Les données dans la
littérature varient fortement, ce qui est à la fois dû à des
différences géographiques et culturelles, mais égale
ment aux méthodes de détection utilisées. La détection
par PCR seule conduit probablement à une surestima
tion en raison des contaminations et des colonisations.
Lindel et al. ont publié en 2001 des données de pré
valence pour la Suisse; celleci s’élevait à 14% au sein
Martina A.
Broglie
Les auteurs ne
déclarent aucun
soutien nancier ni
d’autre conit
d’intérêt en
relation avec cet
article.