23 Nous n’avons jusqu’ici fait que survoler plusieurs approches de la culture ainsi que les rapports entre culture et nature, et entre culture et technique. De nouvelles sciences – les sciences sociales -, de nouvelles techniques – on a évidemment pensé tout à l’heure à la révolution culturelle de l’ordinateur et des nouveaux moyens de communication -, ne cessent de remettre en cause et de modifier le sens que nous pouvons donner à « culture ». Mais les disciplines envisagées, la philosophie et les sciences humaines et sociales n’ont pas, loin s’en faut, le monopole de la culture, certaines d’entre elles ont même bousculé nos préjugés et suscité des débats. A tel point que certains se sont demandé si la culture est encore le propre de l’homme. Des chercheurs ont mis en évidence la notion de préculture. Depuis quelques années, ont surgi des définitions surprenantes de la culture, conduisant à une définition faible et à une définition forte de la culture. On peut à bon droit être déstabilisé ou à tout le moins intrigué par les révélations de certains chercheurs. 2.2. Culture et technique : une nouvelle frontière ? La culture comme « propre de l’homme » et comme concept à la fondation des sciences anthropologiques est aujourd’hui remise en question par de multiples travaux issus de l’éthologie, de la sociobiologie et, plus généralement des sciences de la nature. L’apparition récente de l’expression « culture matérielle des chimpanzés » a fait révolution. On peut même se demander si « culture » ne serait pas actuellement une sorte de « concept mou ». Car voir apparaître une forme de culture en primatologie a bien de quoi surprendre. Des chercheurs contemporains, donc, nous proposent un déplacement des frontières de l’animalité vers l’humanité, c’est-à-dire de la nature vers la culture à partir de l’observation de certaines techniques utilisées par des primates. La préculture est un mot lourd de sens. Une enseignante japonaise, S. Mito, a remarqué qu’une jeune macaque de l’îlot de Koshima, au sud du Japon, se mettait à laver dans l’eau d’un ruisseau une patate douce distribuée par des chercheurs de l’Université de Kyoto. Un livre illustre l’avènement d’un nouveau concept : la culture chez les simiens, Cultures chimpanzé, en 1994. Aux yeux des primatologues, des comportements de singes offriraient les caractéristiques suffisantes qui fondent la définition de la culture. Ces savants accordent ainsi à des animaux – des êtres de nature – un attribut dont jusqu’ici l’anthropologie avait fait l’apanage exclusif de l’humanité. Se pose alors un problème lorsqu’on parle de « culture » : parle-t-on tous de la même chose, ou bien doit-on admettre plusieurs acceptions au terme de « culture » ? Ces acceptions ne seraient-elles pas variables selon la discipline qu’on pratique ou bien selon l’objet étudié ? On se souvient que l’anthropologie a récusé les tentations d’établir une hiérarchie entre les culture humaines, malgré leurs différences quant à la technologie ou à l’organisation sociale et politique. Le schéma traditionnel relatif à l’évolution culturelle : Sauvagerie barbarie civilisation allant du premier état (la sauvagerie) jusqu’à la civilisation en passant par un état intermédiaire de barbarie est alors fortement ébranlé. L. Morgan (1974) fait un rapprochement entre l’esprit humain et celui de l’animal. Actuellement, des travaux montrent que certains primates ont une conscience de soi. Quant à l’outil, longtemps considéré comme un critère culturel, propre à l’homme donc, on sait que certains primates en ont la maîtrise. 24 Que de chemin parcouru depuis que G. Klemm, dans une grande histoire de l’humanité et de la culture, écrivait au XIX° siècle :« L’homme primitif créa la culture quand il façonna une branche en massue. ». Au XX° siècle, les préhistoriens considèrent que le galet aménagé est le marqueur de l’humanité. Or, on a depuis découvert que des communautés de chimpanzés utilisent ou même fabriquent des instruments qui leur permettent de briser des noix ou de saisir des termites. On peut y voir une certaine technique. On a même observé l’apprentissage et la transmission du cassage des noix par des chimpanzés. Dans une espèce différente de la nôtre, donc, des outils semblables à ceux de certains hommes préhistoriques et des conduites d’apprentissage et de transmission des savoirs sont observables. On peut même parler de tradition chez certains groupes de chimpanzés. Il a même été établi que des bandes de chimpanzés sont culturellement différentes les unes des autres. Afin de souligner qu’il n’y a pas lieu de comparer l’incomparable, j’entends par là la culture des primates non-humains et celle des primates humains, je propose quelques lignes empruntées à Maurice Godelier (1998) : Deux définitions de la culture Par définition faible on désignera un ensemble de signes et de conduites constituant des distinctions dans le comportement de deux communautés appartenant à la même espèce. Pour faire culture, ces signes et conduites doivent être partagées par les membres du groupe, être transmis socialement et individuellement, manifester des variations dans le temps et dans l’espace telles que ces variations appartiennent toutes finalement à un même ensemble. Or, si une telle définition peut effectivement s’appliquer à des primates non-humains, elle ne suffit pas à rendre compte du fait culturel humain dans sa profondeur et dans sa portée. Il faut pour cela se donner une seconde définition de la culture qu’on peut qualifier de définition forte. Par culture on envisagera alors l’ensemble des principes, des représentations et des valeurs partagées par les membres d’une même société (ou de plusieurs sociétés), et qui organisent leurs façons de penser, leurs façons d’agir sur la nature qui les entoure et leurs façons d’agir sur eux-mêmes, c’est-à-dire d’organiser leurs rapports sociaux, la société. Par valeurs on désigne les normes, positives ou négatives, qui s’attachent dans une société à des manières d’agir, de vivre, ou de penser ; les unes étant proscrites, les autres prescrites. On voit qu’une telle définition forte de la culture met au premier plan la part idéelle de la vie sociale, puisque les principes, les représentations et les valeurs, partagés ou contestés, sont d’abord des idéalités, transmises ou rejetées, et servent de référent pour les actions des individus et des groupes qui constituent une société. (…) Il nous semble que les primates (…) ont des cultures au sens faible, mais n’ont pas de culture au sens fort. (…) Les primates vivent en société, les hommes non seulement vivent en société, mais produisent de la société pour vivre. Maurice Godelier, « Quelles cultures pour quels primates, définition faible ou définition forte de la culture ? », La culture est-elle naturelle ? Editions errance, 1998. ☛ On ne peut pas mettre sur le même plan la culture de l’homme et les productions sociales dans les espèces animales. Les règles animales sont et demeurent rudimentaires, alors que l’homme a une histoire et une culture. 25 3. Culture et civilisation 3.1 Les rapports entre culture et civilisation Alain Rey, dans son dictionnaire déjà rencontré, dit que « civilisation » a été défini au XVIII° siècle comme « ce qui rend les individus plus aptes à la vie en société (Mirabeau 1757) et surtout comme le processus historique de progrès (on dira plus tard évolution) matériel, social et culturel (Mirabeau 1760), ainsi que le résultat de ce processus, soit un état social considéré comme avancé. Par métonymie, le mot désigne aussi une société caractérisée par son degré d’avancement (Mirabeau 1767), emploi avec lequel le pluriel tend à l’emporter à partir du XIX° siècle .» Dans l’article, on peut remarquer un rapprochement certain entre culture et civilisation : « L’accent étant mis sur le degré de perfection atteint, le nom [civilisation] est employé (…) avec le sens de « caractère civilisé, état social avancé ; il tend à entrer aujourd’hui en concurrence avec culture (…) ». Dans les définitions simples, on peut noter une identité entre les deux termes « culture » et « civilisation ». Ainsi le Petit Larousse de 1950 indique pour culture «(...) ensemble de connaissances acquises // Civilisation : la culture gréco-latine ». Mais il n'organise pas le renvoi, civilisation : « ensemble des caractères communs aux sociétés évoluées // Ensemble des caractères propres à une société quelconque : la civilisation grecque ». On notera donc seulement un caractère plus général, plus universel, accordé à civilisation. À un autre niveau d'analyse, une différence de qualité est introduite. L'ethnographe G.W. Hewes a réalisé une classification des