Homéostasie

publicité
Homeostasie et Nutrition
Ecole d’été
Département Alimentation Humaine
6 au 9 juillet 2009
C
’est au cœur de la Normandie, dans le village d’Etretat que le
Département Alimentation Humaine s’est installé quelques jours
en juillet 2009 pour accueillir 24 de ses thésards, post-doctorants et
jeunes chercheurs ainsi que 6 chercheurs confirmés du domaine de
la « nutrition et homéostasie » pour sa 7ème école d’été.
Initié en 2003 par Xavier Leverve, cet évènement tend à sensibiliser les jeunes
scientifiques à l’analyse d’articles scientifiques afin de développer leur esprit
critique et la discussion contradictoire.
Après des sujets tels que « comportement du consommateur » en 2008 ou
encore « Evaluation du risque toxicologique des aliments » en 2007, les étudiants ont cette année planché sur une thématique quelque peu complexe,
mais néanmoins fondamentale pour aiguiser sa culture scientifique.
Le nombre de participants, volontairement limité, a cependant permis de
faciliter le partage de connaissances entre jeunes chercheurs et chercheurs
séniors, permettant ainsi d’aller dans le vif du sujet pour que chacun puisse
repartir « repu ». De plus l’ambiance simple et détendue vient couronner la
réussite de l’évènement que vous pourrez ressentir au fil des pages qui vont
suivre.
Si j’ai souhaité que cet opuscule soit réalisé, c’est parce qu’il m’a semblé
intéressant que la richesse des états de l’art et des discussions, puissent faire
l’objet d’une synthèse rendue accessible à tous ceux qui s’intéressent de près
ou de loin au sujet abordé.
Avant de terminer, je tiens à remercier mon adjoint Jean Fioramonti, chef
d’orchestre de cet évènement et de l’élaboration de son programme, ainsi
que Jeannine Goacolou et Sabrina Gasser pour l’important travail effectué
afin que ce document puisse voir le jour, sans oublier les intervenants pour la
qualité de leur travail, et sans qui l’école ne pourrait avoir lieu.
Vous en souhaitant une agréable lecture,
Patrick Etiévant
Chef du Département Alimentation Humaine
Comment se déroule l’école d’été ?
L’école d’été réuni doctorants, post-doctorants et jeunes chercheurs dans un lieu convivial pendant 6 demi-journées, autour d’une thématique qui va leur permettre d’approfondir leurs connaissances, dans un domaine plus ou moins proche de leur sujet de
thèse ou de leur activité quotidienne.
Le principe veut que, tour à tour, au cours de ces journées, les participants soient dans
la position d’enseigné et d’enseignant. Chaque thématique, déclinant le thème choisi,
s’articule autour d’une demi-journée de travail.
Tout d’abord, le chercheur senior sollicité par le département présente une synthèse de
l’état de l’art. Puis cinq articles scientifiques sélectionnés par celui-ci sont ensuite
présentés de façon critique par les doctorants sous forme de présentations orales de 10
minutes.
L’article en question, choisi et préparé au préalable par l’étudiant, donne ensuite lieu à
un débat animé par le chercheur, qui peut également aider l’étudiant dans sa présentation si nécessaire.
L’objectif est donc au moins triple :
développer l’esprit critique et de la discussion contradictoire des jeunes vis-àvis et autour des travaux publiés dans la littérature qu’ils considèrent souvent
comme paroles d’évangile.
permettre aux jeunes de passer plusieurs journées consécutives avec des
chercheurs renommés dans les domaines traités et de leur offrir des perspectives de contacts futurs.
offrir un cadre convivial, second point fort de cette école, permettant d’instaurer des connections fortes entre des étudiants et jeunes chercheurs qui n’auraient jamais eu l’occasion de se rencontrer, ainsi qu’un climat relationnel de
chercheur à chercheur avec les organisateurs et les intervenants.
Directeur de publication : Patrick Etiévant
Réalisation : Jeannine Goacolou, Sabrina Gasser
Mise en page et impression : Imprimerie Decombat
Sommaire
Transport et transporteurs d’acides aminés :
du métabolisme au statut redox . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Session animée par Jean-François Huneau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 5
Contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique :
aspects centraux
Session animée par Luc Pénicaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 24
Contrôle nerveux de l’homéostasie énergétique :
aspects périphériques
Session animée par Christophe Magnan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 40
Plasticité tissulaire et cellulaire des tissus adipeux :
rôle dans l’homéostasie et l’obésité
Session animée par Louis Casteilla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 53
Insulino-résistance musculaire : adaptations métaboliques
et transcriptionnelles à la nutrition
Session animée par Hubert Vidal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 68
Adaptations nutritionnelles et pancréas endocrine
Session animée par Bernard Portha . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 84
Transport et transporteurs d’acides aminés :
du métabolisme au statut redox
Jean-François Huneau
Introduction
Schéma 1 : L’homéostasie protéique corporelle est assurée par les échanges
entre différents compartiments corporels et chimiques
Sources : J-F/ Huneau
porelles compris selon les individus entre 10
et 12 kg. Celui-ci est sans cesse remanié par la
protéolyse qui libère en retour des acides
aminés. Cet échange entre les 2 compartiments concerne près de 300 g d’acides
aminés par jour.
Le pool d’acides aminés libres de notre
organisme représente environ une centaine
de grammes. Il est approvisionné par les protéines alimentaires (dont la quantité est
estimée à une centaine de grammes par jour)
auxquelles viennent s’ajouter, dans le tractus
digestif, une cinquantaine de grammes de
protéines endogènes (enzymes, mucines…).
Après avoir été réduites en peptides et
acides aminés, ces protéines rejoignent le
pool d’acides aminés libres, mais une petite
partie n’est pas absorbée car elle est utilisée
par le microbiote pour la synthèse de protéines et de peptides coliques.
On estime que 80 g d’acides aminés libres
sont utilisés chaque jour dans des réactions
d’oxydation, de désamination (uréogenèse)
et de néoglucogenèse. Une autre partie, 5 à
10 g/j, est utilisée dans des voies
métaboliques secondaires, dont celles qui
contribuent au maintien du statut redox.
Enfin, 1 gramme d’acides aminés est éliminé
quotidiennement dans les urines après filtration de 40 g/j et réabsorption de 39 à 40 g/j.
Le pool d’acides aminés libres approvisionne
quotidiennement le pool de protéines cor-5-
Tableau 1 : Pour chaque acide aminé, plusieurs transporteurs.
