Homeostasie et Nutrition Ecole d’été Département Alimentation Humaine 6 au 9 juillet 2009 C ’est au cœur de la Normandie, dans le village d’Etretat que le Département Alimentation Humaine s’est installé quelques jours en juillet 2009 pour accueillir 24 de ses thésards, post-doctorants et jeunes chercheurs ainsi que 6 chercheurs confirmés du domaine de la « nutrition et homéostasie » pour sa 7ème école d’été. Initié en 2003 par Xavier Leverve, cet évènement tend à sensibiliser les jeunes scientifiques à l’analyse d’articles scientifiques afin de développer leur esprit critique et la discussion contradictoire. Après des sujets tels que « comportement du consommateur » en 2008 ou encore « Evaluation du risque toxicologique des aliments » en 2007, les étudiants ont cette année planché sur une thématique quelque peu complexe, mais néanmoins fondamentale pour aiguiser sa culture scientifique. Le nombre de participants, volontairement limité, a cependant permis de faciliter le partage de connaissances entre jeunes chercheurs et chercheurs séniors, permettant ainsi d’aller dans le vif du sujet pour que chacun puisse repartir « repu ». De plus l’ambiance simple et détendue vient couronner la réussite de l’évènement que vous pourrez ressentir au fil des pages qui vont suivre. Si j’ai souhaité que cet opuscule soit réalisé, c’est parce qu’il m’a semblé intéressant que la richesse des états de l’art et des discussions, puissent faire l’objet d’une synthèse rendue accessible à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au sujet abordé. Avant de terminer, je tiens à remercier mon adjoint Jean Fioramonti, chef d’orchestre de cet évènement et de l’élaboration de son programme, ainsi que Jeannine Goacolou et Sabrina Gasser pour l’important travail effectué afin que ce document puisse voir le jour, sans oublier les intervenants pour la qualité de leur travail, et sans qui l’école ne pourrait avoir lieu. Vous en souhaitant une agréable lecture, Patrick Etiévant Chef du Département Alimentation Humaine Comment se déroule l’école d’été ? L’école d’été réuni doctorants, post-doctorants et jeunes chercheurs dans un lieu convivial pendant 6 demi-journées, autour d’une thématique qui va leur permettre d’approfondir leurs connaissances, dans un domaine plus ou moins proche de leur sujet de thèse ou de leur activité quotidienne. Le principe veut que, tour à tour, au cours de ces journées, les participants soient dans la position d’enseigné et d’enseignant. Chaque thématique, déclinant le thème choisi, s’articule autour d’une demi-journée de travail. Tout d’abord, le chercheur senior sollicité par le département présente une synthèse de l’état de l’art. Puis cinq articles scientifiques sélectionnés par celui-ci sont ensuite présentés de façon critique par les doctorants sous forme de présentations orales de 10 minutes. L’article en question, choisi et préparé au préalable par l’étudiant, donne ensuite lieu à un débat animé par le chercheur, qui peut également aider l’étudiant dans sa présentation si nécessaire. L’objectif est donc au moins triple : développer l’esprit critique et de la discussion contradictoire des jeunes vis-àvis et autour des travaux publiés dans la littérature qu’ils considèrent souvent comme paroles d’évangile. permettre aux jeunes de passer plusieurs journées consécutives avec des chercheurs renommés dans les domaines traités et de leur offrir des perspectives de contacts futurs. offrir un cadre convivial, second point fort de cette école, permettant d’instaurer des connections fortes entre des étudiants et jeunes chercheurs qui n’auraient jamais eu l’occasion de se rencontrer, ainsi qu’un climat relationnel de chercheur à chercheur avec les organisateurs et les intervenants. Directeur de publication : Patrick Etiévant Réalisation : Jeannine Goacolou, Sabrina Gasser Mise en page et impression : Imprimerie Decombat Sommaire Transport et transporteurs d’acides aminés : du métabolisme au statut redox . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Session animée par Jean-François Huneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 5 Contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique : aspects centraux Session animée par Luc Pénicaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 24 Contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique : aspects périphériques Session animée par Christophe Magnan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 40 Plasticité tissulaire et cellulaire des tissus adipeux : rôle dans l’homéostasie et l’obésité Session animée par Louis Casteilla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 53 Insulino-résistance musculaire : adaptations métaboliques et transcriptionnelles à la nutrition Session animée par Hubert Vidal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 68 Adaptations nutritionnelles et pancréas endocrine Session animée par Bernard Portha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 84 Transport et transporteurs d’acides aminés : du métabolisme au statut redox Jean-François Huneau Introduction Schéma 1 : L’homéostasie protéique corporelle est assurée par les échanges entre différents compartiments corporels et chimiques Sources : J-F/ Huneau porelles compris selon les individus entre 10 et 12 kg. Celui-ci est sans cesse remanié par la protéolyse qui libère en retour des acides aminés. Cet échange entre les 2 compartiments concerne près de 300 g d’acides aminés par jour. Le pool d’acides aminés libres de notre organisme représente environ une centaine de grammes. Il est approvisionné par les protéines alimentaires (dont la quantité est estimée à une centaine de grammes par jour) auxquelles viennent s’ajouter, dans le tractus digestif, une cinquantaine de grammes de protéines endogènes (enzymes, mucines…). Après avoir été réduites en peptides et acides aminés, ces protéines rejoignent le pool d’acides aminés libres, mais une petite partie n’est pas absorbée car elle est utilisée par le microbiote pour la synthèse de protéines et de peptides coliques. On estime que 80 g d’acides aminés libres sont utilisés chaque jour dans des réactions d’oxydation, de désamination (uréogenèse) et de néoglucogenèse. Une autre partie, 5 à 10 g/j, est utilisée dans des voies métaboliques secondaires, dont celles qui contribuent au maintien du statut redox. Enfin, 1 gramme d’acides aminés est éliminé quotidiennement dans les urines après filtration de 40 g/j et réabsorption de 39 à 40 g/j. Le pool d’acides aminés libres approvisionne quotidiennement le pool de protéines cor-5- Tableau 1 : Pour chaque acide aminé, plusieurs transporteurs. Sources : J-F./ Huneau Les acides aminés ont des fonctions variées (tableau 1). Si 20 d’entre eux sont protéinogènes, d’autres n’entrent pas dans la composition des protéines (citrulline, ornithine…). Certains acides aminés sont glucoformateurs, c’est-à-dire qu’ils interviennent dans la formation du glucose. D’autres ont des propriétés anti-oxydantes. D’autres encore sont des neuromédiateurs ou des précurseurs de composés importants (la cystéine pour le glutathion, le glutamate pour le GABA…). Les acides aminés ont bien d’autres fonctions qu’il serait fastidieux de lister ici. A ces fonctions variées correspondent des structures variées, puisqu’il existe des AA (acides aminés) neutres, anioniques, cationiques, à chaîne latérale ramifiée ou aromatique. Ces diversités de structures et de fonctions sont associées à une diversité de transporteurs qui amènent les acides aminés vers différentes voies métaboliques. pendant près de 30 ans, on était parvenu à une caractérisation fonctionnelle et à une dénomination des systèmes de transport (qui tenaient compte, en particulier, des substrats transportés, de l’affinité du transporteur, des dépendances vis-à-vis du sodium, du potassium…, des compétitions entre AA). Par exemple : le système ASC (qui transporte l’alanine, la serine, la cystéine et est sodium dépendant), le système B0 (qui transporte tous les AA neutres et est sodium dépendant) ou le système y+ (qui transporte la lysine et est indépendant du sodium). Depuis 1990, les transporteurs d’AA ont été progressivement identifiés au niveau moléculaire. Une quarantaine le sont aujourd’hui. La dénomination de ces transporteurs n’est pas encore totalement stabilisée et un même transporteur est souvent désigné sous des noms différents d’une publication à une autre. Par ailleurs, l’appariement des transporteurs avec les systèmes de transport identifiés sur le plan fonctionnel n’est pas toujours parfait. Rôle des transporteurs d’acides aminés dans le métabolisme protéique Des systèmes de transport aux transporteurs Des transporteurs multiples, de spécificité variable Avant 1990, les transporteurs d’AA étaient largement méconnus sur le plan moléculaire. Grâce à Christensen et à ses travaux menés Un même acide aminé est souvent transporté par plusieurs transporteurs pouvant appar-6- affinité avec le glutamate, le premier étant localisé dans l’intestin, les reins, poumons, muscles, adipocytes et le deuxième plus ubiquitaire. Cet exemple illustre bien la complexité du transport des acides aminés, avec une multiplicité de transporteurs pour un acide aminé et de substrats pour un transporteur donné. tenir à des familles différentes. Ainsi, 7 transporteurs sont susceptibles de jouer un rôle dans la captation ou les flux de glutamate (tableau 2). Cinq d’entre eux appartiennent à la même famille. Ces 5 transporteurs ont une forte affinité et catalysent un influx glutamate couplé au sodium et à un efflux potassium mais diffèrent par leurs localisations (par exemple, EAAT1 dans les cellules gliales, le cœur et les muscles ; EAAT3 dans les neurones, l’intestin et les reins ; EAAT5 dans la rétine) et leur affinité pour les autres AA (EAAT3 transporte non seulement le glutamate, mais aussi le L- et le D-aspartate et avec une certaine efficacité la glutamine et la cystéine). Les transporteurs ASCT2 et xCT n’ont qu’une faible Les 7 familles de transporteurs Actuellement, les transporteurs d’acides aminés sont regroupés en 7 familles suivant leurs analogies de séquence et de structure (tableau 3). Chaque famille a une relative homogénéité en termes de fonctionnement et de substrats transportés. Par exemple, la famille SLC7A comprend 14 membres qui Tableau 2 : Un transporteur donné accepte plusieurs substrats Sources : J-F./ Huneau Tableau 3 : Les familles de transporteurs d’acides aminés. Sources : J-F./ Huneau -7- - l’expression polarisée des transporteurs catalysent l’échange entre deux acides aminés neutres ou entre un AA neutre et un AA cationique. La majorité de ces transporteurs, de A5 à A14, doivent, pour pouvoir fonctionner, être associés à des sous-unités lourdes sans fonction catalytique appartenant à la famille SLCA3 qui jouent un rôle dans l’adressage membranaire de ces protéines. Parmi les principaux systèmes de transport identifiés au niveau de la membrane apicale de l’entérocyte (schéma 2) , certains permettent l’absorption d’AA anioniques, notamment les systèmes EAAT3 (également présents dans les neurones) et B0AT. Tous deux sont sodium dépendant et entraînent l’accumulation dans l’entérocyte d’AA neutres ou d’AA anioniques. D’autres échangeurs utilisent ces AA neutres captés notamment par B0AT pour permettre l’absorption d’autres AA neutres ou AA cationiques. Seule une part de l’azote alimentaire est captée sous forme d’acides aminés par l’intermédiaire de ces transporteurs, le reste l’étant sous forme peptidique. Rôle des transporteurs d’acides aminés dans l’homéostasie protéique et dans l’homéostasie redox Rôle des transporteurs dans l’absorption intestinale et rénale L’absorption intestinale des AA et la réabsorption tubulaire des AA filtrés au niveau glomérulaire approvisionnent le pool d’AA libres. Le rôle de ces épithéliums est d’assurer un flux vectoriel de nutriments du milieu extérieur (lumière du tube digestif et urine en formation dans les tubules) vers le milieu intérieur. Les transporteurs impliqués dans les 2 cas sont globalement les mêmes. L’homéostasie protéique est assurée grâce à : Au niveau de la membrane basolatérale, les transporteurs sont différents et leur activité plutôt orientée vers un efflux d’AA. Un ou deux systèmes permettent cependant l’influx d’AA particuliers de la circulation sanguine vers l’entérocyte. C’est le cas notamment de la glutamine dont l’intestin est gros consom- Schéma 2 : Expression polarisée des transporteurs dans l’entérocyte. Sources : J-F./ Huneau -8- Schéma 3 : Transport et métabolisme épithéliaux sont couplés Sources : J-F./ Huneau étant apportée sous forme protéique), on remarque une modification du profil d'expression des transporteurs d'acides aminés dans l'épithélium intestinal. Le schéma 4 montre une augmentation significative de l'expression des ARN messagers codant pour EAAT3, associée à une augmentation du transport catalysé par EAAT3, mesuré sur des vésicules de la bordure en brosse. Grâce à l'augmentation de la captation des acides aminés anioniques utilisés par l'épithélium, des substrats glucogéniques (alanine, proline) sont fabriqués ; l'organisme récupère ainsi une partie de l'énergie apportée par le régime protéique. mateur. Sa captation permet d’approvisionner l’entérocyte en énergie et de catalyser l’efflux d’autres AA au travers de la membrane basolatérale par des échangeurs. - l’interconversion des AA Au niveau épithélial, métabolisme et transport des AA sont couplés. Ainsi, par exemple, le transporteur EAAT3 présent au niveau de la membrane apicale permet au glutamate de pénétrer dans l’entérocyte (schéma 3). Une fois dans la cellule, le glutamate est métabolisé soit en passant par la mitochondrie, donnant du pyruvate et de l’alanine, soit en passant par la voie du glutamate semialdéhyde pour donner de la proline, de l’ornithine et de la citrulline. Une fois absorbé, le glutamate est également utilisé pour synthétiser le glutathion. Comme il n’y a pas de transporteur dans la membrane basolatérale pour l’efflux de glutamate, on ne retrouve pas de glutamate absorbé dans la circulation portale. Parallèlement, on n’observe pas de variation de l'expression des ARN messagers codant pour B0AT, un transporteur d'acides aminés neutres. Selon les auteurs, la diminution de la captation des acides aminés neutres sur ces vésicules est plus ou moins importante. Pour expliquer la diminution ou la stabilisation du transport de ces acides aminés neutres, une hypothèse est avancée : cette adaptation ou plutôt cette absence d’adaptation aurait pour but de limiter ou de prévenir les effets délétères d'une hyper amino-acidémie chez des animaux ou des personnes consommant beaucoup de protéines. Par exemple, une - l’adaptation de l’épithélium intestinal à l’environnement nutritionnel Lorsqu'on alimente des animaux avec des régimes riches en protéines (50 % de l'énergie -9- Schéma 4 : Transport et métabolisme épithéliaux sont couplés. Sources : J-F./ Huneau gie est en général modérée, sont associées à des défauts, des mutations de certains transporteurs d'acides aminés (tableau 4) : 1) l’iminoglycinurie est une maladie extrêmement fréquente liée à des mutations des transporteurs de proline. Elle est totalement asymptomatique et n'est mise en évidence que par l’augmentation des pertes rénales de proline et d’hydroxyproline ; 2) la cystinurie, liée à des mutations des protéines rBAT et b0,+AT, a également un retentissement rénal augmentation importante de la concentration plasmatique de méthionine peut conduire à une augmentation de l'homocystéine, composé fortement pro-oxydant de l'organisme. Une augmentation importante des concentrations de leucine ou lysine pourrait également avoir des effets nocifs. - les anomalies du transport épithélial des acides aminés Plusieurs pathologies, dont la symptomatolo- Tableau 4 : Transport et métabolisme épithéliaux sont couplés. Sources : J-F./ Huneau -10- adipeux, et consommée par le rein et l'intestin, le foie pouvant être producteur ou consommateur suivant les conditions nutritionnelles ; l'alanine est produite, entre autres, par le muscle et l'intestin et consommée par le foie. Les transporteurs de ces deux acides aminés jouent un rôle prépondérant dans le contrôle de l'uréogenèse et de la néoglucogenèse. mais pas nutritionnel. Le défaut de réabsorption tubulaire de cystéine qu’elle entraîne favorise la formation de calculs et peut conduire à l'insuffisance rénale ; 3) la maladie de Hartnup touche le système B0 qui transporte l'ensemble des acides aminés neutres. Elle est le plus souvent asymptomatique, surtout dans les pays occidentaux où l'apport protéique est relativement important. Cependant, lorsque l'apport protéique est plus faible, elle peut entraîner des symptômes de type pellagre ou des troubles de la motricité, évocateurs d’un défaut de synthèse de la vitamine PP due à la malabsorption intestinale et à la perte urinaire de tryptophane ; 4) à l’inverse des mutations touchant les transporteurs apicaux, dont la dysfonction peut être compensée par le transporteur des peptides, celles qui touchent les transporteurs basolatéraux ont un retentissement nutritionnel important. Ainsi, l'intolérance protéique lysinurique due à une mutation du transporteur basolatéral y+LAT2 entraîne un retard de croissance, des diarrhées et vomissements et des troubles du métabolisme de l’urée avec coma ammoniémique. SNAT3, uréogenèse et détoxication de l'ammoniaque Le transporteur SNAT3 joue un rôle clé dans le métabolisme hépatique de la glutamine. Il est présent dans les hépatocytes périportaux et périveineux. Dans les premiers, il fait entrer la glutamine pour approvisionner le cycle de l'urée. Cette action est couplée à une entrée de sodium et à une sortie de protons. Sous l'action de la glutaminase, la glutamine est désaminée et donne du glutamate et de l'ammoniaque. Dans les hépatocytes périveineux, SNAT3 fait au contraire sortir la glutamine néosynthétisée à partir du glutamate qui a été capté. Cette glutamine est ensuite transportée par voie sanguine jusqu'aux reins où l'ammoniaque est éliminée. Une des caractéristiques de SNAT3 est donc de pouvoir fonctionner dans les 2 sens, suivant l'environnement acido-basique de la cellule : dans les hépatocytes périportaux, le pH intracellulaire relativement bas favorise l'efflux de protons, ce qui permet au transporteur de fonctionner dans le sens d'une captation de glutamine ; dans les hépatocytes périveineux, le pH intracellulaire plus élevé génère un gradient entrant de protons, qui permet au transporteur de fonctionner dans le sens de l'élimination de la glutamine néosynthétisée. En d'autres termes, le pH et la concentration intracellulaires en glutamine orientent l'activité de SNAT3 vers l'influx de glutamine dans l'hépatocyte périportal et son efflux dans l'hépatocyte périveineux. Rôle des transporteurs dans l’oxydation des acides aminés et la néoglucogenèse - Alanine, glutamine, uréogenèse et néoglucogenèse Deux acides aminés particulièrement abondants dans le plasma – la glutamine (500-600 μmoles/L) et l'alanine (300-500 μmoles/L) – jouent un rôle prépondérant dans ces deux voies. Glutamine et alanine sont des pourvoyeurs de carbone pour la néoglucogenèse et d’azote pour l'uréogenèse (importance plus grande de la glutamine par rapport à l’alanine). En outre, la glutamine est également un transporteur d’ammoniaque vers le rein. Les flux inter-organes de ces deux acides aminés sont importants : la glutamine est produite par le muscle, le poumon, le tissu -11- l’activité sérine désaminase et de l’expression de SNAT2 fait que paradoxalement la concentration plasmatique de thréonine à jeun est plus faible chez des animaux nourris en régime hyperprotéique que chez des animaux nourris en régime normoprotéique. Activation de SNAT2 et néoglucogenèse hépatique SNAT2 permet la captation des principaux acides aminés glucoformateurs, mais c’est plus un transporteur d’alanine que de glutamine. Son expression et son activité sont fortement inductibles par le glucagon et les glucocorticoïdes et sa régulation est essentiellement transcriptionnelle. L'alanine captée par SNAT2 est désaminée pour donner du pyruvate qui sera éventuellement transformé en glucose au cours des périodes de jeûne. L'expression des enzymes de la néoglucogenèse et de SNAT2 est régulée de manière coordonnée, notamment par le glucagon et l'AMP cyclique, et inhibée à long terme par l'insuline qui agit aussi indirectement via le contrôle de la production de glucagon. Rôle des transporteurs dans la protéosynthèse et la protéolyse Acides aminés et protéosynthèse La protéosynthèse nécessite la présence des 20 acides aminés protéinogènes. Le rôle des transporteurs, combinés aux interconversions métaboliques, est donc de permettre la captation de ces acides aminés par la cellule. D’un point de vue théorique, quatre transporteurs – CAT1, SNAT2, LAT1 et xcT – sont nécessaires et suffisants pour permettre l’approvisionnement des voies de protéosynthèse : Régime hyperprotéique et transport hépatique des acides aminés - CAT1 permet à la cellule de capter des acides aminés cationiques (arginine, lysine, histidine) ; Une conséquence des régimes hyperprotéiques est l’activation de la néoglucogenèse. Dans notre laboratoire, nous avons observé chez des animaux soumis à un tel régime une augmentation du transport hépatique des acides aminés, et en particulier de l'alanine, grâce à la protéine SNAT2, correspondant au système A. A l’inverse, l’activité du système ASC qui permet également le transport d’alanine ne varie pas de façon significative. Au niveau moléculaire, nous avons observé une augmentation de l'expression des ARN messagers codant pour SNAT2 et aucune variation dans l’expression du transporteur ASCT1 correspondant au système ASC. Cette augmentation de l’expression de SNAT2 est à mettre en relation avec l’augmentation de l’activité d’enzymes impliquées dans l’oxydation des acides aminés au niveau hépatique. Ainsi l’activité sérine désaminase qui catalyse l’oxydation de la sérine mais aussi celle de la thréonine augmente fortement en régime protéique. Sérine et thréonine sont deux substrats de SNAT2. L’augmentation conjointe de - SNAT2, couplé au sodium, approvisionne la cellule en petits acides aminés (alanine, proline...) et en glutamine ; - l’efflux de glutamine permet ensuite au transporteur LAT1 de faire entrer dans la cellule tous les gros acides aminés neutres, qu'ils soient à chaînes ramifiées ou à chaînes aromatiques ; - xcT capte la cystine qui sera transformée en cystéine dans la cellule. Synthèse protéique et dérépression adaptative On appelle dérépression adaptative la capacité qu'ont les transporteurs à s'adapter à des situations de privation d’acides aminés. Elle se traduit, en situation de privation, par une augmentation de l'expression des transporteurs afin de permettre le redémarrage le plus rapide possible de la synthèse protéique et d'éviter ainsi la mort cellulaire. Cette déré-12- Schéma 5 : Dérépression adaptative de SNAT2 Sources : Hyde et al.J Biol Chem 2007 cription d'autres protéines appartenant à la même famille des facteurs de transcription à glissière à leucine, tel ATF3, ou à d’autres familles, comme CEBPβ et CHOP. Ces facteurs de transcription sont connus pour se lier à des séquences régulatrices telles que les Amino Acid Response Element (AARE), et activer la transcription des gènes dont le promoteur renferme ces séquences. pression a été clairement démontrée pour les transporteurs CAT1 (lysine, arginine) et SNAT2 (glutamine, alanine, proline), et pourrait également exister pour LAT1 et xcT. La dérépression adaptative combine des mécanismes de régulation transcriptionnelle, traductionnelle et post-traductionnelle. Le schéma 5 illustre la complexité des mécanismes impliqués dans la dérépression adaptative de SNAT2. Les gènes des transporteurs présentent dans leur région promotrice des séquences régulatrices qui répondent à des privations en acides aminés et sont reconnues par différents facteurs de transcription. Les mécanismes de la dérépression impliquent une kinase, GCN2, qui phosphoryle le facteur d'initiation de la traduction elF2α, et bloque ainsi la traduction de la plupart des gènes (en empêchant le recrutement des ARNt de la méthionine) à l'exception de quelques ARNm particuliers, notamment ceux du facteur de transcription ATF4. Ce dernier active la trans- Dans le cas de SNAT2, d’autres mécanismes sont également impliqués car le blocage de la voie décrite ci-dessus n’est pas suffisant pour prévenir l’augmentation de l'expression de SNAT2 en réponse à une privation d’acides aminés. Un premier mécanisme alternatif implique les kinases JNK et ERK qui, par l'intermédiaire de facteurs de transcription, activent d'autres séquences présentes dans le promoteur et augmentent la transcription du gène présent dans SNAT2. Cependant, l’activation persiste lorsque l’on bloque simultanément la voie principale et cette voie -13- Acides aminés et signalisation alternative, suggérant l’existence d’un 3ème mécanisme qui pour l'instant n'a pas été identifié. L’implication des transporteurs dans la synthèse protéique existe également au travers de l’activation de la kinase mTOR. La protéine mTOR est activée en particulier par l'insuline et les acides aminés ramifiés, au premier rang desquels la leucine. Elle contrôle la protéosynthèse au niveau de la traduction par différents mécanismes : La dérépression adaptative implique aussi des mécanismes transcriptionnels. La privation d’acides aminés et la phosphorylation d’elF2α qu’elle entraîne conduisent à un blocage général de la traduction. L’ARNm des transporteurs doit donc contenir un signal d’entrée interne ribosomique (IRES) pour pouvoir échapper à cette inhibition par un mécanisme de traduction indépendant de la coiffe. - en phosphorylant la protéine 4E-BP1, elle permet le recrutement du complexe elF4F au niveau de la coiffe des ARN messagers ; - en activant la protéine S6K1, elle permet : 1) la phosphorylation de la protéine S6 sur la sous-unité 40S des ribosomes et donc la formation et l’activation des ribosomes ; 2) l'activation de l'activité hélicase elF4A, ce qui conduit à favoriser l'élongation et à activer la traduction. L’ensemble de ces mécanismes transcriptionnels et traductionnels permet ainsi d’accroître l’expression de SNAT2 en situation de privation d’acides aminés. Réciproquement, la captation d’acides aminés conduit à une répression de leur transport. Un premier mécanisme de répression implique les acides aminés substrats de SNAT2, dont la fixation sur le transporteur entraîne la déstabilisation de cette protéine membranaire et favorise son adressage vers des voies de dégradation. Le deuxième mécanisme fait intervenir le transporteur lui-même, qui jouerait un rôle de senseur d'acides aminés. La fixation des acides aminés sur le transporteur activerait un signal – peut-être en favorisant l’entrée de sodium dans la cellule – qui pourrait mettre en route un mécanisme de répression conduisant à l’inhibition de la transcription du gène codant pour SNAT2. D’autres mécanismes de répression, qui restent à identifier formellement, pourraient impliquer les gros acides aminés neutres qui ne sont pas des substrats de SNAT2. Ces derniers agiraient par l’intermédiaire de senseurs membranaires, et bloqueraient la voie impliquant JNK et JUN. L’ensemble de ces mécanismes très complexes ont pour but d’adapter finement le transport d’acides aminés aux besoins cellulaires, en l’activant lorsque les acides aminés sont limitants et en le freinant lorsque les besoins sont couverts. Un article très intéressant publié dans Cell en 2009 montre comment l'activité combinée de deux transporteurs, ASCT2 et LAT1, entraîne l'approvisionnement de la cellule en leucine et l'activation du complexe mTORC1, conduisant ainsi à l'activation de la protéosynthèse et à l'inhibition de l'autophagie. Cependant, certaines conclusions de cet article sont discutables : en effet, si l’action combinée de LAT1 et ASCT2 permet bien un échange entre leucine/glutamine d’une part et glutamine/petits AA neutres d’autre part, le fait que ces deux transporteurs ne soient que des échangeurs rend nécessaire la présence d’un troisième système concentratif pour permettre l’accumulation des petits AA neutres indispensables au fonctionnement de ces échanges. Cette fonction pourrait être remplie par un transporteur comme SNAT2, mais ce point n’est pas abordé dans cet article. Rôle des transporteurs d’acides aminés dans l’homéostasie redox Outre leur rôle dans l’homéostasie protéique, certains acides aminés au travers de leur -14- xCT et le contrôle du potentiel redox extracellulaire métabolisme secondaire participent au maintien du statut redox et à la lutte contre le stress oxydant. C’est le cas des acides aminés soufrés et en particulier de la cystéine, précurseur du glutathion. xCT joue un rôle clé dans la régulation du potentiel redox extracellulaire en captant la cystine. Une fois entrée dans le milieu intracellulaire, celle-ci est réduite en cystéine par le glutathion GSH. Le glutathion oxydé (GSSG) par cette réaction peut-être réduit en GSH par la glutathion réductase grâce aux électrons apportés par le NADPH produit notamment par la voie des pentoses phosphates. La cystéine produite à partir de la cystine peut être utilisée pour la synthèse protéique, celle de glutathion ou être exportée vers le milieu extérieur. L’ensemble de ce mécanisme permet l’ajustement des concentrations extracellulaires de cystéine et cystine. Avec une concentration de l’ordre du millimolaire et un potentiel d’hémi-cellule de -240 mV, le glutathion est le principal tampon redox intracellulaire. Il participe à la protection des groupements -SH protéiques contre l'oxydation irréversible. C'est aussi un piégeur d’espèces radicalaires et d'oxydants (O2-, OH, ONOO-) et le co-substrat d’enzymes (Glutathion peroxydases, Glutathion-transferases) impliquées dans les réactions de détoxication/réduction, notamment vis-à-vis des peroxydes. La cystéine (Cys) est en outre le précurseur de deux autres anti-oxydants, la taurine et le H2S, et joue elle-même le rôle de tampon redox dans le milieu extracellulaire où on la trouve sous forme réduite (cystéine, avec une concentration de l’ordre de 10 μM) et oxydée (Cystine, ou Cyss, avec une concentration de Cyss d'environ 50 μM). Le potentiel d’hémi-cellule du couple Cys/Cyss est de -80 mV. Transport et réponse aux agressions pro-oxydantes Le transport et le métabolisme de la cystéine et du glutathion sont régulés par l’environnement redox, cette régulation permettant à l’organisme de répondre à des agressions oxydatives. Le signal déclencheur de cette régulation est l’augmentation de la concentration intracellulaire de GSSG, résultant de l’oxydation du glutathion par les espèces prooxydantes présentes en excès. Cette accumulation de GSSG favorise l’oxydation des groupements thiols présents sur les protéines intracellulaires. Dans le cas de la protéine Keap1, cette oxydation facilite sa dissociation du facteur de transcription Nrf2 qu’elle séquestre dans le cytosol. Ce facteur de transcription ainsi libéré migre dans le noyau, active des séquences régulatrices appelées ARE (Antioxydant Responsible Element) présentes dans le promoteur de nombreux gènes et accroît leur transcription. On trouve de telles séquences dans le promoteur du gène codant pour xcT, mais aussi ceux codant pour la g-glutamylcysteine syntéthase (GCS) qui permet la synthèse de glutathion, la glutathion réductase ou la glutathion peroxy- Transport de cystéine et de cystine Cinq transporteurs participent à l'approvisionnement de la cellule en cystéine et en cystine. En permettant la captation de cystéine ou celle de cystine, ils contrôlent de fait le ratio Cys/Cyss dans l'environnement extracellulaire, et participent donc à la régulation de son environnement redox. - Les transporteurs de cystéine sont ASCT1/2 et EAAT3. Les deux premiers sont plutôt ubiquitaires, tandis que le troisième est surtout présent dans les neurones et les épithéliums intestinal et rénal où il est exprimé au niveau de la bordure en brosse. - Les transporteurs de cystine sont xcT et b0+AT. Si le premier est relativement ubiquitaire, le second est également exprimé spécifiquement dans la bordure en brosse des épithéliums intestinal et rénal. -15- mier temps étant la captation de glutamate. Une expérience récente a montré que des souris knock-out pour EAAT3 étaient parfaitement viables et ne présentaient jusqu’à l’âge de 6 mois aucun symptôme de neurodégénération. En particulier, ces souris ne manifestent aucun épisode convulsif, classiquement observé chez les souris chez lesquelles les autres transporteurs de glutamate (EAAT1, EAAT2) sont invalidés. Cependant, on observe chez ces animaux au cours du vieillissement une baisse de la concentration en glutathion, une sensibilité au stress nitrosant et une augmentation des pertes neuronales touchant notamment l’hippocampe et le corpus callosum. Ainsi, le KO d’EAAT3 favorise l'apparition progressive d'un stress oxydant neuronal et une altération des fonctions cognitives et comportementales. dase. L’expression de ces gènes est donc activée de manière coordonnée en réponse à un stress oxydatif. Transporteurs, coopération intercellulaire et statut redox xCT n’est pas le seul transporteur à intervenir dans le maintien de l’homéostasie redox. La famille des transporteurs du glutamate (ASCT et EAAT) joue un rôle important dans ce maintien au niveau du système nerveux central, tout en permettant le maintien des concentrations extracellulaires en cystéine et glutamate – deux acides aminés excitateurs et donc potentiellement neurotoxiques à un niveau inférieur au micromolaire. Dans l’astrocyte, les captations de glutamate et de cystéine sont assurées respectivement par ASCT2 et EAAT2, tous deux fortement exprimés dans cette cellule. Cette captation de glutamate et de cystéine permet une forte production de glutathion, les concentrations en GSH dans l’astrocyte approchant les 8 mM. L’astrocyte exporte du GSH dans le milieu extracellulaire, ce qui permet d’apporter de la cystéine aux neurones sans accroître la concentration extracellulaire de ces acides aminés. Conclusion Cette présentation illustre le rôle des transporteurs d’acides aminés dans le maintien de l’homéostasie vue sous l’angle protéique et du statut redox. Elle illustre aussi la complexité des mécanismes mis en jeux. Ces transporteurs interviennent dans d’autres mécanismes homéostatiques, concernant notamment : - le bilan énergétique et le contrôle de la prise alimentaire ; - le renouvellement osseux ; - la fonction vasculaire (avec la production de NO) ; - la neurotransmission et la production d’hormones. La cystéine présente dans le glutathion est captée par le neurone en deux étapes. La première fait intervenir la γGT qui permet à l'astrocyte de récupérer le glutamate et produit de la cystéinylglycine. Celle-ci est ensuite hydrolysée par une peptidase présente dans la membrane des neurones et étroitement associée au transporteur EAAT3 qui permet de capter immédiatement la cystéine libérée au cours de cette hydrolyse. Le tout permet ainsi au neurone d’alimenter sa propre synthèse de glutathion, sans courir le risque d’activer les récepteurs des acides aminés excitateurs. Discussion Bien que l’on ait vu le rôle et la complexité du fonctionnement de ces transporteurs d’AA, j’ai l’impression que des pans entiers restent à découvrir sur la régulation de ces systèmes. La vision d’EAAT3 comme transporteur de cystéine est assez nouvelle, la fonction principale qu’on lui avait attribuée dans un pre- En effet, on s'y intéresse depuis une dizaine d'années, mais il reste