civilisations et des cultures, reprise par Fernand Braudel dans Civilisation matérielle, pour donner un tableau du monde vers 1500 intitulé Civilisations, cultures, et peuples primitifs.Il indiquait « tout au bas de l'échelle, des cueilleurs, des chasseurs et des pêcheurs, de simples producteurs qui vivent au sein du milieu naturel sans intervenir d'une manière intelligente, consciente sur ce milieu ». Un second groupe est formé par les nomades et les éleveurs, car « un commencement d'action intelligente » intervient au niveau du règne animal. Le troisième niveau est celui des cultures agricoles les moins élevées, très extensives, à faible rendement. Le quatrième est celui des cultures traditionnelles qui « ignorent l'adjonction du moteur musculaire animal mais qui peuvent obtenir des rendements considérables » par exemple avec le maïs, et qui « n'ont franchi nulle part la ligne de l'écriture ». Le cinquième est celui des civilisations denses, agricultures et agropastorales avec charrue. « Nous sommes au sommet des techniques de la production vivrière par intervention intelligente modificatrice dans le milieu vivant et au sommet de la maîtrise des moyens de communication par l'écriture ». C'est-à-dire vers 1500 pour l'Europe, l'Inde, les pays musulmans peuplés de sédentaires et l'Extrême-Orient. Ainsi une culture serait « une civilisation qui n'a pas encore atteint sa maturité, ni assuré sa croissance » (Braudel) ; une civilisation « une culture épanouie qui jouit de la durée, de la réussite, des multiplicateurs de pouvoirs et du nombre » (Chaunu, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, Nouvelle Clio, p. 365). Les Mayas, Aztèques ou Incas mériteraient le terme de civilisation par « leur qualité, leur éclat, leurs arts, leurs mentalités... leur longévité, leur densité de population, l'efficacité de leur agriculture ». Mais on le leur refuse car il manque l'avoine, la roue, la traction animale, ce qui fait qu'on les considère comme des « civilisations incomplètes, à refouler dans les cultures les plus évoluées » (Chaunu, Conquête et exploitation des nouveaux mondes, p. 366). On pourrait rétorquer qu'il ne s'agit que de problèmes de critères. L'araire est-elle nécessaire dans un système agraire fondé sur la culture du maïs, dont les rendements à l'hectare sont de dix 26 à cent fois ceux du blé ? (voir les chiffres de Slicher Von Bath dans Chaunu, Histoire science sociale, Sedes, 1984). Et le potentiel de temps disponible ne permettait-il pas à ces groupes de développer des études « pour le plaisir » non transformables en technique comme l'astronomie, luxe des civilisations ? Surtout il faut être prudent avec cette perception du monde qui organise les civilisations dans une hiérarchie justifiant l'oppression par les plus hauts placés. « Culture » et « civilisation », un débat franco-allemand On l’a vu dans le premier chapitre, Kultur apparaît, au sens figuré, au XVIII° siècle en Allemagne. D’aucuns voient, dans Kultur, un emprunt à la langue française et au prestige des Lumières. L’évolution des choses va conduire à une sorte de spécialisation de l’emploi respectif de deux mots : « Tout ce qui relève de l’authentique et qui contribue à l’enrichissement intellectuel et spirituel sera considéré comme relevant de la culture ; au contraire, ce qui n’est qu’apparence brillante, légèreté, raffinement de surface, appartient à la civilisation. La culture s’oppose donc à la civilisation, comme la profondeur s’oppose à la superficialité » (Cuche 1996). Il s’agit bien ici de montrer que la bourgeoisie allemande reprochait sa superficialité à la noblesse du pays. En Allemagne toujours, l’unité nationale n’étant pas encore faite à l’époque, « culture » va devenir un mot-clé de revendication : « l’intelligentsia, qui a une idée de plus en plus haute de sa mission « nationale », va rechercher cette unité du côté de la culture » (Cuche 1996). Le mot « civilisation » est associé à un pays voisin, la France, et aux autres puissances occidentales. A l’opposé de « civilisation », le mot « culture » cher à la bourgeoisie allemande va représenter la nation allemande, l’âme du peuple. Quant à « civilisation », ce mot désigne peu à peu en Allemagne ce que Cuche appelle « le progrès matériel lié au développement économique et technique ». A ne pas confondre donc avec la « culture », liée à une « conception ethnico-raciale de la nation » (Cuche). En France, on est universaliste, on est attaché à l’idée de l’unité du genre humain, à la « culture humaine ». L’antagonisme des nationalismes français et allemand va conduire aux guerres du XX° siècle, le conflit entre culture et civilisation n’en sera que plus violent et durera bien encore après la fin de la première guerre mondiale. Opposer « culture » à « civilisation » ? Ceux qui refusent l’opposition entre « culture » et « civilisation » insistent sur le fait que toute civilisation, quelle qu’elle soit, forme un tout organique dans lequel l’élément culturel et l’élément technique sont étroitement liés. Il en résulte une impossibilité de séparer les idées, les valeurs, les normes d’action, etc. qui constituent la culture, au sens étroit du terme, des symboles et moyens matériels par lesquels elles se concrétisent et se transmettent. La technique serait donc l’une des manifestations de la culture ; civilisation et culture étant indissociables, technique et civilisation le seraient également. C’est pourquoi certains parlent de notre civilisation comme étant une civilisation technicienne, avec les dangers que nous pouvons imaginer si nous ne dominons pas les techniques au point de n’en faire que ce qui peut servir au bien-être des groupes, et au maintien de la dignité et à la culture de l’individu et des masses. 3.2 Civilisation et progrès Le XIX° siècle a été une époque où civilisation était défini comme un ensemble de valeurs, un idéal vers lequel l’homme tendrait. L’optimisme dominait : on ne parlait que du progrès et de ses conquêtes. La civilisation se développait, le résultat a été une massification. Ce même siècle a été celui où l’on a découvert les civilisations d’autrefois Quelques exemples pris dans le domaine qui est le nôtre : - démocratisation des musées et salons 27 - de grandes expositions - l’art devient « social » - investigation générale des valeurs du passé. C’est ainsi qu’on fouille la Mésopotamie, la vallée du Nil, les forêts du Cambodge, le Yucatan. Il est indéniable que certaines fouilles conduisaient à un certain pillage. Cependant il convient de préciser que l’objectif était d’élargir et d’approfondir la connaissance que l’on avait des civilisations d’autrefois. L’exposition des choses découvertes conduisait à une reconsidération du Beau. Le Beau n’est alors plus le même. Le concept de beauté s’élargit es s’infléchit vers des formes ignorées. Or, ces formes, émanations d’autres civilisations, lorsqu’elles étaient connues, étaient auparavant mises au simple rang de « curiosités ». C’est au rang de « merveilles » que l’on va élever des émanations d’autres civilisations. Le XIX° siècle a été une époque où l’excellence attribuée à la novation ou à l’innovation, l’accélération du progrès continu, ininterrompu, ont fait penser aux hommes qu’ils avaient la chance de voir éclore un monde neuf, le sommet que pouvait atteindre une civilisation, la nôtre. L’Europe avait conquis le Monde et exploitait ses richesses, matérielles et civilisationnelles. On le sait, le rêve allait se heurter à deux guerres successives qui ont bousculé l’aura de la civilisation… Pour ma part, je propose ceci, pour ce qui concerne notre époque : les diverses disciplines qui s’intéressent à la culture ont bien bouleversé le champ sémantique de « culture » et conduit à reconsidérer le concept de « civilisation ». Etant donné la relativité des concepts, et la réalité de la diversité des cultures qui ne sont plus susceptibles d’une hiérarchisation, nous sommes peut-être en train de vivre une transformation : en acceptant la diversité culturelle, ne donnonsnous pas naissance à une « civilisation des cultures » ? 