Sources : J-F./ Huneau
Les acides aminés ont des fonctions variées
(tableau 1). Si 20 d’entre eux sont protéinogènes, d’autres n’entrent pas dans la
composition des protéines (citrulline,
ornithine…). Certains acides aminés sont glucoformateurs, c’est-à-dire qu’ils interviennent
dans la formation du glucose. D’autres ont des
propriétés anti-oxydantes. D’autres encore
sont des neuromédiateurs ou des précurseurs
de composés importants (la cystéine pour le
glutathion, le glutamate pour le GABA…). Les
acides aminés ont bien d’autres fonctions qu’il
serait fastidieux de lister ici. A ces fonctions
variées correspondent des structures variées,
puisqu’il existe des AA (acides aminés) neutres,
anioniques, cationiques, à chaîne latérale ramifiée ou aromatique. Ces diversités de structures
et de fonctions sont associées à une diversité
de transporteurs qui amènent les acides
aminés vers différentes voies métaboliques.
pendant près de 30 ans, on était parvenu à
une caractérisation fonctionnelle et à une
dénomination des systèmes de transport (qui
tenaient compte, en particulier, des substrats
transportés, de l’affinité du transporteur,
des dépendances vis-à-vis du sodium, du
potassium…, des compétitions entre AA). Par
exemple : le système ASC (qui transporte
l’alanine, la serine, la cystéine et est sodium
dépendant), le système B0 (qui transporte
tous les AA neutres et est sodium dépendant)
ou le système y+ (qui transporte la lysine et
est indépendant du sodium).
Depuis 1990, les transporteurs d’AA ont été
progressivement identifiés au niveau moléculaire. Une quarantaine le sont aujourd’hui. La
dénomination de ces transporteurs n’est pas
encore totalement stabilisée et un même
transporteur est souvent désigné sous des
noms différents d’une publication à une autre.
Par ailleurs, l’appariement des transporteurs
avec les systèmes de transport identifiés sur le
plan fonctionnel n’est pas toujours parfait.
Rôle des transporteurs d’acides
aminés dans le métabolisme protéique
Des systèmes de transport
aux transporteurs
Des transporteurs multiples,
de spécificité variable
Avant 1990, les transporteurs d’AA étaient
largement méconnus sur le plan moléculaire.
Grâce à Christensen et à ses travaux menés
Un même acide aminé est souvent transporté
par plusieurs transporteurs pouvant appar-6-
affinité avec le glutamate, le premier étant
localisé dans l’intestin, les reins, poumons,
muscles, adipocytes et le deuxième plus ubiquitaire. Cet exemple illustre bien la complexité
du transport des acides aminés, avec une multiplicité de transporteurs pour un acide aminé
et de substrats pour un transporteur donné.
tenir à des familles différentes. Ainsi, 7 transporteurs sont susceptibles de jouer un rôle
dans la captation ou les flux de glutamate
(tableau 2). Cinq d’entre eux appartiennent à
la même famille. Ces 5 transporteurs ont une
forte affinité et catalysent un influx glutamate
couplé au sodium et à un efflux potassium
mais diffèrent par leurs localisations (par
exemple, EAAT1 dans les cellules gliales, le
cœur et les muscles ; EAAT3 dans les neurones,
l’intestin et les reins ; EAAT5 dans la rétine) et
leur affinité pour les autres AA (EAAT3 transporte non seulement le glutamate, mais aussi
le L- et le D-aspartate et avec une certaine efficacité la glutamine et la cystéine). Les transporteurs ASCT2 et xCT n’ont qu’une faible
Les 7 familles de transporteurs
Actuellement, les transporteurs d’acides
aminés sont regroupés en 7 familles suivant
leurs analogies de séquence et de structure
(tableau 3). Chaque famille a une relative
homogénéité en termes de fonctionnement
et de substrats transportés. Par exemple, la
famille SLC7A comprend 14 membres qui
Tableau 2 : Un transporteur donné accepte plusieurs substrats
Sources : J-F./ Huneau
Tableau 3 : Les familles de transporteurs d’acides aminés.
Sources : J-F./ Huneau
-7-
- l’expression polarisée des transporteurs
catalysent l’échange entre deux acides aminés
neutres ou entre un AA neutre et un AA
cationique. La majorité de ces transporteurs,
de A5 à A14, doivent, pour pouvoir fonctionner, être associés à des sous-unités lourdes
sans fonction catalytique appartenant à la
famille SLCA3 qui jouent un rôle dans l’adressage membranaire de ces protéines.
Parmi les principaux systèmes de transport
identifiés au niveau de la membrane apicale
de l’entérocyte (schéma 2) , certains permettent l’absorption d’AA anioniques, notamment les systèmes EAAT3 (également présents
dans les neurones) et B0AT. Tous deux sont
sodium dépendant et entraînent l’accumulation dans l’entérocyte d’AA neutres ou d’AA
anioniques. D’autres échangeurs utilisent ces
AA neutres captés notamment par B0AT pour
permettre l’absorption d’autres AA neutres ou
AA cationiques. Seule une part de l’azote alimentaire est captée sous forme d’acides
aminés par l’intermédiaire de ces transporteurs, le reste l’étant sous forme peptidique.
Rôle des transporteurs d’acides
aminés dans l’homéostasie protéique
et dans l’homéostasie redox
Rôle des transporteurs dans l’absorption
intestinale et rénale
L’absorption intestinale des AA et la réabsorption tubulaire des AA filtrés au niveau
glomérulaire approvisionnent le pool d’AA
libres. Le rôle de ces épithéliums est d’assurer
un flux vectoriel de nutriments du milieu
extérieur (lumière du tube digestif et urine
en formation dans les tubules) vers le milieu
intérieur. Les transporteurs impliqués dans les
2 cas sont globalement les mêmes.
L’homéostasie protéique est assurée grâce à :
Au niveau de la membrane basolatérale, les
transporteurs sont différents et leur activité
plutôt orientée vers un efflux d’AA. Un ou
deux systèmes permettent cependant l’influx
d’AA particuliers de la circulation sanguine
vers l’entérocyte. C’est le cas notamment de
la glutamine dont l’intestin est gros consom-
Schéma 2 : Expression polarisée des transporteurs dans l’entérocyte.
Sources : J-F./ Huneau
-8-
Schéma 3 : Transport et métabolisme épithéliaux sont couplés
Sources : J-F./ Huneau
étant apportée sous forme protéique), on
remarque une modification du profil d'expression des transporteurs d'acides aminés dans
l'épithélium intestinal. Le schéma 4 montre
une augmentation significative de l'expression
des ARN messagers codant pour EAAT3, associée à une augmentation du transport catalysé
par EAAT3, mesuré sur des vésicules de la bordure en brosse. Grâce à l'augmentation de la
captation des acides aminés anioniques utilisés
par l'épithélium, des substrats glucogéniques
(alanine, proline) sont fabriqués ; l'organisme
récupère ainsi une partie de l'énergie
apportée par le régime protéique.
mateur. Sa captation permet d’approvisionner l’entérocyte en énergie et de catalyser
l’efflux d’autres AA au travers de la membrane basolatérale par des échangeurs.
- l’interconversion des AA
Au niveau épithélial, métabolisme et transport des AA sont couplés. Ainsi, par exemple,
le transporteur EAAT3 présent au niveau de
la membrane apicale permet au glutamate
de pénétrer dans l’entérocyte (schéma 3).