encore beaucoup d'in-16- certitudes. Par exemple, concernant la régulation de la synthèse protéique, on ne sait toujours pas quels sont les transporteurs qui permettent l'activation de mTOR. Cela dépend des modèles cellulaires puisque toutes les cellules n'expriment pas tous les transporteurs. Cette forte spécificité d'expression pourrait expliquer pourquoi l'activation de la protéosynthèse répond différemment à certains acides aminés dans le foie, le muscle ou les cellules tumorales. Des études récentes se sont intéressées au rôle des transporteurs comme cibles thérapeutiques pour certaines pathologies, et notamment le cancer. Un article finlandais, paru il y a 3 ans, montre l'existence d'un lien entre le polymorphisme d’un transporteur d'acides aminés, B°+, et l'obésité ; ce polymorphisme pourrait aussi concerner la sensibilité au vieillissement ou la sensibilité aux troubles cardiovasculaires. Des pans entiers restent à explorer. tration massive d’acides aminés neutres, à l’exception du tryptophane. Les neuromédiations sont-elles influencées par le régime alimentaire ? Une carence en tryptophane peut-elle, par exemple, abaisser le taux de sérotonine cérébrale ? Sait-on modéliser ces turn-over d’acides aminés qui représentent plusieurs centaines de grammes par jour ? Chez les herbivores monogastriques, la source de protéines provient de l'absorption des acides aminés issus de la lyse bactérienne au niveau du côlon. Ce qui se passe au niveau de l'entérocyte est-il valable au niveau du colonocyte ? C'est sans doute très différent, mais malheureusement on ne sait pas très bien ce qui se passe au niveau du colonocyte. On sait que le système B°+ qui capte les acides aminés cationiques est fortement exprimé au niveau du côlon, alors que le système B° est spécifique de l'intestin grêle. Il faudrait connaître les acides aminés produits majoritairement par la flore et savoir si B°+ est davantage exprimé lors d’un régime pauvre en protéines afin de maintenir une certaine homéostasie. Ce type d’étude n’a pas été fait. C'est très difficile de suivre un acide aminé en particulier, car son métabolisme et son utilisation varient selon les organes. On dispose de modèles décrivant les flux de glutamine ou d’alanine à l'état stationnaire, mais la pertinence nutritionnelle de ces modèles est limitée car les apports protéiques d’un individu sont discontinus et nous ne sommes que rarement à l’état stationnaire. Dans notre laboratoire, on essaie d'intégrer ces flux sur du long terme et de les traiter avec des approches de modélisation compartimentale, mais on travaille globalement au niveau de l'azote et non pas d’un acide aminé individuel. Il est également possible de modéliser le métabolisme d’un acide aminé au niveau cellulaire. Le lien entre apport en acides aminés et neuromédiation n’est pas évident. Le foie joue un rôle crucial dans le contrôle de l’aminoacidémie, via les voies d’oxydations. Ainsi, un apport important en tryptophane va proportionnellement plus conduire à une augmentation de son oxydation hépatique qu’à une augmentation de la synthèse de sérotonine au niveau central. Plus que la carence en tryptophane elle-même, c’est un apport excessif des autres acides aminés neutres qui peut affecter la synthèse de sérotonine, en saturant les transporteurs communs au tryptophane et aux autres acides aminés neutres (ramifiés et aromatiques) présents au niveau de la barrière hémato-encéphalique, et limitant de fait l’entrée de cet acide aminé. Il existe d’ailleurs un modèle expérimental de déplétion en sérotonine basée sur l’adminis- Quelles sont les conséquences du vieillissement sur les transporteurs d'acides aminés ? -17- Résultats Je ne pense pas que cela ait été étudié. Par contre, des travaux ont été menés sur les transporteurs au cours de phases précoces de la vie. Au cours du vieillissement, il est vraisemblable qu'il y ait des dysfonctionnements dans la régulation des transporteurs qui concourent à altérer les mécanismes homéostatiques. - Un régime restreint entraîne une surexpression de SNAT3 dans le foie des souris. - La protéine SNAT3 est relativement stable puisque sa demi-vie est de 6 à 8 heures et qu’elle ne commence à se dégrader qu’à partir de 16 heures (cellules H2.35 issues d’hépatocytes de souris). La composition phospholipidique ou la fluidité des membranes interviennent-elles sur le fonctionnement des transporteurs d’acides aminés et sur l'état physiologique général de l'individu ? - Dans les cellules H2.35 privées de sérum, on observe une surexpression de SNAT3. - L’insuline présente dans le sérum diminue la transcription et l’expression de SNAT3 dans les hépatocytes en culture, mais cette diminution tend à se stabiliser. C’est le cas en effet. Des travaux ont montré que l'activité des transporteurs de glutamate variait en fonction de la composition des membranes, mais ils n'ont pas été menés dans une perspective nutritionnelle ou de vieillissement. - La régulation de SNAT3 par l’insuline fait intervenir la voie de signalisation PI3K-mTOR, mais pas celle des MAPK. - Sous l’effet de l’insuline, on observe une relocalisation rapide de SNAT3 au niveau membranaire et une augmentation de la captation d’histidine. Article 1 : - L’ajout de substrats du système A n’entraîne pas l’inhibition de l’absorption de l’histidine, contrairement à l’ajout de substrats du système N. « Régulation différentielle du transporteur d’acides aminés SNAT3 par l’insuline dans les hépatocytes » Conclusion des auteurs Introduction - A court terme, l'insuline agit sur des protéines qui permettent l’adressage membranaire du transporteur SNAT3 ou sa bonne conformation, ce qui entraîne une augmentation de la captation des acides aminés transportés par cette protéine. Les transporteurs SNAT transportent des acides aminés neutres qui fonctionnent avec le sodium (Sodium coupled Neutral Amino acid Transporters). Ils appartiennent à la famille de gènes SLC38, et en particulier SLC38A. Ils regroupent les systèmes A et N qui présentent des similarités de fonction et de régulation. Enfin, ils permettent le passage au travers des membranes de la L-glutamine, L-histidine, L-asparagine et L-alanine. - A plus long terme, l'insuline agit via la voie de régulation PI3K-mTOR et entraîne une diminution de la transcription ou de la stabilité de l'ARN et donc de l'expression de la protéine SNAT3. - La régulation de SNAT3 est différente de celle de SNAT4. Les transporteurs SNAT sont régulés par des hormones et des facteurs de croissance, dont l'insuline, mais aussi par la biodisponibilité du substrat, le jeûne... Les auteurs de cet article se sont intéressés à la régulation de SNAT3. - Les résultats de cette étude diffèrent de ceux obtenus par d'autres auteurs, car les modèles cellulaires utilisés sont différents. -18- Les réactions métaboliques varient avec le type de cellules et les voies de signalisation ne sont pas activées de la même façon. ditions expérimentales, de même que le nombre insuffisant des contrôles. Commentaires et discussion Article 2 : Quelles perspectives les auteurs pourraient-ils envisager ? « Conséquences d'une carence en lysine et arginine sur la régulation transcriptionnelle du récepteur cat-1 » Je pense qu'il serait intéressant d'étudier les conséquences d'une exposition chronique à l'insuline sur le transport des acides aminés. On ne sait pas si les différences d’expression qu'ils observent au bout de 80 heures se traduisent par une modification effective du transport. Ils pourraient aussi identifier d'autres facteurs de régulation que l’insuline et regarder l’effet du substrat d’autres acides aminés. J’aimerais savoir ce qui se passe in vivo et pourquoi on observe une surexpression de SNAT3 lors d’un jeûne (réponse à un manque de substrat, activation de la voie de désamination, …). Introduction Cat-1 est un des transporteurs d'acides aminés de la famille cat (cationic amino-acid transporter). Ils transportent des acides aminés cationiques (arginine, lysine, ornithine et histidine) et interviennent dans la synthèse protéique, la synthèse du NO, la biosynthèse des polyamines et les flux interorganes des acides aminés. Le KO de cat-1 est létal. Son expression est régulée au niveau de la transcription, du temps de demi-vie de l'ARN messager et de la traduction. On sait qu'une carence en acides aminés a pour conséquences l'inhibition de la synthèse protéique, via la phosphorylation d'eIF2χ, et l'augmentation de la transcription d’ATF4. Ce facteur de transcription active, directement ou indirectement, la transcription de gènes impliqués dans la survie ou la mort cellulaire. Dans cet article, les auteurs se sont intéressés aux mécanismes qui régulent l'expression de cat-1 et, en particulier, à l’implication d’eIF2χ et d’ATF4 dans le contrôle transcriptionnel de ce transporteur. Que pensez-vous des effets qu'ils observent avec l'insuline ? Contrairement à ce que disent les auteurs, je pense qu'il n'y a pas un effet de l'insuline après 24 heures, mais qu’il existe à plus long terme. Sinon, leurs résultats sont conformes avec ce que d’autres auteurs avaient déjà mis en évidence avec SNAT2. Pourquoi disent-ils que c'est l'insuline présente dans le sérum à des doses pharmacologiques qui module l'expression de SNAT3, alors que l’IGF1 agit à des doses physiologiques ? Pour les auteurs, l'insuline est une hypothèse mais, je suis d'accord avec vous, le facteur « actif » du sérum pourrait très bien être IGF1. Résultats - Confirmation du fait que l'induction de la transcription de cat-1 par la carence en acides aminés nécessite la phosphorylation d’eIF2χ et l'expression du facteur de transcription ATF4. Avez-vous des précisions sur le régime restreint qu'ils donnent à leurs animaux ? Les auteurs ne disent rien sur la nature et l'ampleur de la restriction alimentaire. On sait seulement qu'ils leur donnent moins à manger. On peut regretter ce flou sur les con- - Pour ATF4 : 1) accumulation rapide (2 heures) dans le noyau, puis retour à l'état basal ; 2) accumulation rapide dans le cyto-19- plasme mais pas de diminution. L’augmentation de la fixation d’ATF4 sur la séquence promotrice de cat-1 est concomitante à celle de Pol II et entraîne une augmentation de la transcription de cat-1. Elle est liée à la présence de C/EBPβ (action synergique ?). son inhibiteur ATF3 qui se fixe à sa place et inhibe la transcription de cat-1. Discussion Que pensez-vous de cet article ? Je le trouve excellent et très rigoureux. Les auteurs ont réalisé tous les contrôles nécessaires et utilisé différentes méthodes (northern blot, western blot, chip on chip) et deux modèles (cellules MEF et C6). C’est un des meilleurs articles sur la régulation de l'expression des transporteurs en situation de carence. - Pour ATF3 : 1) apparition plus lente (6 heures) mais stable dans le noyau, ce qui correspond à la diminution de fixation d'ATF4 et de Pol II ; 2) apparition également décalée dans le cytoplasme. ATF3 est un inhibiteur de la transcription de cat-1. - Pour C/EBPβ : 1) accumulation rapide (2 heures) mais durable dans le noyau ; 2) niveau d'expression constant dans le cytoplasme. Qu’entend-on par carence en acides aminés ? La carence en un seul acide aminé suffit-elle à induire l'augmentation d’ eLF2χ ? - La transcription de cat-1 produit 2 types d’ARNm. Le plus grand (7,9 kb) reste stable durant la carence ; le plus petit (3,4 kb) est très rapidement dégradé. La cinétique d'apparition des ARNm dans le cytoplasme est équivalente à la fixation d'ATF4 sur le promoteur de cat-1. Oui, s'il s'agit d'une carence en un acide aminé indispensable (tous sont essentiels), elF2χ sera phosphorylé et entraînera cette cascade de régulations. ATF4 augmente t-il seulement ATF3 et cat-1 ? Non, ATF4 régule l’expression de plusieurs enzymes. L’asparagine-syntéthase, par exemple, est l’une des premières cibles identifiées. D’autres transporteurs, comme SNAT2, LAT1 ou xCT, sont aussi régulés par ATF4 qui contrôle les acteurs impliqués dans la réponse à un stress de privation en acides aminés. - La région AARE est le site de fixation d’ATF4 et d’ATF3 ; c’est un élément de réponse aux acides aminés (l’absence d’acides aminés favorisant la fixation). La fixation des 2 facteurs de transcription nécessite leur hétérodimérisation avec C/EBPβ. Conclusion Article 3 : Une carence en acides aminés entraîne la phosphorylation d’eIF2χ qui conduit, dans un premier temps, à une augmentation de la concentration d'ATF4 dans le noyau. Celui-ci s'associe alors à C/EBPβ pour se fixer sur la séquence AARE. Cette fixation entraîne l’augmentation de l'expression de cat-1 qui induit l'entrée des acides aminés dans le cytoplasme. Elle entraîne aussi celle d’ATF3 qui inhibe en retour la fixation d'ATF4. On explique donc facilement la cinétique d’apparition décalée des facteurs de transcription : ATF4 s’accumule et se fixe en premier ; il induit l’expression de cat-1 mais aussi celle de « Rôle des transporteurs du glutamate dans la régulation des niveaux de glutathion dans les macrophages humains » Introduction Le glutathion est un antioxydant. C'est un tripeptide composé de trois acides aminés : glutamate, cystéine et glycine. La faible biodisponibilité de la cystéine dans la cellule, liée à une réduction intracellulaire de cystine, limite la formation de glutathion. La cystine -20- entre dans la cellule grâce à l'antiporteur xc(antiporteur cystine/glutamate correspondant à la protéine xcT) qui, en échange, fait sortir du glutamate. Lorsque la concentration extracellulaire en glutamate est trop importante, ce transport est inversé. Le transporteur est inhibé par le L-homocystéate et l'acide quisqualique. L'apport de cystine par l'antiporteur xc- est le facteur déterminant dans la régulation intracellulaire du glutathion. - La cystine est le facteur limitant, mais les MDM peuvent utiliser la glutamine, le glutamate et le L-aspartate pour augmenter la synthèse de glutathion. - L'augmentation de la synthèse de glutathion induite par le glutamate est contrôlée par les transporteurs EAAT. Conclusion Seuls EAAT et xc- sont impliqués dans la régulation de la synthèse du glutathion. Le premier capte le glutamate extracellulaire et, le deuxième, la cystéine. Les deux transporteurs coopèrent pour protéger les cellules contre la toxicité du glutamate et des radicaux libres. Deux autres systèmes de transport Na+ dépendants, ont aussi une forte affinité pour le glutamate : - le système XA,G-. Ce système correspond aux transporteurs d'acides aminés excitateurs (EAAT), comme le glutamate ou l'aspartate. Localisé principalement dans le système nerveux central, son rôle est de protéger les neurones et les astrocytes de l'excitotoxicité du glutamate. Les ligands sont le L-glutamate, le L-aspartate et le D-aspartate. Les inhibiteurs sont le THA et le trans-PDC ; Discussion Est-ce l'entrée de glutamate dans la cellule qui permet celle de la cystine ? C'est le transporteur EAAT qui fournit l'énergie nécessaire au transport de la cystine en créant un gradient de concentration de glutamate entre l'intérieur et extérieur de la cellule. Mais, dans le cerveau, il y a beaucoup plus de glutamine que de glutamate, la glutamine étant la forme circulante du glutamate. On est donc en droit de se demander si la coopération entre les transporteurs qu'ils mettent en évidence n'est pas seulement un artefact de manipulation lié aux conditions de culture. Le glutamate qu’ils mettent dans le milieu de culture des macrophages ne correspond pas à leur environnement naturel. Je pense qu'il aurait fallu rajouter une étape : celle du métabolisme de la glutamine et remplacer le transporteur du glutamate par celui de la glutamine. - le système XA,G est localisé, chez le rat, dans les cellules alvéolaires de type 2 et dans les astrocytes. Il peut se lier au glutamate, à l'aspartate, mais aussi à la cystine. Il a, lui aussi, le THA pour inhibiteur. Il existe donc une compétition entre le transporteur xc- et le système XA,G pour la cystine et le glutamate. L'objectif des auteurs était de déterminer les mécanismes par lesquels les transporteurs du glutamate et de la cystine interviennent dans la régulation de la concentration intracellulaire en glutathion des macrophages dérivés de monocytes humains (MDM). Dans un premier temps, ils ont cherché à savoir si les MDM possédaient le système XA,G. Ils ont ensuite voulu voir s'il existait des interactions entre ces trois transporteurs. Les auteurs de cet article nous disent que les acides aminés excitateurs ont un rôle protecteur vis-à-vis des neurones. Sur un plan physiologique, les neurones peuventils réguler, seuls, les flux de glutamine ou ont-ils besoin des macrophages pour être protégés ? Résultats - La cystine et le glutamate augmentent la synthèse du glutathion d'une manière dose dépendante. -21- Ce n'est pas le macrophage mais la cellule gliale qui protège le neurone du glutamate. La captation du glutamate par le neurone n'a qu'un rôle marginal dans la protection contre l'excitotoxicité. Dans ma présentation, je vous ai parlé d’EAAT3. Lorsque l'on fait un knock-out de ce transporteur neuronal de glutamate, les animaux ne font pas d'épilepsie, et ce n'est qu'au bout d'un certain temps qu’ils ont des problèmes liés au stress oxydant. Cela signifie qu’EAAT3 n'a pas d'effet protecteur vis-à-vis de l'excitotoxicité, à l’inverse d’EAAT2 dont le KO entraîne des convulsions à répétition et une neuro-dégénération rapide et fatale. sable chez les prématurés et la glycine dans des situations d'agressions (sepsis, par exemple). Il est intéressant de noter que ces deux acides aminés (cystéine et glycine) sont des précurseurs du glutathion. Je souhaiterais faire un commentaire sur les deux articles qui n'ont pas été choisis et dont je n’ai pas parlé dans ma présentation. Le premier* présente un très beau modèle de vieillissement accéléré (souris knock-out pour le transporteur xcT). Chez l'homme vieillissant, on observe un maintien, presque constant, des concentrations circulantes de cystéine et une augmentation lente mais inéluctable des concentrations de cystine. L'environnement extracellulaire devient donc de plus en plus oxydé. Le KO du transporteur xcT est aussi un bon modèle d'induction de pathologies vasculaires. En effet, lorsque l'on place des cellules endothéliales dans un milieu de culture potentiellement oxydé (ratio cystine/cystéine élevé), ces cellules expriment à leur surface des facteurs d'adhésion et recrutent des lymphocytes. Cette migration de lymphocytes ou de monocytes au travers de l'endothélium favorise la formation des lésions athéromateuses. Quelle différence y a-t-il entre un acide aminé essentiel, un acide aminé indispensable et un acide aminé conditionnellement indispensable? Le concept indispensable/essentiel est un concept assez général en nutrition. Un nutriment essentiel est un nutriment qui joue un rôle important dans l'organisme. Ainsi, les 20 acides aminés sont extrêmement importants puisque que, sans eux, il n'y aurait pas de synthèse protéique. Ils sont donc essentiels. Un nutriment indispensable est un nutriment que l'organisme n'est pas capable de synthétiser de nouveau ou qu'il synthétise en quantité ou vitesse insuffisantes pour permettre son bon fonctionnement. L'organisme est donc obligé de le trouver dans l’alimentation. C'est le cas de 9 acides aminés et de la grande majorité des vitamines, à l’exception des vitamines D et K dont les besoins pourraient être en théorie couverts par les synthèses endogènes ou microbiennes. Lorsque, dans certaines conditions physiologiques (vieillissement...) ou pathologiques (infections, agressions...), le besoin en certains acides aminés augmente et qu’il ne peut plus être satisfait par les interconversions métaboli-ques, un besoin nutritionnel apparaît et ces acides aminés sont appelés conditionnellement indispensables. Par exemple, la cystéine est conditionnellement indispen- Le deuxième article** s'intéresse à la collectine, une protéine impliquée dans l'adressage membranaire des transporteurs. Lorsque l'on mute cette protéine, on induit un défaut de transport des acides aminés neutres au niveau des tubules rénaux et on reproduit un phénotype proche de celui de la maladie de Hartnup. Une autre étude a montré que les souris mutées pour la collectine semblaient être protégées contre l'insulinorésistance. Les hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène ne m’ont pas paru très convaincantes mais le modèle m’a semblé intéressant. * Redox Imbalance in cystine/glutamate tranporter-déficient mice. ** Essential role for collectrin in renal amino acid transport. -22- Jean-François Huneau, Professeur d’Université, UMR 914 Physiologie de la Nutrition et du Comportement Alimentaire – INRA / Agroparistech Articles analysés Article 1 – présenté par Emmanuelle Reboul (UMR 1260 – Nutriments Lipidiques et Prévention des Maladies Métaboliques – Marseille) « Differential Regulation of Amino Acid Transporter SNAT3 by Insulin in Hepatocytes » - Sumin Gu, Carla J. Villegas, and Jean X. Jiang - THE JOURNAL OF BIOLOGICAL CHEMISTRY Vol. 280, No. 28, Issue of July 15, pp. 26055–26062, 2005 Article 2 – présenté par Nicolas Tardif (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine – Clermont-Ferrand – Theix) « A feedback transcriptional mechanism controls the level of the arginine/lysine transporter cat-1 during amino acid starvation » - Biochem. J. (2007) 402, 163–173 Article 3 – présenté par Maud Sigoillot (UMR 1324 – Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation – Dijon) « Role of glutamate transporters in the regulation of glutathione levels in human macrophages » - Am J Physiol Cell Physiol 281: C1964–C1970, 2001. -23- Contrôle nerveux de l'homéostasie énergétique : aspects centraux Luc Pénicaud Régulation nerveuse du pancréas et de son activité sécrétrice (schéma 2) Introduction Le fonctionnement des organes et tissus périphériques (qu'il s'agisse des organes ayant une activité sécrétrice comme le pancréas et les glandes surrénales, ou des organes impliqués dans le métabolisme intermédiaire comme le foie, le muscle et le tissu adipeux) est finement contrôlé par des hormones ou des métabolites, mais aussi pour la majorité d'entre eux par le système nerveux autonome (systèmes sympathique et parasympathique). Deux zones du cerveau sont impliquées dans le contrôle nerveux du métabolisme énergétique et du métabolisme en général : l'une est située au niveau de l'hypothalamus et l'autre au niveau du tronc cérébral (noyau du tractus solitaire et noyau moteur du nerf vague). (Schéma 1) Deux noyaux de l'hypothalamus interviennent dans la régulation de la cellule bêta pancréatique : l'hypothalamus latéral et l’hypothalamus ventromédian. Le premier contrôle l'activité du nerf vague et de différents neurones intermédiaires. Après un relais dans le noyau moteur dorsal du nerf vague puis dans des ganglions sympathiques situés dans le pancréas, l'influx parvient aux cellules β des îlots de Langerhans et augmente la sécrétion d'insuline, via la libération d'acétylcholine qui se fixe sur les récepteurs muscariniques. Le deuxième, le noyau ventromédian, contrôle le nerf splanchnique. Après deux relais, l'un dans la moelle épinière, l'autre dans les ganglions coeliaques, des Schéma 1 : Contrôle nerveux du métabolisme Source : UMR CNRS 5241 -24- Schéma 2 : Régulation nerveuse du pancréas et de son activité sécrétrice Source : UMR CNRS 5241 fibres nerveuses arrivent jusqu'aux cellules ßpancréatiques. Leur stimulation entraîne la libération de noradrénaline, qui se fixe sur des récepteurs de type α 2 adrénergiques, et conduit à une inhibition de la sécrétion d'insuline. Cette dualité entre l'activité du système parasympathique et celle du système sympathique se vérifie quelle que soit l’organe ou le tissu considéré. eux ont été identifiés. Le premier est situé dans l'hypothalamus, une zone profonde du plancher du cerveau. Le deuxième, le complexe vago-dorsal (ou CVD), se trouve sous le cervelet au niveau du bulbe. La majorité des données actuellement disponibles concerne le rôle de l'hypothalamus dans le contrôle de l'activité métabolique et hormonale de certains tissus. Rôle de l'hypothalamus dans l'homéostasie énergétique Je m'attarderai sur les mécanismes moléculaires et cellulaires qui permettent à certaines cellules du système nerveux central de détecter les variations d'hormones (insuline, leptine, ghréline) et de nutriments. En ce qui concerne ces derniers, je vais vous parler plus spécifiquement du glucose, mais parmi les articles qui vous seront présentés l'un concerne les lipides et l'autre les protéines. La régulation des organes périphériques implique l’existence de systèmes de détection au niveau du cerveau pour que celui-ci soit informé de l’état énergétique d'un individu. Ces systèmes de détection des signaux périphériques sont complexes. Deux d'entre -25- tique selon laquelle l'utilisation de glucose dans certaines régions cérébrales régulerait la prise alimentaire. Depuis, plusieurs expériences ont montré que le repas était « induit » par une diminution même légère de la glycémie et que certains neurones étaient sensibles à des variations de glucose au niveau de certaines régions cérébrales certains étant glucose-excités et d'autres glucose-inhibés. Ces neurones sont présents dans différents noyaux de l'hypothalamus : le noyau ventromédian, le noyau latéral et le noyau arqué. Ce dernier a la particularité d'être en contact avec le troisième ventricule et d'être extrêmement vascularisé. Comme à cet endroit la barrière hémato-encéphalique n'existe pas ou du moins est-ce que l’on nomme « lâche », le noyau arqué est extrêmement sensible aux variations des concentrations circulantes en hormones et métabolites ; mais seulement 20 % de ces neurones répondent aux variations de la concentration en glucose. L'exemple du glucose L’utilisation du glucose par les tissus dépend entre autres de sa concentration circulante. Il module aussi la sécrétion des gluco-incrétines au niveau du tractus digestif et donc la prise alimentaire. Il régule également son stockage sous forme de glycogène dans le foie et la sécrétion pancréatique de l'insuline. Enfin, il agit directement au niveau du système nerveux central pour contrôler certaines fonctions métaboliques : la production et l'utilisation du glucose, la sécrétion d'insuline, la prise alimentaire et la dépense énergétique. Les détecteurs périphériques du glucose Ces détecteurs périphériques sont aussi appelés senseurs ; ils ont été localisés principalement à trois niveaux : - de la veine porte. Il est impliqué dans la détection de l'hyperglycémie résultant de l'absorption alimentaire de glucose. L'activité des fibres afférentes du nerf vague est alors inversement proportionnelle à la concentration en glucose. Les effets diffèrent en fonction de cette concentration : diminution de la prise alimentaire, augmentation de l'utilisation du glucose par les muscles et le tissu adipeux, augmentation du stockage hépatique, ou diminution du glucagon et des catécholamines. Mécanismes moléculaires impliqués dans la sensibilité des cellules neuronales aux variations de concentration en glucose On retrouve pour certains de ces neurones des mécanismes (schéma 3) connus depuis longtemps pour la cellule ß du pancréas. Dans cette cellule, le glucose pénètre via le transporteur Glut2 (glucose transporteur 2), puis il est phosphorylé par la glucokinase (GK). Glut2 et GK présentent des caractéristiques biochimiques particulières qui leur permettent d'avoir une activité proportionnelle à la concentration de glucose. La métabolisation du glucose entraîne, en particulier, la production d'ATP. L'augmentation du rapport ATP/ADP conduit à la fermeture de certains canaux potassium-ATP-dépendants et donc à une variation du potentiel de membrane (delta Vm). Les influx et les efflux de calcium sont alors modifiés. Dans la cellule ß, l'augmentation du calcium intracellulaire permet la libération d'insuline à partir des granules, tandis que dans le neurone elle augmente le - du glomus carotidien. Il est situé à la jonction de la carotide externe et de la carotide interne. On sait seulement qu’il possède des cellules sensibles à l'hypoglycémie et à l'hypoxie, et des fibres afférentes sympathiques capables de remonter jusqu'au système nerveux central. - du pancréas. Les variations de glucose sont détectées par les cellules β-pancréatiques qui modulent la sécrétion d'insuline en fonction d’un état d'hypoglycémie ou d’hyperglycémie. Hypothalamus et glucose Jean Mayer, physiologiste belge, fût le premier, en 1953, à énoncer la théorie glucosta-26- Schéma 3 : Implication des espèces actives de l’oxygène (EAOs) potentiel d'action, entraînant la libération de certains neurotransmetteurs. Ce mécanisme permet d'adapter l'activité électrique d'un neurone à la concentration en glucose. cérébral module donc bien la détection du glucose. Par ailleurs, l'injection de l'anti-sens anti-Glut2 au niveau du noyau arqué inhibe légèrement la prise alimentaire spontanée. Si l’on injecte à une souris normale du 2désoxyglucose (un analogue du glucose qui utilise le même transporteur Glut2, mais n'est pas ensuite phosphorylé), on provoque une glucopénie cérébrale qui stimule fortement la prise alimentaire. Par contre, si l'animal a préalablement été traité avec un anti-sens anti-Glut2, la glucopénie n'est plus détectée et la prise alimentaire n'est plus stimulée. Des expériences menées avec des animaux KO pour Glut2 confortent ces résultats et sont présentées dans l'article 1. Plusieurs expériences ont montré que Glut2, la glucokinase et les canaux potassium/ATPdépendants jouent un rôle important dans certaines fonctions physiologiques, puisque ces dernières sont altérées par leur délétion. - L’implication de Glut2 Une injection de glucose dans le cerveau via la carotide n'augmente pas de façon significative la glycémie. Il existe seulement un pic d'insuline dû à l'injection et à l'augmentation de l'activité du tonus parasympathique. Ce pic peut être supprimé soit par une vagotomie, soit par l'injection préalable dans le noyau arqué d'un anti-sens anti-Glut2. La modification d'un des éléments du senseur Il est important de noter qu'il existe d'autres mécanismes. En effet, certaines cellules, pourtant sensibles aux variations de concentration de glucose, ne possèdent pas Glut2, -27- ou la glucokinase, ou les canaux potassiumATP-dépendants. On sait que pour des concentrations de glucose plus élevées d'autres types de canaux ioniques interviennent. Un des défis pour les chercheurs aujourd'hui est de déterminer les différentes sous populations de neurones parmi les glucoses excités et les glucoses inhibés, de connaître leur niveau de sensibilité au glucose et les mécanismes mis en jeu. Importance des neurones sensibles au glucose dans des situations pathologiques Lorsque l'on injecte dans le cerveau d’un rat normal via la carotide du glucose à des doses faibles (3 mg/kg), on n’observe pas de variation significative de l'insulinémie (une réponse insulino-sécrétrice est cependant obtenue avec une injection de glucose plus élevée : 9 mg/kg). Par contre, chez un rat obèse non diabétique (souche Zûcker), la sécrétion d'insuline a lieu dès la dose de 3 mg/kg ; chez cet animal, il y a donc une hypersensibilité cérébrale au glucose. Des expériences ont montré que, pour le même niveau de glucose, il y a, chez l'animal obèse par rapport à l'animal normal, une production accrue d'espèces actives de l'oxygène et une sécrétion d'insuline plus élevée. Chez un animal obèse, l'état redox de son hypothalamus est fortement oxydé par rapport à celui d'un animal non obèse. On peut, grâce à un traitement du rat obèse par la glutathionéthyl-ester rétablir la balance redox, limiter la production d’EAOS et faire disparaître le pic d'insuline. - L'implication des EAOS D'autres acteurs moléculaires sont mis en jeu lorsque le glucose est métabolisé : c'est le cas des espèces actives de l'oxygène (EAOs). En effet, l'oxydation de substrats (glucose, mais l’article 3 montre que c’est également vrai pour les lipides) par la chaîne respiratoire entraîne non seulement la production d'ATP, mais aussi celle des EAOS, en particulier au niveau des complexes 1 et 3 (schéma 3). Des chercheurs se sont intéressés aux conséquences d’une modulation de la production des espèces actives de l'oxygène comme acteur de la sensibilité au glucose des cellules nerveuses. La roténone est un inhibiteur du complexe 1 et donc du flux d’électrons. Elle entraîne une augmentation de la production des EAOs qui peut être bloquée par les anti-oxydants. Chez le rongeur, l’injection de glucose ou de roténone dans le cerveau via la carotide entraîne une augmentation de la concentration hypothalamique en EAOs, qui est ramenée à la normale par un pré-traitement avec les anti-oxydants. Il en est de même pour l’activité électrique du noyau arqué et la sécrétion d’insuline. Ainsi, l'élévation transitoire d'espèces actives de l'oxygène produite par l'arrivée du glucose est un fait acquis. Des équipes cherchent désormais à découvrir les types de canaux ioniques, modulés par les ROS, qui expliqueraient le changement d'activité électrique. Parmi les cibles étudiées, les canaux de type RyR semblent de bons candidats. Rôle des astrocytes dans la sensibilité au glucose Depuis une vingtaine d’année, il existe un consensus selon lequel tous les flux de nutriments passeraient par l'astrocyte avant d'atteindre le neurone. Depuis les années 199095, des données immuno-histologiques ont mis en évidence l'existence de Glut2 sur certains astrocytes. Le rôle de ces astrocytes dans la sensibilité au glucose fait l’objet du premier article. D'autres expériences ont montré que l’injection de glucose dans le noyau arqué augmentait l'activité de certains astrocytes. Le premier article montre que les mécanismes sont certainement plus complexes que ceux initialement proposés. Ce ne sont en effet peut-être pas les neurones qui détectent les variations de concentration du glucose mais les astrocytes (schéma 4). Ces derniers, grâce -28- Schéma 4 : Rôle des astrocytes dans la sensibilité au glucose. à des signaux qui permettent le couplage astrocyte-neurone, informeraient les neurones adjacents des modifications de concentration. Selon certaines théories, le substrat principal du métabolisme cérébral est le lactate et non le glucose. Or, lorsque ce dernier est métabolisé par l'astrocyte, il y a une production de lactate plus ou moins importante, et ce sont les variations de concentration de lactate qui sont détectées par certains neurones dans certaines régions du cerveau. Des expériences d'électrophysiologie ont montré que lorsqu'on faisait varier la concentration de lactate, on activait certains neurones cérébraux. augmente, les astrocytes libèrent du lactate, ce qui entraîne l’activation de certains neurones et, via des voies nerveuses, la modulation de l’excrétion rénale. De même, le glucose serait, dans certaines régions cérébrales, détecté en premier par les astrocytes équipés du transporteur Glut2. Le lactate produit par ces astrocytes serait ensuite récupéré par les transporteurs MCT présents à la surface de certains neurones. Effets cérébraux de la leptine et de l'insuline En dehors des nutriments (glucose, lipides et protéines), d'autres signaux sont extrêmement importants en termes de régulation du métabolisme énergétique. Deux hormones sont très étudiées au niveau central : l'insuline et la leptine. Les effets cérébraux de la Un parallèle peut être fait avec la régulation de la concentration en sodium, dont les variations sont également perçues par les astrocytes. Lorsque la concentration en sodium -29- mentaire. La délétion du récepteur à la leptine dans les