3.3 Rencontres entre cultures : acculturation, déculturation, interculturalité ACCULTURATION Acculturation : Adaptation, forcée ou non, à une nouvelle culture matérielle, à de nouvelles croyances, à de nouveaux comportements. Acculturer : Adapter à une nouvelle culture un individu ou un groupe. «L’acculturation comprend les phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d'individus de culture différente avec des changements subséquents dans les types culturels originaux de l'un ou des deux groupes ». Il en est ainsi de la vie de l'Indien d'Amérique du Nord transformé par les chevaux importés par les Espagnols, ou de l'agriculture européenne transformée par le maïs ou la pomme de terre.Cette définition demande des précisions sur la notion de contact. On pourrait penser que l'on peut se protéger de l'acculturation en s'isolant au sein de traditions (les Amish aux ÉtatsUnis, vivant comme au XIX° siècle) ou par les frontières et un système économique et social différent (le bloc communiste derrière le « rideau de fer »). En fait, le refus de tout échange ne peut éviter un contact d'opposition. Il y a là aussi acculturation, non seulement parce que la frontière peut se révéler poreuse (une contre-culture jeune en URSS dans les années 70-80, autour du rock et du Jeans) mais parce que les cultures s'en trouvent modifiées avec des phénomènes de crispation, de rejet exacerbé. Il y a là une « acculturation antagoniste » (Devereux), une culture qui se définit par opposition à son voisin, qui résiste par « isolement, adoption de moyens et de techniques ou au contraire opposition à ces moyens et techniques ». 28 Ainsi les États-Unis ont connu des phénomènes d'acculturation antagoniste pendant leur affrontement idéologique avec l'URSS, comme le maccarthysme, ou la compétition pour la conquête de l'espace. Seule l'ignorance complète de l'autre permet l'absence d'acculturation (Amérique ignorant l'Europe, Europe ignorant l'Amérique avant Colomb). À notre époque, cette situation est quasiment impossible. Il peut encore exister quelques petits groupes humains, au fond des forêts d'Amazonie ou de Nouvelle Guinée, qui ignorent et sont ignorés de « la civilisation ». Encore seront-ils touchés par des contacts indirects comme la pollution atmosphérique. DECULTURATION Quand l'acculturation fait que les changements liés au contact deviennent majoritaires, qu’il y a remplacement et non transformation, que les changements sont imposés brutalement, que la culture réceptrice tend à disparaître,on peut parler de déculturation. INTERCULTURALITE Il s'agit d'une communication qui s'instaure entre des individus ou des groupes appartenant à des cultures différentes. La notion peut jouer sur tous les éléments d'identification culturelle, âge, sexe, profession, origine sociale, mais s'utilise le plus souvent pour les communications entre membres de nations et d'aires géographiques différentes. Il s'agit alors d'un élément essentiel de notre monde où les échanges, les voyages, les communications concernent de plus en plus de monde sur des distances de plus en plus grandes. Les personnes en communication peuvent se trouver en situation de contact (simple proximité dans un lieu public ou un moyen de transport, par exemple), d'interaction (réunion de travail entre professionnels de différentes nationalités, ou entre deux catégories professionnelles) ou de conflit (rivalité, dispute...). Lipianski donne comme exemple une réunion où se rencontrent des hommes d'entreprise français et américains. Le côté direct de l'Américain qui souhaite traiter des choses importantes dès le début est perçu comme de la grossièreté par les Français, alors que la politesse formelle et l'approche prudente de problème sont perçues comme de la duplicité par les Américains. L'interculturel peut déboucher sur des phénomènes d'acculturation lorsqu'il y a échange et transformation. Mais cela n'est pas obligatoire, la communication pouvant être trop localisée dans le temps et dans l'espace pour avoir des effets autres que individuels (meilleure compréhension, ou au contraire crispation). Pour Lipianski, on peut aussi utiliser le terme d'interculturel dans le cas d'une démarche de comparaison sur un phénomène présent dans plusieurs cultures, afin d'en déterminer les permanences et les nuances. 29 Document : Gilles Verbunt, la notion d’interculturel La notion d’ « interculturel » connaît aujourd’hui une certaine fortune, sans que l’on distingue toujours bien ce qu’elle recouvre et sur quelles bases théoriques elle repose. Pourquoi ce succès ? Souci humanitaire ? Volonté politique ? Recherche d’une plus grande efficacité dans les échanges internationaux ? Besoin profond de sortir d’ornières culturelles traditionnelles ? Sans doute tout cela à la fois. Une chose est sûre : l’évolution actuelle entraîne la multiplication des échanges. Commerce, migrations, Internet, tourisme ont le vent en poupe. La gestion des ressources (eau, air, énergies non renouvelables), de la santé, de la flore, de la faune… deviennent régionale ou planétaire et entraîne la création d’institutions supra-nationales. Nous ne sommes plus « chez nous », et en même temps tout se passe « chez nous ». Le risque nous guette d’être dépossédés de notre espace vital, et nous réagissons. La globalisation entraîne la recherche d’unités de vie plus familières, plus communautaires. Nous voudrions retrouver une culture qui ne soit pas globale, une identité qui ne soit pas un mélange confus, une langue chargée de nuances et d’affectivité, des communautés avec des valeurs solides, des appartenances à des groupes de taille humaine. Les cultures locales et régionales, voire internationales dans le cas des religions, se portent bien ; pour ne citer qu’eux, Basques et Corses, Tsiganes et Inuit, Bambara et Ouolofs, juifs, musulmans et chrétiens sont préoccupés d’affirmer leurs spécificités. Des traditions sont remises à l’honneur, les discours sur l’identité excitent les passions. Des démagogues jouent sur les peurs pour mieux tenir leurs troupes ; ils prêchent le repli identitaire : celui-ci est toujours mortifère, même quand il n’est pas poussé jusqu’à la purification ethnique. L’ambiance qui revalorise les communautés se fait sentir jusqu’au sein de la République, qui doit répondre à cette aspiration communautaire tout en restant une et indivisible. Mais presque partout dans le monde les revendications identitaires se font entendre, tout en se greffant sur des histoires nationales, ethniques ou régionales dissemblables. L’interculturel est l’effort pour créer un type de lien social et de philosophie politique susceptibles de concilier la globalisation avec le besoin de communautés à taille humaine. La société inetrculturelle (ou l’interculturel tout court) est une manière de concilier l’universel et le particulier, le global et le local. Pour le moment, il n’y a pas de modèle : aucune nation n’a réalisé une société interculturelle. En même temps, das nos pays occidentaux, des initiatives sont prises, qui se donnent les étiquettes de multiculturel, transculturel, interculturel. Ces termes flous s’expiquent historiquement ; ils permettent un usage « tous azimuts » et imprécis, qui n’est pas favoreble à la prise au sérieux du projet de société interculturelle car ils la cantonnent souvent au monde restreint des militants humanistes. En réalité, l’outillage conceptuel traditionnel est incapable de décrire de façon adéquate ce qui se passe. La culture et l’identité ne sont peut-être pas ce que nous pensons. Au temps de la mondialisation, pour vivre mieux le tourbillon qui nous emporte, il importe aujourd’hui de poser autrement les problèmes de personnes et de société dans leurs rapports à la culture. « Autrement » signifie d’abord ceci : abandonner l’idée qu’il est normal de vivre dans un seul milieu culturel, avec une identité homogène et en compagnie de gens de même origine. Gilles Verbunt, La société interculturelle, Paris, Seuil, 2001. 30 Document : définitions possibles «Société multiculturelle : Différentes cultures et groupes nationaux, ethniques et religieux vivant sur le même territoire, mais n’ayant pas forcément de contacts. Une société multiculturelle est une société dans laquelle la différence est souvent perçue négativement et constitue la principale justification de la discrimination. Les minorités peuvent éventuellement être tolérées de manière passive mais jamais acceptées ou appréciées. La loi, qui prévoit éventuellement des droits pour mettre un terme aux pratiques discriminatoires, n’est pas toujours appliquée uniformément. Société Interculturelle: Différentes cultures et groupes nationaux, ethniques et religieux vivant sur le même territoire et entretenant des relations ouvertes d’interaction, avec des échanges et la reconnaissance mutuelle de leurs modes de vie et valeurs respectives. Il s’agit dans ce cas d’un processus de tolérance active et de maintien de relations équitables au sein desquelles chacun a la même importance. 