Une fois dans la cellule, le glutamate est
métabolisé soit en passant par la mitochondrie, donnant du pyruvate et de l’alanine,
soit en passant par la voie du glutamate semialdéhyde pour donner de la proline, de l’ornithine et de la citrulline. Une fois absorbé, le
glutamate est également utilisé pour synthétiser le glutathion. Comme il n’y a pas de
transporteur dans la membrane basolatérale
pour l’efflux de glutamate, on ne retrouve
pas de glutamate absorbé dans la circulation
portale.
Parallèlement, on n’observe pas de variation
de l'expression des ARN messagers codant
pour B0AT, un transporteur d'acides aminés
neutres. Selon les auteurs, la diminution de la
captation des acides aminés neutres sur ces
vésicules est plus ou moins importante. Pour
expliquer la diminution ou la stabilisation du
transport de ces acides aminés neutres, une
hypothèse est avancée : cette adaptation ou
plutôt cette absence d’adaptation aurait
pour but de limiter ou de prévenir les effets
délétères d'une hyper amino-acidémie chez
des animaux ou des personnes consommant
beaucoup de protéines. Par exemple, une
- l’adaptation de l’épithélium intestinal
à l’environnement nutritionnel
Lorsqu'on alimente des animaux avec des
régimes riches en protéines (50 % de l'énergie
-9-
Schéma 4 : Transport et métabolisme épithéliaux sont couplés.
Sources : J-F./ Huneau
gie est en général modérée, sont associées à
des défauts, des mutations de certains transporteurs d'acides aminés (tableau 4) : 1) l’iminoglycinurie est une maladie extrêmement
fréquente liée à des mutations des transporteurs de proline. Elle est totalement
asymptomatique et n'est mise en évidence
que par l’augmentation des pertes rénales de
proline et d’hydroxyproline ; 2) la cystinurie,
liée à des mutations des protéines rBAT et
b0,+AT, a également un retentissement rénal
augmentation importante de la concentration plasmatique de méthionine peut conduire à une augmentation de l'homocystéine, composé fortement pro-oxydant de
l'organisme. Une augmentation importante
des concentrations de leucine ou lysine pourrait également avoir des effets nocifs.
- les anomalies du transport épithélial
des acides aminés
Plusieurs pathologies, dont la symptomatolo-
Tableau 4 : Transport et métabolisme épithéliaux sont couplés.
Sources : J-F./ Huneau
-10-
adipeux, et consommée par le rein et l'intestin, le foie pouvant être producteur ou
consommateur suivant les conditions nutritionnelles ; l'alanine est produite, entre
autres, par le muscle et l'intestin et consommée par le foie. Les transporteurs de ces deux
acides aminés jouent un rôle prépondérant
dans le contrôle de l'uréogenèse et de la
néoglucogenèse.
mais pas nutritionnel. Le défaut de réabsorption tubulaire de cystéine qu’elle entraîne
favorise la formation de calculs et peut conduire à l'insuffisance rénale ; 3) la maladie de
Hartnup touche le système B0 qui transporte
l'ensemble des acides aminés neutres. Elle est
le plus souvent asymptomatique, surtout dans
les pays occidentaux où l'apport protéique est
relativement important. Cependant, lorsque
l'apport protéique est plus faible, elle peut
entraîner des symptômes de type pellagre ou
des troubles de la motricité, évocateurs d’un
défaut de synthèse de la vitamine PP due à la
malabsorption intestinale et à la perte urinaire de tryptophane ; 4) à l’inverse des mutations touchant les transporteurs apicaux, dont
la dysfonction peut être compensée par le
transporteur des peptides, celles qui touchent
les transporteurs basolatéraux ont un retentissement nutritionnel important. Ainsi, l'intolérance protéique lysinurique due à une
mutation du transporteur basolatéral y+LAT2
entraîne un retard de croissance, des diarrhées et vomissements et des troubles du
métabolisme de l’urée avec coma ammoniémique.
SNAT3, uréogenèse et détoxication
de l'ammoniaque
Le transporteur SNAT3 joue un rôle clé dans
le métabolisme hépatique de la glutamine. Il
est présent dans les hépatocytes périportaux
et périveineux. Dans les premiers, il fait entrer
la glutamine pour approvisionner le cycle de
l'urée. Cette action est couplée à une entrée
de sodium et à une sortie de protons. Sous
l'action de la glutaminase, la glutamine est
désaminée et donne du glutamate et de
l'ammoniaque. Dans les hépatocytes
périveineux, SNAT3 fait au contraire sortir la
glutamine néosynthétisée à partir du glutamate qui a été capté. Cette glutamine est
ensuite transportée par voie sanguine
jusqu'aux reins où l'ammoniaque est éliminée.
Une des caractéristiques de SNAT3 est donc
de pouvoir fonctionner dans les 2 sens, suivant l'environnement acido-basique de la cellule : dans les hépatocytes périportaux, le pH
intracellulaire relativement bas favorise l'efflux de protons, ce qui permet au transporteur de fonctionner dans le sens d'une
captation de glutamine ; dans les hépatocytes périveineux, le pH intracellulaire plus
élevé génère un gradient entrant de protons,
qui permet au transporteur de fonctionner
dans le sens de l'élimination de la glutamine
néosynthétisée.
En d'autres termes, le pH et la concentration
intracellulaires en glutamine orientent l'activité de SNAT3 vers l'influx de glutamine
dans l'hépatocyte périportal et son efflux
dans l'hépatocyte périveineux.
Rôle des transporteurs dans l’oxydation
des acides aminés et la néoglucogenèse
- Alanine, glutamine, uréogenèse
et néoglucogenèse
Deux acides aminés particulièrement abondants dans le plasma – la glutamine (500-600
μmoles/L) et l'alanine (300-500 μmoles/L) –
jouent un rôle prépondérant dans ces deux
voies. Glutamine et alanine sont des pourvoyeurs de carbone pour la néoglucogenèse
et d’azote pour l'uréogenèse (importance
plus grande de la glutamine par rapport à
l’alanine). En outre, la glutamine est également un transporteur d’ammoniaque vers le
rein. Les flux inter-organes de ces deux acides
aminés sont importants : la glutamine est
produite par le muscle, le poumon, le tissu
-11-
l’activité sérine désaminase et de l’expression
de SNAT2 fait que paradoxalement la concentration plasmatique de thréonine à jeun
est plus faible chez des animaux nourris en
régime hyperprotéique que chez des animaux nourris en régime normoprotéique.
Activation de SNAT2 et néoglucogenèse
hépatique
SNAT2 permet la captation des principaux
acides aminés glucoformateurs, mais c’est
plus un transporteur d’alanine que de glutamine. Son expression et son activité sont
fortement inductibles par le glucagon et les
glucocorticoïdes et sa régulation est essentiellement transcriptionnelle. L'alanine captée par SNAT2 est désaminée pour donner du
pyruvate qui sera éventuellement transformé
en glucose au cours des périodes de jeûne.