neurones conduit au même phénotype. première sont connus depuis de nombreuses années et plus récemment pour la seconde. Plusieurs études ont montré, à la fin des années 70, que les variations plasmatiques de ces deux hormones étaient très souvent corrélées à l'indice de masse corporelle : plus vous êtes gros et plus vous produisez d’insuline. Si les effets périphériques de l'insuline étaient évidents, ses effets au niveau central restaient à démontrer. Était-elle impliquée dans la régulation de l'homéostasie énergétique ? Effets des hormones sur certains neurones hypothalamiques Des équipes américaine et anglaise ont montré que la leptine est capable de moduler l'activité électrique des neurones NPY et des neurones POMC. De même, l'insuline diminue l'expression de NPY et augmente celle de POMC, entraînant l'inhibition de la prise alimentaire et de l'activité électrique de certains neurones hypothalamiques. On considère aujourd'hui que les deux hormones sont en fait des modulateurs de neurones euxmêmes contrôlés par différents substrats, dont le glucose. D'autres protéines jouent un rôle non négligeable dans la régulation du métabolisme énergétique. C'est le cas de la MPkinase et de mTOR, cette dernière faisant l'objet du quatrième article. Présence de récepteurs hormonaux au niveau cérébral Dans les décennies qui suivirent, et grâce aux mêmes techniques que celles présentées dans les articles de cette session, les récepteurs hormonaux ont été mis en évidence ainsi que leur contrôle de la prise alimentaire et de l'activité du système nerveux autonome. Ils sont présents dans différents noyaux de l'hypothalamus, et leur densité est forte au niveau du noyau arqué. Conclusion Insuline, leptine et balance énergétique Plusieurs mécanismes sont aujourd'hui proposés pour expliquer la sensibilité au glucose de certains neurones au niveau hypothalamique ou au niveau cérébral (schéma 5) : Ces 2 hormones exercent le même effet au niveau central : elles ont tendance à inhiber la prise alimentaire, à augmenter l'activité du système nerveux sympathique et à diminuer celle du parasympathique. Chez l'animal, et peutêtre chez l'homme, elles augmentent la dépense d'énergie, ce qui entraîne une diminution de la masse adipeuse et du poids corporel. - métabolisation du glucose via les transporteurs de type Glut phosphorylation 1) production d'ATP modulation de l’activité de différents canaux ioniques libération de neurotransmetteurs ; 2) augmentation des EAOs ; Récepteur à l'insuline et métabolisme énergétique - détection et métabolisation du glucose par la cellule gliale qui libère ensuite du lactate. Celuici est récupéré par les neurones équipés de certains transporteurs membranaires, les MCT ; La délétion du récepteur à l'insuline, principalement dans les neurones, entraîne une augmentation du poids corporel, une augmentation de la masse grasse chez ces animaux KO par rapport aux animaux contrôle. Il n'y a pas de modification nette de la glycémie et l'insulinémie n'est que légèrement modifiée. Par ailleurs, l'insuline induit dans l'hypothalamus la production transitoire de ROS nécessaire à l'inhibition de la prise ali- - existence de certains neurones sensibles au glucose qui seraient équipés de transporteurs de la famille des SGLT sur lesquels viendrait se fixer le glucose ; - existence de véritables récepteurs au glucose qui n'ont été décrits que chez la drosophile. -30- Schéma 5 : Mécanismes expliquant la sensibilité au glucose de certains neurones au niveau hypotalamique ou cérébral On est encore loin de comprendre quel est le rôle physiologique de chacun des sous types de neurones qui sont équipés de systèmes de détection différents. Une autre manière d'aborder le problème est d'étudier les neuropeptides ou les neurotransmetteurs qui interviennent dans la régulation de la prise alimentaire et de l'homéostasie énergétique au sens large (schéma 6). L’article 2 s’intéresse à la caractérisation, en termes de peptides, de certains neurones glucosensibles dans le noyau arqué. Schéma 6 : Le noyau arqué. Discussion Connaît-on la quantité de neurones glucoseinhibés par rapport à celle des glucose-excités dans le noyau arqué ? On estime qu'il y a environ 20 à 25 % de neurones glucose-excités pour seulement 7 à 8 % de glucose-inhibés. Dans le noyau ventromédian, la proportion de neurones glucoseexcités par une hypoglycémie est du même ordre. D'après ce que vous nous avez dit, le transporteur Glut2 ne serait donc pas indispensable ? Source : Barsh and Schwartz, 2002 En effet ; 2 ou 3 équipes ont montré que certains neurones glucosensibles n'expriment pas Glut2. C'est pourquoi je pense que celui-31- ci n'est pas indispensable pour certaines réponses physiologiques mais impliqué dans d’autres. Aujourd'hui, on essaie surtout de déterminer quels sont les neurones et les neurotransmetteurs impliqués dans telle ou telle réponse physiologique. Ne peut-on pas imaginer un couplage métabolique entre différents types cellulaires : des cellules munies du système Glut2 repéreraient le glucose et transmettraient l’information, via un signal nerveux ou un signal métabolique, à des neurones situés à proximité ? On voit que les pistes de recherche ne manquent pas, ce qui est très motivant. Dans ta présentation, tu n'as parlé que du glucose. C'est concevable dans une situation d'hypoglycémie mais pas d'hyperglycémie. Dans ce cas, on a aussi une hyperlipémie, une hyper amino-acidémie, une augmentation de l'insulinémie. Il faudrait donc intégrer un ensemble d'autres signaux, ce qui augmenterait encore la complexité. En ne regardant que le glucose, on se met dans une situation qui ne correspond pas aux situations physiologiques normales. Comme les expériences dont je vous ai parlé ont été faites en utilisant un bloqueur de la transmission synaptique, on est sûr que les neurones qui ont été enregistrés sont bien ceux qui perçoivent directement les variations. Mais si l'on peut affirmer qu’il n'existe pas de couplage neurone/neurone, on ne peut pas dire qu’il n'existe pas de couplage astrocyte/neurone. La question est délicate. C'est vrai que la réalité est encore beaucoup plus complexe que ce que je vous ai décrit. Dans cette présentation que je me suis volontairement limité au glucose car c'est le nutriment qui a été le plus étudié. Les lipides et les protéines jouent également un rôle important dans la régulation centrale de l'homéostasie énergétique. L'article 3 de cette session concerne la détection cérébrale des lipides. Il aborde le rôle des EAOS comme molécules "signal" dans la détection des lipides, les auteurs s’intéressant aux mécanismes intracellulaires impliqués dans la détection hypothalamique des acides gras circulants. La sensibilité aux lipides et ses conséquences au niveau périphérique fait l'objet de la prochaine session. D'un côté tu dis que c’est le neurone qui perçoit la glycémie via Glut2 et de l'autre que ce n'est pas le neurone mais l'astrocyte. Est-ce qu'il existe un modèle expérimental permettant de mimer les activités spécifiques de l’astrocyte et la réponse du neurone ? Malheureusement, nous ne disposons pas aujourd'hui de bons modèles de culture cellulaire pour étudier la sensibilité aux nutriments. Aucune donnée ne permet aujourd'hui de concilier les deux hypothèses. A mon avis, les 2 existent mais ni au même niveau, ni pour les mêmes réponses physiologiques. On peut, par exemple, imaginer que la régulation de la prise alimentaire passe par l'astrocyte, mais que la réponse contre-régulatrice passe directement par une détection neuronale dans certaines zones cérébrales. On peut aussi imaginer que des concentrations trop élevées de glucose puissent « déborder » les capacités métaboliques des astrocytes et qu'il y ait une prise en charge directement par les neurones. On ne sait toujours pas si les mécanismes mis en jeu diffèrent selon les neurones considérés ou selon le niveau plus ou moins élevé de concentration en glucose. -32- cérébrales qui sont activées par une hypoglycémie, chez les souris témoins mais pas chez les souris KO, sont localisées au niveau de l'hypothalamus et du tronc cérébral. Chez les souris KO pour Glut2, l’injection de 2DG a donc entraîné une altération de la détection du glucose au niveau du cerveau. Article 1 : « Régulation de la sécrétion du glucagon par les transporteurs de glucose Glut2 et les capteurs de glucose astrocyte-dépendants » Introduction Le glucagon est une hormone peptidique qui a été mise en évidence en 1923 à partir d’extraits de pancréas. Un repas riche en glucides induit une hyperglycémie qui déclenche à son tour la sécrétion d'une hormone hypoglycémiante : l’insuline. Lorsque la glycémie descend en dessous du seuil de 1g/l, la cellule pancréatique produit du glucagon afin de rétablir une glycémie normale. Dans une étude préalable, les auteurs de cet article ont observé que chez des souris pour lesquelles le transporteur membranaire de glucose Glut2 n'était pas exprimé (souris KO pour Glut2), il n'y a pas de sécrétion de glucagon. Dans cette étude, ils ont cherché dans quelles zones du cerveau et dans quels types de cellule se situent les récepteurs qui activent la sécrétion du glucagon. - Localisation des transporteurs Glut2. Après le transfert du gène Glut2 dans les souris KO, soit au niveau des cellules gliales, soit au niveau des neurones, les auteurs ont observé que : 1) lorsque Glut2 est exprimé dans les cellules gliales mais pas dans les neurones, il y a sécrétion de glucagon ; 2) lorsque Glut2 est exprimé dans les neurones mais pas dans les cellules gliales, il n'y a pas de sécrétion. Les transporteurs Glut2 impliqués sont donc présents dans les cellules gliales, mais seuls les neurones transmettent l'information. Discussion Finalement, le 2DG induit-il une hypoglycémie ou une hyperglycémie ? Cet analogue du glucose est bien transporté dans la cellule mais, comme il n'est pas métabolisé, la cellule manque de ce substrat. Elle est en glucopénie. Cela déclenche un ensemble d’adaptations physiologiques qui aboutit au niveau plasmatique à une hyperglycémie. Le 2DG a été utilisé chez l'homme, en particulier, pour réguler le déclenchement de la prise alimentaire et l’ensemble des réponses contre régulatrices, c’est à dire celles mises en jeu au cours d’une hypoglycémie. Résultats - Validation du modèle de souris utilisées : ripglut1 ; ripglut2 -/-. Ces souris, dont le transporteur endogène Glut2 est inactif, vivent et se reproduisent normalement. Elles ont une masse corporelle normale et une glycémie équivalente à celle des souris contrôle, sauf après une période de jeûne. Leur sécrétion d’insuline est normale car les auteurs ont restauré Glut1 au niveau du pancréas, mais elles ne sécrètent pas de glucagon. L’injection de 2-desoxy-D-glucose, ou 2DG (un analogue du glucose qui utilise les mêmes transporteurs mais n’est pas métabolisé dans la cellule), induit chez les souris contrôles mais pas chez les souris KO une sécrétion de glucagon. Ceci s'explique par la présence chez les premières et l’absence chez les secondes des transporteurs de glucose Glut2. Est-on sûr que l'expression de Glut2 est spécifique des cellules nerveuses ? La GFAP n'est pas spécifique des astrocytes. Dans les modèles transgéniques, on résume souvent le phénotype d'une cellule à l'expression d'un gène et même à une petite séquence du promoteur de ce gène. Le montage est séduisant ; il est peutêtre vrai. Mais dans tous les modèles transgéniques qui sont actuellement très utilisés, une grande partie des résultats et des interprétations n'est-elle pas fausse ? - Localisation des zones cérébrales par immunoréactivité de type c-Fos. Les zones -33- C'est une question que nous devons tous nous poser. Il faut toujours être très prudents avec les résultats obtenus en utilisant des animaux transgéniques et savoir rester critique. Même si les astrocytes expriment beaucoup de GFAP, on sait que d'autres tissus l'expriment également. C’est le cas des adipocytes. Une expression forte de Glut2 par différentes cellules qui expriment normalement faiblement la GFAP pourrait interférer avec celle des astrocytes et fausser les interprétations. Pour augmenter la pertinence de leurs résultats, les auteurs de cet article ont utilisé différentes lignées transgéniques. Le recours à certains outils pharmacologiques aurait permis de conforter les résultats. Pour voir dans quelles zones cérébrales les récepteurs Glut2 sont présents, les auteurs ont utilisé la technique d'immunocytochimie c-Fos. On imagine toujours qu'il y a activation d'un neurone quand on observe une activité transcriptionnelle. Pourtant, on sait que bon nombre de régulations ne nécessitent pas d'activité transcriptionnelle. En utilisant l’outil c-Fos, au demeurant très utile, ne risque t-on pas de passer à côté d'un certain nombre d'événements ? Quel que soit le stimulus, il existe une très bonne corrélation entre l'activation d'un neurone, la transcription d’un neuropeptide et l'activation de c-Fos. Mais il est vrai que l'on peut passer à côté d'événements très précoces ou des activations qui n'utilisent pas cette voie. On dispose aujourd’hui de marqueurs beaucoup plus sensibles que c-Fos. Une autre manière plus précise d’étudier ces phénomènes est d’étudier la réponse électrique des neurones en utilisant des techniques d’électrophysiologie. Attention aux abus de langage ! Pour le moment, la présence de récepteur au glucose dans le système nerveux central n'a pas été démontrée, au moins chez les mammifères. Il faut parler de capteur ou de détecteur, car une cellule dite sensible au glucose est capable de détecter les variations de concentration de glucose par un ensemble de mécanismes mettant en jeu différentes protéines ou enzymes et non pas un récepteur. Article 2 : « Caractérisation des sous-populations de neurones glucosensibles dans le noyau arqué » Sait-on si la microglie peut aussi détecter les variations de la concentration de glucose ? A ma connaissance, cela n'a jamais été démontré, ni peut-être même recherché. Par contre, certaines équipes se sont intéressées aux tanicytes car ces cellules qui bordent l’épithélium des ventricules expriment certains acteurs moléculaires (comme par exemple Glut2, la glucokinase...). Étant donné la localisation de ces cellules, il serait intéressant d’en savoir davantage. Introduction Le noyau arqué est situé à la base du cerveau, dans l'hypothalamus, à proximité de l'éminence médiane, l'OCV (organe circum ventricular), qui est une barrière hématoencéphalique lâche puisqu'elle peut laisser passer des molécules provenant de la périphérie. La régulation du glucagon ne se fait-elle qu’au niveau central ? - Deux types de neurones principaux ont été caractérisés dans le noyau arqué : les neurones NPY (neuropeptide Y) et les neurones POMC (pro-opio melanocortin). Ces neurones projettent dans d'autres aires de l'hypothalamus et jouent un rôle dans la régulation de la balance énergétique. Non, elle se fait majoritairement au niveau périphérique. Dans cet article les auteurs s'intéressaient uniquement à la régulation centrale, c'est pourquoi ils ont passé sous silence l'effet périphérique. -34- - Quatre types de neurones sensibles au glucose ont été décrits : GI (glucose inhibited), GE (glucose excited), HGI (high glucose inhibited) et HGE (high glucose excited). Leur activité électrique varie en fonction de la concentration de glucose dans le noyau arqué. Lors d'une hypoglycémie (concentration de glucose inférieure à 5mM), les neurones GI ont une activité électrique augmentée, tandis que les neurones GE ont une activité inhibée. Lorsque la concentration en glucose est supérieure à 5mM (hyperglycémie), les HGE ont une activité électrique augmentée et les HGI une activité inhibée. Si la sensibilité au glucose est perçue pour les neurones GE via un canal potassium ATP sensible, et pour les neurones HGE via un canal cationique non sélectif, on ignore tout des mécanismes concernant les neurones GI et HGI. - 40 % des neurones NPY sont dépolarisés pour une concentration de glucose inférieure à 5mM : ce sont donc des neurones GI. Ces neurones NPY, qui ne sont jamais des HGI, détectent directement le glucose (test utilisant TTX). - La plupart des neurones GI du noyau arqué sont des neurones NPY. - Les neurones POMC du noyau arqué ne sont pas sensibles au glucose, contrairement à certaines données de la littérature. Conclusion et perspectives (Schéma 6) - Comme le gemfibrozil utilisé dans cette étude est spécifique des canaux CFTR du cœur, il faudrait confirmer le rôle de ces canaux dans la sensibilité au glucose des neurones GI du noyau arqué par des études in vitro et in vivo. Dans cet article, les auteurs s'étaient fixés deux objectifs : caractériser les différentes populations de neurones sensibles au glucose du noyau arqué et déterminer leur phénotype en particulier NPY. - Il reste encore à déterminer le(s) neurotransmetteur(s) utilisé(s) par les trois autres classes de neurones. La neuromédine U, qui est connue pour être exprimée dans le noyau arqué et pour inhiber la prise alimentaire, pourrait être le neurotransmetteur utilisé par les neurones HGI. Résultats - Confirmation de l’existence de 4 sous-populations de neurones glucosensibles dans le noyau arqué. Discussion Commentaire. - Les neurones GI détectent directement les changements de glucose dans le milieu extracellulaire, car la dépolarisation s'observe même après avoir bloqué les entrées présynaptiques du glucose par de la tétrodotoxine. J'ai choisi cet article pour vous montrer qu'une approche électrophysiologique permet de bien caractériser les neurones et de voir quels canaux sont mis en jeu, même si les résultats doivent être confirmés par d’autres approches (pharmacologique, KO, c-Fos). - La dépolarisation des neurones GI du noyau arqué (mais aussi du noyau ventromédian) est due à une diminution de la conductance du chlore. Les neurones POMC ne sont pas sensibles au glucose. A quels autres métabolites ou autres hormones sont-ils sensibles ? On sait, par exemple, qu'ils sont sensibles à l'insuline et à la leptine. Ces hormones sont effectivement impliquées dans le contrôle nerveux de la balance énergétique et viennent moduler la réponse au glucose ou à d’autres métabolites. - Le gemfibrozil ouvre les canaux CFTR (ce sont des protéines membranaires qui permettent les flux de chlore entre la cellule et le milieu extérieur) des neurones GI, et cet effet est irréversible. La sensibilité au glucose des neurones GI passe donc bien par les canaux CFTR. -35- est un bon modèle d'hypertriglycéridémie aiguë, sans modification des paramètres hormonaux (glycémie, insulinémie, leptinémie). Article 3 : « Rôle des espèces actives de l’oxygène mitochondriales dans la détection cérébrale des lipides » - Une hypertriglycéridémie aiguë provoque une production de ROS localisée (plus importante au niveau de l'hypothalamus ventral que de l'hypothalamus dorsal ; aucune modification au niveau du cortex), rapide et transitoire. Elle modifie le statut redox sans stress oxydatif (étude du ratio glutathion oxydé/glutathion réduit). Introduction L'homéostasie énergétique est assurée par l'équilibre entre les apports (prise alimentaire) et les dépenses énergétiques (thermogenèse, métabolisme de base, activité physique). Cet équilibre, qui contrôle le poids corporel, est finement régulé au niveau du système nerveux central, et en particulier au niveau de l'hypothalamus. En effet, ce dernier est capable de détecter les signaux nerveux et hormonaux, ainsi que les nutriments circulants (glucose et acide gras). En d'autres termes, cette régulation par l'hypothalamus permet d'ajuster la balance énergétique en stimulant ou en inhibant les dépenses ou les apports. On sait que l'élévation du niveau des lipides plasmatiques inhibe la prise alimentaire et stimule le stockage énergétique périphérique. Des expériences ont montré qu'une injection intra-cérébroventriculaire d'acides gras à longues chaînes inhibe la prise alimentaire, active des neurones hypothalamiques et module l’expression de neuropeptides hypothalamiques. - Dans l'hypothalamus, la production de ROS consécutive à une hypertriglycéridémie est liée à une augmentation de la respiration mitochondriale. Elle est impliquée dans la régulation de la prise alimentaire. - Après un jeûne de 18 heures, la respiration mitochondriale basale est augmentée. Cette augmentation est associée à l'augmentation de l'expression d'une protéine découplante qui stimule la respiration mitochondriale : UCP2. Par ailleurs, une hypertriglycéridémie n'induit pas d'augmentation de la respiration ou de la production de ROS. Conclusion - Une voie de signalisation hypothalamique redox-sensible est impliquée dans la détection cérébrale des acides gras. - Cette voie de signalisation peut être modulée en condition physiologique et pourrait impliquer UCP2. Les auteurs de cet article se sont intéressés aux mécanismes intracellulaires impliqués dans la détection hypothalamique des acides gras circulants. Leur hypothèse était que l'augmentation des lipides périphériques allait entraîner au niveau de l'hypothalamus une stimulation du métabolisme mitochondrial et que l'augmentation de la production d'espèces actives de l'oxygène (EAOs ou ROS) qui en résulterait entraînerait une modulation de la prise alimentaire des animaux. Discussion Les auteurs ont injecté directement l'antioxydant dans le cerveau des rats. Comme c’est inenvisageable chez l'homme, peut-on considérer que ce modèle est un bon modèle ? Peut-on relier ces résultats à ceux que l'on obtiendrait avec des régimes préventifs enrichis en antioxydants ? Leur but était de voir si les espèces actives de l'oxygène avaient un rôle dans la régulation de la prise alimentaire. On ne peut que difficilement spéculer pour affirmer qu'un régime Résultats - L'injection d'une émulsion de différents lipides par voie intrapéritonéale (intralipides) -36- riche en antioxydants aurait le même effet chez l'homme, mais je ne le pense pas. d'autres paramètres physiologiques comme la production hépatique de glucose. On sait aussi que des cellules du cerveau sont sensibles aux lipides, mais on ignore à quels lipides (glycérol, acides gras, céramides...) et quels sont les mécanismes cellulaires et les neurones impliqués dans la détection (NPY, POMC ?). Il semble que certains neurones répondent à la fois aux acides gras et au glucose et que d'autres sont spécifiques à l’un ou l’autre des métabolites. Les méthodologies sont toujours critiquables car, pour des raisons expérimentales, nous sommes obligés de simplifier les approches. Qu'entend-on par captation mitochondriale des lipides ? Pour pouvoir exercer un effet sur le métabolisme mitochondrial, les lipides doivent traverser la double membrane. Pour s'assurer que les effets observés sont bien liés au métabolisme des lipides dans la mitochondrie et non pas à un autre métabolisme situé dans le cytoplasme, on bloque le complexe CPT1-CPT2 par de l’étomoxir. Cette drogue empêche la pénétration des acides gras dans les mitochondries, ce qui permet d'affirmer que les différences observées sont bien liées à la production de ROS dans la mitochondrie et non à d'autres activités enzymatiques dans le cytoplasme. L'injection intraventriculaire est une technique violente, mais d’un autre côté on n'a guère le choix. Avec l'icv, on est sûr d'injecter dans le ventricule, tandis qu'avec une injection intraveineuse on ne sait pas si la molécule traverse la barrière encéphalique. Par contre, comme vous travaillez sur les ROS, je suis gêné par le fait qu'elle induit un milieu oxydant artificiel et même anormal. L’injection d'intralipides modifie-t-elle l'hémodynamique dans le cerveau puisqu’on modifie localement l'apport d'oxygène ? Par ailleurs, l'augmentation des lipides s’accompagne de celle du glycérol du fait de la lipolyse. Avez-vous fait un contrôle du glycérol car sa transformation en aldéhyde pourrait régénérer localement des ROS ? Tu as raison, ce sont des expériences assez drastiques dans lesquelles on modifie effectivement la structure du tissu que l'on étudie. On a pris malgré tout un grand nombre de précautions en implantant les canules, chez les animaux contrôlés comme chez les animaux injectés, deux ou trois semaines avant le début des mesures, espérant ainsi revenir à des niveaux proches de l'état normal. A la première question, je répondrais "probablement pas" car l'injection n'a pas été faite directement dans le cerveau. Si cela avait été le cas, on aurait changé la fluidité membranaire et modifié l'hémodynamique. Concernant le glycérol, nous n’avons pas fait de contrôle. Nous aurions peut-être dû le faire mais, dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à l’intralipide. Notre méthode n’était pas très originale mais, comme toutes les équipes qui travaillent sur la détection des lipides, nous avons repris au niveau cérébral les méthodes utilisées au niveau périphérique. Dans cet article, nous sommes intéressés aux ROS, mais d'autres mécanismes (dont certains seront présentés dans la prochaine session) sont en train d'être « décortiqués ». On sait, par exemple, que l'augmentation d’acéthyl-CoA au niveau cérébral inhibe la prise alimentaire et A-t-on retrouvé les récepteurs du glucose, qui sont spécifiques des molécules énergétiques, ailleurs que dans la bouche ? Ils existent au niveau intestinal. On recherche actuellement des récepteurs du goût au niveau cérébral. Les seules données dont on dispose ont été obtenues sur la drosophile et un nématode. L'imagerie permet-elle de visualiser sur l'animal vivant les productions locales de ROS ? Nous essayons de le faire sur des cultures cellulaires. Une équipe est parvenue à observer -37- la production de ROS par des neurones POMC, mais par des techniques d'imagerie ex vivo. Certaines équipes ont développé des modèles de souris transgéniques avec des promoteurs ROS sensibles permettant d'exprimer la GFP ou une autre protéine fluorescente et « d'allumer » différents tissus, voire différents types cellulaires in vivo. La GFP pose cependant un autre problème, puisque sa surexpression modifie le métabolisme redox de la cellule. - Identification des populations neuronales du noyau arqué exprimant pmTOR et pS6K1 : elles sont colocalisées à 90 % avec AgRP et à 45 % avec POMC. Rappelons que les deux populations de neurones, NPY et AgRP, sont orexigènes (ils augmentent la prise alimentaire), et que les neurones POMC et CART sont anorexigènes (ils diminuent la prise alimentaire). - Modulation de la signalisation mTOR dans l'hypothalamus suivant l’état des réserves énergétiques : un jeûne de 48 heures entraîne dans l'hypothalamus une nette diminution de pS6K1 et de pS6. Chez les animaux à jeun, on observe une diminution du nombre de cellules exprimant pmTOR et pS6K1, ainsi qu'une diminution de l'activation de la voie mTOR lorsque l'énergie disponible est faible. Article 4 : « Rôle de la protéine mTOR dans la régulation de la prise alimentaire » Introduction - Effet de mTOR, via les nutriments, sur la prise alimentaire et la régulation de la balance énergétique : la leucine a un effet anorexigène lié à l’augmentation de l’activité mTOR et à la diminution de l’expression de NPY ; la valine n’a d’effet ni sur la prise alimentaire, ni sur le poids. La protéine mTOR est, chez les mammifères, inhibée par la rapamycine. Son activation par les facteurs de croissance, les cytokines et les nutriments passe principalement par la voie PI3K et AKT. La phosphorylation de mTOR aboutit, d'une part, à la traduction et à la synthèse protéique et, d'autre part, à l'organisation du cytosquelette. Outre son rôle dans la croissance et la prolifération cellulaire, mTOR intervient également en tant qu'intégrateur des signaux nutritifs et hormonaux. Partant du fait que l'augmentation de l'activité de mTOR conduit au diabète et à l'obésité, les auteurs de cet article ont voulu savoir si cette protéine pouvait être impliquée dans la régulation de la prise de nourriture. - Effet de l’inhibition de mTOR : l’injection intraventriculaire de rapamycine inhibe la voie mTOR, du fait de l’inhibition de la phosphorylation de S6K1 et de S6, et augmente la prise alimentaire à court terme. L’effet anorexigène de la leucine est aboli par l’injection de la rapamycine. Il y a donc une spécificité de la voie mTOR pour l’effet de la leucine. - L’effet anorexigène de la leptine dépend de la voie mTOR. Résultats Conclusion - Localisation des formes activées (phosphorylées) de la voie mTOR dans le système nerveux central : pmTOR et pS6K1 sont présentes dans l'hippocampe, le thalamus, le cortex et l'hypothalamus. pmTOR est retrouvée dans le noyau paraventriculaire et dans le noyau arqué ; elle est colocalisée avec pS6K1 dans ce dernier. L’apport de certains acides aminés (leucine), de leptine et la réalimentation après un jeûne augmentent l’activité de la voie mTOR et diminuent la prise de nourriture. Il convient cependant de moduler l’importance de cette voie car seuls 45 % des neurones POMC expriment mTOR. -38- Luc Pénicaud, Directeur de Recherche CNRS, Directeur de l’UMR 1324 Centre des Sciences du Goût - Dijon Articles analysés Article 1 – présenté par Peïo Touyarou (UMR 1324 – Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation – Dijon) « Regulation of glucagon secretion by glucose transporter type 2 (glut2) and astrocyte dependent glucose sensors» - Marty et al. – The journal of Clinical Investigation; 2005; 115:12; 3545-3553 Article 2 – présenté par Julie Sauvant (UMR 1286 – Unité de Psychoneuroimmunologie, Nutrition et Génétique – Bordeaux) « Characterization of Glucosensing Neuron Subpopulations in the Arcuate Nucleus » Xavier Fioramonti, Sylvain Contié, Zhentao Song, Vanessa H Routh, Anne Lorsignol and Luc Penicaud - The Journal of Clinical Investigation http://www.jci.org Volume 115 Number 12 December 2005 Article 3 – présenté par Valentin Barquissau (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine – Clermont-Ferrand - Theix) « Role for Mitochondrial Reactive Oxygen Species in Brain Lipid Sensing» - A. Benani et al. - Diabetes, Vol. 56, January 2007 Article 4 – présenté par Bérengère Coupé (UMR 1280 - Physiologies des Adaptations Nutritionnelles - Nantes) « Hypothalamic mTOR Signaling Regulates Food Intake » - Cota D, Proulx K, Blake Smith KA, Kozma SC, Thomas G, Woods SC, Seeley RJ - Science, 2006, vol. 312 (#5775), 927-930 -39- Contrôle nerveux de l'homéostasie énergétique : aspects périphériques. Christophe Magnan En effet, un dysfonctionnement du métabolisme des AGL à l’échelon central pourrait être un évènement précoce capital participant à l’étiologie du diabète de type 2 chez les sujets prédisposés. Comprendre les mécanismes intimes et caractériser les neurones sensibles aux AGL pourrait déboucher sur l’identification de nouvelles molécules d’intérêt thérapeutique. Introduction Le contrôle nerveux de la balance énergétique fait intervenir un grand nombre d’acteurs. Parmi ceux-ci, on trouve des hormones comme l’insuline, la leptine ou la ghréline ainsi que des fibres nerveuses sensorielles qui informent en permanence le système nerveux central (SNC) de l’état énergétique de l’organisme (à jeun ou nourri par exemple). Une fois ces informations intégrées, l’organisme va ajuster ces flux métaboliques en fonction des besoins (régulation de la lipolyse, de la production hépatique de glucose, de la prise alimentaire, etc.). A côté de ces signaux informatifs de type endocrinien et nerveux, il est à présent clairement établi que les variations circulantes de nutriments (principalement le glucose et les acides gras libres ou AGL) sont également détectées par des neurones spécialisés. En ce qui concerne les AGL – qui ne sont pas utilisés comme source d’énergie par les neurones – il a été longtemps admis que la barrière hématoencéphalique leur était totalement imperméable. Existence de neurones sensibles aux acides gras dans l'hypothalamus. Plusieurs enzymes du métabolisme des acides gras ont été retrouvées dans les neurones hypothalamiques NPY : la FAS (fatty acid synthase), l’ACC1 (acétyl CoA carboxylase 1, et la CPT1 (carnitine palmitoyltransférase 1), une enzyme clé dans le transport des acyl CoA vers la mitochondrie. Cela suggère que des variations de concentrations intracellulaires des acides gras pourraient être détectées par ces neurones. Pour aller dans ce sens, des expériences de patch clamp sur des tranches d'hypothalamus ont également montré l'existence de « neurones excités » par l'acide oléique dans le noyau arqué. Ce noyau constitue la porte d'entrée des informations circulantes, qu'il s'agisse d'hormones (ghréline, leptine, insuline) ou de nutriments (acides gras, glucose), (schéma 1). La ghréline est synthétisée et sécrétée par l'estomac, la leptine par le tissu adipeux et l'insuline par les cellules B du pancréas endocrine. Les neurones NPY/AgRP sont équipés de récepteurs à ces hormones. Le schéma 2 montre l'effet de leur activation par la ghréline ou la leptine : Cependant, de nombreuses études indiquent à présent que les AGL sont utilisés dans certaines régions du SNC non pas en tant que nutriment mais comme messager cellulaire informant les neurones du statut énergétique de l’organisme. Ainsi, des données de plus en plus convaincantes montrent que les AGL régulent finement, via leur effet central, le comportement alimentaire, la production hépatique de glucose ou la sécrétion d’insuline. Cette revue a pour but de disséquer les mécanismes qui sous-tendent, à l’échelon cellulaire, moléculaire et intégré, le rôle essentiel des AGL dans le contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique dans des situations physiologiques et physiopathologiques. - les récepteurs à la ghréline connus et identifiés sont situés dans les neurones NPY /AgRP. Leur activation par la ghréline entraîne celle des voies orexigéniques. Puissant activateur de la prise alimentaire, la -40- Schéma 1 : Le noyau arqué : porte d’entrée des informations circulantes. ghréline est sécrétée un peu avant les repas. Elle inhibe aussi indirectement les voies anorexigènes. En effet, un des neurotransmetteurs produits par ces neurones, l’AgRP, se lie aux récepteurs MC4 et exerce un effet antagoniste de l'α-MSH, un puissant neurotransmetteur anorexigène ; Schéma 2 : Effet de l’activation des neurones par la ghréline ou la leptine. - la leptine, contrairement à la ghréline, a pour effet d'inhiber la prise alimentaire en activant les voies anorexigènes et en inhibant les voies orexigènes. Elle est sécrétée au début et pendant les repas. Ces deux voies dialoguent entre elles : lorsque l'effet ghréline l'emporte, on observe une stimulation de la prise alimentaire ; -41- rôle sur la régulation de la prise alimentaire. Les chercheurs s'accordent aujourd'hui pour dire que les acides gras ont plutôt un effet inhibiteur sur la prise alimentaire, mais que cet effet n'est pas dû aux acides gras plasmatiques. lorsque c’est la leptine, on a une inhibition de la prise alimentaire. D'autres molécules qui pourraient contrôler la prise alimentaire intéressent particulièrement l'industrie pharmaceutique. Leurs récepteurs sont situés dans des neurones secondaires localisés dans le noyau paraventriculaire, l'hypothalamus ventromédian (VMH), ou l'hypothalamus latéral. C'est le cas du BDNF (brain-derived neurotropic factor), de l'orexine, ou des endocannabinoïdes. Acides gras et sécrétion d'insuline Une perfusion intracarotidienne aiguë de glucose à 9 mg/kg ou d’acide oléique provoque une augmentation transitoire de l'insulinémie sans modifier la glycémie. L'injection simultanée des deux nutriments potentialise l'augmentation de l'insulinémie. Cette expérience montre que la détection centrale de nutriments peut moduler le contrôle