31 CHAPITRE III CULTURE INDIVIDUELLE ET CULTURE PARTAGEE Introduction 1. Notes à partir de l’article « culture » de Wikipédia (à consulter) Les dictionnaires actuels placent le plus souvent la culture individuelle en premier. Il y a donc actuellement en fran deux acceptions différentes pour le mot culture : La culture individuelle de chacun, construction personnelle de ses connaissances donnant la culture générale, et la cul d'un peuple, l'identité culturelle de ce peuple ; c’est la culture collective à laquelle on appartient. Ces deux acceptions diffèrent en premier lieu par leur composante dynamique : La culture individuelle comporte une dimension d'élaboration, de construction (le terme Bildung est généralement tradui éducation), et donc par définition évolutive et individuelle . La culture collective correspond à une unité fixatrice d'identités, un repère de valeurs relié à une histoire, un parfaitement inséré dans la collectivité ; la culture collective n'évolue que très lentement, sa valeur est au contrair stabilité, le rappel à l'Histoire. C'est dans cette dichotomie que ces deux significations peuvent s'opposer : La culture collective comporte une composante de rigidité pouvant s'opposer au développement des cultu individuelles, ou pouvant conduire à des contre-cultures, concept qui est inimaginable avec le sens individuel connaissance ne pouvant être que positive. La science, toujours en évolution, n'est de ce fait pas raccrochée au concept de culture individuelle, dans les accepti populaires, alors qu'elle en est une des composantes principales dans la teneur initiale du terme. Mais c'est par l'art et l'histoire que les deux concepts se rejoignent. La culture individuelle inclut la connaissance des et des cultures, celle des différentes cultures humaines, mais bien évidemment celle affiliée à la culture (collectiv laquelle appartient l'individu. C'est là le point d'amalgame entre les deux acceptions : la culture (individuelle) est comprise comme connaissance d culture (collective) dont on dépend. Fusionnant ainsi deux acceptions différentes, le terme culture tend actuellement v un compromis dans son acception courante, où il désignerait essentiellement des connaissances liées aux arts l'Histoire, plus ou moins liées à une identité ethnique. Les deux sens doivent cependant être analysés distinctement : la culture collective et la culture individuelle se recoup en réalité, non seulement par leur homonymie, mais aussi par l'appartenance d'un individu à une entité culturelle. (Les lignes de cette partie 1 de l’introduction sont, pour leur ensemble, © Wikipédia) 2. On pourrait aussi aborder la culture selon a) ses degrés, b) selon l’histoire, c) selon la géographie, d) selon la thé des « cultures satellites ». 32 a) ses degrés Il y aurait, au « premier degré », une culture de groupe, qui serait les modes de vie d’un groupe spécifique à moment donné et, au « second degré », une culture personnelle, qui consisterait en une prise de conscience de la va de la, des culture(s). S’ensuivrait un enrichissement de l’esprit. b) selon l’histoire On pourrait également parler de la culture antique, de la culture latine, médiévale, de la culture à l’époque de la Renaissance, celle des temps classiques, de la culture moderne (la « nouvelle culture ». c) Les cadres variables de la géographie pourraient également nous guider. Ainsi, le cadre d’une nation. On parler alors, par exemple, de la « culture française ». Le cadre d’une région du globe autoriserait à parler de « cul américaine » ou de « culture européenne ». Un autre cadre, celui d’une communauté, d’une région, pourrait fixer approches de « culture occitane », etc. d) Dans le cadre de la relation, dans un pays, entre culture dominante et culture(s) dominée(s), la théorie des cultu dites « satellites » pourrait être performante. En France, on le sait, la culture française domine, mais il n’en existe moins des cultures comme la culture bretonne, la culture basque, la culture occitane, la culture corse…Bien souvent, p communiquer, ces cultures « régionales » dépendent de la culture dominante et de ses moyens de diffusion. 3. Il est également possible d’approcher la question « culture individuelle » et « culture partagée comme le fait L. Dol Il faut cependant signaler que « culture ordinaire », « culture générale », « culture cultivée » « culture de masse » ne s pas synonymes. 1. Quelques expressions 1.1 La culture ordinaire La formule est de Michel de Certeau (in La culture au pluriel). C'est la culture comme vécu et manifestation singulièr l'individu, qui relève de l'expérience existentielle. Il s'agit d'une réaction, datant de Mai 68, où l'on refuse la sélection élites par la connaissance d'un code, le goût, la tradition, système que permet la pérennité d'une société figée dans hiérarchies. On s'oriente vers une culture vécue de la vie quotidienne, on prend en compte l'activité propre de l'individu transformation de son identité, l'appropriation de son identité et des valeurs, sans trop se demander si les expression l'individu se rapportent à des normes ou des traditions. Pour de Certeau, ce qui compte ce sont les « manières de faire », les pratiques sociales qui ont une signification pour c qui les effectue. On approche la culture par la notion de personnalité. Par une opération tactique, l'individu (non producteur de culture) s'approprie des éléments hétérogènes de la cul cultivée en jouant de la spontanéité, de l'affectivité, de la créativité. Ces pratiques ne sont pas des modèles (qui remplaceraient alors la culture cultivée), sinon on irait vers un paradoxe style : je vous impose comme norme d'être spontané. Toutefois certains artistes vont récupérer ces pratiques pour créer des œuvres expo-sables et négociables : on se détou par exemple des moyens d'expression habi-tuels, en fabriquant des objets esthétiques à partir de matériaux récupération. L'individu récupère des éléments de la culture globale, les réarrange, en fait des créations nouvelles, une « culture personnelle », très valorisée par lui parce qu’individuelle. Mais tout s'arrête là, car on ne peut ensuite se soumettre filtres (conçus au nom de codes) que constituent le micromilieu et les médias de masse. 3 Dollot Louis, Culture individuelle et culture de masse, paris, PUF, Que sais-je ?, 1974. 33 Aujourd'hui le souci que l'on a de développer les pratiques en amateur s'inscrit dans cette notion de culture ordinaire, m en l'institutionnalisant en quelque sorte. 1.2 La culture générale La culture générale, c'est la culture de « l'honnête homme » qui lui permet de comprendre son monde, de particip des discussions sans paraître être inculte. Elle est la réduction raisonnable de l'idéal encyclopédique de la Renaissa (idéal d'un Pic de la Mirandole) qu'on pourrait trouver chez un Montaigne. En termes plus actuels, elle est une réduc fidèle, sans grosses lacunes, du mur de connaissances de Moles. On sait moins profondément, mais sur à peu près tout a un modèle réduit de la connaissance de l'homme. C'est l'école qui devrait donner les bases de cette culture, seul lieu où l'on présente des connaissances limitées m sélectionnées avec cohérence (programme), à tous (condition nécessaire pour prétendre être « général »), sur tout presque tout, car l'école ne sachant déjà pas suffisamment sélectionner dans les disciplines classiques, refuse de s'ouv des disciplines nouvelles, sociologie, psychologie, communication,...), terrains sur lesquels peuvent se construire spécialisations sans se couper de l'ensemble, et terreau sur lequel on devrait continuer à faire pousser par goût connaissances. La spécialisation de plus en plus précoce, liée à des programmes scientifiques de plus en plus lourds, la crainte chômage également, qui provoque la volonté de se préparer très tôt à un poste particulier, la concurrence de la cultur sorties également, font que les lecteurs étudiants se veulent de plus en plus des lecteurs utiles, réservant leurs efforts qui leur semble nécessaire pour réussir à leur examen, au détriment de la culture générale. Contrairement à certains espoirs, ou à certaines affirmations, la télévision ne peut répondre à ce besoin. multiplication des chaînes, le zapping, rendent trop aléatoires la rencontre avec le savoir. Le temps disponible entre a en jeu, car on lit beaucoup plus vite un texte qu'il n'en faut pour le dire, ainsi que le manque de progression : à la TV se retrouve tous les ans dans la même « classe », dans un lieu que n'imagine pas le progrès (même discours sur le clim les accidents, la pollution, la rentrée... d'une année à l'autre). La culture générale est aussi menacée par l'illusion informationnelle : les savoirs devenant de plus en plus nombre on explique que l'important n'est pas de savoir, mais de savoir trouver, et donc de savoir se servir d'Internet et accéder banques de données. Mais celui qui « surfe » sur Internet sans culture générale pour s'orienter passe son temps, perd temps sans être vraiment efficace. Pour être repérée, comparée, vérifiée, utilisée, une information a besoin d'être fil par une bonne connaissance générale. Au plan universitaire, il s'agit d'un concept source de confusion. Les étudiants manquent de culture générale, même si un DEUG était un diplôme d'études universitaires générales, il était en fait un diplôme déjà spécialisé. cherche à mettre en place des cours de culture générale, souvent détournés. En fait, les étudiants qui ont besoin de cette culture générale (demandée par certains concours administratifs), intérêt à relire des ouvrages du secondaire, en littérature, histoire et géographie, et à actualiser leurs connaissances pa lecture d'un journal d'information, d'un mensuel littéraire et d'une revue de vulgarisation scientifique. Le reste est aff de méthode, c'est-à-dire de savoir faire un plan et de savoir argumenter. 