L'expression des enzymes de la néoglucogenèse et de SNAT2 est régulée de manière
coordonnée, notamment par le glucagon et
l'AMP cyclique, et inhibée à long terme par
l'insuline qui agit aussi indirectement via le
contrôle de la production de glucagon.
Rôle des transporteurs
dans la protéosynthèse et la protéolyse
Acides aminés et protéosynthèse
La protéosynthèse nécessite la présence des
20 acides aminés protéinogènes. Le rôle des
transporteurs, combinés aux interconversions
métaboliques, est donc de permettre la captation de ces acides aminés par la cellule. D’un
point de vue théorique, quatre transporteurs
– CAT1, SNAT2, LAT1 et xcT – sont nécessaires
et suffisants pour permettre l’approvisionnement des voies de protéosynthèse :
Régime hyperprotéique
et transport hépatique des acides aminés
- CAT1 permet à la cellule de capter des
acides aminés cationiques (arginine, lysine,
histidine) ;
Une conséquence des régimes hyperprotéiques est l’activation de la néoglucogenèse.
Dans notre laboratoire, nous avons observé
chez des animaux soumis à un tel régime une
augmentation du transport hépatique des
acides aminés, et en particulier de l'alanine,
grâce à la protéine SNAT2, correspondant au
système A. A l’inverse, l’activité du système
ASC qui permet également le transport d’alanine ne varie pas de façon significative. Au
niveau moléculaire, nous avons observé une
augmentation de l'expression des ARN messagers codant pour SNAT2 et aucune variation dans l’expression du transporteur ASCT1
correspondant au système ASC. Cette augmentation de l’expression de SNAT2 est à
mettre en relation avec l’augmentation de
l’activité d’enzymes impliquées dans l’oxydation des acides aminés au niveau hépatique.
Ainsi l’activité sérine désaminase qui catalyse
l’oxydation de la sérine mais aussi celle de la
thréonine augmente fortement en régime
protéique. Sérine et thréonine sont deux substrats de SNAT2. L’augmentation conjointe de
- SNAT2, couplé au sodium, approvisionne la
cellule en petits acides aminés (alanine, proline...) et en glutamine ;
- l’efflux de glutamine permet ensuite au
transporteur LAT1 de faire entrer dans la cellule tous les gros acides aminés neutres, qu'ils
soient à chaînes ramifiées ou à chaînes aromatiques ;
- xcT capte la cystine qui sera transformée en
cystéine dans la cellule.
Synthèse protéique
et dérépression adaptative
On appelle dérépression adaptative la capacité qu'ont les transporteurs à s'adapter à des
situations de privation d’acides aminés. Elle
se traduit, en situation de privation, par une
augmentation de l'expression des transporteurs afin de permettre le redémarrage le
plus rapide possible de la synthèse protéique
et d'éviter ainsi la mort cellulaire. Cette déré-12-
Schéma 5 : Dérépression adaptative de SNAT2
Sources : Hyde et al.J Biol Chem 2007
cription d'autres protéines appartenant à la
même famille des facteurs de transcription à
glissière à leucine, tel ATF3, ou à d’autres
familles, comme CEBPβ et CHOP. Ces facteurs
de transcription sont connus pour se lier à des
séquences régulatrices telles que les Amino
Acid Response Element (AARE), et activer la
transcription des gènes dont le promoteur
renferme ces séquences.
pression a été clairement démontrée pour les
transporteurs CAT1 (lysine, arginine) et
SNAT2 (glutamine, alanine, proline), et pourrait également exister pour LAT1 et xcT. La
dérépression adaptative combine des mécanismes de régulation transcriptionnelle, traductionnelle et post-traductionnelle.
Le schéma 5 illustre la complexité des mécanismes impliqués dans la dérépression adaptative de SNAT2. Les gènes des transporteurs
présentent dans leur région promotrice des
séquences régulatrices qui répondent à des
privations en acides aminés et sont reconnues
par différents facteurs de transcription. Les
mécanismes de la dérépression impliquent
une kinase, GCN2, qui phosphoryle le facteur
d'initiation de la traduction elF2α, et bloque
ainsi la traduction de la plupart des gènes (en
empêchant le recrutement des ARNt de la
méthionine) à l'exception de quelques ARNm
particuliers, notamment ceux du facteur de
transcription ATF4. Ce dernier active la trans-
Dans le cas de SNAT2, d’autres mécanismes
sont également impliqués car le blocage de la
voie décrite ci-dessus n’est pas suffisant pour
prévenir l’augmentation de l'expression de
SNAT2 en réponse à une privation d’acides
aminés. Un premier mécanisme alternatif
implique les kinases JNK et ERK qui, par l'intermédiaire de facteurs de transcription,
activent d'autres séquences présentes dans le
promoteur et augmentent la transcription du
gène présent dans SNAT2. Cependant, l’activation persiste lorsque l’on bloque simultanément la voie principale et cette voie
-13-
Acides aminés et signalisation
alternative, suggérant l’existence d’un 3ème
mécanisme qui pour l'instant n'a pas été
identifié.
L’implication des transporteurs dans la synthèse protéique existe également au travers
de l’activation de la kinase mTOR. La protéine mTOR est activée en particulier par l'insuline et les acides aminés ramifiés, au premier rang desquels la leucine. Elle contrôle la
protéosynthèse au niveau de la traduction
par différents mécanismes :
La dérépression adaptative implique aussi
des mécanismes transcriptionnels. La privation d’acides aminés et la phosphorylation
d’elF2α qu’elle entraîne conduisent à un
blocage général de la traduction. L’ARNm des
transporteurs doit donc contenir un signal
d’entrée interne ribosomique (IRES) pour
pouvoir échapper à cette inhibition par un
mécanisme de traduction indépendant de la
coiffe.
- en phosphorylant la protéine 4E-BP1, elle
permet le recrutement du complexe elF4F au
niveau de la coiffe des ARN messagers ;
- en activant la protéine S6K1, elle permet : 1)
la phosphorylation de la protéine S6 sur la
sous-unité 40S des ribosomes et donc la formation et l’activation des ribosomes ; 2) l'activation de l'activité hélicase elF4A, ce qui
conduit à favoriser l'élongation et à activer la
traduction.
L’ensemble de ces mécanismes transcriptionnels et traductionnels permet ainsi d’accroître l’expression de SNAT2 en situation de
privation d’acides aminés. Réciproquement,
la captation d’acides aminés conduit à une
répression de leur transport. Un premier
mécanisme de répression implique les acides
aminés substrats de SNAT2, dont la fixation
sur le transporteur entraîne la déstabilisation
de cette protéine membranaire et favorise
son adressage vers des voies de dégradation.
