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LES CAHIERS DE LA MAISON JEAN VILAR – N° 105
Alors qu'il se réjouit à l'idée de
faire d'Avignon 68 le rendez-vous
d'une jeunesse internationale
dont il a salué la révolte, alors
qu'il a renoncé, dans un élan
d'honnêteté politique, à servir les
intérêts d'un gouvernement qui
lui a commandé une étude sur la
réforme de l'Opéra, Vilar est bien-
tôt pris à contre-pied par une
contestation qui tente, par tous
les moyens, de détourner
Avignon de ses buts fraternels.
Vieille lune, valet de la bourgeoi-
sie, préfecture de police intellec-
tuelle, supermarché de la culture,
le Festival est emporté dans une
tempête de mots débordant bien-
tôt en marée d'insultes. Au-delà
des outrances et des excès inévi-
tables lorsque l'histoire s'accé-
lère, comment un mouvement
d'idées aussi intransigeant et
généreux que celui de Mai 68 a-t-
il pu se caricaturer à ce point en
juillet, c'est ce que notre manifes-
tation de l'été 2008 ne parvien-
dra évidemment pas à exposer.
Erreur de cible ou de « casting »
comme on dirait aujourd'hui,
après Jean-Louis Barrault, Vilar
endosse les costumes de tous les
mauvais rôles, surtout celui de la
vache sacrée qu'il n'est plus
question de respecter. Mais celui
qui ne reniait pas son origine
populaire de simple boutiquier
résiste en opposant à ses
Pharisiens une force assez tran-
quille pour retenir une colère
jupitérienne… On ne lui fera
renoncer à rien, pas même à son
Festival amputé. Alors qu'on
démissionne impoliment Barrault
de l'Odéon, Vilar tient bon,
écoute, plie sans rompre, ne se
laisse pas fixer d'autres règles du
jeu que celles qu'il a lui-même
choisies et attendra vainement,
les quelques années qui lui res-
tent à vivre, les réponses aux
questions qu'il s'est lui-même
posées bien avant qu'on les lui
impose. Il faut lire dans ce on
l'anonyme vindicte des possé-
dants qui avait déjà harassé le
patron du TNP et d'Avignon et qui
revenait, sous le déguisement
inattendu d'une drôle de révolu-
tion, à l'assaut d'une indiscu-
table honnêteté.
Vilar, Béjart, le bazar
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Exposition
du 4 au 26 juillet
Maison Jean Vilar
Entrée libre
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1. Echauffourées, place de l’Horloge,
entre manifestants et CRS.
2. Aux pieds des marches du Palais des
papes. Photos Yvon Provost.
3. Débat au Verger Urbain V.
Photo Maurice Costa.
4. Affiche Avignon 1968. Coll. BnF/MJV
C'est bien davantage par le poids
des mots que par le choc des
photos que nous entreprenons
de raviver le souvenir de ces
jours et de ces nuits hésitant
encore entre couleurs et noir-et-
blanc, moins pleins de fureur et
de mystère que de bruit et de
cruauté.
Tout ça pour ça ?
Au visiteur d’en décider.
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14 février
1ère conférence de presse de Vilar
annonçant le programme du
Festival
29 mars
Signature du contrat avec Julian
Beck
13 mai
Arrivée des comédiens du Living
Theatre plus tôt que prévu
14 mai
Conférence de présentation du
Living par Françoise Kourilsky à
la Maison des jeunes
15 mai
Installation du Living au Petit
lycée Mistral inoccupé
7 juin
Communiqué de Vilar modifiant le
programme du Festival
21 juin
Conférence de presse à Paris :
annonce du programme définitif
9 juillet
Condamnation d'un comédien du
Living pour attentat à la pudeur
12 juillet
Conférence de presse de Vilar au
Verger à 18h
14 juillet
Arrivée du Ballet du XXesiècle
(Maurice Béjart) en soirée
15 juillet
Conférence de presse
de M. Béjart au Verger à 11h30
17 juillet
Manifestation sur la place de
l'Horloge à 18h30
1ère dans la Cour du Sacre du prin-
temps. Des contestataires ten-
tent de passer par-dessus les
barrières
18 juillet
Conférence de presse de Jacques
Robert (programme cinéma) et
Guy Erismann (programme musical)
au Verger à 11h30
12h30, affiches sur le Palais des
papes : « Les 13 questions
posées au Festival » et
« Supermarché de la culture »
13h, annonce de l'interdiction par
le préfet du Gard de
La Paillasse aux seins nus,
pièce de Gérard Gélas
18h30, manifestation place
de l'Horloge avec J.-J. Lebel,
Intervention des CRS,
arrestations
21h, annulation d'Antigone par le
Living Theatre aux Carmes
(séance réservée aux CEMEA)
suite au désaccord sur la manière
de soutenir le Théâtre du Chêne
Noir. Le public, massé sur la
place pénètre dans le cloître,
meeting improvisé avec Vilar,
J. Beck et les comédiens du
Living
19 juillet
Messe pour le temps présent
dans la Cour : prise de parole de
G. Gélas et des comédiens
À 1h du matin, les CRS dégagent
la place de l'Horloge
20 juillet
Ouverture des Assises au Verger
à 17h
21h, Antigone aux Carmes pour
les CEMEA avec les comédiens
du Chêne Noir assis au fond de la
scène et des invités en surnombre
dans la régie et sur les galeries
0h30, commando dans la cour du
Petit lycée Mistral, un jeune
homme aux cheveux longs
est tondu dans la rue
21 juillet
Agitation suite aux événements
de la veille
22 juillet
Réaction très négative
de J. Beck à la lettre du Maire
concernant son contrat
Réunion d'un Comité de défense
du Festival à 16h30 à la Mairie
Répétition publique
de Paradise now aux Carmes,
en soirée
23 juillet
Discussions autour du contrat
du Living
Messe pour le temps présent
dans la Cour d’honneur
Répétition générale
de Paradise now de 22h30
à 3h du matin
24 juillet
J. Beck se fait régler en espèces
la totalité de la somme prévue
par son contrat
1ère de Paradise now aux Carmes.