1.3 La culture cultivée Le terme peut paraître bizarre avec son pléonasme. On pourrait dire aussi la culture au carré, la quintessence de la cult Il s'agit du « goût et de la connaissance des produits les plus élaborés et les plus légitimés qui se réalisent dans l'o artistique » selon J. Caune. On y voit deux notions : celle d'élaboration et celle de légitimé. 34 « Produits les plus élaborés » signifie que pour être culturelle l'œuvre doit demander un long travail et une lon réflexion, qu'elle doit être consciente et maîtrisée. Un débat peut avoir lieu pour savoir si l'on peut dissocier les deux : tenants de l'art conceptuel diront que seule compte l'idée, que la technique ne compte pas. Mais si l'on accept dissociation, on devrait admettre aussi les réalisations sans âme, les reproductions techniquement parfaites mais s idées. « Produits les plus légitimés » pose le problème de qui est autorisé à légitimer. Sans doute la critique. Mais qui la légit elle-même ? D'où vient son autorité ? Soit d'une institution, mais elle risque de se figer en académisme, soit d'une a proclamation qui reste sans fondement. Certains diront que c'est le public, (voir dans La comédie de la culture de Mic Schneider). Mais on risque de tourner en rond en décidant que seul le public élitiste, connaisseur, a la capacité de s'ex mer sur le sujet. On en vient alors à la légitimation par la durée : la culture cultivée est avant tout une culture classi transmise par la tradition. À l'origine, c'est au XVIIIe siècle que le public cultivé, éclairé (une partie de l'aristocratie et une partie de la bourgeoi se constitue en opinion publique. C'est l'époque où naît une critique (Diderot). Les Lumières favorisent la diffusion cette culture qui est celle de personnes dont les conditions de vie (argent, temps libre) permettent l'acquisition e possession d'un savoir. Cette culture devient alors instrument de promotion sociale : acquérir une culture cultivée, cultivé, est une des conditions nécessaires pour entrer dans les catégories sociales privilégiées. En développant l'instruction pour tous (école obligatoire, bourses), on a permis l'augmentation du nombre de personnes, on cherche à dépasser le problème des classes sociales. Aller au concert ou au théâtre, visiter des mus écouter de la musique classique, lire les grands auteurs, connaître les classiques, sont des pratiques cultivées. La culture cultivée s'oppose à la culture populaire, à la culture de masse, à la culture ordinaire. On l’assimile parfois à culture d’élite : les deux termes sont parfois utilisés indifféremment ou plus précisément on utilise l'un pour expliq l'autre. Culture cultivée renvoie à culture de haut niveau, culture « élevée » ce qui peut amener à culture d'élite. Mais d ce cas élite signifie élite de la culture, une culture reconnue, filtrée par le temps et la critique. Dans le langage courant, culture d'élite se confond avec culture des élites. Dans ce cas il s'agit de la culture aristocrati d'autrefois, d'une culture bourgeoise ensuite transmise dans les grandes écoles (type ENA). Aujourd'hui on peut retrou cette volonté affirmée de former une élite. Dans ce cas, il nous semble que culture d'élite renvoie à une culture fermée caste, où les élites se distinguent du reste de la société et font perdurer leur supériorité au sein d'écoles « réservées ». La culture cultivée, elle, permet d'accéder à l'élite. Elle permet la promotion sociale, elle est la garantie d'une soc ouverte, où les hiérarchies ne sont pas figées, et où, malgré ce que dit Bourdieu, des « non héritiers » peuvent accéde sommet, même s'ils sont moins nombreux et que cela leur soit plus difficile. L'ouvrage dirigé par Emmanuel Fraisse, Les étudiants et la lecture, insiste sur la tendance à l'héritage, encore qu'il amputé (les enfants lisent moins) mais montre aussi que les encouragements de parents non lecteurs donnent d'aussi b résultats que l'exemple des parents gros lecteurs, et meilleurs que les encouragements des parents gros lecteurs (dési jeune de se différencier). Enfin on peut avoir l'ambition (ou le rêve) de démocratiser la culture cultivée, de la rendre accessible au plus gr nombre, et donc de supprimer les élites par leur élargissement, par un accès de masse à un haut niveau culturel : « élitaire pour tous » selon la formule d'Antoine Vitez. C'est la base de la politique du Ministère de la culture de Malrau Lang . Au contraire, la culture d'élite ne peut accepter cet élargissement au risque de se perdre. 1.4 La culture de masse Culture de masse ne signifie pas la culture d'un grand nombre de personnes, d'une masse de personnes, ce qui en fe une culture populaire, partagée par le plus grand nombre, mais une culture diffusée par les médias de masse (même s conséquence est justement qu'un grand nombre d'individus sera touché). 35 Au XIXe siècle, le développement industriel et économique a développé les techniques de communication de ma ouvert des marchés pour les loisirs et les industries culturelles. La culture diffusée par les médias de masse est devenue un bien de consommation, un bien soumis aux lois d consommation : les industries culturelles vont alors déformer les objets culturels en fonction de critères de rentabilité éloignés des notions esthétiques. Le danger de la culture de masse n'est pas dans la diffusion massive mais dans la déformation de la nature même objets. H. Arendt a ainsi écrit « la culture de masse n'est pas une forme dégradée de la culture du fait de son caractère masse, mais parce que les objectifs artistiques légués par la tradition sont traités par la logique de production e diffusion massive comme des objets ayant simplement une fonction répondant aux besoins du loisir ». Ce traitement conduit à abîmer l'objet d'art : « leur nature est atteinte quand ces objets eux-mêmes sont modifiés, rééc condensés, digérés, réduits à l'état de pacotille par la reproduction et la mise en images » (Arendt). Ainsi les livres condensés publiés par Reader's Digest, les films amputés de séquences pour entrer dans le créneau hor de la TV, ou « saucissonnés » pour permettre d'y intégrer de la publicité, les musiques classiques qui ne sont plus conn que comme l'accompagnement de publicité (Carmen sur une publicité de lessive par exemple), les grands romans qu sont plus connus que par leurs adaptations (Notre-Dame de Paris en dessin animé...), tout cela ne fait qu'abîmer la cul classique qu'on nous a léguée. Pour certains auteurs, ce n'est pas le moyen de communication de masse en soi qui provoque ces dégâts, mais bien l'us qu'on en fait. Ainsi Moles préconisait une utilisation culturaliste des médias qui les soumette à une ambition culturelle. dénonce alors les utilisations démagogiques simplifiant les contenus pour séduire le plus grand nombre et les utilisation dogmatiques déformant les éléments culturels au profit de l'État, d'une religion... Tout dépend du sens donné à culture de masse. Si l'on adopte l'avis d'Arendt, la culture de masse est, on l'a vu, une cul diffusée par les médias de masse, conçue par eux, orientée vers la consommation indifférenciée de produits et d apposée à la culture cultivée. Ce n'est pas son caractère de masse (concerner un large public), ni même son passage des médias de masse qui lui sont reprochés mais cette soumission. Il ne s'agit plus de la culture traditionnelle mais d produit dégradé. Il n'y a pas démocratisation, mais abêtissement : on fournit au peuple une sous-culture qui ne lui permettra pas participer au pouvoir de se diriger lui-même. Ce sont les « jeux » de l'Empire romain, dispensés avec le pain pour év tout mouvement populaire. À l'opposé, on peut imaginer une culture cultivée que l'on cherche à étendre au plus grand nombre possible (Malra voire à tous (Lang). Il s'agit de ne plus