Le deuxième mécanisme fait intervenir le
transporteur lui-même, qui jouerait un rôle
de senseur d'acides aminés. La fixation des
acides aminés sur le transporteur activerait
un signal – peut-être en favorisant l’entrée
de sodium dans la cellule – qui pourrait mettre en route un mécanisme de répression conduisant à l’inhibition de la transcription du
gène codant pour SNAT2. D’autres mécanismes de répression, qui restent à identifier
formellement, pourraient impliquer les gros
acides aminés neutres qui ne sont pas des
substrats de SNAT2. Ces derniers agiraient
par l’intermédiaire de senseurs membranaires, et bloqueraient la voie impliquant
JNK et JUN. L’ensemble de ces mécanismes
très complexes ont pour but d’adapter finement le transport d’acides aminés aux
besoins cellulaires, en l’activant lorsque les
acides aminés sont limitants et en le freinant
lorsque les besoins sont couverts.
Un article très intéressant publié dans Cell en
2009 montre comment l'activité combinée de
deux transporteurs, ASCT2 et LAT1, entraîne
l'approvisionnement de la cellule en leucine et
l'activation du complexe mTORC1, conduisant
ainsi à l'activation de la protéosynthèse et à
l'inhibition de l'autophagie. Cependant, certaines conclusions de cet article sont discutables : en effet, si l’action combinée de LAT1 et
ASCT2 permet bien un échange entre
leucine/glutamine
d’une
part
et
glutamine/petits AA neutres d’autre part, le
fait que ces deux transporteurs ne soient que
des échangeurs rend nécessaire la présence
d’un troisième système concentratif pour permettre l’accumulation des petits AA neutres
indispensables au fonctionnement de ces
échanges. Cette fonction pourrait être remplie
par un transporteur comme SNAT2, mais ce
point n’est pas abordé dans cet article.
Rôle des transporteurs d’acides
aminés dans l’homéostasie redox
Outre leur rôle dans l’homéostasie protéique,
certains acides aminés au travers de leur
-14-
xCT et le contrôle du potentiel redox
extracellulaire
métabolisme secondaire participent au maintien du statut redox et à la lutte contre le
stress oxydant. C’est le cas des acides aminés
soufrés et en particulier de la cystéine,
précurseur du glutathion.
xCT joue un rôle clé dans la régulation du
potentiel redox extracellulaire en captant la
cystine. Une fois entrée dans le milieu intracellulaire, celle-ci est réduite en cystéine par le
glutathion GSH. Le glutathion oxydé (GSSG)
par cette réaction peut-être réduit en GSH par
la glutathion réductase grâce aux électrons
apportés par le NADPH produit notamment
par la voie des pentoses phosphates. La cystéine produite à partir de la cystine peut être
utilisée pour la synthèse protéique, celle de
glutathion ou être exportée vers le milieu
extérieur. L’ensemble de ce mécanisme permet l’ajustement des concentrations extracellulaires de cystéine et cystine.
Avec une concentration de l’ordre du millimolaire et un potentiel d’hémi-cellule de -240
mV, le glutathion est le principal tampon
redox intracellulaire. Il participe à la protection des groupements -SH protéiques contre
l'oxydation irréversible. C'est aussi un piégeur
d’espèces radicalaires et d'oxydants (O2-,
OH, ONOO-) et le co-substrat d’enzymes
(Glutathion peroxydases, Glutathion-transferases) impliquées dans les réactions de
détoxication/réduction, notamment vis-à-vis
des peroxydes. La cystéine (Cys) est en outre le
précurseur de deux autres anti-oxydants, la
taurine et le H2S, et joue elle-même le rôle de
tampon redox dans le milieu extracellulaire où
on la trouve sous forme réduite (cystéine, avec
une concentration de l’ordre de 10 μM) et
oxydée (Cystine, ou Cyss, avec une concentration de Cyss d'environ 50 μM). Le potentiel
d’hémi-cellule du couple Cys/Cyss est de -80 mV.
Transport et réponse aux agressions
pro-oxydantes
Le transport et le métabolisme de la cystéine
et du glutathion sont régulés par l’environnement redox, cette régulation permettant à
l’organisme de répondre à des agressions
oxydatives. Le signal déclencheur de cette
régulation est l’augmentation de la concentration intracellulaire de GSSG, résultant de
l’oxydation du glutathion par les espèces prooxydantes présentes en excès. Cette accumulation de GSSG favorise l’oxydation des
groupements thiols présents sur les protéines
intracellulaires. Dans le cas de la protéine
Keap1, cette oxydation facilite sa dissociation
du facteur de transcription Nrf2 qu’elle
séquestre dans le cytosol. Ce facteur de transcription ainsi libéré migre dans le noyau,
active des séquences régulatrices appelées
ARE (Antioxydant Responsible Element)
présentes dans le promoteur de nombreux
gènes et accroît leur transcription. On trouve
de telles séquences dans le promoteur du
gène codant pour xcT, mais aussi ceux codant
pour la g-glutamylcysteine syntéthase (GCS)
qui permet la synthèse de glutathion, la glutathion réductase ou la glutathion peroxy-
Transport de cystéine et de cystine
Cinq transporteurs participent à l'approvisionnement de la cellule en cystéine et en cystine. En permettant la captation de cystéine
ou celle de cystine, ils contrôlent de fait le
ratio Cys/Cyss dans l'environnement extracellulaire, et participent donc à la régulation de
son environnement redox.
- Les transporteurs de cystéine sont ASCT1/2
et EAAT3. Les deux premiers sont plutôt
ubiquitaires, tandis que le troisième est
surtout présent dans les neurones et les
épithéliums intestinal et rénal où il est
exprimé au niveau de la bordure en brosse.
- Les transporteurs de cystine sont xcT et
b0+AT. Si le premier est relativement ubiquitaire, le second est également exprimé spécifiquement dans la bordure en brosse des
épithéliums intestinal et rénal.
-15-
mier temps étant la captation de glutamate.
Une expérience récente a montré que des
souris knock-out pour EAAT3 étaient parfaitement viables et ne présentaient jusqu’à
l’âge de 6 mois aucun symptôme de neurodégénération. En particulier, ces souris ne
manifestent aucun épisode convulsif, classiquement observé chez les souris chez
lesquelles les autres transporteurs de glutamate (EAAT1, EAAT2) sont invalidés.
Cependant, on observe chez ces animaux au
cours du vieillissement une baisse de la concentration en glutathion, une sensibilité au
stress nitrosant et une augmentation des
pertes neuronales touchant notamment
l’hippocampe et le corpus callosum. Ainsi, le
KO d’EAAT3 favorise l'apparition progressive
d'un stress oxydant neuronal et une altération des fonctions cognitives et comportementales.
dase. L’expression de ces gènes est donc
activée de manière coordonnée en réponse à
un stress oxydatif.