Des contestataires tentent de
forcer l'entrée, violences verbales
pendant tout le spectacle
Festival d’Avignon
1968
Repères chronologiques
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25 juillet
2ème représentation, archi- comble,
de Paradise now : le public resté
à l'extérieur réclame l'ouverture
des grilles. Chahut dans la rue
avec le Living jusqu'à 3h
du matin
26 juillet
Conseil des adjoints :
interdiction de jouer Paradise
now dans la rue.
Création de A la recherche de,
chorégraphie de M. Béjart, dans
la Cour d'honneur
3ème représentation de Paradise
now, le spectacle est aussi à l'ex-
térieur : un comédien du Living,
grimpé en haut des grilles
harangue le public, certains se
jettent dans les bras de la foule
27 juillet
Débat houleux au Verger :
on commente l'interdiction de
jouer dans la rue
28 juillet
Au Verger à 18h30, J. Beck lit ses
Déclarations en 11 points et
renonce à participer au Festival
29 juillet
Meeting du PSU avec J. Sauvageot :
prise de parole de J. Beck
30 juillet
Agitation en soutien au Living,
manifestation couchée pour
empêcher l'accès au Palais,
échauffourées, arrestations
31 juillet
Départ du Living, point presse de
Béjart sur la soirée du 4 août
3 août
Clôture des Assises du Verger
4 août
Aïoli (annoncé le 1er par Raoul
Colombe) et spectacle Béjart sur
les berges du Rhône
5 et 6 août
Orages et annulation
du spectacle de la Cour le 5
8 août
Dernière du Sacre du printemps
10 août
Dernière de Messe pour le temps
présent
12 août
Projection de Mister Freedom de
W. Klein dans la Cour
13 août
Conférence de presse, bilan du
festival
Jaguar, film de Jean Rouch dans
la Cour, lâcher de pintades en fin
de projection
14 août
Le Festival s'achève avec la
projection de Baisers volé de
François Truffaut dans la Cour
suivie d'un débat au cinéma
Le Paris
Chronologie établie par
Marie-Claude Billard
Conservateur en chef
Bibliothèque nationale de France -
Maison Jean Vilar
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L'aventure du Living commence
au début des années 50 à New
York lorsque Julian Beck (né à
New York en 1925) et Judith
Malina (née à Kiev en 1926), deux
fous de théâtre passés par le
cours d'Erwin Piscator, décident
de créer leur théâtre. Dès 1947,
ils choisissent de l'appeler Living
Theatre.
Ce nom est peut-être dû à Edward
Gordon Craig dont l'éphémère
école à l'Arena Goldoni à Florence
en 1913 devait promouvoir «le
théâtre vivant».
Issus d'un milieu juif et revendi-
quant leur judéité, ils partagent
le même engagement anarchiste
et pacifiste et surtout, après avoir
découvert Artaud et Brecht, cen-
trent leurs recherches sur le
renouvellement du langage théâ-
tral, sur les techniques d'entraî-
nement de l'acteur et la participa-
tion du spectateur avec le souci
d'agir sur les nerfs autant que sur
l'esprit.
Pour eux, trois étapes marquent
des débuts en marge de la
société et du circuit économique :
. 1951-52 : premiers pas à Cherry
Lane Theatre
. 1954-55 : parfaire le métier dans
le Grenier de la 100eRue amé-
nagé en lieu de vie et de spec-
tacle, où chacun paie selon ses
possibilités.
. 1959-63 : fonder le Living
Theatre et se faire connaître dans
le lieu aménagé sur trois étages à
l'angle de la 14e Rue et de la 6e
Avenue.
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Le Living Theatre
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