nerveux de la sécrétion d'insuline et intervient dans la régulation très fine de cette hormone en réponse à un repas. Rôle physiologique de la détection centrale des nutriments Acides gras et prise alimentaire Les nutriments agissent en synergie avec les hormones pour en moduler les effets. Une équipe américaine a montré qu’une injection intraventriculaire d'acide oléique inhibe la production hépatique de glucose (implication des canaux potassiques) et par conséquent la prise alimentaire. Peut-on faire un parallèle avec les effets physiologiques des acides gras ingérés ? Rôle de l'insuline et du glucose dans le contrôle de la prise alimentaire La perfusion intracarotidienne d'insuline chez des rats obèses ou normaux n'a aucune incidence sur la prise alimentaire. Par contre, si la perfusion est faite avec de l'insuline additionnée de glucose, on observe un effet satiétogène, sans qu'il y ait d'effet sur l'insulinémie et la glycémie à la périphérie. Pour expliquer les mécanismes qui permettent à l'insuline et au glucose de moduler la prise alimentaire, des chercheurs ont pensé au malonyl-CoA (schéma 3). Lors d'un repas, la concentration plasmatique des acides gras diminue puisque l’insulinémie augmente, entraînant une diminution de la lipolyse du tissu adipeux. Comment concilier le fait que l'hypothalamus détecte un apport d'acides gras alors que le plasma en contient de moins en moins ? Quels types de lipides sont détectés au niveau central ? Peut-on envisager une hydrolyse locale des TG/VLDL dont la concentration circulante augmente suite à un repas. En faveur de cette hypothèse, une équipe danoise a montré qu'il existe effectivement des enzymes capables d'hydrolyser les lipoprotéines au niveau de l'hypothalamus, dont la LPL (lipoprotein lipase) et la PLRP2 (pancreatic lipase related protein 2). De nombreuses études montrent que les chylomicrons, au niveau central, pourraient également jouer un Schéma 3 : Rôle du malonyl CO-a comme «nutrient-sensor». -42- glucose et d’insuline, en utilisant un inhibiteur de l'acétyl CoA carboxylase 2 (ACC2), le tofa. Ils montrent qu’en présence de tofa, et donc en l’absence de malonyl-CoA, il n'y a pas de diminution de la prise alimentaire. Une autre équipe a injecté dans l'hypothalamus de souris un activateur de l'AMPk : AICAR. Cette injection a pour effet d’inhiber l'acétyl-CoA carboxylase (en augmentant sa phosphorylation), d'inhiber la concentration intracellulaire de malonyl-CoA et donc d’augmenter la prise alimentaire. Je voudrais mentionner une dernière expérience car elle montre le lien qui existe entre l'AMPk et la leptine. On savait que la leptine est un puissant inhibiteur de la prise alimentaire, mais son rôle d'inhibiteur de l'activité de l'AMPk n'a été démontré qu'en 2004 (la ghréline, au contraire, l’active). Ainsi, l'injection de leptine inhibe l'activité AMPk, favorise la production de malonyl-CoA et entraîne un effet satiétogène. Ces molécules pourraient-elles jouer un rôle intéressant en terme de stratégie thérapeutique pour des maladies métaboliques (obésité et anorexie) ? Toutes ces expériences ont été menées chez les rongeurs ; rien n’a été montré chez l'homme à ce jour. Rôle du malonyl CoA comme « nutrient-sensor » cellulaire La liaison de l’insuline à son récepteur entraîne l’entrée de glucose dans la cellule au niveau d’une cellule (c’est ce qui se passe pendant le repas), le glucose est métabolisé, donnant successivement du glucose-6-P, du pyruvate puis, une fois dans la mitochondrie, de l'acétyl-CoA. Une partie de l'acétyl-CoA est transformé dans le cytoplasme en oxaloacétate, lui-même à l'origine du malonyl-CoA. Notons que lorsque l'insuline est seule, il n'y a pas de production de malonylCoA puisqu'il n'y a pas de glucose et que le glucose, en l'absence d'insuline, n'entre que très faiblement dans la cellule. À l'inverse, la concentration de malonyl-CoA est basse dans les cellules lorsque l'on est à jeun ou entre les repas, surtout si l'on pratique une activité physique. Le malonyl-CoA peut donc être considéré comme un reflet du statut énergétique de la cellule, puisqu'au cours de la journée ses variations intracellulaires sont perçues par l'organisme comme des signaux soit d'arrêt ou de reprise de la prise alimentaire, soit de stimulation des voies anabolique ou catabolique. En fait, le malonyl-CoA est un inhibiteur de la β-oxydation. Lorsqu'il diminue pendant un exercice physique, la β-oxydation augmente pour fournir de l'énergie à la cellule. C'est donc un puissant régulateur des flux énergétiques, non seulement au niveau des cellules mais aussi de l'organisme entier. Aspects physiopathologiques de la détection centrale des acides gras Un excès d'acides gras dans le cerveau peut-il induire une résistance à l'insuline ou à la leptine, comme c'est le cas dans le muscle ou dans le foie lorsqu'il y a trop d'acides gras ou de triglycérides circulants ? Un dysfonctionnement du « senseur des acides gras » peut-il induire une dérégulation du contrôle nerveux de la sécrétion et de l'action de l'insuline ? Les maladies métaboliques, comme le diabète de type 2 ou l’obésité, sont-elles dues, en partie, à un dérèglement du système de détection au niveau du système nerveux central ? Le malonyl-CoA, l’AMP-kinase et la leptine Le cycle de synthèse et de dégradation du malonyl-CoA dépend de deux enzymes, respectivement l'acétyl-CoA carboxylase et la malonyl-CoA décarboxylase, toutes deux sous le contrôle de l'AMP-kinase. Celle-ci est un inhibiteur de l'acétyl-CoA carboxylase et un activateur de la malonyl-CoA décarboxylase. Afin de mettre en évidence le rôle satiétogène du malonyl-CoA, nous avons inhibé sa production, après perfusion d’un mélange de Des expériences montrent qu'un apport excessif d'acides gras et de triglycérides au -43- - la quantité de MARCKS phosphorylée est également plus importante dans le groupe palmitate que dans le groupe oléate ; niveau central induit des modifications du contrôle nerveux de l'action de l'insuline, et en particulier une insulino-résistance hépatique. Cette lipotoxicité centrale peut avoir des répercussions sur le fonctionnement des organes périphériques (foie, cellule β du pancréas). - en réponse à une injection d'insuline, la quantité d'AKT phosphorylée dans l'hypothalamus est plus grande chez l'animal contrôle que chez l'animal qui a reçu un excès de lipides. L'insuline est donc beaucoup moins efficace pour phosphoryler son substrat dans le groupe palmitate, ce qui n'est pas sans conséquences sur la production hépatique de glucose. Insuline et cerveau Nous avons vu qu'il existe dans l'hypothalamus des neurones sensibles au glucose et aux acides gras et, qu'à leur surface, il y a des récepteurs à l'insuline. En cas d'excès d'acides gras, ces neurones peuvent-ils devenir insulino-résistants comme le foie ou le muscle ? Ainsi, les mécanismes sont les mêmes que ceux décrits dans le muscle squelettique : un apport excessif d'acides gras entraîne la translocation de PKCθ au niveau de la membrane plasmique. Une fois dans la membrane, celle-ci active un de ses substrats, MARCKS. Une fois phosphorylé, MARCKS empêche l'insuline d'agir, notamment en l’empêchant de phosphoryler PKB/AKT (schéma 4). Des expériences ont été menées chez des souris NIRKO (neuron insulinreceptor knockout mice), c'est-à-dire des souris chez lesquelles on a invalidé le récepteur à l'insuline spécifiquement dans les neurones. Ces souris deviennent obèses mais ne sont pas diabétiques. Elles ont une glycémie à jeun normale, mais présentent une surcharge pondérale, une hyperinsulinémie, une hypertriglycéridémie et une insulino-résistance. Conclusion Avec une équipe de l'université de Cincinnati, nous avons voulu savoir si l'on pouvait induire une insulino-résistance hypothalamique chez des rats placés dans un environnement lipotoxique. Pour cela, nous avons réalisé chez ces animaux une perfusion intracérébroventriculaire de palmitate (acide gras saturé à longue chaîne) ou d’oléate (acide gras mono-insaturé) pendant 72 heures. Nous avons comparé nos résultats à ceux obtenus 10 ans auparavant sur les mécanismes de l'induction de l'insulino-résistance musculaire par les acides gras : La détection centrale (hypothalamus et tronc cérébral) des lipides intervient dans la régulation de nombreux flux énergétiques. Une dérégulation de cette détection, une insulino-résistance hypothalamique entraînent une dérégulation du contrôle nerveux de l'homéostasie glucidique et contribuent au développement des maladies métaboliques (obésité, diabète de type 2). Discussion Pourquoi avez-vous utilisé la GAPDH qui n’est pas considérée comme un bon gène de ménage ? - la mesure du renouvellement du glucose pendant un clamp hyperinsulinémique-euglycémique a montré que seul le palmitate induit une insulino-résistance hépatique ; Je suis d'accord avec vous : la GAPDH n'est pas le meilleur gène de ménage. Mais la vraie question serait plutôt : qu’est-ce qu’un bon gène de ménage ? Au laboratoire, on utilise généralement trois ou quatre gènes de ménage différents, l'idéal étant de choisir des gènes dont l'expression ne varie pas en - la proportion de PKCθ dans la fraction membranaire plasmique d'extraits d'hypothalamus est plus importante chez le groupe palmitate que chez le groupe oléate ; -44- cipitent sur les croquettes. Le résultat est identique lorsqu'ils injectent la ghréline par voie intrapéritonéale (ip), c'est-à-dire dans des conditions plus physiologiques. Par contre, lorsqu'ils injectent la ghréline en ip après avoir coupé les afférences entre le tronc cérébral et l'hypothalamus, les animaux ne se ruent plus sur la nourriture : la ghréline n'a plus d'efficacité, pourtant les récepteurs à la ghréline sont toujours présents dans les neurones NPY/AGRP. Ils font alors l'hypothèse que des projections du tronc cérébral vers l'hypothalamus peuvent rendre accessible les neurones du noyau arqué à des molécules circulantes. On ne sait pas si cela agit sur le transport via la barrière hémato-encéphalique. Ce type d’expérience remet en cause certaines approches expérimentales : vaut-il mieux injecter dans l'hypothalamus ou dans la carotide ? Faut-il injecter directement dans le noyau arqué ? Schéma 4 : MARCKS empêche l’insuline d’agir. fonction des conditions. Dans le cas présent, les expériences ont été faites par nos collègues américains, la GADPH dans ce protocole nous semblait une bonne référence car son niveau d’expression était constant dans les différentes conditions. Avec un autre gène, on aurait peut-être vu autre chose. Dans la publication, seule la quantité de la protéine pMARCKS est mentionnée. J’aurais aimé connaître la quantité totale de MARCKS, car comme la perfusion a duré 72 heures il est possible qu'il y ait eu des changements d'expression globale de la protéine. Comment le malonyl-CoA agit-il sur les mécanismes de la prise alimentaire ? Pour l'instant, c'est une boîte noire. Le malonyl-CoA module t-il la sécrétion de certains neurotransmetteurs ? Est-ce lié à des problèmes d'utilisation d'oxygène ou de modulation du ratio ATP/AMP ? Ces interrogations ne font que repousser le problème. Pourquoi un manque d'oxygène entraînerait-il l'arrêt ou l'activation de la prise alimentaire ? C'est une bonne remarque avec laquelle je suis entièrement d'accord. Quel est le rôle de la voie vagale dans le nutrient sensing ? Comment s'articule t-elle avec la détection centrale des nutriments ? D'un point de vue chronologique, ce sont d'abord les afférences vagales qui sont mobilisées lors de l'arrivée des nutriments dans le tractus digestif, cela avant toute variation des concentrations circulantes d'hormones. Notons cependant qu'une détection centrale des nutriments dès leur présence en bouche peut commencer à induire une augmentation de la sécrétion d'insuline : c'est la phase céphalique de la sécrétion d'insuline. Une équipe japonaise vient de montrer que des rats qui reçoivent une injection de ghréline en intracérébroventriculaire (icv) se pré- Est-ce que ce sont les mêmes neurones qui répondent à la fois au glucose et aux acides gras ? Non, ce sont des neurones différents. Une équipe a montré que 80 % des neurones sensibles aux acides gras ne répondent pas au glucose. On est quasiment sûr aujourd'hui que les nutriments ne sont pas détectés dans les mêmes cellules et qu’il y a des sous-classes de neurones. -45- Un autre élément de réponse serait de dire qu'il existe une régulation plus en amont pour les lipides que pour le glucose. On n’observe jamais de pic lipidique après un repas parce qu'il existe une régulation de la vidange gastrique dès l’arrivée des lipides dans le duodénum. Autant le glucose est extrêmement bien régulé et varie dans une gamme de concentration très étroite (l'hypoglycémie et l'hyperglycémie correspondent à des phases dangereuses pour l'organisme), autant la gamme des lipides circulants est relativement large et n’entraîne pas d'effet toxique majeur. Je comprends que l'on parle de lipotoxicité dans le cas d'une hyperlipidémie chronique. Par contre, j'ai beaucoup plus de mal à comprendre pourquoi notre organisme a mis en place un système aussi sophistiqué de détection des variations d'acides gras, en réponse à un repas où il se produit seulement une augmentation ou une baisse transitoire des acides gras et des triglycérides. A-t-on une idée du rôle que pourraient jouer les fibres sensitives du tissu adipeux dans l'homéostasie énergétique ? Peut-on imaginer que des signaux de type lipidique, par exemple, mais aussi de température puissent être pris en compte par le système nerveux périphérique et avoir des effets au niveau central ? Il semble effectivement que le tissu adipeux dialogue avec le cerveau. Notamment bien sûr grâce à des hormones comme la leptine par exemple. Les fibres sensorielles du tissu adipeux pourraient très bien aussi jouer un rôle régulateur. Des données récentes montrent que si l’on sectionne les fibres sensitives venant de tissus adipeux, on modifie l'utilisation hépatique de glucose, chez le rat. Au cours d'un repas, la variation aiguë de la glycémie et de l'insulinémie va avoir un effet rapide et transitoire sur l'arrêt de la prise alimentaire et stopper la sécrétion hépatique de glucose. Les données expérimentales montrent que des neurones répondent in vitro sur patch clamp, mais aussi in vivo. Ce ne sont pas les acides gras plasmatiques, qui baissent pendant le repas, qui donnent le signal coupefaim. Les VLDL et les triglycérides ne sont pas non plus des signaux coupe-faim car ils augmentent très lentement. On sait qu'ils reviennent à la normale seulement en fin de nuit et qu’ils augmentent tout au long de la journée pour atteindre leur maximum cinq à huit heures après un repas. Entre deux repas, ils n'ont pas le temps de baisser. Est-ce pour limiter la sensation de faim et permettre à l'organisme d'attendre le prochain repas ? Au laboratoire, nous avons observé le comportement alimentaire d'animaux chez lesquels on avait bloqué la LPL pendant trois semaines : les rats mangent plus et grossissent. Brièvement, nous avons implanté une canule dans l’hypothalamus de rats normaux. Cette canule était reliée à une minipompe osmotique placée entre les omoplates, ce qui permet de dispenser pendant 3 semaines des molécules d’intérêt. Dans cette expérience nous avons perfusé ainsi un inhibiteur de la LPL, le tyloxapol. Au niveau central, l'inhibition de la prise alimentaire par la leptine passe, entre autres, par une inactivation de l'AMP kinase. Or, au niveau périphérique, la leptine stimule la dépense énergétique notamment en activant l'AMPk dans le muscle et sans doute dans le foie. Pourquoi cette différence ? S'agit-il d'une autre voie ou de formes différentes de l'AMPk ? L'AMP kinase est activée lors d'un exercice physique ou lorsque l'organisme a besoin de restaurer ses stocks en énergie. Lors d'un exercice physique, il y a une baisse du ratio ATP/AMP. L'augmentation de l'activité de l’AMPk induit une stimulation de la prise alimentaire, ce qui est cohérent d'un point de vue énergétique. En terme de stratégie médicamenteuse, il faudrait mettre au point des drogues qui ne franchissent pas la barrière au niveau central ou qui n'atteignent par les neurones concernés. Si on veut activer -46- hypothalamiques régulateurs, parmi lesquels AgRP, NPY, CART. Les auteurs de cet article se sont intéressés à un autre neuropeptide potentiellement régulateur, le BDNF (brain-derived neurotrophic factor). Celui-ci était connu pour son rôle dans la différenciation, la plasticité et la survie neuronales. Partant du constat qu'une déplétion en BDNF ou en ses récepteurs au cours du développement était associée à une hyperphagie et à une obésité, les auteurs se sont demandés si le BDNF interférait avec la mise en place des circuits neuronaux régulateurs de l'homéostasie énergétique au cours du développement et s'il avait, chez l'adulte, un rôle en tant que facteur de satiété. Cette étude a donc un double objectif : 1) caractériser le rôle du BDNF chez l'adulte ; 2) définir la principale source hypothalamique de BDNF impliquée dans la régulation de l'homéostasie énergétique. l'AMPk, notamment pour lutter contre le diabète, il faudrait développer un activateur de l'AMP kinase sans effet sur la prise alimentaire. Il existe une régulation par le système nerveux de la glycémie et de la prise alimentaire. Existe-t-il une régulation nerveuse de la cholestérolémie ou d’autres paramètres sanguins qui ne seraient pas glycémiques ? Oui, il existe, par exemple, un contrôle, via le parasympathique et le nerf vague, de la production des lipoprotéines par le foie. Nous avons vu que le système nerveux contrôle l'activité métabolique ou sécrétrice de certains tissus, mais il contrôle aussi la prolifération et la différenciation de certaines cellules. De nombreuses expériences montrent que si l'on module l'activité sympathique du tissu adipeux blanc ou du tissu adipeux brun, on module également la prolifération et la différenciation des adipocytes, mais de façon inverse entre le tissu brun et le tissu blanc. De même, la modulation de l'activité sympathique du foie module la différenciation ou la prolifération des hépatocytes. Résultats - Dans l'hypothalamus ventromédian, un jeûne diminue l'expression des ARN messagers du BDNF, tandis que la prise alimentaire, l'administration périphérique du glucose et l’administration centrale de glucose l'augmentent, l'administration centrale d'insuline étant sans effet. L'expression du BDNF est donc sensible aux signaux « énergétiques ». Article 1 : « L’invalidation spécifique du BDNF dans les noyaux ventromédian et dorsomédian de l'hypothalamus chez des souris adultes conduit au développement d'un comportement hyperphagique et d'une obésité » Introduction - Grâce au suivi de l'expression de la protéine c-Fos, les auteurs constatent qu'une administration intracérébroventriculaire de BDNF est associée à une activation des neurones dans les noyaux paraventriculaire, ventromédian, dorsomédian et latéral de l'hypothalamus. Le BDNF est donc capable de moduler l'activité des autres centres hypothalamiques impliqués dans le contrôle de l'homéostasie énergétique. L'obésité est le résultat d’un déséquilibre de la balance énergétique, c'est-à-dire d'un déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques. Cette balance est finement régulée par le système nerveux central, en particulier au niveau de l'hypothalamus. On connaît un certain nombre de neuropeptides - Validation d'un modèle de déplétion en BDNF au niveau de l'hypothalamus ventromédian et dorsomédian. La déplétion est associée à une hyperphagie et une prise de poids, elle-même liée à une hyperleptinémie, une hyperinsulinémie et une hyperglycémie. Le BDNF serait un facteur de satiété chez l'adulte. -47- - La restriction calorique entraîne la réversion totale du phénotype, ce qui signifie que le BDNF, qui est exprimé au niveau des noyaux ventromédian et dorsomédian, n'intervient en rien dans la modulation de la dépense énergétique. Il intervient seulement dans la modulation de la prise alimentaire. hyperphagie moins élevée (+ 27 %) associée à une obésité. D'après les auteurs, le fait d’invalider de façon centrale ou globale au cours du développement pourrait entraîner des effets additionnels liés aux perturbations des fonctions de développement et de maintenance assurées en temps normal par le BDNF. Il pourrait également y avoir des effets additionnels liés à la déplétion des autres centres hypothalamiques régulateurs de la balance énergétique. - Les animaux déplétés en BDNF au niveau des noyaux ventromédian et dorsomédian ne présentent aucune modification des comportements locomoteurs, de l'agressivité, ou de l'état dépressif, contrairement aux effets retrouvés avec une invalidation globale au cours du développement. Discussion générale Quels commentaires peut-on faire sur cette étude ? Conclusion Concernant les limites, je trouve qu'ils ont utilisé un nombre trop faible d'animaux. Ils ont eu des problèmes techniques, puisqu'ils n'ont pas réussi à cibler spécifiquement le noyau hypothalamique ventromédian. Ils n'ont fait aucune mesure du niveau d'expression protéique du BDNF. Or, on sait que la modulation de l'expression des ARN messagers n'entraîne pas forcément celle de la protéine. - Les signaux qui renseignent sur l'état nutritionnel (comme le glucose, par exemple) induisent l'expression du BDNF et de son récepteur, le TrkB, dans le VMH. - Le BDNF induit une activité neuronale dans les centres hypothalamiques de régulation de l'homéostasie énergétique. - La déplétion spécifique du BDNF dans le VMH et le DMH entraîne une hyperphagie et une prise de poids chez l'animal adulte, mais affecte ni la dépense énergétique ni le comportement. Concernant les perspectives, je trouve qu'il serait intéressant de mieux caractériser le rôle du BDNF au niveau des autres centres de régulation de l'homéostasie énergétique, ainsi que son rôle sur le remodelage des circuits de la prise alimentaire au niveau de l'hypothalamus. Le BDNF apparaît donc comme un facteur de satiété indispensable chez l'adulte. Sa synthèse au niveau du VMH et du DMH est requise pour permettre son action sur la prise alimentaire. Je voudrais revenir sur la notion de plasticité. Un neurone ne fonctionne pas seulement avec des neurotransmetteurs. Il utilise aussi des projections, ce qui implique d'autres cellules (astrocytes). Peut-on moduler les activités neuronales autrement que par la sécrétion de neurotransmetteurs ? Discussion des auteurs Comment expliquer la différence de phénotype entre, d'une part, les souris déplétées en BDNF au niveau du cerveau ou du corps entier au cours du développement et, d'autre part, les souris déplétées en BDNF au niveau du VMH/DMH à l'âge adulte ? En effet, les premières montrent une hyperphagie importante (+ 75 %) associée à une obésité et à des troubles du comportement comme l'anxiété, la dépression, l'hyperactivité et l'hyperagressivité. Les secondes présentent seulement une Tout dépend de ce que l'on met sous le terme de plasticité. L'apparition d'une nouvelle cellule dans le système nerveux prend du temps, parfois plusieurs jours si elle doit se différencier en neurone exprimant tel ou tel neuropeptide. Mais il existe aussi des plasticités à très courts termes (de l’ordre d’une heure ou de -48- quelques heures), comme l'apparition de nouvelles synapses, de nouvelles connexions entre neurones, l'envoi de prolongement d'un astrocyte ou, au contraire, sa rétractation. On peut aussi citer le NGF, un « cousin germain » du BDNF. Le NGF est réputé favoriser la synaptogenèse, mais on sait aussi qu’à court terme il est hyperalgésiant. L'hyperalgésie qu'il provoque est probablement liée à des modifications de plasticité au niveau des synapses. C'est peut-être un mode de fonctionnement de la famille des neurotrophines. Conclusion - Mise en évidence de l'expression hypothalamique d'ARNm de la colipase et de la PLRP2, ainsi que de la protéine PLRP2. - Existence d'une co-variation de l'expression de l'ARNm de la colipase et de la PLRP2. - Le jeûne agit en diminuant l'abondance d'ARNm de la colipase et de la PLRP2. - Une alimentation riche en matière grasse augmente l'abondance d'ARNm de la colipase et de la PLRP2. - Un apport calorique via différentes solutions sucrées (sucrose, glucose, fructose) augmente l'expression des ARNm de la colipase et de la PLRP2. Article 2 : « Conséquences de challenges métaboliques sur l'expression d'ARN messagers codant pour la colipase et la PLRP2 chez le rat » - La régulation des ARNm de la colipase et de la PLRP2 est conforme à celle de peptides anorexigènes, comme la leptine. Discussion Avez-vous des commentaires sur l’article que vous venez de présenter ? Introduction La colipase est une protéine sécrétée au niveau de l'intestin sous une forme inactive, la procolipase. Sous l’action de la trypsine, elle est transformée en entérostatine et en colipase. Cette dernière permet d'optimiser l'activité enzymatique de la lipase pancréatique. La PLRP2 (pancreatic lipase related protein-2) intervient dans l'hydrolyse de nombreux acides gras : triglycérides, phospholipides, galactolipides… Je pense que j'aurais vérifié la taille de l'amplicon et la qualité de l'ARN avant de faire la RT-PCR. J’aurais aussi voulu mettre en évidence l'influence des régimes alimentaires sur l'expression des ARN messagers en utilisant et en validant un gène de ménage autre que la GAPDH, le 18S par exemple. Pourquoi les auteurs se sont-ils intéressés à la colipase, parce qu'il me semble que PLRP2, en tout cas au niveau intestinal, n'a pas besoin de la colipase pour fonctionner ? Dans cette étude, les auteurs avaient un triple objectif : - mettre en évidence, chez le rat, l'expression d'ARN messagers codant la colipase et la PLRP2 au niveau de l'hypothalamus ; - étudier l'influence de différents régimes alimentaires sur l'expression d'ARNm de la colipase et de la PLRP2 au niveau de l'hypothalamus ; Ils s'intéressent à la PLRP2 et à la colipase, parce qu'elles sont produites en même temps. Or, l'entérostatine agit comme un peptide anorexigène. Peut-être auraient-ils pu quantifier l'expression de l'entérostatine au lieu de celle de la colipase, mais ils ne disent pas ce qui a motivé leur choix. - valider l'implication de la PLRP2 dans le contrôle de la prise alimentaire et la dépense énergétique au niveau du cerveau. On sait que certaines enzymes pancréatiques peuvent passer la barrière intestinale et entrer dans le système sanguin. C'est le cas de la -49- BSDL. Est-on sûr que la protéine PLRP2 qu'ils ont retrouvée au niveau de l'hypothalamus était bien produite dans le cerveau et n'avait pas une origine exogène ? tique reflète la masse adipeuse. Comme elle est capable de passer la barrière hématoencéphalique, elle peut pénétrer dans l'hypothalamus. La régulation de la prise alimentaire, de la balance énergétique et de la masse corporelle dépend de l'activité de la leptine, qui est anorexigène (elle diminue la prise alimentaire). Une mutation de son gène ob induit chez des souris ob/ob, déficientes en leptine, une obésité sévère. Les récepteurs à leptine sont membranaires et situés, notamment, au niveau des neurones du noyau arqué de l'hypothalamus. Ils sont appelés LepRB. Leur activation inhibe les neurones NPY (voie orexigène) et active les neurones POMC (voie anorexigène), entraînant une diminution de la prise alimentaire et une diminution du poids corporel. Les auteurs de cet article ont fait l'hypothèse que la leptine a des effets directs et indirects sur l'activité de ces neurones, via la modulation des contacts synaptiques. Pour cela, ils ont étudié l'activité intrinsèque des deux populations neuronales au niveau du noyau arqué et leur réponse à la leptine chez des souris ob/ob. Oui, dans la mesure où ils ont retrouvé l'expression de l'ARNm au niveau de l'hypothalamus. Pourquoi sont-ils allés chercher des lipases pancréatiques dans le cerveau ? On sait que les triglycérides circulants sont hydrolysés par la LPL ou la lipase hépatique. Le point de départ de ces recherches était de comprendre comment les acides gras peuvent avoir un effet anorexigène alors que leur taux n'augmente pas pendant un repas. Plusieurs équipes se demandent si des lipoprotéines ne pourraient pas être la source locale de ces acides gras. Je suis d'accord avec toi, on aurait pu s'intéresser à la LPL ou la HCL plutôt qu'à la PLRP2. Article 3 : « Induction, par la leptine, d'une réorganisation rapide des circuits de la prise alimentaire dans le noyau arqué » Résultats - Les deux types de neurones (orexigènes et anorexigènes) sont exprimés dans des populations neuronales distinctes dans le noyau arqué. Introduction La régulation de la prise alimentaire permet à long terme de garder le poids corporel idéal et adapté à chaque personne. Cette régulation est en grande partie dépendante de l'activité de l'hypothalamus et plus particulièrement du noyau arqué (ARC). Cette zone est chargée de la signalisation et de l'intégration des messages de faim et de satiété. Deux populations neuronales sont concernées : d’une part, les neuropeptides Y (NPY) et l’agouti-related protein (AgRP) et, d'autre part, les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC). - Par des approches d'électrophysiologie et de microscopie électronique, on voit que la leptine a la capacité de moduler à la fois le nombre de synapses et l'activité synaptique des deux populations neuronales induisant une régulation de la prise alimentaire. - Le traitement des souris ob/ob par la leptine restaure le nombre de synapses excitatrices et inhibitrices des deux populations neuronales. - Le traitement des souris ob/ob à la leptine induit des changements rapides et marqués des courants synaptiques sur les neurones NPY et POMC. Ces changements précèdent la réponse comportementale. La leptine est une hormone synthétisée par les adipocytes dont la concentration plasma-50- - Le traitement de souris sauvages par la ghréline induit un changement du profil synaptique des neurones anorexigènes POMC (diminution de l'activité des courants postsynaptiques excitateurs, EPSCs, et augmentation des courants postsynaptiques inhibiteurs, IPSCs). Ces résultats sont cohérents avec l'action orexigène de la ghréline (peptide sécrété par l'estomac et la partie supérieure de l'intestin) qui augmente la prise alimentaire mais pas la masse corporelle. rotrophiques. Ils n'ont jamais affirmé qu'il y avait un effet direct de la leptine. On associe souvent leptine et tissu adipeux. En fait, la leptine n'est pas spécifique du tissu adipeux. Elle peut être sécrétée par des cellules de l'estomac ou du système immunitaire. Sa sécrétion par d’autres organes ne pourrait-elle pas interférer avec celle du tissu adipeux et fausser les interprétations ? La production de leptine par l'estomac ou par certaines cellules du système immunitaire représente, me semble-t-il, une fraction très faible par rapport à celle produite par le tissu adipeux. Celle du tractus digestif est réputée être locale et, à mon avis, elle ne contribue pas à augmenter la quantité de leptine présente dans le plasma. Peut-être est-ce différent chez l'animal obèse. Conclusion La leptine induit une normalisation rapide (dès six heures de traitement) des afférences synaptiques des neurones NPY et POMC des souris ob/ob. C'est une nouvelle fonction dans le développement cérébral et la plasticité synaptique chez l'animal adulte, dont le but est de diminuer la prise alimentaire. Il existe un état pathologique qui a des effets sur la prise alimentaire. Je veux parler de la cachexie qui se caractérise par une perte massive de poids pouvant être liée à un jeûne prolongé ou à une maladie grave. Que peuton dire sur le lien entre maladies métaboliques et cytokines inflammatoires ? Son rôle physiologique est de maintenir la balance énergétique et le poids corporel. Ainsi, les changements de comportements alimentaires pourraient être en partie dus à la plasticité neuronale observée au niveau du système régulateur de la prise alimentaire : le noyau arqué. Que cela pourrait faire l'objet d'une école d'été ! L'état inflammatoire se traduit par une augmentation des cytokines. Cela montre que les cytokines, même au niveau cérébral, sont fortement impliquées dans la régulation de la prise alimentaire et donc dans la cachexie. Dans l'obésité, il y aurait une résistance, au moins au niveau central, à ce type d'hormone. L'obésité n'est pas une maladie inflammatoire mais, s'il y a vraiment une production de cytokines au cours de l'obésité, cela signifie qu'au niveau central ces cytokines n'ont pas l'effet classique de coupefaim. Discussion Commentaire Cet article est très important car il montre que chez la souris adulte, il est possible de reconnecter des neurones entre eux, de les réarranger indépendamment de la sécrétion des neuropeptides. Une des façons de réguler l'homéostasie énergétique est d'intervenir sur cette plasticité neuronale, et cela même de façon aiguë. Peut-on faire l'hypothèse que la leptine n'a pas un effet direct, mais un effet via un BDNF ou un NGF ? Les neuropeptides qui sont aujourd'hui bien connus ont tous étés découverts à partir de modèles génétiques d'obésité animale et ont ensuite été trouvés chez l'homme. Est-ce qu'il existe pour le BDNF ou la neuromédine U. des Tout à fait ; d'ailleurs les auteurs n'ont pas écarté l'hypothèse selon laquelle cet effet pouvait se faire via des facteurs neu-51- èle génétique spontané lui correspondant. C'est le cas également de la CCK pour laquelle il n'y a pas de modèle KO connu. Par contre, l'AgRP a été trouvé grâce à des modèles génétiques de la souris Agouti. On voit que les pistes de travail ne manquent pas. L'une d'entre elles me semble intéressante et complexe : celle de l'implication de certains neuropeptides, de certaines voies nerveuses dans les circuits de la récompense. Je pense qu'il faudrait aussi essayer de concilier l'approche des comportementalistes avec celle des physiologistes. modèles génétiques associés à des phénotypes d'obésité ou à une prise alimentaire déréglée ? On découvre toujours plus de neuropeptides et c'est heureux car on ne connaît pas les neurotransmetteurs ou neuropeptides de certains neurones. Des équipes travaillent sur l'adipoleptine qui, à mon avis, n'a pas d'effet majeur au niveau central. Il semblerait que l'apeline agisse sur certains circuits cérébraux. La neuromédine U a été découverte il y a deux ou trois ans. Elle pourrait bien être un neuropeptide, mais je n'ai pas souvenir d'un mod- Christophe Magnan, Directeur de Recherche - Unité Homéostasie Energétique et Régulations Nerveuse et Endocrine - Université Paris Diderot - CNRS Articles analysés Article 1 – présenté par Audrey Chanet (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine – Clermont-Ferrand - Theix) « Selective Deletion of Bdnf in the Ventromedial and Dorsomedial Hypothalamus of Adult Mice Results in Hyperphagic Behavior and Obesity » - Thaddeus J. Unger,1 German A. Calderon,2 Leila C. Bradley,3 Miguel Sena-Esteves,4 and Maribel Rios2 The Journal of Neuroscience, December 26, 2007 • 27(52):14265–14274 • 14265 Article 2 – présenté par Leïla Ben Yahia (UMR 1319 – Unité MICrobiologie de l’Alimentation au service de la Santé humaine – Jouy-en-Josas) « Consequences of metabolic challenges on hypothalamic colipase and PLRP2 mRNA in rats » - Catarina Rippe, Charlotte Erlanson-Albertsson, Andreas Lindqvist - Department of Experimental Medical Science, BMC, B11, 221 84 Lund, Sweden Article 3 – présenté par Sophia Bouhlal (UMR 1319 – Unité MICrobiologie de l’Alimentation au service de la Santé humaine – Jouy-en-Josas) « Rapid Rewiring of Arcuate Nucleus Feeding Circuits by Leptin » - Pinto et al., Science 