réserver la culture authentifiée, classique, à une caste, et de la rendre access aux gens modestes, « aux petits paysans » selon la formule de Malraux (discours d'inauguration de son ministère), s pour cela la modifier. C'est la politique menée par le Ministère de la Culture depuis quarante ans, mais les statistiques montrent que les prog ont été faibles. C'est la politique réussie de Jules Ferry avec l'école, que l'on cherche à étendre à l'art. On peut alors utiliser les médias de masse mais en les soumettant à la culture et non l'inverse. On arrive là à la doct éclectique, culturaliste, que peuvent choisir ces médias de masse, doctrine « qui cherche à élever l'individu au niveau la société où il vit, valorise les idées, exige une prise de conscience de l'ensemble des connaissances» Ceci explique que Moles n'attribue pas à la culture de masse les aspects négatifs que lui donne Arendt. Mais on p penser aussi que le discours de Moles est daté. Lorsqu'il décrit la doctrine culturaliste à la TV, en 1967, elle peut être espoir. Aujourd'hui, on peut se demander si ce n'est pas un rêve. 1.5 La culture mosaïque 36 L'ensemble des connaissances inscrites (sur un support, donc sauvegardées, consultables, transmissibles) des hom constitue un mur, un écran, un tableau gigantesque. Un temps l'homme a pu croire qu'un être pouvait tout acquérir. C'est l'idéal des humanistes, d'un Pic de la Mirandole progrès en constante accélération des sciences a rendu cet espoir impossible (on le remplace par l'idée de rendre acces tous les points de ce tableau). Ce tableau peut s'appréhender de façon globale, grossière, ou de façon plus détaillée. On peut symboliser cette approc l'aide de la classification décimale universelle servant à classer les livres dans les champs du savoir : on peut consid qu'il y a dix catégories. Mais chaque champ reste très vaste : l'histoire, les lettres... Mais on peut subdiviser et trouver 1000, 10 000, 100 0000... champs différents de plus en plus spécialisés. Chaque être humain possède comme culture personnelle une version réduite -nécessairement réduite - de ce tab culturel. Mais cette version résulte de démarches différentes. 1ère démarche : garder les grandes unités du tableau et les simplifier. Schématiser grossièrement, mais sans lacunes. C'est un peu l'idéal de la culture scolaire classique, où des programmes réfléchis s'efforcent d'apporter un esse simplifié des connaissances humaines. On sait un peu de tout. On a une culture générale. 2ème démarche : isoler une partie de l'ensemble et essayer de la connaître de façon exhaustive. C'est le choix du spécia qui va au plus profond dans son secteur, mais ignore ce qui se passe ailleurs. 3ème démarche : un système idéal combinerait les deux précédents avec une bonne culture générale associée à connaissances positives. Le soubassement solide permet de construire des passerelles entre spécialités, d'envisag contexte, et donc de dominer sa spécialité au lieu de s'y perdre. 4ème démarche : la culture, qui résulte de l'agrégat de « briques de connaissance » récupérées un peu par hasard, logique, sans cohérence, sans plan établi. Des bribes de savoir mêlant des souvenirs scolaires, des informations fraction issues du zapping télévisuel, des extraits de conversation ou de lecture, quelques observations personnelles, des éléme braconnés » (de Certeau), récupérés, détournés pour former une culture ordinaire personnelle, puisque personne d'aut pourra avoir la même. Notre époque, par facilité et goût de la vitesse, tend à privilégier cette culture mosaïque sur les cultures équilib conscientes, construites. L'individu y trouve peut-être son compte. Mais la société ? 2. Culture, civilisation, évolutions 2.1 Culture et civilisation, encore La première moitié du XX° siècle a connu un grand débat autour de « culture et civilisation », on l’a déjà vu. L. Dol montre. Voici quelques notes à partir de son ouvrage. - Cortes, au milieu du XIX° siècle espagnol, considérait que « culture et civilisation représentaient deux étape culture étant la plus avancée ». - Des écrivains russes, avant 1918, pensaient que « civilisation » représentait une forme de développement s purement matériel, qui serait donc inférieur à un « idéal culturel » qui serait le propre de l’homme. - A notre époque, la culture ne serait plus opposée à la civilisation, Dollot pense que le débat intéresse peu mainte bien moins qu’avant. Il est vrai qu’à l’heure actuelle les intellectuels n’ont plus le monopole de la culture. On combien « culture » s’est étendu. Les valeurs ne sont pas exclusivement les valeurs d’époques plus anciennes. 37 - Depuis la fin du XIX° siècle, chacun le sait, il y a eu une explosion de la communication, des médias, ce que appelle une « massification de la culture ». Il y a eu également une massification de l’humanité. Louis Dollot mo que quatre révolutions culturelles se sont produites au XX° siècle : une révolution politique, une révolu juridique, une révolution scientifique et technologique, une révolution économique accompagnée d’un grand d culturel. 2.2 Les « révolutions » dans le domaine de la culture au XX° siècle Une révolution politique : On observe, notamment en France, une intrusion de la politique - c’est-à-dire de l’Etat - dans la vie culturelle. C’e message fort de la Vè République, avec la création du ministère et l’œuvre de Malraux. On peut dire que la culture fortement politisée. Si, à la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle, l’Etat prenait en charge l’enseignement, d deuxième moitié du XX° siècle, il s’attache à gérer la culture. Quelques aspects, je reconnais cette présentation insuffisante, de l’œuvre de Malraux : - Il organise les théâtres nationaux qui doivent favoriser à la fois la création et la plus large diffusion du répertoire - Un système de subventions est mis en place, le principe d’avance sur recettes est généralisé pour la cré cinématographique. - Malraux souhaitait pouvoir doter chaque département d’une maison des jeunes et de la culture. L’idée n’était sans doute pas d’orienter (politiquement) la culture. Il s’agissait de mettre en place une politique culture, pour une culture étendue au plus grand nombre de citoyens. Pour réaliser cela, il fallait que l’Etat s’engage, prenne le contrôle des affaires culturelles. La chose est claire : la « révolution culturelle » de cette époque concerne les masses populaires, et, au-delà de la m d’un peuple, l’humanité. Cette conception implique des moyens de communication et des partenariats (échan internationaux. Cette « révolution culturelle » prend donc une dimension internationale. Or le siècle n’est pas sans connaître des contradictions : l’élargissement que nous venons de montrer engen paradoxalement, un repli sur soi : « Curieusement, face à ce mouvement d’ouverture en quelque sorte centrifuge, s’observe un mouvement centri les communautés régionales (…) prennent un peu partout une conscience plus affirmée de lur personnalité ou ide culturelle » (Dollot, p. 38) Une révolution juridique : le « Droit à la culture » devient l’un des « Droits de l’homme » Afin d’éviter, souligne Dollot, les dérives que la politisation de la culture aurait pu engendrer, il était nécessaire q culture « passe progressivement sous l’empire du droit » (p. 39) C’est pourquoi l’ONU, en 1948 , a adopté la Déclaration universelle des droits de l’Homme, en y incluant non seule le « droit à l’éducation », mais aussi « le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ». Une révolution scientifique et technologique Cette révolution est dans la continuité des « pas de géant accomplis par les sciences et les technologies» (p. elle a des incidences directes sur la culture. En effet, si on rapporte « au plan de la culture », « la révolu technologique pose la question essentielle suivante : il ne s’agit plus de s’interroger sur ce qu’il fait savoir mais su qu’il n’est plus permis d’ignorer, faute de quoi l’homme cultivé ne saurait se dire tel. » (p. 41). L’impact du pro scientifique et celui de l’essor des médias a fait de ces derniers des rivaux des moyens d’acquisition traditionnels culture. Personne (aucun membre de la « masse ») n’échappe à l’empire des médias modernes, tels l’Internet personne qui soit ne sait pas l’utiliser, soit n’en dispose pas individuellement, est victime de la « fracture informatiqu Paradoxalement, face à la possibilité de s’informer et de communiquer qu’offrent les technologies modernes, on obs un mouvement de « démassification »(43). L’individualisation de l’utilisation des technologies actuelles est en rendue possible par la diversification des moyens : « Satellites géostationnaires de communication, télévision