Transporteurs, coopération intercellulaire
et statut redox
xCT n’est pas le seul transporteur à intervenir
dans le maintien de l’homéostasie redox. La
famille des transporteurs du glutamate (ASCT
et EAAT) joue un rôle important dans ce
maintien au niveau du système nerveux central, tout en permettant le maintien des concentrations extracellulaires en cystéine et
glutamate – deux acides aminés excitateurs
et donc potentiellement neurotoxiques à un
niveau inférieur au micromolaire. Dans l’astrocyte, les captations de glutamate et de cystéine sont assurées respectivement par ASCT2
et EAAT2, tous deux fortement exprimés
dans cette cellule. Cette captation de glutamate et de cystéine permet une forte production de glutathion, les concentrations en GSH
dans l’astrocyte approchant les 8 mM.
L’astrocyte exporte du GSH dans le milieu
extracellulaire, ce qui permet d’apporter de
la cystéine aux neurones sans accroître la concentration extracellulaire de ces acides
aminés.
Conclusion
Cette présentation illustre le rôle des transporteurs d’acides aminés dans le maintien de
l’homéostasie vue sous l’angle protéique et
du statut redox. Elle illustre aussi la complexité des mécanismes mis en jeux. Ces transporteurs interviennent dans d’autres mécanismes homéostatiques, concernant notamment :
- le bilan énergétique et le contrôle de la
prise alimentaire ;
- le renouvellement osseux ;
- la fonction vasculaire (avec la production de
NO) ;
- la neurotransmission et la production d’hormones.
La cystéine présente dans le glutathion est
captée par le neurone en deux étapes. La première fait intervenir la γGT qui permet à l'astrocyte de récupérer le glutamate et produit
de la cystéinylglycine. Celle-ci est ensuite
hydrolysée par une peptidase présente dans
la membrane des neurones et étroitement
associée au transporteur EAAT3 qui permet
de capter immédiatement la cystéine libérée
au cours de cette hydrolyse. Le tout permet
ainsi au neurone d’alimenter sa propre synthèse de glutathion, sans courir le risque
d’activer les récepteurs des acides aminés
excitateurs.
Discussion
Bien que l’on ait vu le rôle et la complexité
du fonctionnement de ces transporteurs
d’AA, j’ai l’impression que des pans entiers
restent à découvrir sur la régulation de ces
systèmes.
La vision d’EAAT3 comme transporteur de
cystéine est assez nouvelle, la fonction principale qu’on lui avait attribuée dans un pre-
En effet, on s'y intéresse depuis une dizaine
d'années, mais il reste encore beaucoup d'in-16-
certitudes. Par exemple, concernant la régulation de la synthèse protéique, on ne sait
toujours pas quels sont les transporteurs qui
permettent l'activation de mTOR. Cela
dépend des modèles cellulaires puisque
toutes les cellules n'expriment pas tous les
transporteurs. Cette forte spécificité d'expression pourrait expliquer pourquoi l'activation de la protéosynthèse répond différemment à certains acides aminés dans le foie, le
muscle ou les cellules tumorales. Des études
récentes se sont intéressées au rôle des transporteurs comme cibles thérapeutiques pour
certaines pathologies, et notamment le cancer. Un article finlandais, paru il y a 3 ans,
montre l'existence d'un lien entre le polymorphisme d’un transporteur d'acides
aminés, B°+, et l'obésité ; ce polymorphisme
pourrait aussi concerner la sensibilité au vieillissement ou la sensibilité aux troubles cardiovasculaires. Des pans entiers restent à
explorer.
tration massive d’acides aminés neutres, à
l’exception du tryptophane.
Les neuromédiations sont-elles influencées
par le régime alimentaire ? Une carence en
tryptophane peut-elle, par exemple, abaisser
le taux de sérotonine cérébrale ?
Sait-on modéliser ces turn-over d’acides
aminés qui représentent plusieurs centaines
de grammes par jour ?
Chez les herbivores monogastriques, la
source de protéines provient de l'absorption
des acides aminés issus de la lyse bactérienne
au niveau du côlon. Ce qui se passe au niveau
de l'entérocyte est-il valable au niveau du
colonocyte ?
C'est sans doute très différent, mais malheureusement on ne sait pas très bien ce qui
se passe au niveau du colonocyte. On sait que
le système B°+ qui capte les acides aminés
cationiques est fortement exprimé au niveau
du côlon, alors que le système B° est spécifique de l'intestin grêle. Il faudrait connaître
les acides aminés produits majoritairement
par la flore et savoir si B°+ est davantage
exprimé lors d’un régime pauvre en protéines
afin de maintenir une certaine homéostasie.
Ce type d’étude n’a pas été fait.
C'est très difficile de suivre un acide aminé en
particulier, car son métabolisme et son utilisation varient selon les organes. On dispose de
modèles décrivant les flux de glutamine ou
d’alanine à l'état stationnaire, mais la pertinence nutritionnelle de ces modèles est limitée car les apports protéiques d’un individu
sont discontinus et nous ne sommes que
rarement à l’état stationnaire. Dans notre
laboratoire, on essaie d'intégrer ces flux sur
du long terme et de les traiter avec des
approches de modélisation compartimentale,
mais on travaille globalement au niveau de
l'azote et non pas d’un acide aminé individuel. Il est également possible de modéliser le
métabolisme d’un acide aminé au niveau cellulaire.
Le lien entre apport en acides aminés et neuromédiation n’est pas évident. Le foie joue
un rôle crucial dans le contrôle de l’aminoacidémie, via les voies d’oxydations. Ainsi, un
apport important en tryptophane va proportionnellement plus conduire à une augmentation de son oxydation hépatique qu’à une
augmentation de la synthèse de sérotonine
au niveau central. Plus que la carence en tryptophane elle-même, c’est un apport excessif
des autres acides aminés neutres qui peut
affecter la synthèse de sérotonine, en saturant les transporteurs communs au tryptophane et aux autres acides aminés neutres
(ramifiés et aromatiques) présents au niveau
de la barrière hémato-encéphalique, et limitant de fait l’entrée de cet acide aminé. Il
existe d’ailleurs un modèle expérimental de
déplétion en sérotonine basée sur l’adminis-
Quelles sont les conséquences du vieillissement sur les transporteurs d'acides aminés ?
-17-
Résultats
Je ne pense pas que cela ait été étudié. Par
contre, des travaux ont été menés sur les
transporteurs au cours de phases précoces de
la vie. Au cours du vieillissement, il est vraisemblable qu'il y ait des dysfonctionnements dans
la régulation des transporteurs qui concourent
à altérer les mécanismes homéostatiques.
- Un régime restreint entraîne une surexpression de SNAT3 dans le foie des souris.
- La protéine SNAT3 est relativement stable
puisque sa demi-vie est de 6 à 8 heures et
qu’elle ne commence à se dégrader qu’à partir de 16 heures (cellules H2.35 issues d’hépatocytes de souris).
La composition phospholipidique ou la fluidité des membranes interviennent-elles sur le
fonctionnement des transporteurs d’acides
aminés et sur l'état physiologique général de
l'individu ?
- Dans les cellules H2.35 privées de sérum, on
observe une surexpression de SNAT3.