2004; 304: 110-5 -52- Plasticité tissulaire et cellulaire des tissus adipeux : rôle dans l'homéostasie et l'obésité Louis Casteilla ne est considérée comme obèse. Une courbe en U décrit bien la relation qui existe entre mortalité et masse corporelle : plus le poids corporel augmente, plus le taux de mortalité augmente ; mais à l'opposé, lorsque le poids est trop bas et la masse adipeuse trop faible (cachexie), la mortalité augmente aussi. On a longtemps pensé que la mortalité liée aux situations de cachexie était associée à des états infectieux et inflammatoires critiques (cancers et autres maladies graves) et non à la perte du tissu adipeux. On sait aujourd'hui que ce tissu est protecteur et qu’il contribue à la survie de l'individu, voire de l'espèce. Par exemple, une souris lipodystrophique (qui n’a plus de tissu adipeux) est diabétique. Lorsqu'on lui greffe du tissu adipeux, elle ne l'est plus. Le tissu adipeux l’a donc protégée du diabète. Introduction Dans l'exposé de Luc, il était surtout question de métabolisme. Ici, il sera question de physiologie du développement, car je vais revenir sur des mécanismes ou des données qui concernent la mise en place et le développement du tissu adipeux. Le développement de ce tissu est lié, d'une part, à la taille de l'adipocyte et, d'autre part, au nombre d'adipocytes. Si l'hypertrophie adipocytaire correspond à l'activité métabolique de la cellule, le nombre d'adipocytes varie en fonction des situations. Si on était capable de limiter leur nombre, on pourrait peut-être contrôler le développement du tissu adipeux et donc limiter le problème de l'obésité. Homéostasie et obésité Quand on gave un animal, il prend du poids, car la quantité d'énergie absorbée est supérieure à ses besoins. Si l'on arrête le gavage, l'animal revient petit à petit à son point initial notamment en adaptant sa prise alimentaire. A l'inverse, une restriction alimentaire lui fait perdre du poids, mais il le récupérera lorsque la restriction s'arrêtera. À la différence de la glycémie qui est régulée sur le court terme, le poids est contrôlé à moyen ou long terme. L'obésité n'existe pas dans la nature, à l'exception de l'homme et de son chien. L'obésité de l'animal qui hiberne est physiologique, car il a perdu l’excès de tissu adipeux et donc de poids pendant son sommeil. La différence de poids s'explique en grande partie par le développement du tissu adipeux. Les différents types de tissu adipeux Il existe trois types de tissu adipeux : - le tissu adipeux blanc. Il est spécialisé dans la gestion et le contrôle du métabolisme, puisqu'il est capable de stocker l'énergie et de la libérer. C'est le lieu de stockage et de synthèse des acides gras, mais aussi de stockage du cholestérol. Du fait de son caractère lipophile, il capte de très nombreuses molécules dont certains xénobiotiques. Une lipolyse entraîne le relargage des différentes molécules présentes dans le tissu adipeux. Il constitue environ 10 % de la masse corporelle d'un individu normal, mais peut atteindre 50 % chez une personne obèse, ce qui est considérable. Selon sa répartition, sous la peau ou dans la qualité abdominale, on distingue deux types d'obésité. L'obésité génoïde, dite de type poire, se caractérise par une accumulation de la masse graisseuse principalement en sous-cutané. C'est une obésité plutôt féminine. Elle est moins Obésité et morbidité Pour qualifier le statut d’obèse, on utilise un index relativement pertinent, l'index de masse corporelle ou IMC (poids/taille2). Lorsque l'IMC est supérieur à 30, une person-53- cido-lipidique, l'homéostasie vasculaire, l'angiogenèse, la réponse immunitaire, l’hématopoïèse. La leptine, par exemple, est impliquée dans le métabolisme énergétique, et joue un rôle très important dans la fonction de reproduction. Si on l’injecte à un animal prépubère, on déclenche sa puberté. Une partie des problèmes de stérilité associée à des situations d'anorexie serait liée à un défaut en cette hormone. Je pense que l'on n'a pas fini de découvrir l'importance du tissu adipeux qui, par ses sécrétions et son métabolisme, est en interconnexion avec tous les autres organes pour assumer la survie de l'organisme. délétère que l'obésité androïde ou abdominale, dite de type pomme, qui est davantage associée au sexe masculin. Lorsqu'une femme a une obésité androïde, ses risques cardiovasculaires sont aussi élevés que ceux d'un homme obèse. Les problèmes de l'obésité sont donc liés au type de tissu adipeux et au type d'obésité. Les adipocytes qui constituent le tissu adipeux blanc sont des très grosses cellules rondes qui peuvent mesurer jusqu’à 100 microns. Une modification, même minime, de leur diamètre a des conséquences extrêmement importantes sur le volume et le poids du tissu graisseux. Depuis la découverte des adipokines (contraction des termes cytokine et adipocyte), le tissu adipeux a acquis le statut de glande endocrine. Les molécules qu'il secrète sont très et on ne les connaît pas toutes. Certaines sont spécifiques du tissu adipeux (leptine...), d'autres non (TNFα…). Par ses sécrétions, le tissu adipeux est au centre d'un réseau extrêmement important qui le connecte à l'ensemble des organes et l’implique dans les grandes fonctions de l'organisme, comme le métabolisme intravasculaire des lipides, l'homéostasie énergétique et glu- - le tissu adipeux brun. Il est constitué d'une multitude de petites cellules rondes multiloculaires. Il est impliqué dans la production de chaleur (effet thermique des aliments) et donc dans la thermorégulation. Son rôle est particulièrement important pour le nouveauné chez qui il représente la très grande majorité du tissu adipeux (schéma 1) et 2 à 5 % de la masse corporelle. Par exemple, la température dans le ventre d’une brebis est de 40°, mais la température extérieure, au moment de la mise bas, est parfois très Schéma 1 : le tissu adipeux brun joue un rôle particulièrement important pour le nouveau-né chez qui il représente la très grande majorité du tissu adipeux. Source : UMR UPS/CNRS 5241 -54- la naissance une conversion apparente du tissu adipeux brun (et non des adipocytes) en tissu adipeux blanc. De même, le tissu blanc peut se « transformer » en tissu brun en fonction des situations. Chez les rongeurs, lorsqu'on dénerve le tissu adipeux brun (cas des animaux ob/ob), il semble devenir blanc. Inversement, si l'on place une souris à une température de 4°C pendant 10 jours, tout son tissu adipeux blanc ressemble au tissu brun. Cette réactivation du tissu brun, au moins chez les rongeurs, semble être liée à un récepteur particulier, le récepteur β3 adrénergique. L'industrie pharmaceutique a investi énormément d'argent pour identifier les agonistes de ce récepteur dans le but de traiter les personnes obèses, l'idée étant de transformer le tissu blanc en tissu brun afin de transformer un maximum d'énergie en chaleur. Cette stratégie marche chez les rongeurs et les chiens. Si l'on donne à un chien obèse une alimentation diététique (aliments contenant le β3 agoniste), il ne grossit pas même s'il mange beaucoup (alimentation doublement onéreuse). Malheureusement, ce traitement ne marche pas chez l'homme. froide. C'est le tissu adipeux brun qui permet à l'agneau de survivre à un choc thermique. Il se concentre surtout au niveau des vaisseaux et des gros organes. Il est plus innervé que le tissu adipeux blanc (innervation sympathique) et on a longtemps considéré qu'il était également plus vascularisé, mais cette idée est en train d'évoluer. On a longtemps cru qu'il n'existait que chez le nouveau-né. En fait, il est aussi présent chez l'adulte, en quantité variable selon les espèces. Notons qu'il existe une grande hétérogénéité dans les tissus adipeux car, au sein de la masse adipeuse blanche, des îlots d’adipocytes bruns plus ou moins nombreux et plus ou moins importants sont disséminés. Le tissu adipeux brun se caractérise aussi par l'abondance des mitochondries et l'existence d'une protéine découplante, UCP1. Dans la mitochondrie, le transfert d'électrons à travers la chaîne respiratoire est associé à une expulsion de protons dont le gradient permet la synthèse d'ATP. Dans le tissu adipeux brun, la protéine UCP1 agit comme un canal à protons et permet de dissiper ce gradient. La dissipation de l’énergie se fait alors uniquement sous forme de chaleur, sans synthèse d'ATP. D’autres protéines découplantes (en particulier UCP2 et UCP 3) modulent ce couplage. En permettant une fuite plus ou moins importante de protons et donc de chaleur, elles modifient le rendement des oxydations phosphorylantes. La différenciation des adipocytes blancs La différenciation des pré-adipocytes en adipocytes est contrôlée par des signaux hormonaux non spécifiques, comme l'hormone de croissance, l'insuline la triiodothyronine ou T3 et par les nutriments (glucose et lipides). Les facteurs de transcription impliqués sont : PPAR δ et PPAR γ (un marqueur tardif de la différentiation adipocytaire), la classe des C/EBP (qui interviennent aussi dans le métabolisme hépatique), la classe des S/REBP (dont le premier qui a été identifié intervient dans l'homéostasie du cholestérol). Les ligands des récepteurs nucléaires PPAR δ sont des acides gras et ceux de PPAR γ des molécules comme les prostaglandines et les TZDs (thiazolidinedione), connues comme étant des antidiabétiques extrêmement puissants. - les adipocytes de la moelle osseuse. Le poids de ces adipocytes peut atteindre quelques kilos puisque, chez un individu âgé, la moelle osseuse située dans la cavité médullaire est envahie par les adipocytes. On suppose que ces cellules jouent un rôle dans l'hématopoïèse médullaire. Je n'en parlerai pas dans cet exposé. Plasticité du tissu adipeux L'une des caractéristiques du tissu adipeux est sa grande plasticité, puisqu'il existe après -55- important. Chez des patients diabétiques atteints de gangrène à l'extrémité d'un membre, on espère qu'une injection autologue de pré-adipocytes dans le membre pourra restaurer l'angiogenèse et éviter l'amputation. La différenciation des cellules souches en pré-adipocytes L'origine mésodermique de l’adipocyte n’a jamais été vraiment démontrée. La différenciation des cellules du mésoderme se fait vers différentes voies : l'hématopoïèse, la myogenèse et l'ostéogenèse, dans lesquelles interviennent respectivement plusieurs facteurs de transcription, dont : GATA2, MyoD et Runx2 qui inhibent tous la différentiation adipocytaire. On peut donc considérer que la différentiation adipocytaire correspond à une différenciation par défaut : l'adipocyte serait une cellule qui n'a pas pu se transformer ni en cellule sanguine, ni en cellule musculaire, ni en ostéoblaste ; elle serait la dernière cellule à se développer. Qu'est-ce qui peut contrôler le devenir des pré-adipocytes indépendamment de signaux nutritionnels ou endocriniens ? Au cours des transferts d'électrons dans la chaîne respiratoire, il existe une probabilité de rencontre entre les électrons et l'oxygène environnant (schéma 2) et donc de production d’anion superoxyde (O2-). Cette production est obligatoire mais modulable, et peut être considérée comme un signal intégrateur du métabolisme de la cellule. Plus la quantité d'électrons stockés dans la chaîne respiratoire est importante, plus il y aura d'anions superoxydes. Inversement, plus la quantité d'électrons est faible, plus la probabilité de rencontre diminue et moins la production d'anion superoxyde est importante. L'anion superoxyde produit par la mitochondrie serait donc un senseur du métabolisme énergétique de la cellule dont il gouverne le devenir. Il existe un autre site de production d’ions superoxydes, le système membranaire NADPH oxydase, mais c'est un système inductible qui n'a rien à voir avec le métabolisme énergétique. D'où viennent les adipocytes blancs ? Après prélèvement par liposuccion d'une fraction de tissu adipeux, digestion et centrifugation, on obtient 2 fractions : dans la partie supérieure, un surnageant riche en adipocytes gorgés de lipides et, au fond du tube, la fraction du stroma vasculaire. Notons que les adipocytes ne représentent que 40 % des cellules du tissu adipeux. Ensemencées sur un milieu de culture, les cellules du stroma vasculaire qui adhérent peuvent se différencier en adipocytes. Quel que soit l'âge d'un individu, ces précurseurs ou préadipocytes sont présents dans le tissu adipeux et attendent les signaux adéquats pour devenir des adipocytes et augmenter la capacité de stockage. Plusieurs antigènes ont été identifiés par cytométrie de flux à la surface des pré-adipocytes, dont les plus importants sont CD34, CD13 et HLA. CD34 est exprimé par tous les types de cellules immatures et en particulier par les cellules souches hématopoïétiques, les cellules satellites du muscle et les cellules du système vasculaire. Des expériences menées in vivo, chez les rongeurs et chez l’homme, ont montré que les pré-adipocytes ont un potentiel angiogénique et vasculaire extrêmement Les conséquences cellulaires des espèces actives de l'oxygène (EAOs) ou ROS La production d'anions superoxydes ou de radicaux libres est souvent associée au stress oxydant, à l'inflammation, à des effets délétères… Je ne parle pas ici d'un déséquilibre important et chronique entre la production de ROS et le système antioxydant, mais d’un signal physiologique, d'un déséquilibre modéré, aigu et transitoire. Dans ce cas, les ROS peuvent être considérés comme des seconds messagers dont la production inhibe la différentiation adipocytaire. Si un stress oxydant mitochondrial modéré inhibe la dif-56- Schéma 2 : Rencontre entre les électrons et l’oxygène environnant au cours des transferts d’électrons dans la chaîne respiratoire. Source : UMR CNRS UPS 5018 férentiation adipocytaire, l'ajout d'un antioxydant la favorise. Les ROS peuvent également être considérés comme un signal associé à l'hypoxie. stimule l’adipogenèse. Nous voyons ainsi se mettre en place un cercle vicieux ou le développement de l’obésité facilite, par son métabolisme redox, la mise en place d’une obésité supplémentaire qui pourra se renforcer à son tour. Pour évaluer la réalité physiologique de ces résultats obtenus in vitro, nous avons étudié le métabolisme redox de tissus adipeux chez des animaux contrôles, obèses et traités au LPS (lipopolysaccharides) afin de mimer une véritable inflammation, sachant que beaucoup de gens considèrent que l’obésité est une maladie de type inflammatoire de faible niveau. Pour évaluer ce métabolisme redox, et donc l'état oxydé ou réduit du tissu, nous avons mesuré le gluthation oxydé et réduit. Les résultats montrent de manière évidente que le profil du gluthation des animaux obèses est opposé à celui d’animaux traités au LPS et comparable à l’évolution du statut du gluthation au cours de la différenciation adipocytaire stimulé par l’ajout d’un antioxydant. Il apparaît ainsi et de manière opposée à la vision commune que l’état d’obésité est caractérisé par un état réduit et non par un état oxydé qui correspond à l’état observé en conditions inflammatoires (rats traités au LPS). On peut remarquer que l’état réduit Les radicaux libres mitochondriaux jouent un rôle important puisqu'ils conditionnent non seulement le développement du tissu adipeux mais aussi ses sécrétions notamment l'adiponectine. Il conditionne même le devenir d'une cellule, étant donné qu'un précurseur peut se transformer en différents types cellulaires. Un apport de nutriments entraîne une hypertrophie adipocytaire qui conduit à la mise en place d’un gradient hypoxique et donc d’un gradient de ROS. Ce dernier a deux conséquences : il inhibe la différenciation des précurseurs en adipocytes et favorise leur devenir en cellules endothéliales. Grâce à cette vascularisation, les contraintes hypoxiques sont levées et les précurseurs adipocytaires peuvent à nouveau réagir aux signaux nutritionnels, se gonfler et se différencier en adipocytes. Il semble donc, qu’une fois commencé, le développement du tissu adipeux s'auto-entretienne, un peu -57- comme les schémas de développement proposé pour la progression tumorale. J’ai choisi de vous parler du rôle de la crête neurale dans la formation des adipocytes via la présentation de l’article 1. des Japonais. Ils ont utilisé une technique d'imagerie. Après avoir donné aux patients des analogues de glucose marqué, ils ont localisé les endroits où se trouvaient des cellules à activité métabolique intense et, sur les biopsies correspondant à ces sites, ont détecté l’expression d’UCP-1. Dans cet article, les auteurs font hypothèse que le tissu adipeux blanc aurait plusieurs origines et qu'une partie pourrait provenir de cellules de la crête neurale (d'origine ectodermique). En récupérant des préadipocytes de différents types de tissu adipeux (viscéral, sous-cutané, péritonéal, périgonadique), une équipe américaine a analysé la similarité ou l'hétérogénéité de ces différents tissus. Elle a montré, qu’en fonction de la localisation, l'origine embryonnaire des cellules était différente (des gènes et des facteurs de transcription impliqués dans le développement des adipocytes n'étaient pas les mêmes selon le type de tissu adipeux). Cette équipe a également travaillé sur les effets bénéfiques d'une greffe de tissu adipeux sous-cutané ; ils sont résumés dans l'article 2. Un nouveau regard sur les pré-adipocytes et le tissu adipeux Les pré-adipocytes : des cellules tueuses et multipotentes Les pré-adipocytes restent à bien des égards des cellules mystérieuses. Par exemple, elles sont capables de phagocyter et de tuer des levures, mais aussi des corps apoptotiques. Indépendamment de leur rôle énergétique, elles auraient une fonction immunitaire et pourraient intervenir dans le remodelage tissulaire. Le développement de la glande mammaire constitue une autre plasticité extrêmement importante du tissu adipeux. Les pré-adipocytes sont en fait des cellules multipotentes, donc très immatures, et peuvent aussi bien se différencier en adipocytes, chondrocytes et ostéoblastes. L'origine du tissu adipeux brun Les adipocytes blancs et bruns ont-ils, ou non, les mêmes précurseurs que les adipocytes blancs ? Dans les travaux que je vous ai présentés chez les ruminants, on a l'impression que, macroscopiquement, l'adipocyte brun devient blanc. Personnellement, je soutenais et soutiens la thèse selon laquelle il y a deux types de précurseurs. Je pense qu'un adipocyte brun qui n'est pas stimulé ressemble à un adipocyte blanc mais ne devient pas un adipocyte blanc, car il présente des réponses différentes aux signaux hormonaux. Le débat a fait rage jusqu'à la parution de l'article 3 qui va vous être présenté. Les expériences réalisées par l'équipe de Spiegelman ont été faites chez la souris ; les travaux présentés dans l'article 4 ont été faites chez l'homme. Tissu adipeux et hématopoïèse Le tissu adipeux ne se réduit pas aux adipocytes, qui ne représentent que 40 % des constituants. Pour le comprendre, il faut connaître les différentes populations qui le composent, comprendre leurs fonctions et leurs interactions. On sait maintenant que 30 à 40 % des cellules de la fraction stromale du tissu adipeux sont des cellules hématopoïétiques (marqueur CD45). Le nombre de cellules souches hématopoïétiques dans le tissu adipeux (y compris dans le tissu sous-cutané) est supérieur au nombre de ces cellules dans la moelle osseuse. Cela suggère que le lieu de stockage des cellules souches hématopoïétiques ne serait pas la moelle osseuse mais le tissu adipeux ! Les premiers à avoir montré la présence de tissu adipeux brun chez l'homme adulte sont -58- Tissu adipeux et immunité tissu sous-cutané ressemble à celle du tissu abdominal. L'écologie cellulaire du tissu adipeux d'une personne obèse diffère donc de l'écologie cellulaire d'un tissu adipeux normal. Comme les lymphocytes ne secrètent pas les mêmes cytokines, la recherche a encore de beaux jours devant elle. - Tissu adipeux et macrophages On trouve dans le tissu adipeux un marqueur (CD14) qui s'exprime sur les macrophages. Personnellement, je ne défends pas l'hypothèse selon laquelle l'obésité correspondrait à un état inflammatoire. Lorsqu'on injecte du LPS, on crée une situation inflammatoire, certes particulière et massive, mais dans ce cas le phénotype du tissu adipeux est totalement différent de celui d’une personne obèse. De plus, dans le débat tissu adipeux/macrophages/obésité/ inflammation, on ne tient souvent pas compte du versant diabétique de l'obésité. Certes, chez l'animal obèse, le nombre de macrophages dans le tissu adipeux est élevé, mais cette accumulation n'est pas forcément le signe d'une inflammation, car il existe des macrophages pro-inflammatoires et des macrophages antiinflammatoires. On commence à phénotyper les macrophages du tissu adipeux et des travaux montrent qu'il existe des cytokines anti-inflammatoires dans le tissu adipeux d'animaux obèses. - tissu adipeux et cellule NK (natural killer) Ces cellules du tissu adipeux, apparentées à des lymphocytes, sont importantes du fait de leurs effets anti-cancéreux. Chez le rongeur, il existe une corrélation inverse entre le poids de l'animal et le nombre de cellules NK. Mais, est-ce le fait d'être gros qui fait diminuer les NK ou l’inverse ? Tissu adipeux, adipocytes et dynamique cellulaire Suite à l'accident de Tchernobyl et grâce à la mesure de la radioactivité dans les adipocytes, des chercheurs ont montré que le nombre d'adipocytes reste constant tout au long de la vie et qu'il a un turnover de 10 %. Pour l'instant, on ignore ce qui contrôle leur nombre et comment se fait ce contrôle. On sait seulement que certaines personnes ont des petits adipocytes et d'autres des gros. Par ailleurs, on a montré que le tissu adipeux est sensible à l'irradiation. Or, celle-ci est un des moyens utilisés chez des patients cancéreux pour détruire les cellules qui prolifèrent, ce qui suggère la présence d'un grand nombre de cellules en division dans le tissu adipeux. - Tissu adipeux et lymphocytes Le tissu adipeux contient beaucoup de lymphocytes, or ces derniers conditionnent de manière extrêmement importante le comportement des macrophages. On distingue 2 grandes catégories de lymphocytes : d'une part, les lymphocytes α et β qui sont les lymphocytes de l'immunité adaptative et, d'autre part, les lymphocytes γ et δ qui sont les lymphocytes ancestraux de l'immunité innée. La population lymphocytaire du tissu adipeux varie en fonction de sa localisation. Le tissu adipeux sous-cutané se caractérise par une population très importante de lymphocytes γ et δ, au moins chez le rongeur (ces lymphocytes sont aussi présents au niveau du tube digestif, dans le foie et l'utérus, qui sont des organes de première défense par rapport à une infection microbienne). Lorsque l'on génère une obésité, la population lymphocytaire s'homogénéise : celle du Il existe au sein du tissu adipeux un turnover cellulaire extrêmement important, mais les cellules qui prolifèrent sont, pour l'essentiel, des cellules interstitielles et non les adipocytes qui sont relativement résistant à l'irradiation. On imagine facilement que des signaux, y compris nutritionnels, puissent agir sur des mécanismes d'apoptose ou de renouvellement. Du fait de ce brassage extrêmement important, le phénotype du tissu adipeux pourrait changer complètement. Des cellules meurent, d'autres apparaissent, pourquoi pas des adipocytes bruns ? -59- adipeux comme un senseur de notre environnement, puisqu’il accumule, par exemple, les xénobiotiques qui sont des intermédiaires entre l'environnement et nous. Conclusion et messages à retenir - Importance des nutriments et des PPARs dans la différenciation des adipocytes blancs. - Importance de la norepinephrine dans la différenciation des adipocytes bruns ; émergence d'un nouveau débat : l’adipocyte brun n'est pas un adipocyte blanc spécialisé mais une cellule musculaire spécialisée ! Je crois que chez les personnes âgées il existe une inflammation à bas bruit. Sait-on si les personnes âgées obèses ont plus d’inflammation au niveau de leur tissu adipeux que des personnes âgées non obèses ? - Il existe différents types d'adipocytes blancs et d'adipocytes bruns. Il faut faire attention car la population des personnes âgées est très hétérogène pour tout ce qui concerne la nutrition. Certaines vivent en institution, d'autres chez elles ; certaines sont peu mobiles, d'autres très actives… Contrairement à une idée largement répandue, la pression artérielle moyenne n'augmente pas avec l'âge. Par contre, le pourcentage de gens hypertendus augmente en vieillissant. Par ailleurs, on sait qu'il n'existe pas une obésité mais des obésités. Les sujets qui intéressent les chercheurs sont les personnes en train de devenir obèses. Plus l'obésité est constituée, plus les signes inflammatoires locaux sont importants. Est-ce la cause ou la conséquence ? - Aux différents types d'adipocytes correspondent des origines embryonnaires et des fonctions différentes. - Les adipocytes ne constituent que 40 % du tissu adipeux. - Le tissu adipeux est un système écologique complexe, qui se situe à la croisée des chemins entre métabolisme énergétique, système immunitaire et inflammation. - Le tissu adipeux n'est pas une « motte de beurre inerte » (comme on le pensait encore récemment), mais le siège d'un turnover cellulaire et d'un métabolisme intense qui reste à appréhender. Article 1 : « Génération des adipocytes par la crête neurale » Discussion Commentaire Je sais que l'on est toujours tenté de faire des relations de causalité, même quand ce n'est pas le cas. Concernant le débat inflammation/obésité, j'aurais envie de dire qu’une des manières de limiter l'extension de l'obésité serait peut-être de déclencher une réaction inflammatoire locale. Ce n'est pas une cause, mais simplement un facteur limitant, une contre-régulation. Introduction L'obésité étant un problème de santé mondial, on s'intéresse de plus en plus à la différenciation adipocytaire. On sait que des progéniteurs mésenchymateux se différencient en pré-adipocytes qui, eux-mêmes, se différencient en adipocytes. Cette dernière étape est assez bien définie. On en connaît les principaux facteurs de transcription (PPAR, C/EBT, S/REBP). Par contre, la première étape est beaucoup moins connue, notamment du fait de l'absence de marqueurs moléculaires permettant de distinguer, in vivo, les préadipocytes de leurs progéniteurs mésenchy- J'ai maintenant l'impression que le tissu adipeux est la « grande poubelle » de l'organisme. Pour moi, la grande poubelle c'est plutôt le réticulum endoplasmique. Je perçois le tissu -60- mateux. De plus, on a peu d'informations sur l'origine du lignage adipocytaire au cours du développement embryonnaire. sait pas d’où viennent les adipocytes du bas du corps ; on sait seulement qu'ils ne dérivent pas de la crête neurale (au moins pour le tissu adipeux sous-cutané). On sait que le tissu adipeux est hétérogène, puisqu'il existe des adipocytes blancs et des adipocytes bruns ; mais d'après cet article, on pourrait imaginer que des adipocytes blancs soient d'origines différentes et aient des fonctions différentes. On sait que les dérivés mésenchymateux que sont l'os, le derme, les muscles et les vaisseaux ont une origine mésodermique. On pense aussi que la majorité du tissu adipeux blanc dérive du mésoderme, mais cela n'a pas été formellement démontré. Comme tous les tissus mésenchymateux ne sont pas formés à partir du mésoderme, les auteurs de cet article font l'hypothèse qu'une partie du tissu adipeux blanc pourrait provenir de cellules de la crête neurale comme les os de la tête, la peau du cou et de la face, certaines glandes endocrines (médullosurrénales) et les mélanocytes. Est-on sûr que c’est le déterminisme de la cellule embryonnaire qui oriente son développement et non le milieu de culture et l'environnement ? Les produits que l'on ajoute au milieu sont parfois extrêmement puissants et capables de modifier le programme transcriptionnel. Je suis d'accord et ta question m’amène à faire deux remarques. On caractérise souvent les adipocytes par l'accumulation des lipides. Or, des travaux ont montré qu'il est facile d'accumuler des lipides dans une cellule. Il suffit d'inhiber l'oxydation pour qu’une cellule ressemble à un adipocyte, mais elle n'exprime pas de programme de différenciation adipocytaire. On peut donc faire des adipocytes biologiquement actifs et d'autres issus d'une accumulation passive de lipides. Je formulerai ta question d'une autre manière : la différenciation adipocytaire estelle de même nature que la différenciation homéoblastique ou la différenciation ostéogénique ? Ne s'agit-il pas d'une capacité de réponse d'un grand nombre de cellules à un environnement nutritionnel ? Ceci dit, on ne peut pas nier l'importance que pourrait avoir l'origine embryonnaire. Conclusion - Mise en évidence, in vitro et in vivo, d'une différenciation des adipocytes à partir des cellules de la crête neurale. - Les cellules de la crête neurale provenant de la zone céphalique et de la zone du tronc peuvent générer des adipocytes. - Les adipocytes matures de la région de l'oreille et des glandes salivaires proviennent de cellules de la crête neurale chez la souris, ce qui n'est pas le cas pour le tissu adipeux des ovaires ou du tissu sous-cutané. - Les cellules de la crête neurale, d'après la littérature, peuvent générer des cellules mésenchymateuses telles que des chondrocytes, des adipocytes ou des cellules de la moelle osseuse. Discussion Il existe un modèle intéressant de stéatose hépatique, qui montre que l'hépatocyte, qui a priori ne contient pas de lipides, est capable d’en accumuler. Tu nous disais que c'était une des situations où il peut éventuellement acquérir des protéines découplantes. Comment expliques-tu ce changement phénotypique discret, alors que l'hépatocyte n’est pas programmé comme l’adipocyte et Commentaire. Cet article est important car c'est le premier qui montre clairement l'origine embryonnaire du tissu adipeux. Il montre aussi, avec des approches complémentaires, que les adipocytes blancs ont des origines différentes. Ceux du haut du tronc (os, muscles de la tête) dérivent de la crête neurale. On ne -61- de recruter des préadipocytes ? Chez le rongeur, il a bien été prouvé que ce sont de vrais adipocytes blancs qui infiltrent les myocytes. que l’hépatocyte du Nash (non alcoholic steato-hépatit) est très différent de l'hépatocyte natif ? Le Nash constitue l'évolution des hépatocytes qui ont accumulé des lipides. On sait que le foie, qui est le tissu le plus maigre de l'organisme, peut dans certaines conditions, notamment de blocage d'oxydation ou d'export, se gorger de lipides. C'est d'ailleurs la grande complication hépatique de l'obésité qui peut aussi évoluer vers une fibrose. Dédifférenciation ou transdifférenciation des myocytes : tous les chercheurs ne sont pas d'accord. Personnellement, je pense que l'adipocyte a une certaine capacité de dédifférenciation, au moins jusqu'à un stade relativement immature, ce qui n'est pas le cas pour le muscle squelettique (au moins chez les mammifères, car c’est vrai pour les animaux inférieurs) ou pour les cellules sanguines. Cela nous ramène à la plasticité du tissu adipeux. Une maladie rappelle le Nash : la myopathie. Quand des muscles sont insuffisamment stimulés, ils sont envahis par des cellules qui ressemblent à des adipocytes. Sont-ce des adipocytes, des cellules musculaires ou des précurseurs musculaires ? Nous en reparlerons dans la prochaine session. Dans toutes les situations où il n'y a pas de stimulation, les cellules sont capables d'accumuler des lipides et un programme adipocytaire semble se mettre en place. Dans les foies gras, des foies de type Nash, on observe non seulement une accumulation de lipides mais également une expression de la leptine. La famille des CEBP joue un rôle considérable et des éléments S/ERBP sont également impliqués. Il semble donc qu'audelà d'une simple accumulation passive de lipides, ces hépatocytes récupèrent une partie du phénotype de l'adipocyte. Quant aux molécules découplantes, UCP1, UCP2 et UCP3, elles sont associées au métabolisme lipidique. J'ai lu que les adipocytes qui entourent des tumeurs perdent leurs lipides pour fournir de l'énergie à la cellule tumorale et se transforment en fibroblastes. C'est même très spectaculaire dans la moelle osseuse. La moelle rouge, qui est hématopoïétique, devient jaune au cours du développement (cf. l’os à moelle du pot-au-feu). En cas d'hémorragie, la moelle jaune redevient rouge. Autrement dit, les adipocytes « disparaissent » et la moelle retrouve une activité hématopoïétique. Article 2 : « Effets bénéfiques d'une greffe de tissu adipeux sous-cutané sur le métabolisme » Sur des cellules musculaires en culture, que ce soit par des méthodes pharmacologiques ou par l'addition massive de substrats (glucose+ insuline), on sait provoquer l’accumulation de lipides dans les myocytes, mais on n’observe jamais de marqueurs adipocytaires. La cellule in vitro est capable de gérer l'excès de substrats. Par contre, quand on fait des expériences de surnutrition, chez l'homme comme chez l'animal, on voit apparaître ces marqueurs. Au-delà d'un certain seuil, le myocyte enverrait-il un signal pour informer des cellules précurseurs qu’il ne peut plus gérer l'énergie excédentaire et que le muscle a besoin Introduction On distingue deux types d'obésité (IMC > 30). La première, dite obésité viscérale ou centrale, se caractérise par un tour de taille supérieur à 102 cm chez l'homme et à 88 cm chez la femme. Elle correspond à une accumulation de tissu adipeux au niveau intraabdominale. La deuxième, ou obésité périphérique, se caractérise par une accumulation de tissu adipeux au niveau souscutané. Il existe des différences majeures dans l'expression des gènes pour ces deux -62- types d'obésité. Elles se traduisent au niveau physiologique par des différences de l'insulinorésistance, du risque de diabète de type 2, de la dyslipidémie, de l'athérosclérose et de la mortalité, les risques étant plus élevés pour la première. Des travaux ont montré que le tissu adipeux sous-cutané a même des effets plutôt bénéfiques. Il serait responsable d'une sensibilité à l'insuline plus élevée. La thiazolidinédione, qui augmente la sensibilité à l'insuline, augmente aussi la quantité de ce tissu. Chez les souris ob/ob qui surexpriment l'adiponectine, on observe une augmentation du tissu adipeux sous-cutané et une amélioration des paramètres métaboliques. on peut se demander si celui-ci ne secrèterait pas un facteur spécifique. Article 3 : « Rôle de la protéine PRDM 16 dans la différenciation du tissu adipeux brun » Introduction Du fait des problèmes de santé publique que pose l'obésité, de plus en plus de chercheurs s'intéressent au tissu adipeux. Nous avons vu que le tissu adipeux blanc sert à stocker l'énergie sous forme de triglycérides et le tissu adipeux brun à la dissiper sous forme de chaleur. Pour lutter contre l'obésité, il y a schématiquement deux stratégies : soit on diminue le développement du tissu adipeux blanc, soit on augmente celui du tissu brun. Des travaux ont montré qu'en atténuant la différenciation du tissu adipeux blanc, on provoque une accumulation de lipides dans des cellules dont ce n'est pas le rôle, ce qui entraîne certaines pathologies. Aujourd'hui, on s'intéresse davantage au tissu adipeux brun et des résultats encourageants ont été obtenus chez la souris. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ces différences : 1) le tissu adipeux viscéral, situé entre l'intestin et le foie, secréterait au niveau de la veine porte des molécules circulantes qui agiraient au niveau du foie et déréguleraient la production de glucose ; 2) une caractéristique intrinsèque des adipocytes modifierait le rôle des différents tissus adipeux ; 3) le tissu adipeux viscéral serait un marqueur d'un stress physiologique ; 4) le tissu adipeux viscéral serait un site ectopique lorsque le tissu adipeux souscutané est saturé en tissu adipeux. Cette étude a pour objectif de déterminer si les différents effets métaboliques des tissus adipeux sont dus à leur localisation ou à des différences intrinsèques. Les cellules souches mésenchymateuses sont à l'origine de différents types cellulaires dont les myoblastes et les pré-adipocytes. Sous le contrôle de facteurs de transcription (PPARγ, C/EBPα,β,δ), ces derniers se transforment en adipocytes bruns ou en adipocytes blancs. On connaît les co-activateurs qui inhibent (pRB, p107, RIP140) ou favorisent (FOXC2, PRDM16) le développement des adipocytes bruns. Ces derniers peuvent également se développer au sein du tissu adipeux blanc, notamment à la suite d'un traitement βadrénergique ou d'une exposition chronique au froid. Dans cet article, les auteurs ont voulu mettre en évidence les effets d’une inhibition de PRDM16 au niveau des préadipocytes bruns. Conclusion - Le tissu adipeux sous-cutané a des effets bénéfiques sur l'homéostasie glucidique. - Ces effets sont dus à une propriété intrinsèque des adipocytes, mais étant donné qu'ils ne représentent que 40 % du tissu adipeux, on ne peut écarter l’hypothèse selon laquelle d'autres cellules du tissu adipeux seraient impliquées dans l'amélioration de la glycémie. - L’effet bénéfique étant plus important lorsqu'on greffe du tissu adipeux sous-cutané au niveau viscéral qu’au niveau sous-cutané, -63- Résultats Discussion - PRDM16 aurait, au niveau de précurseurs adipocytaires, un rôle inhibiteur sur le développement d'un phénotype de cellule musculaire (alors que les auteurs pensaient qu'il favoriserait le développement des adipocytes blancs). Une conclusion très importante, mais il fallait y penser ! Deux mécanismes permettent la thermorégulation : le frisson et le non frisson. Le frisson est un fonctionnement non synchronisé des muscles antagonistes dont la conséquence est une hydrolyse massive et permanente d'ATP sans être associé à un mouvement coordonné. Le frisson génère un cycle futile. Il fait fonctionner l'ATP synthase comme un canal à protons. C'est également le cas dans le tissu adipeux brun. D'un point de vue évolutif, il semble donc normal que l'adipocyte brun caractéristique dérive d'un muscle et non d'un adipocyte blanc. Un autre argument confirme cette hypothèse. Le porc n'a pas de tissu adipeux brun. Le porcelet nouveau-né est le mammifère le plus maigre de tous. Il n'a quasiment pas de tissu adipeux. Sa thermorégulation se fait via les muscles rhomboïdes qui sont situés au niveau interscapulaire, c'est-à-dire au même endroit que le tissu adipeux brun chez le rongeur. Il y a une production de chaleur de non frisson par ces muscles qui est liée à un mécanisme de type découplant. Chez le seul mammifère dépourvu de tissu adipeux brun, la thermogenèse de non frisson se fait dans du muscle, ce qui est aussi cohérent avec ce travail. - Les adipocytes bruns et les myocytes proviennent d'un précurseur commun exprimant Myf5 ; Myf5 n’est donc pas un promoteur spécifique de la lignée musculaire. - Le tissu adipeux brun qui se forme au sein du tissu adipeux blanc est différent de celui qui est issu des précurseurs qui expriment Myf5. Il n'exprime pas Myf5 et n'a pas la même origine. - PRDM16 induit la différenciation des cellules musculaires C2C12 et des cultures primaires de myoblastes en adipocytes bruns. - PRDM16 se lie à PPARγ et joue un rôle de coactivateur. C'est aussi un cofacteur de PPARα avec lequel il entraîne la transcription des gènes cibles. - Les souris homozygotes KO pour le gène PRDM16 meurent à la naissance. Elles ont un profil d'expression génique perturbé dans leur tissu adipeux brun : diminution de l'expression de tous les gènes spécifiques du tissu brun et augmentation de l'expression de tous les gènes spécifiques des cellules musculaires, sans que l'on observe de vrais myoblastes. Lorsque l’on est immobile, le métabolisme énergétique a un rendement nul, tout est transformé en chaleur ; on ne fabrique pas d'ATP. Lors d'une activité physique, le corps fabrique de l'ATP qui est ensuite hydrolysée. Pour mesurer l'énergie, on doit donc mesurer l'oxygène ou la chaleur. Conclusion L’adipocyte brun n'est donc pas, comme on le croyait, un adipocyte spécialisé, mais une cellule musculaire spécialisée (image 1). Image 1 : Adipocyte brun. Ce travail et ses résultats sont vraiment très importants, mais un fait me gêne : la délétion de la protéine qui empêche la fabrication du tissu adipeux brun est létale. Je ne le dirais pas comme cela, car on peut penser que PRDM16 est impliqué dans d'autres mécanismes. Je ne sais pas si la léta-64- lité est uniquement associée aux perturbations constatées dans le tissu brun. Article 4 : « Réservoir de progéniteurs d'adipocytes bruns dans le muscle squelettique adulte » Si la conclusion est vraie, on devrait trouver des marqueurs musculaires, même à un faible niveau, dans les adipocytes bruns. Or, on n'en a jamais observés même au niveau mitochondrial. Les mitochondries des myoblastes, sans parler de la chaîne respiratoire elle-même, ont des caractéristiques bien spécifiques. Introduction Le tissu adipeux brun chez les rongeurs et les animaux hibernants est le siège d’une thermogenèse adaptative non frissonnante. Celle-ci intervient dans le maintien de l’homéothermie en cas de froid et dans la régulation de la balance énergétique en cas de prise alimentaire trop importante. Cette thermogenèse a lieu dans les mitochondries du tissu adipeux brun. Elle est impliquée dans la respiration et permet de court-circuiter l'ATP synthase en laissant fuir des protons dans la matrice mitochondriale. La synthèse d'ATP et la phosphorylation oxydative sont découplées et l'énergie est dissipée sous forme de chaleur. Si ce mécanisme qui existe chez le rongeur était transposable à l'homme, il pourrait être utilisé dans de nouvelles stratégies de lutte contre l'obésité. En fait, on en a observés il y a une quinzaine d’années. Il suffisait de pousser le raisonnement ! Sait-on si les Inuits, qui vivent dans des régions très froides, ont plus de tissu adipeux brun que de tissu adipeux blanc ? Comme à ces températures, les adipocytes blancs peuvent se transformer en adipocytes bruns, ils devraient avoir moins de problèmes d'obésité. Cela n'a pas été fait chez les Inuits mais chez des bûcherons canadiens. À ma connaissance, chez ces personnes qui vivent en permanence dehors à des températures très froides, les problèmes d'obésité n'existent pas. Comme il existe différents types d'adipocytes blancs, il existe aussi différents types d'adipocytes bruns. Ceux qui apparaissent dans le tissu adipeux blanc n'ont rien à voir avec les adipocytes bruns typiques. Les adipocytes blancs traités avec des molécules de type βadrénergique ne deviennent pas bruns. De même, un animal traité avec ces molécules développe du tissu adipeux brun, mais on ignore son origine. C’est pourquoi le schéma qui vous a été donné dans la conclusion n'est pas tout à fait juste, car je pense que la transdifférenciation du tissu blanc en tissu brun n'a toujours pas été démontrée, mais les avis divergent sur ce point. Le tissu adipeux brun est présent chez le nouveau-né humain mais disparaît rapidement après la naissance. Il reste toutefois quelques progéniteurs d'adipocytes bruns dispersés dans le tissu adipeux blanc. La découverte récente de tissus adipeux capables de thermogenèse stimulée par le froid dans les parties supérieures du corps humain et la mise en évidence, chez la souris, d'adipocytes bruns les rendant plus résistantes à l'obésité ont relancé l'intérêt des chercheurs pour ce tissu. Les auteurs de cet article voulaient savoir s'il existe, ou non, chez l'homme des progéniteurs d'adipocytes bruns exprimant UCP-1 et capables de thermogenèse dans le muscle squelettique. Conclusion - Il existe dans le muscle squelettique humain, fœtal et adulte, des progéniteurs (CD34+) capables de se différencier, in vitro, en vrais adipocytes bruns. -65- Discussion - Ce potentiel de différenciation est préservé au cours des cultures cellulaires malgré une orientation vers un phénotype d'adipocytes blancs. On a longtemps dit qu'il n'y avait pas d'adipocytes bruns chez l'homme parce qu'on les cherchait dans le tissu adipeux et non dans le muscle. Comme la masse musculaire est quantitativement très importante chez l'homme, peut-on considérer que du tissu adipeux brun s’y trouve en quantité très significative et qu’il joue un rôle sur la balance énergétique ? - Les cellules CD34+ ne sont pas capables de se différencier en adipocytes bruns dans le tissu adipeux blanc sous-cutané. Cela reste à vérifier dans d'autres tissus adipeux. - Les adipocytes bruns et les myocytes ont une origine commune. Dérivent-elles directement de cellules CD34+ ancestrales ou d'un soustype de cellules CD34+ endothéliales ? Il faut raison garder car on ne joue pas impunément avec l'énergétique musculaire. Il faut vraiment faire très attention aux effets secondaires qui seraient associés au traitement de l'obésité. On sait que les β-3 agonistes ont des effets secondaires neurologiques importants, en particulier des tremblements non intentionnels. Une publication récente a montré qu'en surexprimant UCP-2 (je crois) dans du tissu musculaire, on induisait une dégénérescence neuro-axonale. Si pour maigrir, le risque est de développer une maladie de Parkinson, le choix sera vite fait. - Applications thérapeutiques : 50 g de tissu adipeux brun permettraient d'augmenter la dépense énergétique de 20 à 25 %. Cependant, avant toute transplantation de progéniteurs chez des patients, il est impératif de maîtriser les conditions de différenciation car, dans le muscle squelettique, ce sont les adipocytes blancs qui ont tendance à se développer. - Commentaires. Ces résultats sont prometteurs, mais plusieurs obstacles doivent être levés : 1) UCP-1, dont le niveau d’expression est relativement faible dans le muscle adulte, modifie le rapport des fibres musculaires (elle augmente les fibres oxydatives au détriment des fibres glycolytiques) ; 2) les thiazolidinediones qui stimulent le développement du tissu adipeux et diminuent l'insulinorésistance ont des effets secondaires (prise de poids, maladies cardiaques, modification du profil lipidique...). Il serait donc nécessaire de trouver de nouveaux agonistes aux PPARγ qui stimuleraient des enzymes de la mitochondriogenèse et non des enzymes lipogéniques ; 3) aujourd'hui, on ne sait pas transformer les myoblastes en adipocytes bruns chez l'homme. Il faudra veiller à ne pas traiter l'obésité en diminuant l'énergie au niveau du muscle de manière inconsidérée. Gageons que dans les mois qui viennent, les entreprises pharmaceutiques vont lancer des programmes sur les progéniteurs musculaires et les molécules qui pourraient activer leur différenciation. -66- Louis Casteilla, Directeur de recherche CNRS - Directeur de l’UMR CNRS UPS 5241 – Métabolisme, plasticité, mitochondrie - IFR31, Toulouse Articles analysés Article 1 – présenté par Aurélie Masgrau (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine – Clermont-Ferrand - Theix) « The generation of adipocytes by the neural crest » - Billon N., 2007, Development 134:2283-2292 Article 2 – présenté par Julien Chilloux (USC 2028 – Nutrition et Cerveau - Lyon) « Beneficial Effects of Subcutaneous Fat Transplantation on Metabolism » Tran et al. - Cell Metabolism, May 2008 Article 3 – présenté par Fabien Wauquier (UMR 914 – Physiologie de la nutrition et du comportement alimentaire – Paris) « PRDM16 controls a brown fat/skeletal muscle switch » - Patrick Seale, Bryan Bjork, Wenli Yang, Shingo Kajimura, Sherry Chin,Shihuan Kuang, Anthony Scime`,Srikripa Devarakonda, Heather M. Conroe, Hediye Erdjument-Bromage, Paul Tempst, Michael A. Rudnicki,David R. Beier & Bruce M. Spiegelman - Nature Vol 454| 21 August 2008| Article 4 – présenté par Anne-Sophie Foucault (UMR 1280 - Physiologies des Adaptations Nutritionnelles - Nantes) «A Reservoir of Brown Adipocyte Progenitors in Human Skeletal Muscle » Mihaela Crisan, Louis Casteilla, Lorenz Lehr, Mamen Carmona, Ariane Paoloni-Giacobino, Solomon Yap, Bin Sun, Bertrand Léger, Alison Logar, Luc Pénicaud, Patrick Schrauwen, David Cameron-Smith, Russell Aaron Paul, Bruno Péault et Jean-Paul Giacobino - Stem Cells® Sept. 2008 ; 26 : 2425-2433 -67- Insulino-résistance musculaire : adaptations métaboliques à la nutrition Hubert Vidal Introduction tribuant à l'aggravation du cercle vicieux dont je vous parlerai ultérieurement. L’objectif de cet exposé est de vous présenter les avancées récentes concernant les mécanismes de l'insulino-résistance musculaire et de discuter ensemble des possibilités que ces données nouvelles apportent pour le développement d’approches thérapeutiques ou préventives permettant de soigner des pathologies liées à cette insulino-résistance, en particulier le diabète de type 2 et l’obésité. Tout d’abord, l’insulino-résistance est définie comme étant la résistance d'une cellule, d'un tissu ou d'un organe à l'action de l'insuline, hormone secrétée par les cellules bêta pancréatiques. Elle est associée à certaines situations pathologiques, comme l’obésité, mais on la retrouve aussi dans de très nombreuses situations physiologiques, car c’est un moyen d'adaptation, une réponse à un stress ou à toutes formes d'agression. L'insuline est une hormone prédominante dans la régulation du métabolisme des sucres, des lipides et des protéines. Elle est impliquée dans le développement cellulaire. C'est un facteur de croissance. L'insulino-résistance correspond donc à un défaut de fonctionnement de l'insuline dans ses tissus cibles. - Dans le muscle squelettique, l'effet principal de l'insuline est de faciliter l'entrée du glucose, que ce soit pour le stocker sous forme de glycogène ou l'utiliser à des fins oxydatives. L'insulino-résistance diminue cette capture et donc l'utilisation du sucre par le muscle. Après un repas, si le muscle utilise moins de glucose, la glycémie met davantage de temps pour revenir à une valeur normale. Le diabète de type 2 Le diabète T2 est une maladie grave et progressive. Elle représente plus de 90 % des cas de diabète dans le monde. Elle est caractérisée par une hyperglycémie chronique et des anomalies du métabolisme des glucides et des lipides. Le taux important de mortalité est lié à des complications, en particulier micro- et macro-vasculaires : - les maladies cardiovasculaires constituent la principale cause de mortalité des patients diabétiques T2 ; - le risque d'attaques cérébro-vasculaires est multiplié par 1,8 ; - les neuropathies représentent la principale cause d'amputations non traumatiques des extrémités ; - Lorsque le foie est résistant à l'action de l'insuline, l'inhibition de la production hépatique de glucose est moins importante, ce qui contribue à une hyperglycémie. C'est principalement cette anomalie qui explique l'hyperglycémie chez un sujet diabétique à jeûn. - les néphropathies sont une cause majeure d'insuffisance rénale ; - les rétinopathies constituent la première cause de cécité chez l'adulte. - Dans le tissu adipeux, l'insuline est la principale hormone anti-lipolytique : elle inhibe l'hydrolyse des triglycérides et le relargage des acides gras. Dans les cas d'insulino-résistance, le tissu adipeux libère plus d'acides gras libres dans la circulation. Ces derniers vont alors dans le foie et d'autres tissus, con- Deux défauts sont nécessaires au développement d'un diabète de type 2 : la résistance à l'action de l'insuline (ou insulino-résistance) et un dysfonctionnement des cellules β-pancréatiques. C’est la perte de fonctionnalité des cellules β qui conduit au diabète T2 (le -68- diabète de type 1 qui est dû à une destruction auto-immune est une autre pathologie ; il apparaît généralement chez des sujets jeunes). Le diabète T2 est aggravé par l'obésité car, chez les personnes obèses, l'excès de graisses en induisant l’insulino-résitance perturbe l'action de l'insuline qui ne parvient plus à réduire la concentration de sucre dans le sang. Cependant, la très grande majorité des personnes obèses ne deviendront pas diabétiques de type 2. Actuellement, on observe une nette augmentation de la prévalence de ce type de diabète (de quelques millions en 2000 dans les pays industrialisés, on estime que le nombre de personnes diabétiques T2 atteindra 60 millions en 2030). Ce phénomène est également très préoccupant dans les pays en développement, puisque l'on passera de 150 millions de cas en 2000 à plus de 300 millions en 2025. Cependant, il faut employer un traceur du glucose et perfuser des doses très faibles d’hormone car le foie est beaucoup plus sensible que le muscle à l'insuline. Le transport de glucose dans le muscle (schéma 1) Le récepteur de l'insuline est un dimère transmembranaire à activité tyrosine kinase. Lorsque l'insuline se fixe sur son récepteur, celui-ci s'auto-phosphoryle sur ses résidus tyrosine. Cette auto-phosphorylation entraîne le recrutement de protéines qui sont des substrats du récepteur. Celles-ci vont à leur tour être phosphorylées par l'activité tyrosine kinase du récepteur. Les tyrosines phosphorylées servent d'ancrage à des protéines de signalisation. Parmi elles, on trouve la PI3 kinase qui, une fois activée, produit un second messager de l'insuline, le PIP3 (un phospho-inositol-phosphorylé). Celui-ci entraîne l’activation de toute une série de kinases qui aboutit à la kinase PKB/AKT. Cette dernière activation permet la translocation à la membrane cellulaire de vésicules intracellulaires contenant des transporteurs de glucose, Glut 4. Ceci entraîne une augmentation du nombre de transporteurs à la membrane permettant une entrée massive du glucose dans la cellule. Ces phénomènes sont extrêmement rapides puisque l'enchaînement des cascades de phosphorylations suiv- Mesure de la sensibilité musculaire à l'insuline in vivo La méthode de référence qui permet d'estimer la sensibilité ou la résistance à l'insuline, chez l'animal comme chez l'homme, est le clamp euglycémique hyperinsulinémique. Sur des sujets alités, on installe des cathéters pour faire les perfusions et les prélèvements. Après une période de repos et d'adaptation, on perfuse l'insuline à des débits assez importants, éventuellement par paliers. Pour maintenir la glycémie constante, on perfuse le glucose en même temps que l'insuline. La quantité de glucose perfusée permet d'estimer la quantité utilisée par les tissus en réponse à l'insuline. Chez une personne diabétique de type 2, la quantité de glucose qu'il faut perfuser pour maintenir la glycémie est beaucoup moins importante que chez un sujet témoin. Cette moindre utilisation est due principalement à un défaut musculaire d’action de l’insuline sur l’utilisation du glucose. Cette méthode du clamp euglycémique permet aussi de mesurer l'effet de l'insuline sur la production hépatique de glucose. Schéma 1 : Le transport de glucose dans le muscle. -69- ies de la translocation de Glut 4 ne prend que trois à cinq minutes lorsque l’on met de l’insuline sur des cellules in vitro. Aujourd'hui, on cherche à savoir quelles sont les protéines qui interviennent dans la fusion des membranes des vésicules avec la membrane externe. porteurs de glucose, en particulier Glut4 (alors qu’on observe une diminution de Glut4 dans le tissu adipeux de patients diabétiques). - Nous avons ensuite montré que l’activation de PKB ou de AKT est altérée dans le muscle de patients diabétiques de type 2, du fait d’une anomalie de phosphorylation sur des résidus sérine particuliers (AKT pSer 473 chez l’homme). Seule AKT2, une des trois isoformes d’AKT, est affectée. Mécanismes moléculaires de l'insulino-résistance musculaire chez les diabétiques Mise au point d'un modèle cellulaire - Puis nous avons constaté une diminution de l’activation de la PI3Kinase résultant d’une diminution de la phosphorylation d’IRS-1 (et pas des autres IRS présents dans le muscle) sur des résidus tyrosines alors que le récepteur à l’insuline et son activité tyrosine kinase sont normaux. Nous avons montré que cette anomalie de phosphorylation d’IRS1 sur des résidus tyrosine est associée à une augmentation de la phosphorylation sur des sérines, que ce soit ou non en réponse à l’insuline. En fait, chez les patients diabétiques T2 et de façon constitutive, la phosphorylation d’IRS1 sur sérine est plus importante. A partir de biopsies de muscle (de 70 à 150 mg, soit la taille d’un petit pois) prélevées sous anesthésie locale en ambulatoire et réalisées avant et après la perfusion d’insuline, nous avons préparé des cultures de cellules musculaires humaines. Grâce à un protocole mis au point par une équipe américaine au début des années 2000, nous avons obtenu des myotubes polynucléés capables de se contracter dans la boîte de culture. Nous avons démontré que l’on peut maintenir, in vitro, l’insulino-résistance des cellules musculaires humaines en culture préparées à partir de biopsies de patients diabétiques. Grâce à ce modèle, nous avons pu mettre en évidence que la stimulation du transport de glucose par l’insuline est altérée dans les myotubes de patients diabétiques. Ceci nous a ensuite permis d'identifier les mécanismes en cause dans l’insulino-résitance musculaire chez ces patients. La phosphorylation d'IRS-1 D'autres équipes se sont intéressées aux mécanismes qui empêchent l'action de l'insuline (schéma 2). La liaison de l'insuline à son récepteur stimule l’activité tyrosine kinase du récepteur entraînant la phosphorylation des IRS, dont IRS-1, sur des résidus tyrosine. Les IRS sont des très grosses protéines qui contiennent une vingtaine de sites de phosphorylation sur tyrosine et une trentaine sur sérine ou thréonine. Pour activer la PI3kinase, il faut qu'il y ait une double phosphorylation de deux motifs tyrosine situés à quatre acides aminés l'un de l'autre, sans quoi l'interaction avec la sous-unité régulatrice de la kinase ne peut se faire. Altérations dans la voie de signalisation Pour expliquer pourquoi, chez les patients diabétiques, le glucose ne pénètre pas aussi bien dans les cellules musculaires en réponse à l’insuline, nous avons voulu savoir au niveau de quelle(s) étape(s) de la voie de signalisation insulinique (schéma 1) pouvait se situer une anomalie. - Tout d’abord, nous avons confirmé les résultats obtenus par une équipe suédoise peu de temps auparavant : il n’y a aucune anomalie dans les niveaux d’expression des trans- A la suite de nos travaux, de nombreux auteurs ont démontré : 1) que l'insulino-résistance musculaire dans le diabète de type 2 -70- Schéma 2 : est associée à un défaut de régulation de la phosphorylation d'IRS-1, et 2) que l'augmentation de la phosphorylation de résidus sérine empêche la phosphorylation normale de résidus tyrosine situés à proximité, et donc la propagation intracellulaire du signal de l'insuline. L'article 1 en fait la démonstration in vivo avec une approche élégante de transgenèse. Lipides intramusculaires et sensibilité à l'insuline Depuis quelques années, on s'intéresse à l'anomalie du métabolisme des lipides chez des patients diabétiques de type 2. Dans les muscles de ces patients, plusieurs études ont mis en évidence des accumulations de lipides similaires à celles observées chez des rongeurs soumis à un régime enrichi en lipides. Plus que des adipocytes infiltrés entre les fibres, il s'agit de dépôts de lipides intracellulaires. Les relations entre ces lipides et la sensibilité à l'insuline font l'objet des articles 2 et 3. Pourquoi cette phosphorylation d'IRS-1 sur sérine ? IRS-1 peut être phosphorylé sur plus d'une trentaine de sites sérine ou thréonine. De très nombreuses kinases sont capables de phosphoryler IRS-1, y compris la PI3Kinase ellemême. Néanmoins, une hyper-phosphorylation de sérines pourrait aussi être due à un défaut d’action de phosphatases, puisque certaines phosphatases éliminent spécifiquement les phosphates des résidus sérine. On peut donc imaginer que dans le diabète de type 2, il y a une diminution de cette activité phosphatase spécifique sur IRS-1. Accumulation d’intermédiaires du métabolisme des lipides Dans notre laboratoire, nous avons utilisé plusieurs approches pour accumuler des lipides, sous formes de gouttelettes de triglycérides, dans des cellules musculaires humaines. Quelle que soit la méthode utilisée (agents pharmacologiques agonistes des récepteurs nucléaires LXR, surexpression des facteurs de transcription activant la lipogenèse, incubations avec des acides gras…), nous n’avons jamais observé de mod-71- tré une diminution de l’oxydation des acides gras dans le muscle de personnes insulinorésistantes, qu’elles soient diabétiques ou non. Les personnes obèses qui font de l’exercice physique pour augmenter leur capacité oxydative ont toujours une oxydation lipidique plus faible que les personnes minces soumises au même exercice. Au début des années 2000, plusieurs équipes ont souligné l’existence d’anomalies fonctionnelles et morphologiques des mitochondries dans le muscle de patients diabétiques. Les auteurs de l'article 4 se sont intéressés à ces dysfonctionnements mitochondriaux. Peu de temps après, d'autres équipes ont montré qu'il y a chez les patients diabétiques T2 une diminution de l'expression de gènes clés de la mitochondriogenèse (PGC1α, NRF1). ification de la sensibilité à l’insuline. En fait, l’insulino-résistance ne dépend pas directement des triglycérides intracellulaires, mais de l’accumulation d’autres intermédiaires du métabolisme des lipides, tels que les acylCoA, les diglycérides et les céramides. Cette théorie permet de comprendre pourquoi, dans certains cas d’accumulation de lipides intramusculaires, les patients restent insulino-sensibles et, dans d’autres cas, on observe une insulino-résistance sans qu’il y ait accumulation de lipides dans les muscles. Déjà dans les années 70, plusieurs équipes avaient montré le rôle déterminant du diacylglycérol dans le contrôle de la signalisation de l’insuline. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour dire que l’accumulation de ce type d’intermédiaires du métabolisme des lipides serait responsable de l’insulino-résistance, mais une question se pose : pourquoi observe t-on cette accumulation dans le muscle chez les patients diabétiques T2 ? Il semble que des anomalies mitochondriales et la baisse de l’oxydation lipidique dans le muscle de diabétiques concourent à réorienter le métabolisme des lipides vers leur stockage sous forme de triglycérides. L’accumulation simultanée d’intermédiaires inhibe l’action de l’insuline et crée une insulino-résistance. (schéma 3). D’après certains chercheurs, si le diabète avait une cause génétique, elle impliquerait les gènes qui contrôlent la mitochondriogenèse ou la fonction mitochondriale. Le rôle d’un dysfonctionnement mitochondrial Le muscle consomme énormément de lipides. Les acides gras sont même les substrats énergétiques préférentiels du muscle squelettique au repos. Des recherches menées au début des années 90 avaient mon- Théorie actuelle de l’insulino-résistance dans le diabète T2 Schéma 3 : Les anomalies mitochondriales sont responsables de l’insulino-résistance. Le défaut mitochondrial n’est pas la cause de l’insulino-résistance La mitochondrie et la mitochondriogenèse sont extrêmement sensibles à l’insuline. Si l’insuline ne fonctionne plus correctement, si elle ne contrôle plus les mitochondries, on peut penser que celles-ci vont s’altérer ; c’est en quelque sorte un cercle vicieux. En fait, cette hypothèse est fausse. Nous l’avons testée chez l’animal et une autre équipe chez l’homme. Chez la souris rendue obèse et dia-72- bétique par un régime hypercalorique, les anomalies mitochondriales ne précèdent pas l’installation de l’insulino-résistance et ne sont pas présentes dans un modèle génétique de diabète. En d’autres termes, il existe des modèles animaux qui sont insulino-résistants sans qu’il y ait d’anomalies mitochondriales. Chez les personnes diabétiques, on sait restaurer les mitochondries et une partie de l’oxydation lipidique sans restaurer la sensibilité à l’insuline. Il existe donc bien des interactions entre dysfonctionnement mitochondrial et diabète de type 2, mais il ne s’agit pas d’un lien de causalité. - contrôle du stress oxydant (anti-oxydants, polyphénols, oméga 3…). De nombreux travaux sont en cours pour tester ces pistes et nous espérons que certaines permettront de mettre au point les médicaments de demain qui manquent encore cruellement aux patients diabétiques. Discussion Quelles anomalies présente la souris KK que vous avez utilisée ? C’est une souris hyper-insulinique spontanément obèse. Le développement de son diabète ressemble à celui que l’on observe chez les souris ob/ob ou db/db, mais il n’est pas lié à une mutation du gène de la leptine ou de son récepteur. Les souris KK présentent une insulino-résistance massive due à l’obésité puis, après la décompensation, elles deviennent diabétiques. Ceci dit, nous n’avons pas non plus trouvé d’anomalies mitochondriales dans les muscles des souris ob/ob. Stress oxydant et altérations mitochondriales Chez des souris rendues diabétiques par un régime hypercalorique, on observe une augmentation du stress oxydant (augmentation des concentrations circulantes d’H2O2 et de la carbonylation des protéines dans le muscle) après 16 semaines. On pense maintenant que ce stress, induit par l’accumulation de substrats glucidiques ou lipidiques, est responsable des anomalies mitochondriales. Celles-ci ne se produisent d’ailleurs plus dès que l’on donne des anti-oxydants à ces souris. Diabète et comportement. En situation basale, une personne diabétique T2 a un turn-over de glucose normal et une oxydation de glucose normale (si la mitochondrie était anormale, l’oxydation du glucose aurait dû être affectée comme celle des lipides). Autrement dit, la glycémie est augmentée, alors qu’il n’y a pas d’anomalies périphériques évidentes. Certaines études ont montré que la meilleure façon de soigner un diabète était d’avoir une activité physique pendant 40 minutes, 3 fois par semaine. Nous n’avons que 2 manières de modifier la quantité de lipides oxydés : le jeûne et l’activité physique. Dans cette maladie multifactorielle, on voit à quel point il y a une intrication entre des anomalies potentiellement génétiques, le cadre de vie, l’activité physique, le régime alimentaire... Des modifications de notre comportement peuvent donc avoir des effets pharmacologiques très importants. Je voudrais insister sur l’importance de l’activité physique : un patient Conclusion Des avancées importantes ont été faites ces dernières années, mais beaucoup de questions restent sans réponse. Par exemple, on ignore toujours quels sont les mécanismes moléculaires causant les anomalies mitochondriales en situation de stress oxydant. Néanmoins, ces avancées récentes permettent d’envisager de nouvelles pistes pour soigner et prévenir l’insulino-résistance et le diabète de type 2 : - stimulation de l’oxydation lipidique (exercice, AMPkinase, agonistes PPARα et β…) ; - modulation du métabolisme lipidique (oméga 3, inhibiteurs de synthèse des céramides…) ; -73- à une agression. Le problème des diabétiques de type 2 n’est pas l’insulino-résistance mais le retour à une situation de sensibilité, car à un moment donné de leur évolution quelque chose induit une insulino-résistance : cela peut être un stress important, des troubles hormonaux (grossesse, adolescence…) et, pourquoi pas, la phosphorylation d’IRS-1 ? Quand on est à jeun, on est en insulino-résistance. Si, quand on recommence à manger, le retour à la normale ne se fait pas suffisamment bien ou suffisamment vite, cette situation peut devenir pathologique. Aujourd’hui, nous pensons que la cause de l’insulino-résistance pourrait être la non réversion d’un phénomène normal et physiologique en réponse à une situation de stress de l’organisme. diabétique de type 2, qui a une insulino-résistance importante et qui suit un programme d’activités physiques peut réverser son insulino-résistance. Si l’anomalie était mitochondriale, ce ne serait pas le cas. Commentaire sur le rendement énergétique Le rendement énergétique pour les glucides est différent de celui pour les lipides. Pour faire simple, la glycolyse ne produit que du NADH, tandis que la β-oxydation produit du NADH et du FADH2. Le premier pénètre au niveau du premier complexe de la chaîne respiratoire, le second au niveau du deuxième complexe. Le rendement énergétique est beaucoup moins bon pour les lipides (30 % de différence), mais il est plus rapide. Il y a structurellement des différences mitochondriales importantes entre les glucides et les lipides, mais une anomalie des mitochondries vaut pour les deux. J’aime bien cette notion d’insulino-résistance physiologique quand c’est réversible, et pathologique quand çà ne l’est pas. La grossesse est un bon exemple. Elle correspond à une insulino-résistance physiologique. C’est un des mécanismes d’adaptation qui permet d’augmenter la fourniture d’énergie vers le fœtus. Après l’accouchement, l’insulino-résistance est complètement corrigée. Cela impose néanmoins un stress ; c’est la raison pour laquelle on parle de diabète gestationnel. Parfois, certaines modifications ne sont pas totalement compensées, en particulier pour le pancréas qui n’arrive pas à s’adapter au surplus d’insuline qu’il doit fournir, même de façon transitoire. Ce serait intéressant de montrer, sur des modèles animaux, que la réversion est totale ou partielle selon que l’on a une situation physiologique ou pathologique. Qu’est-ce qui fait qu’une mitochondrie «choisit» de brûler des glucides ou des lipides ? Tout commence avec l’activation des substrats. Les tissus qui peuvent en oxyder des quantités importantes sont les tissus insulinodépendants, c’est à dire essentiellement le muscle et le tissu adipeux. Depuis très longtemps, on sait que de très petites doses de découplants modifient profondément la résistance à l’insuline. Par exemple, les bodybuilders qui veulent avoir de gros muscles mais pas de graisse utilisent un produit de dopage extrêmement répandu : le nitrophénol. C’est un découplant qui brûle les lipides. Les bodybuilders appellent cela « se sécher ». On voit qu’il existe un lien entre mitochondrie, sensibilité à l’insuline et choix du substrat. Aujourd’hui, il est impossible d’affirmer que c’est la mitochondrie anormale qui explique l’insulino-résistance et non le contraire. Par contre, il serait important de savoir si c’est une cible médicamenteuse. L’intestin est-il une cible pour l’insuline ? Existe t-il, à son niveau, une régulation de l’absorption du glucose et une régulation de l’absorption, voire de la sécrétion, des lipides ? Pratiquement toutes les cellules disposent de récepteurs à l’insuline, celles de l’intestin comme les autres. Je ne pense pas que l’action de l’insuline sur les cellules de l’intestin L’insulino-résistance n’est pas une maladie ; c’est la réponse de cellules sensibles à l’insuline -74- stress oxydant ou une inflammation entretiennent ce cercle vicieux, que l’insulino-résistance de transitoire devient chronique. ait un effet sur l’entrée ou l’utilisation du glucose. Par contre, je pense qu’il y a un effet sur l’oxydation du glucose, mais c’est l’effet biologique normal de l’insuline sur n’importe quels types de cellule : elle provoque l’utilisation préférentielle du glucose par rapport aux acides gras. Il est important de faire la différence entre des organes qui ont un rôle dans le