par câ fibres optiques, et télédistribution, vidéocassettes… permettent d’échapper aux monopoles des radios et télévis d’Etat, et d’obtenir des possibilités accrues de sélection, et donc un certain retour de la culture à domicile. On parle, 38 point de vue, de l’âge « après-télévision », celui d’une « troisième culture » caractérisée par les communicatio double sens, la libre circulation de l’image opérant une révolution très différente, de celle consécutive à la circulation de l’imprimé. » (p. 43-44) - une révolution économique accompagnée d’un grand débat culturel Dollot pense que les médias ont acquis un nouveau pouvoir. Outre celui d’exercer une influence sur les masse ont acquis celui de « les exploiter économiquement » (44). Personne n’ignore combien le secteur marchand de la cu s’est développé, le profit des industries dites culturelles qui fonctionnent pour le profit, la culture devenant marchandise. On peut distinguer en la matière trois catégories (Dollot, p. 44) d’industries culturelles : « Quelles sont donc ces industries ? (…) D’abord, les biens culturels de grande diffusion (livres, disques, affi cassettes, bandes…), puis des équipements culturels (électrophones, magnétophones, magnétoscopes, camérasco appareils photo …), enfin ce qu’on a appelé des supports de publicité (émetteurs et surtout récepteurs de radio e télévision…). » Ce texte ne cite évidemment que ce qui existait à l’époque où il a été écrit. Il nous convie à une réflexion s « culture médiatisée » qui ne profite pas, intellectuellement, aux publics.Tel n’est pas le but… Et, d’une ma générale, il convient d’approcher le rapports existant entre culture et communication.. 39 3. Culture et communication Culture et communication sont « des mots-valises... des notions utilisées indifféremment » écrit Jean Caune s'appuyant sur une citation de Edmond T. Hall « la culture est communication et la communication est culture » Langage silencieux, Seuil, Coll. Points, Paris, 1968, p. 219), qu'il développe en « un phénomène de cul fonctionne comme un processus de communication et un mode de communication est aussi une manifestation culture ». En effet, il ne peut y avoir de culture sans communication, puisqu'elle se fonde sur la relation entre les homme entre les hommes et les groupes. La culture existe d'abord comme un « héritage transmis » et nécessite élaborat stockage et diffusion d'information. Le créateur a besoin de recevoir des informations provenant du milieu où il qu'il va digérer et organiser, et doit montrer ses œuvres, a besoin du regard des autres, et même a besoin de pense regard des autres. Mais on peut dire aussi que la communication ne peut se faire sans culture, sans des référents communs pou comprendre, car son niveau dépend du niveau de culture du récepteur qui décodera plus ou moins les non-dits car provoque automatiquement des variations dans la culture personnelle des individus. Pourtant les deux termes ne sont pas synonymes. Ils concernent les mêmes domaines, mais avec une orientat différente. Ainsi il semble parfois que les deux termes sont opposés : le mot culture est plutôt utilisé du côté d littérature, de l'esthétique, d'un certain élitisme. À l'inverse, la communication serait du côté de la technique, d masse, de l'universalisation et du contemporain. Par exemple, dans le domaine de la télévision, les prog techniques, la recherche de l'audimat et les émissions grand public s'évoquent dans les ouvrages sur communication, alors que les émissions littéraires ou pédagogiques, les reportages ou les ciné-clubs sont placés côté de la culture. Dans l'esprit du public l'opposition peut devenir systématique et caricaturale. Ainsi la relation complexe : c'est à la fois quelque chose et son contraire. Caune essaie de modéliser ce rapport en expliquant q s'agit d'un couple dont les éléments ne sont ni emboîtés, ni parallèles, où il n'y a ni complémentarité, ni opposition différence, mais inclusion réciproque, ce qui pourrait se schématiser avec un anneau de Moebius, fig mathématique d'un anneau torsadé n'ayant qu'une seule face mais donnant l'impression visuelle d'une double fa Lorsqu'on se place sur l'anneau il y a un dessous, une face inverse. Mais il suffit de « marcher » le long de l'anne en avant ou en arrière, pour rejoindre ce point que l'on croyait de l'autre côté. Il n'y a qu'une seule face. Ainsi passe de la culture à la communication, d'un domaine à son contraire en restant dans le même plan. 40 Document L'identité culturelle française, à l'heure de la mondialisation de la communication 12 septembre 2000 La culture a toujours été liée à l'idée d'ouverture et de communication. Mais simultanément, il n'y a de création culturelle sans identité ; si bien que les relations entre identité culture et communication ne s jamais simples. Du 18 au 20e siècle, les élites culturelles ont assuré l'ouverture et la circulation des œuv pendant que les États Nations renforçaient au contraire l'identité nationale. Tout a changé depuis cinquante ans. Le modèle dominant est devenu celui de l'ouverture, sur depuis dix ans avec la fin du communisme et la mondialisation. Les techniques de communication e commerce facilitent cette ouverture, en même temps que l'ONU et les organisations internationales, en son symbole. Le lien entre culture et communication a donc changé, rendu visible par la percée des indust culturelles mondiales. Ce mouvement s'accompagne simultanément d'une sorte de dévalorisation des ident culturelles nationales, considérées un peu comme "dépassées". Si l'identité individuelle plaît, ainsi que la défe de l'identité des communautés, il y a une sorte de méfiance à l'égard de l'identité collective trop facilem identifiée à un nationalisme d'autrefois. Et comme simultanément les nouvelles techniques de communica permettent de créer autant de marchés culturels qu'il y a d'individus solvables, on arrive à une s d'émiettement de la culture. Entre la segmentation des marchés culturels individuels et la mondialisation, les identités collect liées aux États semblent menacées. Et les médias, en passant du "Broadcasting" au "Narrow casting", semb avoir signé la fin de la culture de masse. Au fond, hier, il y avait les cultures nationales fortes protégées par États et des médias nationaux. Aujourd'hui, il y a, à la fois, une mondialisation des industries culturelles e segmentation des marchés culturels reposant sur les individus et les communautés. Le problème a donc chan Il fallait assurer, autrefois, l'ouverture et la communication entre les cultures nationales, aujourd'hui, il faut év que la mondialisation ne contribue à diluer les identités collectives culturelles. Hier, la norme était l'iden collective et, l'émancipation était liée à la communication. Aujourd'hui, la communication est un fait, plus qu valeur, assurant à terme par les réseaux, une culture "point à point". Entre la mondialisation et la segmentation, il faut donc préserver la place des identités culture nationales, sinon elles feront un retour violent. Autrement dit, ce sont les rapports entre identité et ouverture ont changé en un siècle. Ce changement permet de réexaminer le rôle des médias. Hier, les médias nation (presse, écrit, radio, télévision) ont été à la fois un facteur d'identité culturelle nationale, et d'ouverture su monde. Avec les nouvelles techniques de communication, c'est le règne des médias thématiques individualisés. C'est un progrès aux sens où les individus trouvent plus facilement ce qu'ils cherchent, mais c aussi un risque. Celui de laisser chacun, enfermé dans ses choix individuels, et indifférent à ce qui ne l'intér pas. Il ne faut donc pas opposer, dans la communication, les médias classiques nationaux de masse et les mé individualistes. Ils sont complémentaires. Et même, plus il y a de segmentation de la culture et des médias, p il faut simultanément préserver la place des médias nationaux, facteur d'identité collective. 