- L’insuline présente dans le sérum diminue la
transcription et l’expression de SNAT3 dans
les hépatocytes en culture, mais cette diminution tend à se stabiliser.
C’est le cas en effet. Des travaux ont montré
que l'activité des transporteurs de glutamate
variait en fonction de la composition des
membranes, mais ils n'ont pas été menés
dans une perspective nutritionnelle ou de
vieillissement.
- La régulation de SNAT3 par l’insuline fait
intervenir la voie de signalisation PI3K-mTOR,
mais pas celle des MAPK.
- Sous l’effet de l’insuline, on observe une
relocalisation rapide de SNAT3 au niveau
membranaire et une augmentation de la captation d’histidine.
Article 1 :
- L’ajout de substrats du système A n’entraîne
pas l’inhibition de l’absorption de l’histidine,
contrairement à l’ajout de substrats du système N.
« Régulation différentielle
du transporteur d’acides aminés
SNAT3 par l’insuline
dans les hépatocytes »
Conclusion des auteurs
Introduction
- A court terme, l'insuline agit sur des protéines qui permettent l’adressage membranaire du transporteur SNAT3 ou sa bonne
conformation, ce qui entraîne une augmentation de la captation des acides aminés
transportés par cette protéine.
Les transporteurs SNAT transportent des
acides aminés neutres qui fonctionnent avec
le sodium (Sodium coupled Neutral Amino
acid Transporters). Ils appartiennent à la
famille de gènes SLC38, et en particulier
SLC38A. Ils regroupent les systèmes A et N qui
présentent des similarités de fonction et de
régulation. Enfin, ils permettent le passage
au travers des membranes de la L-glutamine,
L-histidine, L-asparagine et L-alanine.
- A plus long terme, l'insuline agit via la voie
de régulation PI3K-mTOR et entraîne une
diminution de la transcription ou de la stabilité de l'ARN et donc de l'expression de la protéine SNAT3.
- La régulation de SNAT3 est différente de
celle de SNAT4.
Les transporteurs SNAT sont régulés par des
hormones et des facteurs de croissance, dont
l'insuline, mais aussi par la biodisponibilité du
substrat, le jeûne... Les auteurs de cet article
se sont intéressés à la régulation de SNAT3.
- Les résultats de cette étude diffèrent de
ceux obtenus par d'autres auteurs, car les
modèles cellulaires utilisés sont différents.
-18-
Les réactions métaboliques varient avec le
type de cellules et les voies de signalisation
ne sont pas activées de la même façon.
ditions expérimentales, de même que le
nombre insuffisant des contrôles.
Commentaires et discussion
Article 2 :
Quelles perspectives les auteurs pourraient-ils
envisager ?
« Conséquences d'une carence
en lysine et arginine
sur la régulation transcriptionnelle
du récepteur cat-1 »
Je pense qu'il serait intéressant d'étudier les
conséquences d'une exposition chronique à
l'insuline sur le transport des acides aminés.
On ne sait pas si les différences d’expression
qu'ils observent au bout de 80 heures se
traduisent par une modification effective du
transport. Ils pourraient aussi identifier
d'autres facteurs de régulation que l’insuline
et regarder l’effet du substrat d’autres acides
aminés. J’aimerais savoir ce qui se passe in
vivo et pourquoi on observe une surexpression de SNAT3 lors d’un jeûne (réponse à un
manque de substrat, activation de la voie de
désamination, …).
Introduction
Cat-1 est un des transporteurs d'acides
aminés de la famille cat (cationic amino-acid
transporter). Ils transportent des acides
aminés cationiques (arginine, lysine,
ornithine et histidine) et interviennent dans
la synthèse protéique, la synthèse du NO, la
biosynthèse des polyamines et les flux interorganes des acides aminés. Le KO de cat-1 est
létal. Son expression est régulée au niveau de
la transcription, du temps de demi-vie de
l'ARN messager et de la traduction. On sait
qu'une carence en acides aminés a pour conséquences l'inhibition de la synthèse protéique, via la phosphorylation d'eIF2χ, et
l'augmentation de la transcription d’ATF4. Ce
facteur de transcription active, directement
ou indirectement, la transcription de gènes
impliqués dans la survie ou la mort cellulaire.
Dans cet article, les auteurs se sont intéressés
aux mécanismes qui régulent l'expression de
cat-1 et, en particulier, à l’implication d’eIF2χ
et d’ATF4 dans le contrôle transcriptionnel de
ce transporteur.
Que pensez-vous des effets qu'ils observent
avec l'insuline ?
Contrairement à ce que disent les auteurs, je
pense qu'il n'y a pas un effet de l'insuline
après 24 heures, mais qu’il existe à plus long
terme. Sinon, leurs résultats sont conformes
avec ce que d’autres auteurs avaient déjà mis
en évidence avec SNAT2.
Pourquoi disent-ils que c'est l'insuline
présente dans le sérum à des doses pharmacologiques qui module l'expression de
SNAT3, alors que l’IGF1 agit à des doses physiologiques ?
Pour les auteurs, l'insuline est une hypothèse
mais, je suis d'accord avec vous, le facteur
« actif » du sérum pourrait très bien être IGF1.
Résultats
- Confirmation du fait que l'induction de la
transcription de cat-1 par la carence en acides
aminés nécessite la phosphorylation d’eIF2χ
et l'expression du facteur de transcription
ATF4.
Avez-vous des précisions sur le régime
restreint qu'ils donnent à leurs animaux ?
Les auteurs ne disent rien sur la nature et
l'ampleur de la restriction alimentaire. On
sait seulement qu'ils leur donnent moins à
manger. On peut regretter ce flou sur les con-
- Pour ATF4 : 1) accumulation rapide (2
heures) dans le noyau, puis retour à l'état
basal ; 2) accumulation rapide dans le cyto-19-
plasme
mais
pas
de
diminution.
L’augmentation de la fixation d’ATF4 sur la
séquence promotrice de cat-1 est concomitante à celle de Pol II et entraîne une augmentation de la transcription de cat-1. Elle est liée
à la présence de C/EBPβ (action synergique ?).
son inhibiteur ATF3 qui se fixe à sa place et
inhibe la transcription de cat-1.
Discussion
Que pensez-vous de cet article ?
Je le trouve excellent et très rigoureux. Les
auteurs ont réalisé tous les contrôles nécessaires et utilisé différentes méthodes (northern blot, western blot, chip on chip) et deux
modèles (cellules MEF et C6). C’est un des
meilleurs articles sur la régulation de l'expression des transporteurs en situation de
carence.
- Pour ATF3 : 1) apparition plus lente (6
heures) mais stable dans le noyau, ce qui correspond à la diminution de fixation d'ATF4 et
de Pol II ; 2) apparition également décalée
dans le cytoplasme. ATF3 est un inhibiteur de
la transcription de cat-1.
- Pour C/EBPβ : 1) accumulation rapide (2
heures) mais durable dans le noyau ; 2)
niveau d'expression constant dans le cytoplasme.