contrôle de l’homéostasie globale (foie, muscle, tissu adipeux) et ceux qui ont besoin de faire de la glycolyse, de la lipogenèse. Nous nous sommes intéressés ici au rôle de l’insuline en tant que modulateur du métabolisme énergétique. Je ne suis pas sûr que les taux circulants d’insuline qui arrivent dans le tissu intestinal, même en période postprandiale, soient très élevés. De plus, l’insuline peut avoir un effet trophique et non métabolique. Si mon médecin me détecte un diabète de type 2. Quel doit être mon régime ? Dois-je manger beaucoup d’oméga 3 ? Un médecin diabétologue ne cherche pas réellement à corriger une insulino-résistance, mais il va essayer de prévenir les complications du diabète et tenter de contrôler la glycémie, cause principale de ces complications. Concernant le régime alimentaire, il dira : « mangez moins, plus équilibré, pratiquez une activité physique, ayez une hygiène de vie…». Aujourd’hui, à côté des médicaments, deux traitements sont efficaces contre le diabète T2 : perdre du poids et faire de l’exercice physique (40 minutes d’efforts modérés par jour suffisent). L’utilisation des oméga 3 peut être à double tranchant. Ce sont des substrats très peroxydables puisqu’ils ont plusieurs doubles liaisons. En fonction de leur concentration, ils peuvent être pro- ou antioxydants !! On sait aussi qu’ils stimulent la transcription des enzymes anti-oxydantes et jouent sur la fluidité des membranes. Plusieurs travaux ont ainsi montré qu’en modifiant la fluidité membranaire les oméga 3 changeaient la sensibilité à l’insuline et diminuaient les complications neurologiques dégénératives. Des travaux de notre équipe montrent cependant que leurs effets sont très dépendants le la quantité et de la forme ingérée (acides gras, triglycérides, précurseurs). D’autres études sont nécessaires avant de dire si et comment la consommation d’oméga 3 pourra être conseillée aux patients diabétiques. Une étude clinique ayant cet objectif est en cours dans notre laboratoire. Vous nous avez dit que l’inflammation était la cause de la phosphorylation d’IRS-1 sur les sérines. Ne peut-on pas plutôt imaginer que la mise en place de l’insulino-résistance par un autre mécanisme pourrait créer cette inflammation avec la production de cytokines inflammatoires qui engendreraient la cascade des kinases ? L’inflammation ne ferait qu’entretenir le système, mais n’en serait pas la cause. Dans un système de cercles vicieux, tout est possible. Ce que l’on peut dire c’est qu’une perfusion de TNF-α induit, chez des souris normales, une insulino-résistance et que le mécanisme qui l’induit est la phosphorylation d’IRS-1 sur les résidus sérines 301 et 307.Cela peut se produire lors d’un choc septique, d’une inflammation, ou même d’une vaccination. C’est pour cela que l’insulino-résistance n’est pas une situation physio-pathologique, n’est pas un diabète ; c’est un des moyens qu’à tout type cellulaire d’épargner ses substrats et de se défendre contre une agression. C’est le cas des cellules qui placées en hypoxie deviennent insulino-résistantes. Je pense que les pathologies arrivent dès lors qu’un -75- La signalisation insulinique Article 1 : Elle se fait via deux voies principales (schéma 4) : la voie PI3K/PKB, qui permet la stimulation du transport du glucose et la synthèse de glycogène, et la voie des MAPK, qui exerce un effet positif sur la croissance cellulaire. Lorsque l'insuline se fixe sur son récepteur IR, celui-ci s'auto-phosphoryle sur des résidus tyrosine, ce qui permet le recrutement des protéines IRS, et notamment IRS-1, au niveau musculaire. La cascade des phosphorylations sur les tyrosines entraîne le recrutement de PI3K et conduit in fine au transport de glucose via Glut4 et à la synthèse de glycogène. « Des souris transgéniques dont le site IRS-1 Ser a été muté sont protégées du développement de l'insulino-résistance musculaire induite par les régimes gras » Introduction La glycémie est très finement régulée puisqu'elle doit avoisiner 1g/l. Lorsqu'elle augmente, notamment au cours d’un repas, on observe une augmentation de la capture du glucose au niveau des tissus insulino-sensibles et le stockage du sucre sous forme de glycogène dans le foie et le muscle. Lors d'un jeûne, la glycémie baisse et la production endogène de glucose est augmentée afin de rétablir la glycémie à son niveau normal. L'insuline est l'hormone hypoglycémiante majeure de l'organisme ; elle est sécrétée par les cellules β du pancréas après un repas. L'insulino-résistance musculaire et phosphorylations de résidus sérine L'insulino-résistance est un état pathologique dans lequel les tissus insulino-dépendants ne répondent plus aux niveaux normaux d'insuline circulante. Dans les muscles, ce que l’on appelle l'insulino-résistance périphérique se traduit par une cascade d'événements : une Schéma 4 : La signalisation insulinique se fait via deux voies principales Source : Le Marchand-Brussel et al. BST, 2003 -76- Schéma 5 : Phosphorylations en sérine et insulo-résistance musculaire accumulation intramusculaire de lipides, une diminution de la phosphorylation des tyrosines d’IRS1, ce qui empêche l'association IRS1/PI3K, puis l’activation de la PI3K et enfin diminue fortement le transport de glucose insulinodépendant. Parallèlement à la baisse de la phosphorylation des résidus tyrosine sur IRS-1, on observe, chez l'homme et de nombreux modèles animaux, l'apparition de phosphorylations de résidus sérine d’IRS-1, notamment sur les résidus Ser 302, Ser 307, Ser 612, Ser 636. Résultats - Chez les souris Tg IRS-1 Ser Ala, il y a une surexpression d’IRS-1 mutée comparée aux témoins et spécifiquement dans les muscles squelettiques. De même, chez les Tg IRS-1 WT, on observe une surexpression de IRS-1 sauvage. - Augmentation de la phosphorylation en Ser 307 et surtout Ser 612 chez les souris insulinorésistantes recevant une alimentation riche en graisses (HFD) ; pas d'augmentation de la phosphorylation en sérine, mais diminution de IRS-1 total chez les souris insulino-résistantes ob/ob (obèses et diabétiques). Il existe plusieurs hypothèses quant au rôle des phosphorylations des sérines dans l'insulino-résistance musculaire (schéma 5) : 1) inhibition de l'association IR/IRS-1 ; - Chez les souris transgéniques surexprimant la protéine IRS-1 mutée qui reçoivent un régime standard, le métabolisme glucidique n'est pas modifié ; elles sont tolérantes au glucose. Chez les souris qui reçoivent un régime enrichi en graisses (qu'elles soient sauvages, transgéniques exprimant IRS-1 sauvage ou transgéniques exprimant IRS-1 mutée), une intolérance au glucose se développe, mais sans hypersécrétion d'insuline. Chez les souris Tg IRS-1 mutée, l'intolérance est cependant moins prononcée. 2) inhibition de l'association IRS-1 avec la sous-unité P85 de PI3K ; 3) dégradation d'IRS-1 par le protéasome. Les auteurs de cet article ont cherché à savoir si l'augmentation de la phosphorylation de résidus sérine sur IRS-1 joue un rôle causal dans l'instauration de l'insulino-résistance musculaire induite par des régimes gras ou si elle est associée à l’insulino-résistance. Pour cela, ils ont créé des souris transgéniques surexprimant spécifiquement dans le muscle (utilisation d’un promoteur de la chaîne légère de la myosine) : - Chez les souris transgéniques exprimant IRS1 muté, on observe une meilleure sensibilité à l'insuline, une meilleure capture du glucose musculaire, aucune modification de la production endogène de glucose. L'absence de phosphorylation des serines sur IRS-1 pro- - soit la protéine IRS-1 sauvage (Tg IRS-1 WT) - soit la protéine IRS-1 dont les sérines 302, 307 et 612 ont été mutées en alanines, donc non phosphorylables (Tg IRS-1 Ser Ala). -77- tège donc du développement de l'insulinorésistance musculaire. impliquées dans le développement de l'insulino-résistance musculaire induite par les régimes riches en graisses, mais elles ne sont pas seules en cause. - Chez les souris Tg IRS-1 Ser Ala, il y a une meilleure réponse à l'injection d'insuline à chacune des étapes de la voie de signalisation : augmentation de l'activité de la PI3K associée à IRS-1, augmentation de la phosphorylation des tyrosines sur IRS-1, meilleure association entre IRS-1 et la sous unité P85 de la PI3K, meilleure phosphorylation de la protéine AKT mais uniquement chez les souris HFD. Cela signifie-t-il qu'il existe une meilleure translocation de Glut4 à la membrane ? Discussion Commentaire. Cet article a été publié en 2008. Avant lui, toutes les études avaient été faites sur des modèles de cultures cellulaires. Il présente néanmoins quelques imperfections méthodologiques mais, comme les auteurs ont une renommée internationale, l'article a tout de même été accepté dans « Diabetes ». - On sait que l'insulinorésistance et l'intolérance au glucose peuvent apparaître au cours du vieillissement. Les souris Tg IRS-1 mutée âgées ont une meilleure tolérance au glucose que les souris sauvages âgées, malgré une sécrétion d'insuline identique. Bien qu'obèses, les souris Tg IRS-1 Ser Ala/ob/ob ont une meilleure régulation de la glycémie que les souris sauvages ob/ob, ce qui pourrait s'expliquer par une meilleure capture du glucose par les muscles. Que deviennent l'insuline et son récepteur après la liaison ? C'est une question très pertinente. On sait que le complexe insuline et récepteur de l'insuline est internalisé (grâce aux zones riches en clathrines des récepteurs). On pense que le récepteur est ensuite recyclé. On ne peut pas exclure que le processus internalisation/ recyclage joue un rôle dans la pathologie, mais pour l'instant on n'a pas de preuves. Conclusion La phosphorylation des résidus tyrosine est meilleure chez les souris transgéniques surexprimant IRS-1 mutée. Les phosphorylations des serines 302 et 307 empêcheraient donc l'association entre la protéine IRS-1 et le récepteur à l'insuline. Article 2 : « Effets de l’injection intraveineuse de lipides ou d’un régime hypercalorique sur le contenu lipidique des cellules musculaires et sur la sensibilité à l’insuline chez l’homme » On ne peut cependant pas exclure une deuxième hypothèse, car la mutation de la sérine 612 pourrait avoir des conséquences sur l'association d’IRS-1 avec la PI3K et expliquer l'augmentation que l’on observe de cette association chez les souris transgéniques. Introduction Le diabète de type 2 est une maladie qui se développe tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Il touche 4 % de la population française. Il est lié, entre autres, au mode de vie, à l'alimentation, à l'activité physique, à l'augmentation de l'espérance de vie. Il entraîne des complications cardiaque, rénale, vasculaire, visuelle… Plusieurs facteurs influencent le diabète T2 et Les souris transgéniques qui surexpriment la protéine IRS-1 sauvages ne sont pas protégées contre le développement de l'insulino-résistance. Cette protection est due à l'absence de phosphorylation des sérines et non à la surexpression d'IRS-1. Les phosphorylations de résidus sérine seraient donc -78- l'insulino-résistance : l'hyperglycémie, l'excès d'acides gras libres circulants et les triglycérides stockés en excès dans le muscle. La lutte contre cette pathologie passe par une modification de l'hygiène de vie (lutte contre certaines habitudes alimentaires, augmentation de l'activité physique) et des traitements médicamenteux. - Lors d’un régime riche en graisses, la sensibilité à l'insuline diminue et le taux d'IMCL augmente, ceux de l'insuline et des NEFA restant inchangés. L'augmentation de la concentration du glucose dans le sang augmente la production d'insuline par les cellules β pancréatiques. L'hormone se lie à son récepteur et agit sur les muscles squelettiques pour favoriser la glycogenèse et la lipogenèse. Dans le cas d'un diabète de type 2, les muscles squelettiques deviennent insulino-résistants, ce qui provoque une hyperglycémie. Les cellules β pancréatiques produisent alors plus d'insuline. Ce cercle vicieux épuise les cellules productrices d’insuline et aggrave l'état du patient. Discussion - Lors d’un régime pauvre en graisses, la sensibilité à l'insuline n'est pas modifiée, tout comme les taux d'IMCL, de glucose, d'insuline et des NEFA. L'alimentation riche en lipides n'a été donnée que pendant trois jours. Cela me paraît être un temps très court. Lors de régimes de courte durée, 4 ou 5 jours, on voit très bien le changement du taux de lipides intracellulaires. Par contre, concernant la sensibilité à l'insuline, je suis étonné de leurs résultats. Dans notre laboratoire, nous avons fait des manips avec des régimes qui duraient 4 semaines et nous n'avons pas observé d'impact sur la sensibilité à l'insuline. Peut-être y a-t-il des effets transitoires ou des effets compensatoires qui rétablissent une situation normale après un certain temps. Je voudrais aussi rappeler que l'on ne crée pas un diabète en donnant une alimentation riche en lipides pendant 4 jours. La baisse de sensibilité à l'insuline qu'ils observent est significative mais elle reste dans la normalité. Les auteurs de cet article avaient pour objectif d'étudier l'impact de l'hyper-insulinémie et de l'augmentation des acides gras non estérifiés circulants (NEFA) sur la formation des lipides intramyocellulaires (IMCL) et l'insulino-résistance. Résultats Les auteurs de l'article n’ont pas tenu compte de l’apport calorique. Pourtant, dans les manips où l'on change le régime des animaux, on doit leur donner des régimes isocaloriques. - L'injection intraveineuse de lipides, avec ou sans insuline, provoque une augmentation de la quantité d'insuline et de la quantité d'acides gras dans le sang. - L'injection intraveineuse de lipides et d'insuline diminue le taux de glucose, la sensibilité à l'insuline et augmente le taux de lipides intramusculaires. Cet article ne serait pas accepté aujourd'hui. Il l'a été en 2001 car c'était la troisième publication qui présentait des mesures de RMN sur des lipides intramusculaires (sujet très à la mode à cette époque). Il a d'ailleurs eu un certain impact puisqu'il a été cité 120 fois en 7 ans. Si l'on fait attention, on remarque que les résultats sont faibles et que beaucoup de points sont critiquables. Par exemple : les valeurs qu’ils obtiennent ne présentent pas de grosses différences ; ils n'ont pas fait de - L'injection d'insuline seule augmente le taux de glucose, mais le taux d'IMCL reste constant. - Il existe une corrélation négative entre le taux de glucose et le taux d'IMCL dans le muscle. -79- contrôle glycérol seul, pourtant l’injection d’intralipides apporte, comme vous le dites, une charge calorique. - modifie la sensibilité à l'insuline et la production endogène de glucose (EGP) ; - augmente l'accumulation des lipides intracellulaires dans le muscle et le foie. Commentaire sur la pertinence des protocoles expérimentaux. Les auteurs ont cherché à établir un lien entre les lipides intracellulaires et la sensibilité à l'insuline. Même lorsque les modèles et les protocoles sont parfaits, qu'ils permettent de répondre de façon claire à la question posée, on est souvent loin d'une situation physiologique. La situation réelle est très difficile à contraindre. C’est tout l'art de la recherche et en particulier de la recherche clinique chez l'homme. Conclusion Chez les patients diabétiques non traités avec l'insuline, le taux des lipides intrahépatiques est fortement associé à l'insulino-résistance. Chez ces patients, le traitement à l'insuline : Article 3 : - diminue la production endogène de glucose ; « Effets d'un traitement à l'insuline sur le contenu intracellulaire lipidique au niveau du foie et des muscles squelettiques chez les patients atteints de diabète de type 2 » - diminue la concentration plasmatique des acides gras libres (inhibition de la lipolyse par l'insuline) ; - induit l'accumulation des lipides intramusculaires et intrahépatiques ; - ne modifie pas la sensibilité à l'insuline. Introduction Discussion Le diabète de type 2 est caractérisé par un déficit de la sécrétion d'insuline associé à une insulino-résistance. Celle-ci se traduit par différents désordres métaboliques : 1) une hyperglycémie due à une augmentation de la production endogène de glucose et à une diminution de son utilisation ; 2) une accumulation des lipides intrahépatiques (IHCls) et intramusculaires (IMCLs) ; 3) une augmentation du taux plasmatique des acides gras libres (FFA). Commentaire : un article intéressant Pour traiter un diabète T2 et pallier la glycémie, on administre de l'insuline. Cette hormone pourrait avoir des conséquences négatives : elle stimulerait la lipogenèse, augmenterait les IMCLs et les IHCls, et altérerait la sensibilité générale à l'insuline. Cet article montre qu'il existe une corrélation inverse entre la sensibilité à l'insuline et le taux de lipides intracellulaires. La sensibilité à l'insuline est améliorée parce que le glucose est mieux utilisé. Il sert à fabriquer des lipides qui se déposent dans le muscle et surtout dans le foie. L'effet contradictoire est dû au fait que l'insuline a un effet métabolique chez les diabétiques, puisqu'elle permet l'utilisation du glucose à des fins de lipogenèse. Estce une lipogenèse de novo à partir du glucose présent dans le muscle, ou une lipogenèse hépatique avec une augmentation des VLDL et une redistribution des lipides ? L'important est de pouvoir dissocier les lipides intracellulaires de la sensibilité à l'insuline. L'objectif de ce travail a été de déterminer si l’administration d'insuline, sur des durées courtes ou longues, à des patients atteints de diabète T2 : Finalement, cet article montre que les lipides peuvent s'accumuler dans le muscle sans poser de problèmes. Il peut même y avoir une hypersensibilité à l’insuline. C’est le cas des -80- le métabolisme glucidique, l'insulino-résistance se traduit par une baisse du transport du glucose, une baisse de sa phosphorylation et donc une baisse de la synthèse de glycogène. Concernant le métabolisme lipidique, elle entraîne l'accumulation de triglycérides et d'autres intermédiaires lipidiques, induite notamment par la diminution de l'oxydation des acides gras par les mitochondries. athlètes bien entraînés dont les lipides constituent des réserves énergétiques utilisables par le muscle. Après avoir réalisé le KO de la lipase ATGL sur des modèles animaux, une équipe autrichienne a observé que les triglycérides ne sont plus hydrolysés et que les animaux, qui sont alors très sensibles à l'insuline, accumulent une quantité impressionnante de lipides dans tous leurs organes. Il existe donc des phénotypes pour lesquels l'accumulation de triglycérides peut-être complètement dissociée de la sensibilité à l'insuline. Les auteurs de cet article voulaient vérifier si, chez des patients obèses soufrant ou non d'un diabète T2, le muscle squelettique présentait une altération de la capacité fonctionnelle de ses mitochondries. Commentaire : avec cet article, nous sommes au coeur des grands enjeuxx actuels pour le traitement du diabète. Résultats Pendant longtemps, on a cru qu'il n'existait pas de lésions hépatiques irréversibles induites par la nutrition : on ne pouvait pas faire de cirrhose nutritionnelle ! Avec l'augmentation de l'obésité, on sait maintenant que l'on peut arriver jusqu'à la fibrose. Le problème de l'accumulation des lipides dans le foie est aujourd'hui au centre du traitement du diabète de type 2. Si pour améliorer une chose (baisser la glycémie), il faut en dégrader une autre (accumuler des lipides dans le foie et augmenter la surcharge pondérale), cela se discute. Pour les diabétologues, le risque de l'hyperglycémie est nettement supérieur à celui du surpoids. L'industrie pharmaceutique préfère investir dans la mise au point de médicaments pouvant améliorer la sensibilité à l'insuline sans aggraver la surcharge pondérale. - Le muscle squelettique est très riche en mitochondries et dépend de la phosphorylation oxydative pour la production d'énergie. Cette étude montre que les paramètres structuraux et les capacités fonctionnelles des mitochondries sont altérés dans les cas de diabète de type 2 et, dans une moindre mesure, chez les patients obèses. - Les capacités fonctionnelles des mitochondries sont altérées. D'autres études ont mis en évidence une perturbation du cycle de krebs. Ces altérations peuvent provoquer une accumulation de lipides qui, à son tour, peut causer ou aggraver l'insulino-résistance. - La structure des mitochondries est également altérée. Ces altérations avaient déjà été démontrées sur des modèles animaux dans d'autres tissus (neurones...), mais jamais chez l'homme. L'âge et le type de fibres musculaires doivent être pris en compte, car ils influent sur la morphologie des mitochondries. Il existe une corrélation importante entre la taille des mitochondries du muscle squelettique et le degré de sensibilité à l'insuline. Les sujets sains qui sont sensibles à l'insuline ont des aires de mitochondries plus importantes. Les grandes vacuoles observées chez certaines personnes obèses et diabétiques correspon- Article 4 : « Dysfonctionnements mitochondriaux dans le muscle squelettique humain de patients atteints de diabète de type 2 » Introduction Chez les personnes diabétiques T2, on observe différentes perturbations métaboliques au niveau des muscles squelettiques. Concernant -81- dent à des mitochondries dégénérées. Cette dégénérescence est un des facteurs de l'apoptose. toire. Le NADH ne peut franchir les membranes mitochondriales. Par ailleurs, la chaîne respiratoire sert aussi à oxyder d’autres substrats (glucose, acides aminés). C’est pourquoi leur interprétation « anomalie mitochondriale = accumulation de lipides » me semble très réductrice. Conclusion - perspectives Les auteurs proposent le mécanisme suivant : les altérations des capacités fonctionnelles ou la baisse du nombre de mitochondries entraîneraient la diminution de l'oxydation lipidique et l'accumulation des lipides, causant ou renforçant l'insulino-résistance. Ces reproches sont tout à fait justifiés. Les auteurs ont depuis publié des articles beaucoup moins critiquables sur la mitochondrie. J’ai choisi cette publication car les expériences ont été menées pour la première fois avec des volontaires humains. Par principe, j’essaie toujours de citer l’article original et non ceux qui le citent. Ils souhaiteraient compléter ce travail en étudiant d'autres paramètres (ADN mitochondrial, composition des phospholipides membranaires...), ainsi que les phénomènes apoptotiques et le caractère réversible ou non des altérations. Vous nous avez dit qu’il n’y a pas de corrélation entre l’aire de la mitochondrie et son activité. Quel intérêt les auteurs avaient-ils de calculer cette aire pour chaque patient ? Discussion C'est une question sans fond et sans fin. Personnellement, je ne pense pas qu'elle soit un bon marqueur de la quantité totale de mitochondries. Dans certaines expériences, on a observé que son taux était modifié alors que le nombre des mitochondries restait constant. Il y a une vingtaine d’années, la quantité de mitochondries s’exprimait par un nombre (mesuré sur des coupes au microscope électronique), puis par un volume. Or, pour un même volume, la surface des membranes varie de 1 à 3 selon la profondeur des crêtes. Ensuite, on a voulu quantifier l’activité du cycle de Krebs en mesurant la citrate-synthase, mais il n’y a pas de relation simple entre les grosses mitochondries et le nombre de cycles. Puis on s’est intéressé aux chaînes respiratoires. Aujourd’hui, on cherche à quantifier le DNA mitochondrial qui connaît pourtant de fortes variations. Si vous soumettez un papier, tout dépendra malheureusement de la « sensibilité » du reviewer. C’est une bonne remarque. Quand on a des difficultés pour décrire un phénomène, on étudie toutes ses composantes ; c’est pourquoi ils se sont intéressés à la chaîne respiratoire, la citrate-synthase, l’aire mitochondriale…. Chaque paramètre pris isolément n’aurait pas été très convaincant. Les altérations des mitochondries sont-elles liées à l’obésité et au diabète ou à la sédentarité des personnes qui soufrent de ces pathologies ? Vous soulevez un point très important, car la sédentarité constitue un biais majeur. On sait maintenant que l’inactivité entraîne des dégénérescences mitochondriales au niveau musculaire qui sont très bien décrites chez le sujet âgé. D’ailleurs, les auteurs souhaitaient compléter leurs expériences en proposant des activités physiques à leurs volontaires. Il y a une erreur d’interprétation qui ferait bondir tous les spécialistes en bioénergétique. Aucune enzyme n’est capable de réoxyder le NADH en donnant des électrons à l’oxygène : c’est la réaction globale de la chaîne respira-82- Hubert Vidal, Directeur de recherche INSERM - Directeur de l’UMR 1235 Régulation Métaboliques, Nutrition et Diabètes - Lyon Articles analysés Article 1 – présenté par Elodie Mutel (USC 2028 – Nutrition et Cerveau - Lyon) « Muscle specific IRS-1 Ser Æ Ala transgenic mice are protected from fat-induced insulin resistance in skeletal muscle » - Katsutaro Morino et al., Diabetes, 2008 Article 2 – présenté par Viorica Braniste (UMR 1054 – Neuro-Gastroentérologie et Nutrition - Toulouse) « Effects of Insulin Treatment in Type 2 Diabetic Patients on Intracellular Lipid Content in Liver and Skeletal Muscle» - Christian Anderwald, Elisabeth Bernroider, Martin Krssàk, Harald Stingl, Attila Brehm, Martin G. Bischof, Peter Nowotny, Michael Roden, and Werner Waldhäusl - Diabetes, Vol. 51, October 2002 Article 3 – présenté par Marie Hennebelle (UR 909 – Nutrition et Régulation Lipidiques des Fonctions Cérébrales) « Dysfunction of Mitochondria in Human Skeletal Muscle in Type 2 Diabetes » David E. Kelley, Jing He, Elizabeth V. Menshikova, and Vladimir B. Ritov – Diabetes, Vol. 51, Octobre 2002 -83- Adaptations nutritionnelles et pancréas endocrine Bernard Portha lules β se mettent en place à partir du dernier tiers de la gestation chez le fœtus in utero ; la deuxième vague a lieu entre la naissance et le sevrage (démontré chez les rongeurs et sans doute vrai pour l’espèce humaine). L’augmentation de la masse β se produit aussi dans des situations pathologiques comme l’obésité, l’insulino-résistance non compliquée par une hyperglycémie, l’hyperphagie, l’absence d’exercice et en réponse à des régimes hypercaloriques ou hyperlipidiques. Chez les rongeurs, dans un certain nombre de situations expérimentales ou spontanées, un mécanisme de régénération des cellules β peut se mettre en place de façon endogène, mais il n’est pas efficace à 100 %. Introduction L’objectif de mon laboratoire est de comprendre comment la cellule β du pancréas fonctionne et comment elle se détériore dans des conditions pathologiques, en particulier lors d’un diabète de type 2. Les cellules β sont organisées de façon particulière au sein du pancréas. Leur rôle est de libérer de l’insuline au moment de chaque repas, en situation prandiale et post-prandiale. L’insuline est l’hormone qui permet le stockage de l’énergie. C’est la seule dont dispose l’organisme pour lutter contre l’hyperglycémie et l’hyperlipémie. Il est donc important de comprendre comment la production d’insuline s’adapte en permanence aux besoins de l’organisme. Régulation de la production d’insuline Dans d’autres cas, le nombre et donc la masse des cellules β diminuent. Une diminution drastique entraîne une carence en insuline suffisamment sévère pour qu’une hyperglycémie apparaisse. C’est ce qui se passe dans le cas du diabète de type 1 où 99 % des cellules β sont détruites par un mécanisme autoimmun. Diverses pathologies sont associées à des diminutions plus ou moins importantes de la masse β. Elles correspondent, par exemple, à des situations de gluco-lipo-toxicité (hyperglycémie chronique associée à une hyperlipidémie chronique), de malnutrition fœto-maternelle (article 2), iatrogènes ou d’exposition à des molécules environnementales toxiques pour les cellules du pancréas. Par contre, pendant la lactation, on observe une diminution relative du nombre de cellules β par rapport à la période de gestation afin de revenir à des valeurs « normales ». Cette « disparition » utilise, entre autres, le mécanisme d’activation transitoire de l’apoptose. Deux systèmes modulent cette production. Le premier fonctionne à court terme. Il permet un ajustement extrêmement précis et rapide de la sécrétion de l’insuline minute par minute. Cette plasticité fonctionnelle de la cellule β est possible grâce à un mécanisme d’exocytose finement réglé. Le deuxième, qui fonctionne sur le long terme, a longtemps été sous-estimé. Ce mécanisme de régulation concerne le nombre de cellules β et non plus leur fonction individuelle. La plasticité de la population β porte essentiellement sur une régulation de la croissance et de la survie de ces cellules. La masse β est le reflet de la taille de chaque cellule, mais surtout de la variation du nombre total de cellules β dispersées dans le pancréas. Lorsque la masse β augmente, la possibilité de sécrétion d’insuline est plus élevée. C’est ce que l’on observe lors de la gestation et du développement post-natal : les premières cel-84- cellule β n'est fonctionnelle qu'au sein de cette structure entourée par des cellules non β. Comme toute glande endocrine, il est extrêmement vascularisé. Il reçoit 20 % du flux sanguin qui arrive au pancréas, alors qu'il ne représente qu'1 % de ce tissu. Le réseau d'artérioles afférentes et de veinules efférentes est très important. L'essentiel de l'insuline sécrétée au moment du repas agit d'abord sur le foie et 50 % y est dégradée. L'autre moitié alimente, contrôle ou régule le fonctionnement des tissus périphériques. Cette adaptation à long terme de la masse ß fonctionne dans les situations physiologiques pour lesquelles les besoins en insuline sont accrus transitoirement mais, comme toute situation adaptative, elle a ses limites. Il importe de connaître la robustesse de la fenêtre de régulation du mécanisme de modulation de la taille et du nombre des cellules β. Lorsque cette robustesse est dépassée, une hyperglycémie apparaît et, en général, elle devient chronique. Le facteur limitant pour le maintien d'un niveau d'insuline circulante adapté aux besoins tissulaires est surtout la qualité et la quantité d'insuline sécrétée à chaque instant. La plasticité de la cellule β concerne avant tout la régulation de la sécrétion d'insuline. Les îlots sont également très innervés, en particulier par le système nerveux autonome. Les terminaisons des fibres parasympathiques arrivent au niveau des cellules β et non β. L’article 1 illustre l’importance de l’innervation cholinergique et le rôle des récepteurs M3 cholinergiques dans le fonctionnement des cellules β. La cellule β, une cellule difficile d’accès L'ensemble des cellules β dispersées dans les îlots de Langerhans ne représente, chez l'homme adulte, qu’1 % du pancréas. Ces îlots, qui sont près d'un million, sont de taille variable, le nombre de leurs cellules variant de 1 000 à 5 000. Les cellules ß constituent 75 à 80 % des cellules endocrines des îlots. Les cellules non β, situées en périphérie, produisent essentiellement le glucagon ou les somatostatines. Une cellule β mature et fonctionnelle accumule, quand elle est au repos, quelque 10 000 grains de sécrétion. Seul 1 % de ces granules sont capables de libérer, à chaque instant, leur contenu dans le milieu extracellulaire et donc de contribuer au maintien, à l'augmentation ou à la baisse de l'insulinémie circulante. L'insuline se trouve sous forme d’un cristal à l'intérieur de la granule, chaque cristal renfermant près de 2 000 molécules d’insuline extrêmement condensées autour de 2 atomes de zinc qui servent de noyau de cristallisation. Les signaux activateurs ou inhibiteurs de l’exocytose L’absorption de nutriments provoque l’activation de la biosynthèse, de l’exocytose et de la sécrétion de l’insuline. Parmi les métabolites activateurs, le glucose est le plus important. Dès le début de la prise alimentaire, il y a activation du système nerveux autonome, en particulier du parasympathique, à partir d’une signalisation hypothalamique. Cette activation se produit tout au long du tractus digestif. Parmi les neurotransmetteurs libérés par les terminaisons parasympathiques, on trouve l’acétylcholine et des neuropeptides, tel le VIP. L’absorption des nutriments déclenche aussi la production d’hormones gastro-intestinales, dont le GPL-1, le GIP et la CCK. La sécrétion d’insuline est donc stimulée par 3 types de signaux : métaboliques, hormonaux, nerveux. L’îlot de Langerhans : une unité fonctionnelle L’activation du système sympathique se traduit par la libération de neurotransmetteurs (noradrénaline, galanine…) qui ont pour effet d’inhiber la sécrétion d’insuline. L’îlot est un tissu endocrine dont l'architecture est extrêmement bien différenciée. La -85- C’est ce que l’on observe dans toutes les situations de stress, en particulier lors des stress liés à un exercice physique violent et durable. comprendre pourquoi seule une fraction est capable d’intervenir à chaque instant, il faut connaître la machinerie d’exocytose. La biosynthèse de l’insuline La machinerie d’exocytose Avant d’être sécrétée, l’insuline doit être synthétisée. Son gène, formé de 3 exons, est transcrit puis traduit en un peptide précurseur de grande taille appelé prépro-insuline (la notion de précurseur prépeptidique a été proposée à partir de l’étude de la biosynthèse de l’insuline ; elle suppose que des précurseurs de grande taille sont inactifs et doivent être redécoupés avant d’être libérés sous une forme active). Cette prépro-insuline est découpée en proinsuline dans la cellule β. Celle-ci est elle-même clivée par des peptidases et des convertases pour donner l’insuline. Des défauts de conversion peuvent se produire lorsque les convertases mal synthétisées ou mal chargées dans les vésicules, ou leurs précurseurs, où se fait la conversion de la pro-insuline en insuline. Les vésicules matures stockent et libèrent alors de la pro-insuline inactive. Ces défauts se traduisent, chez l’homme, par une forme de diabète extrêmement rare. Le système de transfert qui permet de vectoriser les vésicules entre le réticulum et la membrane de sécrétion fait appel au cytosquelette constitué de microtubules. Un deuxième système sous membranaire, le réseau d’actine, joue dans cette cellule très spécialisée un rôle de frein à la sécrétion. S’il est essentiel d’avoir beaucoup de vésicules, et donc une réserve d’insuline pour subvenir aux besoins instantanés de l’organisme, il est aussi important d’avoir un système de contrôle qui évite une libération excessive et un risque d’hypoglycémie. Le réseau d’actine est donc plus ou moins polymérisé selon l’état fonctionnel de la cellule : il doit être dépolymérisé pour laisser passer les vésicules qui se rendent à la membrane en période de sécrétion ou dense pour en limiter l’accès lorsque la sécrétion doit être minimale. Une fois arrivées à la membrane, les vésicules s’y accrochent et fusionnent leur membrane avec la membrane plasmique pour évacuer leur contenu qui se solubilise dans le liquide extracellulaire. Cette dernière étape de l’exocytose est très finement régulée. Plusieurs protéines appartenant à différentes familles ont été identifiées. Les V-SNAREs, dont la synaptobrévine et la synaptotagmine, sont situées sur la membrane vésiculaire et viennent s’accrocher sur les T-SNAREs (SNAP 25, syntaxine…) situées sur la membrane de la cellule. Ce mécanisme dépend du calcium : au moment de l’exocytose terminale, plusieurs canaux calciques s’ouvrent, créant une vague calcique qui conduit à la fusion. Un système régulateur permet ensuite d’endocyter la fraction de