41 Au fond, il y a trois niveaux de culture. La culture individuelle, celle des communautés, celle des É Nations. Et si les nouveaux médias assurent bien la communication des deux premiers niveaux, ce sont médias de masse qui sont les mieux adaptés à la défense de la culture collective. Le triangle culture - ident communication, constitue donc probablement un des enjeux socio-politiques majeur du siècle à venir. D'au que les intérêts des industries culturelles mondiales, qui n'arrêtent pas de parler des bienfaits de "l'ouverture" sont pas directement complémentaires de la logique universaliste qui essaye de penser le rapport entre soi e autres. Par rapport à cet enjeu culturel et politique, on comprend l'atout de la culture française. Celle-ci est fois fortement liée à une identité historique, en même temps qu'elle est depuis toujours ouverte sur le monde porteuse d'un certain universalisme. Cette identité forte, construite au fil des siècles et, un universalisme lié valeurs philosophiques, culturelles, politiques et religieuses, peuvent lui faire jouer un rôle considérable, d l'Europe, et en faveur d'un certain modèle de mondialisation. Si la France est en tête du débat sur la diver culturelle, la protection des libertés pour l'informatique et la recherche d'un cadre juridique pour Internet, c'es nom d'une conception humaniste universelle des droits de l'homme, assez différentes de celle qui prévaut p les industries culturelles mondiales... Autrement dit, l'identité culturelle française, dans un monde de plus en plus ouvert, est aujourd'hui chance, d'autant que ses industries culturelles essayent d'être présentes aux trois niveaux : individu communautaires, nationaux. Avec ses atouts la France peut contribuer à ce que cette mondialisation ne soit seulement celle des industries culturelles, mais soit aussi respectueuse des diversités culturelles collectives c'est en défendant cette diversité culturelle que la France contribue à un certain universalisme, qui fait, de longtemps, partie de la spécificité de sa culture. Dominique Wolton, directeur de recherche au CNRS 42 4. Les rapports entre médiation , communication et relation Les rapports sont nombreux car communication et médiation sont interdépendants. Il ne peut y avoir de médiation sans communication. D'abord, si l'on s'en tient à la définition d'un tiers élém intervenant sur la relation (donc la communication) de deux éléments, parce que la médiation est subordonn la communication, elle n'existe, elle n'a de logique que parce qu'une communication préalable existait. Ens parce que le médiateur va à son tour devoir entrer en communication avec chacun des deux partenaires, for des dyades avant d'atteindre à la triade, témoignant de son efficacité (voir deuxième partie du cours, IV). Ai dans son rôle de médiateur entre Israël et l'Egypte, le Secrétaire d'État américain Kissinger était communication avec le Premier Ministre israélien Begin et avec le Président égyptien Sadate pour aboutir à rencontre et une poignée de main en sa présence (la triade), débouchant sur une communication Begin-Sadate Mais l'inverse est-il vrai ? ou peut-il y avoir une communication sans médiation ? tout dépend alors de qu médiation. Dans l'exemple précédent, la médiation « arbitrale » de Kissinger n'était une nécessité que parce les conditions étaient difficiles. Bien souvent des relations bipartites sont suffisantes, la communication n'a besoin de médiation quand tout va bien. Mais elle a besoin d'autres médiations. Par exemple celle des médias. Comment communiquer sans médias ? des paroles, par des gestes, par des attitudes, par des odeurs, par son existence même, chaque personne uti des médias faisant passer des messages pour les cinq sens de son partenaire. Même lorsque la communication une fin en soi, lorsqu'elle ne cherche pas à transmettre des informations, mais simplement à établir une rela pour que l'individu ne soit pas seul, le motif, le prétexte permettant de nouer la communication peut considéré commet une médiation. Mais, précisons-le, nous ne sommes pas là sur le même registre de médiation. Dans un rapport au Ministère de la Fonction publique, daté de 1991, Pierre Zémor a attiré l'attention sur le beso de s'intéresser au sens (et prenant le mot avec la double orientation de direction et de signification) de la relatio Pour lui, la communication « est de l'information qui passe dans les deux sens parce que la relation est établie e l'émetteur et le récepteur », mais il note que dans la pratique, on constate souvent un manque de réciprocité au pr de l'émetteur. Les journalistes « oublient » ou évincent les actes au profit d'événements médiatiques fabriqués publicitaires s'attribuent un « rôle péremptoire » au détriment du public, alors que les « émetteurs politique manquent de courage à assurer leur responsabilité. Au niveau du service public, il estime qu'un contrat social est passé avec le citoyen, faisant de la puissa publique le partenaire du citoyen et faisant de l'interactivité une règle sous-jacente. Un administratif ne doit ni pratiquer la rétention de l'information, ni son octroi autoritaire à un guichet, mais répon aux aspirations et aux demandes toujours plus diversifiées. L'utilisateur attend un service accompagné de la rela qui est due à son statut de contractant, il a besoin de comprendre, qu'on l'écoute, il a besoin de dialogue. Les agents publics, affirme P. Zémor, doivent se mettre en situation de résoudre des problèmes dont les soluti ne sont pas toutes données, doivent expliquer les procédures et même les simplifier. Ils doivent avoir le sen la relation et être disponibles. Il recommande de développer leur professionnalisation par des formations, de développer la médiatisation des médias accessibles et plutôt neutres, évitant le tapage médiatique, et de fabriquer des produits communication. On remarque aussi que la relation restera inégalitaire car l'émetteur institutionnel, tout en privilégiant la demande, assurer la responsabilité de la qualité de la relation. 43 Cette communication de la relation dont parle Zémor nous semble renvoyer à la notion de médiat L’administratif ne doit pas être considéré comme un émetteur d'information à destination du citoyen, ni mê comme un émetteur-récepteur dialoguant avec le citoyen demandeur, mais comme le médiateur mettant en œu la relation du citoyen avec l'information. Conclusion (largement inspirée de L’ingénierie culturelle de Cl. Mollard) Pour que la culture soit partagée, il faut qu’il y ait communication, relation. Un projet culturel, quel q soit, ne peut se passer de communication. La stratégie de communication doit répondre de manière satisfaisa aux questions suivantes : Pourquoi cette stratégie ? Pour qui ? Comment ? Pourquoi ? - Pour promouvoir l’équipement , existant ou à créer. - Pour mettre le lieu , l’événement en désir. Faire en sorte que le public devienne demandeur. - Pour servir la culture, la qualité des productions programmées Pour que le projet culturel joue un rôle positif dans le développement local, promouvoir l’image marque d’une ville, d’une région. Nous touchons là au domaine du développement économique par le biais événements culturels. Pour qui ? La communication ne va pas sans cibles. On en dénombre quatre principales: - Les décideurs, notamment les élus, qui sont de toute évidence des supports dont on ne saurait se passe Les médiateurs (ici, les critiques). En effet, il faut savoir communiquer avec les médias. Les journali sont des médiateurs puissants. - Les partenaires, tels les sponsors (entreprises privées) ou les collectivités publiques. Les publics, qu’ils soient le public spécialisé, le public fidèle (les habitués), avec le public potentie occasionnel. Comment ? Selon Mollard, « on peut concevoir trois types de stratégies non exclusives les unes des autres : rayonnem événement, fidélisation ». La stratégie du rayonnement consiste à évaluer quel pourrait être le public : un public local, natio international. Tout dépend de la nature du projet. La stratégie de l’événement : s’agit-il d’une programmation permanente ? d’une programma temporaire. La stratégie de la fidélisation du public consiste à proposer le rendez-vous plus aisé. Les abonneme les fichiers établis, l’information régulière en sont les aspects les plus communs. Le plan de communication Il doit être conçu (imaginé), doté de moyens (financiers et humains) et mis en œuvre (actions). Le plan communication est l’affaire de spécialistes, parmi lesquels les responsables de la communication. 44 Or, toutes les précautions, même lorsqu’elles sont prises par de vrais spécialistes, ne sont que précautions. On connaît bien des surprises, heureuses ou malheureuses. C’est ainsi que le Musée du Quai Bra ouvert en 2006 a été une surprise de l’année, dans plusieurs domaines, comme le journal Le Monde le mo bien. Qu’il s’agisse de la communication à proprement parler, elle a touché des publics insoupçonnés, p nombreux et diversifiés qu’escompté. La présentation (scénographie, muséographie), qui relève de communication également, puisqu’elle est une proposition de sens, de négociation, semble ne pas satisf pleinement les publics, amateurs ou professionnels. (document page suivante). 45 Document : le Monde du 2 janvier 2007 Première surprise : fréquentation plus importante que prévu. Deuxième surprise : les publics . Troisième surprise : présentation perfectible.