la membrane vésiculaire venue s’arrimer à la membrane plasmique. Biosynthèse et compartiments cellulaires La pro-insuline est synthétisée à l’interface entre le cytosol et le réticulum endoplasmique rugueux. Dès qu’elle entre dans le réticulum, la prépro-insuline est clivée et libère la pro-insuline. Celle-ci migre grâce à des vésicules de transition vers l’appareil de golgi. Des vésicules sécrétoires non matures contenant la pro-insuline se forment ensuite à la face trans du golgi. Après divers modifications (acidification, perte de la clathrine…), elles évoluent en vésicules sécrétoires matures renfermant le cristal d’insuline. L’activation de la biosynthèse de l’insuline n’implique pas une sécrétion accrue. Le stockage joue un rôle majeur, puisque seule une partie des vésicules sécrète l’insuline même si la demande sécrétoire est importante. Pour L’exocytose est biphasique L’exocytose de la cellule β a une cinétique particulière : la sécrétion d’insuline est -86- biphasique. Le premier pic de sécrétion apparaît dans les 5 minutes qui suivent l’exposition au glucose : c’est la phase 1, que l’on appelle aussi phase d’exocytose rapide. Elle est activée par la concentration locale du calcium et correspond à la mobilisation des vésicules déjà accrochées à la membrane et prêtes à fusionner, soit moins de 100 granules sur les 10 000 à 12 000 présentes dans le pool de réserve de la cellule. La phase 2 correspond à une mobilisation et à une exocytose plus lentes, car les granules proviennent du pool de réserve et leur mobilisation nécessitent le fonctionnement du cytosquelette. Cette phase est activée par les concentrations sous-membranaires de calcium, d’ATP et d’AMPc. étape : la modulation du métabolisme ionique de la cellule. Les concentrations d’ATP et d’ADP sous-membranaires agissent sur les canaux K+ qui règlent le potentiel de repos de la cellule β (elle a, comme les neurones, un potentiel d’action de repos inférieur à -70 millivolts). A l’état basal, les canaux K+ sont ouverts et le flux de potassium sortant contrôle le niveau de polarisation de la membrane. Quand le rapport ATP/ADP augmente, les nucléotides se lient au canal K+/ADP dépendants et le ferment. La fermeture du canal K+ entraîne une dépolarisation membranaire qui ouvre les canaux calciques voltage-dépendants. L’ouverture d’un trop grand nombre de canaux calciques est toxique pour la cellule et peut entraîner sa mort. En fait, les vagues calciques induites localement activent le transport des vésicules et l’accrochage sur les VSNAREs et les T-SNAREs. Le concept actuel De tous les signaux métaboliques, nerveux ou hormonaux, le glucose est le signal majeur de la sécrétion d’insuline. On sait aujourd’hui qu’il entre dans la cellule β via un transporteur (qui ressemble au GLUT 2 de la cellule hépatique) et non via un gluco-récepteur. Il est ensuite phosphorylé par une glucokinase. Toute variation du glucose extracellulaire est détectée par le couple GLUT 2/glucokinase et se traduit par la variation du glucose-6-phosphate (G6P). Le flux de production de G6P se transforme en un flux de production de pyruvate qui n’est pas, contrairement à beaucoup d’autres cellules, transformé en lactate, car la cellule β n’exprime pratiquement pas de lactate déshydrogénase. Le rôle du pyruvate est d’ajuster la production d’insuline au flux de glucose qui pénètre dans la cellule. En effet, l’essentiel du pyruvate est canalisé vers les mitochondries qui sont très nombreuses dans les cellules β. Il en résulte un couplage entre l’activation de la glycolyse, celle de l’oxydation mitochondriale du pyruvate et l’augmentation de la production d’ATP. L’élévation du rapport ATP/ADP dans la matrice mitochondriale se poursuit dans le cytosol et déclenche la deuxième En d’autres termes, la cellule β concentre 3 types d’évènements : 1) des phénomènes bioénergétiques qui se produisent en amont et font « ressembler » la cellule β à un hépatocyte ; 2) des évènements qui contrôlent le métabolisme de certains ions, en particulier du calcium et du potassium, comme dans les neurones ; 3) des évènements plus mécaniques qui interviennent sur la régulation fonctionnelle du cytosquelette et du système d’accrochage des vésicules et qui sont calcium-dépendants mais aussi ATP-dépendants. L’ATP qui a été augmenté en réponse à l’activation mitochondriale sert à fermer les canaux K+ et, probablement, à phosphoryler un certain nombre de protéines de l’appareil de l’exocytose. Le rôle majeur du canal KATP – dépendant Ce canal est une cible majeure de l’effet insulino-sécréteur du glucose. C’est une macromolécule complexe constituée d’un pore de perméabilité sélective pour les ions K+ auquel est couplée une protéine régulatrice appelée SUR (schéma 1), car elle sert de -87- Schéma 1 : Le rôle majeur du canal KATP - dépendant. récepteur aux sulfonylurées (SU). Cette famille des sulfamides hypoglycémiants a permis, dès la fin des années 50, de traiter le diabète de type 2 car ce sont de puissants insulino-sécréteurs. Ils ont l’avantage de pouvoir être administrés par voie orale, et non par injection comme l’insuline, et sont aujourd’hui encore largement utilisés. Tous les sulfonylurées se lient à la protéine SUR. Dans la cellule β, il s’agit de l’isoforme SUR-1. La liaison du sulfonylurée avec le récepteur suffit à entraîner la fermeture du canal K+, comme le ferait le glucose et, par voie de conséquence, l’augmentation calcique et la sécrétion. Les sulfamides hypoglycémiants ne sont cependant pas des médicaments miracles, c’est pourquoi d’autres molécules ont été et doivent être développées pour réactiver la sécrétion de l’insuline, défectueuse chez les personnes ayant un diabète de type 2. sécrétion de l’insuline à court terme et montre l’importance de l’acétylcholine et de son récepteur muscarinique M3. Dans les deux suivants, il sera question d’adaptation à long terme. L’article 2 s’intéresse à un mécanisme qui contribue à augmenter le nombre de cellules β pendant la gestation. Le modèle présenté dans l’article 3 montre la façon dont le nombre de cellules β est programmé dès la vie intra-utérine. Discussion Quels sont les mécanismes d’épuisement de la cellule ß chez un homme diabétique ? Je n’ai volontairement pas parlé du diabète de type 2 car le fonctionnement de la cellule β n’a été identifié que chez l’animal. Chez l’homme, son étude est difficile car le pancréas est un tissu profond sur lequel il est interdit de faire une biopsie. De plus, une biopsie n’aurait qu’une chance sur cent de tomber sur des îlots de Langerhans. Chez l’homme diabétique, on ne peut raisonner Le premier article qui sera présenté (article 1) illustre un des aspects de la régulation de la -88- que sur une sécrétion d’insuline mesurée in vivo et éloignée de la source. Néanmoins, certains modèles animaux semblent conformes à ce qui se passe chez l’homme. faut pouvoir évacuer le signal qui a été émis en grande quantité localement. C’est pourquoi les systèmes vasculaires efférents sont couplés à des systèmes ayant un débit veineux important. Concernant les mécanismes, on pense qu’il y a, dans un premier temps, une adaptation à l’insulino-résistance : le pancréas augmente son nombre de cellules et donc sa production d’insuline, et cela dépend de l’équipement génique de chaque individu. Une personne hyperlipidémique de façon chronique ne devient pas forcément hyperglycémique. On imagine que le stress métabolique auquel est confrontée la cellule β la pousse à augmenter sa sécrétion et à se multiplier. Le stress a ses limites, surtout si des gènes de prédisposition empêchent l’expansion de la masse β ; la sécrétion d’insuline peut alors n’être plus adaptée aux besoins. Une légère hyperglycémie se développe et le stress augmente. La cellule β qui a perdu ses capacités d’expansion est soumise à des conditions apoptotiques. Leur nombre diminue au lieu d’augmenter, et c’est le cercle vicieux. Quand le débit veineux est élevé, la consommation d’oxygène est élevée, sauf pour le rein. On ne sait pas mesurer la consommation d’oxygène d’une cellule β. On ne sait le faire que sur les îlots. Sur des îlots cultivés in vitro avec des concentrations élevées de glucose, on observe une augmentation nette de la consommation d’oxygène. A quoi sert l’énergie dépensée par la cellule β puisque la fabrication de l’insuline en consomme assez peu ? Elle sert à maintenir un potentiel de - 70 millivolts grâce à l’action d’une enzyme, la Na/KATPase, et à approvisionner le système de transport des vésicules. L’enzyme génère un gradient de charge en faisant entrer du potassium et sortir du sodium, et les canaux KATP modulent ce potentiel grâce à la sortie des ions K+, la fermeture des canaux élevant le potentiel. Il est important de se rappeler que l’ordre de grandeur du gradient en potassium est d’une centaine de millimolaires (120 ou 130 à l’intérieur de la cellule pour 3 ou 4 à l’extérieur) et qu' il est de 10 000 pour le gradient en calcium (0,1 micromolaire à l’intérieur pour 1 millimolaire à l’extérieur). Ceci explique pourquoi le calcium s’engouffre dans la cellule dès l’ouverture d’un canal calcique. Un diabète de type 2 implique la perte de la fonction β, un défaut dans l’environnement de la cellule β ou des causes génétiques d’hyperlipidémie qui ne sont pas directement liées à la cellule β. La majorité des personnes obèses qui ne développent pas de diabète ont un accroissement de la masse β, mais une personne diabétique de type 2 a obligatoirement un déficit qui affecte le pancréas. Il y a 20 ans, on pensait que seul le diabète de type 1 était une maladie du pancréas. Aujourd’hui, on admet enfin que le diabète de type 2 est lié à une insulino-résistance, mais aussi à des anomalies de sécrétion de l’insuline. C’est à la fois une maladie du pancréas et de la périphérie. Le foie joue t-il un rôle dans la régulation de l’insulinémie puisque le taux d’insuline retrouvé dans la veine porte a diminué de moitié ? Pourquoi les îlots de Langerhans sont-ils si richement vascularisés ? Pourquoi le flux sanguin est-il aussi élevé ? Oui, mais il ne semble pas que ce soit un rôle majeur car la quantité qui en sort est suffisante. Le flux sanguin est toujours très élevé dans les tissus endocrines. Après la sécrétion, il Cette dégradation de 50 % de l’insuline dans le foie est-elle prise en compte dans les doses -89- lules très répondeuses ayant été perdues. Habituellement, quelques cellules très répondeuses suffisent pour qu’il y ait une synchronisation et une réponse adaptée. que s’injectent les diabétiques ou cette dégradation n’a pas lieu lorsque l’insuline est injectée ? L’injection sous-cutanée d’insuline concerne le diabète de type 1. Elle arrive plus directement au niveau des tissus périphériques, et des muscles en particulier, qu’au niveau du foie. Une des limites de l’insulinothérapie est d’avoir trop d’insuline à la périphérie et trop peu dans la veine porte. Y-a-t-il une synchronisation entre îlots ? Des chercheurs pensent que le NO servirait de médiateur d’îlot à îlot par le système vasculaire pour synchroniser la sécrétion en réponse au glucose. Cette sécrétion reste relativement élevée mais se fait par oscillations, ce qui permet d’éviter la désensibilisation au calcium de la cellule. En fait, le couplage entre cellules β à l’intérieur de l’îlot correspond à un couplage calcique. Il en résulte un couplage de l’exocytose à l’intérieur des îlots et peut-être entre les îlots. Existe t-il une innervation afférente du pancréas qui informe le système nerveux central ou l’innervation vagale est-elle toute efférente ? Aujourd’hui, on a tendance à dire que tous les organes périphériques « parlent » au cerveau, mais cela reste à démontrer. Dans les vésicules de sécrétion, l’insuline est sous la forme d’un cristal. Comment se fait la dislocation au moment de la sécrétion ? Tu as dit que la cellule β fonctionne comme un hépatocyte puis comme un neurone. Ce fonctionnement synaptique existe t-il pour d’autres glandes endocrines ? Huit molécules d’insuline entourent deux atomes de zinc qui servent de noyau de cristallisation. Une fois libéré dans le muscle extracellulaire, le cristal se dissout dans le milieu aqueux et l’insuline circulante reprend sa forme monomérique. Comme on ne connaît pas d’enzyme extracellulaire pouvant « casser » le cristal, on pense qu’il s’agit d’une simple dissolution. C’est le cas pour les cellules qui produisent le glucagon, mais pas pour les cellules de la thyroïde ou des surrénales. Sait-on combien d’îlots sont mobilisés lors d’un repas ? Le sont-ils de manières différentes ? Les cellules β sont-elles synchronisées ? Après un repas, quel est le délai pour la sécrétion de l’insuline ? Combien de temps dure t-elle ? Au bout de combien de temps la glycémie redevient-elle normale ? Un îlot avec ses 1000 cellules fonctionne comme un syncytium. Une cellule β isolée ne réagit pas en présence de glucose, même à forte concentration. Elle a besoin d’être couplée à ses voisines au sein de l’îlot. A la périphérie, les cellules β sont couplées entre elles et avec les cellules non β, celles à glucagon. Elles s’échangent des signaux en permanence afin d’optimiser la synchronisation. On sait qu’au sein d’un îlot, même mature, les cellules β répondent de manière différentielle à la présence du glucose. On pense que certains cas de diabète de type 2 pourraient être liés à la présence d’un grand nombre de cellules peu répondeuses, les cel- La sécrétion commence dans la minute qui suit l’arrivée de l’aliment dans la cavité buccale. Le système parasympathique est activé. C’est la phase céphalique de la sécrétion. C’est un signal d’anticipation, car la sécrétion démarre avant qu’une quantité suffisante de glucose ne soit absorbée au niveau du duodénum pour contribuer à élever la glycémie, au moins au niveau pancréatique. La durabilité dépend, en partie, de la sécrétion des hormones digestives. Ce sont elles qui permettent la potentialisation à long terme -90- le système sympathique (adrénaline) un effet inhibiteur. de l’effet insulinosécréteur du glucose. La concentration normale de ce sucre est de 1 g/l, soit 5,5 millimolaires. La cellule ß commence à sécréter à partir d’une concentration de 6 ou 6,5 millimolaires. L'acétylcholine agit par l'intermédiaire de différents récepteurs muscariniques (de M1 à M5). Les auteurs de cet article se sont intéressés au rôle physiologique du récepteur du sous-type M3 (M3AchR) exprimé par la cellule bêta dans la régulation de la sécrétion de l'insuline et dans la régulation de la glycémie, chez la souris. Ils ont utilisé deux modèles d'étude : des souris KO spécifiquement pour le M3AchR des cellules bêta et des souris transgéniques dont ces cellules surexpriment le M3AchR. Article 1 : « Rôle physiologique du récepteur muscarinique M3 au niveau des cellules bêta du pancréas dans la régulation de la libération d'insuline et dans la régulation de la glycémie in vivo » Introduction Résultats obtenus avec les souris KO bêta spécifique. Les hormones qui participent à la régulation de la glycémie sont synthétisées par les cellules bêta des îlots de Langerhans. Cette partie endocrine du pancréas qui produit aussi du glucagon (cellules alpha), de la somatostatine (cellules delta) et des polypeptides pancréatiques (cellules PP) ne représente qu' 1 à 2 % du pancréas. Lorsque la glycémie est élevée (taux de glucose dans le sang > 1 g/l), les cellules bêta libèrent de l'insuline. Celle-ci favorise le stockage du glucose sous forme de glycogène dans le foie et les autres tissus cibles afin de diminuer la glycémie. Lorsque la glycémie est faible, les cellules alpha du pancréas sont stimulées. La synthèse et la libération de glucagon qui en résultent conduisent à la dégradation du glycogène dans le foie et à la libération de glucose dans le sang, afin d’augmenter la glycémie. - La taille et le nombre des îlots de Langerhans ne sont pas affectés par le KO spécifique de la cellule bêta. - Les concentrations de glucose et d'insuline, après le repas et à jeun, sont les mêmes chez les souris contrôles et chez les souris KO. - Chez les souris KO, la stimulation muscarinique est inefficace sur la sécrétion de l'insuline. - Lorsque la voie M3AchR est déficiente, d'autres voies de stimulation se mettent en place, notamment celle du GPL-1 (une hormone gastro-intestinale), pour compenser les défauts de sécrétion. - Chez les souris KO, l’altération de la régulation de la glycémie serait liée à un défaut de sécrétion de l'insuline. Le KO n'a pas d'effet sur la sensibilité à l'insuline des cellules cibles (hépatiques, musculaires et adipeuses). Si le glucose joue un rôle majeur dans la régulation de la sécrétion de l'insuline, d'autres facteurs interviennent, parmi lesquels : Conclusion - des hormones gastro-intestinales, le glucagon (inhibiteur), la somatostatine (inhibitrice) ; Le récepteur du sous-type M3 de la cellule bêta n'a pas d'effet sur la sensibilité des cellules cibles à l'insuline. Ce récepteur joue un rôle important dans la régulation de la glycémie et pourrait être inclus dans des stratégies thérapeutiques. - des acides aminés (arginine, leucine, lysine) ; - le système nerveux. Le système parasympathique (acétylcholine) a un effet stimulant et -91- trôle aussi important de la sécrétion neuronale d’insuline. Discussion Quelle information importante nous apporte cet article ? La cellule bêta n’est pas la seule à posséder des récepteurs M3. La cellule alpha qui produit le glucagon en a aussi. Des données récentes montrent que M3 et le système parasympathique interviennent dans la croissance adaptative et en particulier dans les mécanismes de régénération. Nous avons un modèle dans lequel la régénération des cellules bêta est moindre après vagotomie. On pense aujourd’hui que le parasympathique aurait un effet trophique. On savait déjà, grâce à un KO total, que le récepteur cholinergique M3 jouait un rôle important dans la sécrétion de l’insuline. Les auteurs ont ici réalisé un KO bêta spécifique. Ce KO n’a aucun effet sur la glycémie basale : les souris sont normo-glycémiques et ne sont donc pas diabétiques. La carence en M3AchR de la cellule bêta ne révèle un effet pathologique que dans des conditions de surcharge glucosée. Les souris KO spécifiques ne sont pas diabétiques mais ont une intolérance glucidique. Le KO n’a pas d’effet sur la sensibilité à l’insuline. Une souris KO sécrète de l’insuline, mais cette sécrétion est insuffisante. L’insuline est cependant efficace au niveau périphérique. L’important est ici de retenir qu’une intolérance glucidique, voire un diabète, peut simplement être liée à un déficit d’insulinosécrétion. Taux ou concentrations ? Un taux ne veut rien dire, même si c’est la traduction littérale du mot anglais « level ». Le taux de glucose est une aberration métabolique. Mieux vaut parler de concentration ou de quantité. Je me souviens d'un de mes directeurs de recherche qui me disait : « laisse les taux aux banquiers et occupe-toi des concentrations ». Le développent d’un diabète gestationnel chez la femme enceinte est-il lié à un dysfonctionnement de ce récepteur muscarinique ou dépend-il d’un autre mécanisme ? Article 2 : « Rôle de la ménine dans la croissance des cellules bêta pancréatiques pendant la gestation des souris et dans l'apparition du diabète gestationnel » On sait seulement que le diabète gestationnel résulte à la fois d'un déficit relatif de sécrétion d'insuline et de l'insulinorésistance. Le terme d'insulinorésistance est ambigu. Quelle qu'en soit la cause, il s'agit toujours d'une situation dans laquelle le captage de glucose par le muscle est inadapté par rapport à la quantité d'insuline. Ce déficit de captage peut être obtenu de trois façons : soit l'insuline est inefficace ou peu efficace, soit la sensibilité à l'insuline est normale mais la sécrétion d'insuline insuffisante, soit il y a à la fois insulinorésistance et déficit d'insulinosécrétion. Il existe un continuum entre ces trois possibilités qui font passer d'un état physiologique à un état pathologique. Introduction Lors de la grossesse, on observe le développement d'une insulinorésistance et une prolifération des cellules bêta pancréatiques sécrétrices d'insuline afin de compenser cette insulinorésistance. En Europe, pour 5 % des grossesses, cette prolifération est insuffisante et se traduit par un risque accru de diabète de type 2 chez la mère, un risque de surpoids et de désordres métaboliques chez l'enfant. La ménine est une protéine de la famille des histones-méthyltransférases. Elle fait partie d'un complexe qui se fixe sur l'ADN pour permettre la triméthylation des histones et l’acti- Je savais que le pancréas endocrine était bien innervé mais je ne m’attendais pas à un con-92- - Conséquences sur l'insulinémie : chez les bêta Men1 17 jours après le coït, la masse des cellules bêta et la sécrétion d’insuline ont diminué (elles reviennent aux niveaux des souris non gestantes). Ces diminutions sont dues à une baisse de la multiplication des cellules productrices d’insuline. vation de l'expression de gènes inhibiteurs de kinases, en particulier P27 et P18. Cette activation se traduit in fine par l'inhibition de la prolifération des îlots de cellules bêta. Un travail antérieur a montré que la mutation du gène Men1 qui code pour la ménine provoque des tumeurs des tissus endocrines (pancréas, glandes pituitaire et parathyroïdes). - La diminution de l'expression de la ménine semble favoriser l'expansion de la cellule bêta pendant la gestation. Inversement, l'absence de prolifération de la cellule bêta pendant la gestation est due à une stabilité du niveau d'expression de la ménine. Comme le diabète gestationnel est lié à une absence de prolifération des cellules bêta et que la ménine inhibe cette prolifération, les auteurs ont voulu savoir : 1) si la ménine régule la prolifération des cellules bêta pendant la grossesse ; 2) si elle est impliquée dans le développement du diabète gestationnel ; 3) quels sont les mécanismes de cette régulation. - Mécanismes de régulation de l'expression de la ménine. On sait que la prolactine et d'autres hormones placentaires lactogènes entraînent la prolifération des cellules bêta pendant la gestation grâce à un mode d'action complexe (phosphorylation d'une protéine nucléaire STAT, activation de la protéine répresseur de transcription BCL6, puis inhibition de l'expression d'un gène cible). Dans cette étude, les auteurs montrent qu'il existe, chez des souris gestantes, une interaction entre Men1 et la protéine BCL6. Ils observent, sur des cellules bêta en culture exposées à la prolactine, une baisse de l'expression génétique de Men1, P18 et P27, cet effet étant atténué par la progestérone censée avoir un effet inverse de la prolactine. De même, l'administration de prolactine augmente l'expression du répresseur de transcription BCL6. Il semble donc que la prolactine régule l'expression du gène Men1 via BCL6. Résultats - Différentes méthodes (qPCR, immunohistochimie, immunoprécipitation de la chromatine, imagerie) montrent que la baisse de l'expression de Men1 pendant la gestation est accompagnée d'une baisse de l'expression des gènes cibles de la ménine (P27 et P18). - Validation d’un modèle de souris transgéniques bêta-Men1 inductible (nécessité de souris bi-transgéniques RIP-rtTA, TRE-Men1), en gestation et exposées en continu à la doxycycline de l'accouplement à la mise-bas, soit pendant huit semaines : activation de la synthèse de ménine dans les cellules bêta des souris transgéniques bêta Men1 et niveau d'expression équivalant à celui des souris non gestantes. - L’action régulatrice de la prolactine sur la prolifération des cellules bêta est confirmée in vivo. - Conséquences sur la glycémie : hyperglycémie chez les bêta Men1 pendant la gestation ; rétablissement de la glycémie 4 jours après la parturition ; relative intolérance au glucose chez les bêta Men1. Les conséquences physiologiques sont relatives comparées aux changements d'expression génétique. On peut penser qu'il y a une mise en place de mécanismes compensatoires de limitation de la glycémie. - Application à des situations physiopathologiques. Grâce à un modèle de souris obèses et hyperphagiques (dont la glycémie est maintenue grâce à la prolifération des cellules bêta), il semble que le gène Men1 pourrait jouer un rôle dans l'adaptation de la croissance des cellules bêta dans l'obésité. En -93- biologique ? On ne sait pas reconstituer la complexité du vivant malgré l’acquisition de connaissances de plus en plus fines, d’où l’importance d’approches multidisciplinaires et à haut débit autour d’un même modèle. effet, la diminution de l'expression de Men1 participe à la multiplication des îlots de cellule bêta chez les souris obèses. Conclusion et perspectives Les hormones lactogènes inhibent le gène Men1 via CBL6. Cette inhibition entraîne une baisse de l'activité histone-méthyltransférase qui bloque l'expression des gènes P18 et P27 et active la prolifération des cellules bêta. Le glucose passe-il aisément la barrière placentaire ? La glycémie du fœtus s’ajuste à la glycémie de sa mère. Si celle-ci est hyperglycémique, le fœtus est hyperglycémique et il devra en subir les conséquences, en particulier pour le développement de son pancréas. Lorsqu’un fœtus a été soumis à une hyperglycémie chronique, le risque d’hypoglycémie après la naissance est augmenté. Au cours de la gestation, la masse bêta de la mère augmente parce que le pancréas du fœtus n'est mature que très tardivement. Le pancréas endocrine de la mère doit donc s’adapter à cette situation transitoire d'augmentation des besoins. Chez le rongeur, le fœtus n'est pas capable d'utiliser son insuline endogène pour réguler sa propre glycémie : ses premières cellules bêta n'apparaissent que pendant la deuxième moitié de la gestation. Il serait intéressant d'étudier d'autres suppresseurs de tumeurs pancréatiques, comme la protéine Von Hippel-Lindau et de mettre au point des thérapies inhibant la ménine (régulateurs, cibles compétitrices…). Discussion Commentaire sur l’article. C'est un travail très élégant, très complet et très intéressant. Les modèles, les méthodes et les niveaux d’étude sont diversifiés et les résultats nombreux. La ménine ouvre de nouvelles pistes. Je suis frappé par la distorsion qui existe entre l'impact de l'effet sur la masse bêta et le faible retentissement sur la glycémie. Il semble qu'il y ait un amortissement des phénomènes. Je voudrais aussi rappeler l'importance de la relation coût/bénéfice. Même si la ménine ouvre des perspectives thérapeutiques intéressantes, j’ai quelques réticences pour tout ce qui pourrait modifier la croissance tissulaire en général, et donc la croissance tumorale, du fait des effets secondaires potentiels. Vous verrez que lorsque vous serez amenés à diriger des recherches, vous serez obligés de vous poser cette question : « quel est le meilleur compromis entre l'investissement en temps et en argent et la qualité des résultats scientifiques ? ». À quel moment doit-on arrêter les manips pour rédiger, alors que l'on aimerait faire des expériences complémentaires et que l'on a toujours envie d'en savoir plus ? Autre difficulté : comment appréhender un phénomène Article 3 : « Développement d'un diabète de type 2 consécutif à un retard de croissance intra-utérin chez des rats – importance de l’extinction épigénétique du gène Pdx1 » Introduction Les causes d'un retard de croissance intrautérin (IUGR) sont multiples. Il peut s'agir : 1) de facteurs utérins (diminution de la pression sanguine dans l'utérus et le placenta, infections dans les tissus entourant le fœtus, insuffisance utéro-placentaire...) ; 2) de facteurs maternels (pression sanguine élevée, tabagisme, malnutrition…) ; -94- 3) de facteurs corrélés au développement du fœtus (gestations multiples, infections…). Ce travail ouvre la voie à de nouvelles études sur les conséquences du silencing des gènes ainsi qu’à des traitements pharmacologiques, voire de thérapie génique. Au stade fœtal, l’UIGR a pour conséquences la limitation des apports en oxygène, en glucose et en acides aminés, ce qui induit un stress oxydant et une altération du statut redox. À l'âge adulte, des maladies apparaissent, comme par exemple le diabète de type 2. Discussion Quelques remarques sur l’importance de cet article qui explique en partie le mécanisme d’effondrement de la masse bêta : Le facteur de transcription Pdx1 (pancreatic and duodénal homeobox1) régule le développement du pancréas et la différenciation des cellules bêta. L'expression du gène Pdx1 est associée au maintien de la masse des cellules bêta, à l'homéostasie du glucose et à la production de l'insuline. La diminution de son expression entraîne le dysfonctionnement des cellules bêta et donc le développement du diabète. Des études antérieures ont montré que les mécanismes moléculaires de l’IUGR étaient liés à des modifications épigénétiques de l'expression de gènes clés (l'épigénétique est l'étude des modifications de l'expression des gènes qui sont transmissibles lors de la mitose et/ou de la méiose, mais ne découlent pas de modifications dans la séquence de l'ADN). Quand le promoteur est très méthylé, les facteurs de transcription n’y ont plus accès. Il s’ensuit une extinction totale de l’expression de Pdx1 puis, au bout d’un certain temps, un effondrement de la masse bêta et l’apparition d’une hyperglycémie. Heureusement, il est possible aujourd’hui d’intervenir pharmacologiquement sur les anomalies épigénétiques. Par exemple, le TSA ou trichostatine est un inhibiteur de dé-acétylases. En empêchant la dé-acétylation des histones, il permet de préserver l’accessibilité du promoteur de Pdx1 à un niveau suffisant pour que la protéine Pdx1 soit exprimée normalement. Quel est le pourcentage de rats ayant eu un retard de croissance intra-utérin qui développent un diabète de type 2 ? Les auteurs de cet article se sont donnés pour objectif de valider différentes hypothèses pour l’induction du silencing de Pdx1 lors de la transition de l'IUGR à l'apparition du diabète de type 2 chez l'adulte : modification des histones, méthylation de l'ADN et/ou remodelage de la chromatine. C’était la majorité des rats mâles âgés puisque le diabète n’apparaît qu’au bout de 6 mois. L’utilisation d’inhibiteurs pharmacologiques ne risque t-elle pas de bloquer d’autres systèmes utiles à la cellule ? Il faudrait au minimum pouvoir cibler le tissu. Conclusion Il est évident qu’il y aurait des effets colatéraux, c’est pourquoi on n’utilise pas le TSA pour corriger les conséquences de l’IUGR sur le pancréas. Ici, il s’agissait de comprendre un mécanisme particulier. L’IUGR induit des modifications épigénétiques progressives au niveau du gène Pdx1 dans les cellules bêta : - le complexe mSin3A/HDAC se fixe sur le promoteur du gène Pdx1 ; En biologie, on a malheureusement trop souvent une pensée binaire : vrai ou faux, bon ou mauvais…Ce travail montre bien que la biologie conduit parfois à des impasses et que l’on ne peut pas être à 100 % Darwiniste (héritabilité) ou à 100 % Lamarckiste (envi- - dé-acéthylation des histones H3 et H4 ; - inhibition de la transcription du gène Pdx1 ; - accumulation des H3K9me2 ; - apparition du diabète de type 2 à l’âge adulte. -95- que, chez toutes les espèces, une réduction de la prise alimentaire répartie dans la journée augmente la longévité (une diminution de 60 % de l’apport calorique chez la souris double sa longévité). Par contre, si l’on met à jeun des rats obèses, ils vivent beaucoup plus longtemps que des rats normaux placés dans les mêmes conditions, les premiers vivant sur leurs réserves. Dans d’autres conditions, ces souris obèses sont défavorisées (fuite devant un prédateur, recherche de nourriture…). Autrement dit, l’avantage d’un caractère n’est pas toujours génétique, mais à l’intersection entre l’organisme et l’environnement. Il faut toujours relativiser. Même pour un médecin, le choix ne doit pas se faire entre le sain ou le pathologique. Un très bon caractère pendant la croissance peut devenir pathologique à l’âge adulte. Cela peut dépendre du régime ou d’autres choses. Il n’y a pas le bien ou le mal, le vrai ou le faux, mais ce qui est adapté ou ce qui ne l’est pas. ronnement). Les physiciens l’ont compris puisqu’ils expliquent certains phénomènes par la théorie ondulatoire et d’autres par la théorie corpusculaire. Commentaire sur la frontière entre le sain et le pathologique. L’exemple qui me vient à l’esprit est celui de la malnutrition chronique en Afrique subsaharienne. Dans les pays au sud du Sahara, il y a 2 grandes carences minérales : l’une en iode, l’autre en fer. La première se traite assez facilement. La deuxième est responsable d’anémies microcytaires, en particulier chez les jeunes filles. L’Institut des maladies tropicales a bien entendu conseillé d’augmenter les apports en fer. Vingt ans plus tard, la carence était corrigée mais la mortalité due au paludisme avait augmenté. Cette carence en fer délétère pour les globules rouges est aussi protectrice contre le paludisme. Le sain et le pathologique sont souvent étroitement intriqués ; c’est toute la subtilité de l’évolution. Autre exemple : le rat du désert. Ce rat est insulino-résistant dans un contexte où il ne mange jamais d’hydrates de carbone. Si on lui faisait manger l’alimentation d’un rat normal, il deviendrait diabétique. Commentaires sur l’importance de l’épigénétique. Nous sommes aujourd’hui à l’aube d’un nouveau secteur de la biologie qui est l’étude de l’épigénome. Elle aura, je pense, son importance pour les grandes maladies multigéniques, en particulier celles de dégénérescence. Ce n’est pas un hasard si l’épigénétique a été découverte chez les plantes : avec le même génome, elles doivent survivre dans des environnements plus ou moins secs, plus ou moins froids. Elles doivent donc développer des adaptations géniques et épigénétiques. Un autre exemple me semble particulièrement intéressant : celui de la longévité. De nombreux travaux montrent -96- Bernard Portha, Professeur de physiologie à l'Université Paris 7 / Denis Diderot, Directeur du laboratoire de Physiopathologie de la Nutrition Articles analysés Article 1 – présenté par Francine De Quelen (UMR 1079, Systèmes d’Elevage, Nutrition Animale et Humaine – Rennes) « A critical role for beta cell M3 muscarinic acetylcholine receptors in regulating insulin release and blood glucose homeostasis in vivo » - Gautam et al, 2006 - Cell Metabolism Article 2 – présenté par Hélène Blanchard (USC 2010 - Biochimie - Rennes) « Menin controls growth of pancreatic _-cells in pregnant mice and promotes gestational diabetes mellitus » - Karnik S.K. et al., Sciences 318, 806 (2007) Article 3 – présenté par Noura Kechaou (UMR 1319 – Microbiologie de l’Alimentation au service de la Santé Humaine) « Development of type 2 diabetes following intrauterine growth retardation in rats is associated with progressive epigenetic silencing of Pdx1 » - Jun H. Park, Doris A. Stoffers, Robert D. Nicholls, and Rebecca A. Simmons - The Journal of Clinical Investigation - Volume 118 - Number 6 June 2008 -97- Zoom sur les écoles d’été précédentes Du 15 au 17 juillet 2003 Radicaux libres, stress oxydant, anti-oxydants Du 15 au 18 juillet 2004 Système nerveux, fonctions cognitives et comportement alimentaire Du 14 au 17 juillet 2005 Croissance et vieillissement* Du 10 au 13 juillet 2006 Tube digestif : interface avec l’environnement* Du 9 au 12 juillet 2007 Evaluation du risque toxicologique des aliments* Du 7 au 10 juillet 2008 Comportement du consommateur* *Ces éditions font également l’objet d’un document de synthèse disponible sur le site internet du Département rubrique Recherche / Le Point Sur www.inra.fr/alimentation_humaine