Qu’entend-on par carence en acides aminés ?
La carence en un seul acide aminé suffit-elle
à induire l'augmentation d’ eLF2χ ?
- La transcription de cat-1 produit 2 types
d’ARNm. Le plus grand (7,9 kb) reste stable
durant la carence ; le plus petit (3,4 kb) est
très rapidement dégradé. La cinétique d'apparition des ARNm dans le cytoplasme est
équivalente à la fixation d'ATF4 sur le promoteur de cat-1.
Oui, s'il s'agit d'une carence en un acide
aminé indispensable (tous sont essentiels),
elF2χ sera phosphorylé et entraînera cette
cascade de régulations.
ATF4 augmente t-il seulement ATF3 et cat-1 ?
Non, ATF4 régule l’expression de plusieurs
enzymes. L’asparagine-syntéthase, par exemple, est l’une des premières cibles identifiées.
D’autres transporteurs, comme SNAT2, LAT1
ou xCT, sont aussi régulés par ATF4 qui contrôle les acteurs impliqués dans la réponse à
un stress de privation en acides aminés.
- La région AARE est le site de fixation d’ATF4
et d’ATF3 ; c’est un élément de réponse aux
acides aminés (l’absence d’acides aminés
favorisant la fixation). La fixation des 2 facteurs de transcription nécessite leur
hétérodimérisation avec C/EBPβ.
Conclusion
Article 3 :
Une carence en acides aminés entraîne la
phosphorylation d’eIF2χ qui conduit, dans un
premier temps, à une augmentation de la
concentration d'ATF4 dans le noyau. Celui-ci
s'associe alors à C/EBPβ pour se fixer sur la
séquence AARE. Cette fixation entraîne
l’augmentation de l'expression de cat-1 qui
induit l'entrée des acides aminés dans le cytoplasme. Elle entraîne aussi celle d’ATF3 qui
inhibe en retour la fixation d'ATF4. On
explique donc facilement la cinétique d’apparition décalée des facteurs de transcription :
ATF4 s’accumule et se fixe en premier ; il
induit l’expression de cat-1 mais aussi celle de
« Rôle des transporteurs
du glutamate dans la régulation
des niveaux de glutathion
dans les macrophages humains »
Introduction
Le glutathion est un antioxydant. C'est un
tripeptide composé de trois acides aminés :
glutamate, cystéine et glycine. La faible
biodisponibilité de la cystéine dans la cellule,
liée à une réduction intracellulaire de cystine,
limite la formation de glutathion. La cystine
-20-
entre dans la cellule grâce à l'antiporteur xc(antiporteur cystine/glutamate correspondant
à la protéine xcT) qui, en échange, fait sortir
du glutamate. Lorsque la concentration extracellulaire en glutamate est trop importante,
ce transport est inversé. Le transporteur est
inhibé par le L-homocystéate et l'acide
quisqualique. L'apport de cystine par l'antiporteur xc- est le facteur déterminant dans
la régulation intracellulaire du glutathion.
- La cystine est le facteur limitant, mais les
MDM peuvent utiliser la glutamine, le glutamate et le L-aspartate pour augmenter la
synthèse de glutathion.
- L'augmentation de la synthèse de glutathion induite par le glutamate est contrôlée par les transporteurs EAAT.
Conclusion
Seuls EAAT et xc- sont impliqués dans la régulation de la synthèse du glutathion. Le premier capte le glutamate extracellulaire et, le
deuxième, la cystéine. Les deux transporteurs
coopèrent pour protéger les cellules contre la
toxicité du glutamate et des radicaux libres.
Deux autres systèmes de transport Na+
dépendants, ont aussi une forte affinité pour
le glutamate :
- le système XA,G-. Ce système correspond
aux transporteurs d'acides aminés excitateurs
(EAAT), comme le glutamate ou l'aspartate.
Localisé principalement dans le système
nerveux central, son rôle est de protéger les
neurones et les astrocytes de l'excitotoxicité
du glutamate. Les ligands sont le L-glutamate, le L-aspartate et le D-aspartate. Les
inhibiteurs sont le THA et le trans-PDC ;
Discussion
Est-ce l'entrée de glutamate dans la cellule
qui permet celle de la cystine ?
C'est le transporteur EAAT qui fournit l'énergie
nécessaire au transport de la cystine en créant
un gradient de concentration de glutamate
entre l'intérieur et extérieur de la cellule. Mais,
dans le cerveau, il y a beaucoup plus de glutamine que de glutamate, la glutamine étant la
forme circulante du glutamate. On est donc en
droit de se demander si la coopération entre
les transporteurs qu'ils mettent en évidence
n'est pas seulement un artefact de manipulation lié aux conditions de culture. Le glutamate
qu’ils mettent dans le milieu de culture des
macrophages ne correspond pas à leur environnement naturel. Je pense qu'il aurait fallu
rajouter une étape : celle du métabolisme de la
glutamine et remplacer le transporteur du glutamate par celui de la glutamine.
- le système XA,G est localisé, chez le rat, dans
les cellules alvéolaires de type 2 et dans les
astrocytes. Il peut se lier au glutamate, à l'aspartate, mais aussi à la cystine. Il a, lui aussi, le
THA pour inhibiteur. Il existe donc une compétition entre le transporteur xc- et le système
XA,G pour la cystine et le glutamate.
L'objectif des auteurs était de déterminer les
mécanismes par lesquels les transporteurs du
glutamate et de la cystine interviennent dans
la régulation de la concentration intracellulaire en glutathion des macrophages dérivés
de monocytes humains (MDM). Dans un premier temps, ils ont cherché à savoir si les
MDM possédaient le système XA,G. Ils ont
ensuite voulu voir s'il existait des interactions
entre ces trois transporteurs.
Les auteurs de cet article nous disent que les
acides aminés excitateurs ont un rôle protecteur vis-à-vis des neurones. Sur un plan
physiologique, les neurones peuventils réguler, seuls, les flux de glutamine ou
ont-ils besoin des macrophages pour être
protégés ?
Résultats
- La cystine et le glutamate augmentent la
synthèse du glutathion d'une manière dose
dépendante.
-21-
Ce n'est pas le macrophage mais la cellule
gliale qui protège le neurone du glutamate.
La captation du glutamate par le neurone n'a
qu'un rôle marginal dans la protection contre
l'excitotoxicité. Dans ma présentation, je
vous ai parlé d’EAAT3. Lorsque l'on fait un
knock-out de ce transporteur neuronal de
glutamate, les animaux ne font pas d'épilepsie, et ce n'est qu'au bout d'un certain temps
qu’ils ont des problèmes liés au stress oxydant. Cela signifie qu’EAAT3 n'a pas d'effet
protecteur vis-à-vis de l'excitotoxicité, à l’inverse d’EAAT2 dont le KO entraîne des convulsions à répétition et une neuro-dégénération rapide et fatale.
sable chez les prématurés et la glycine dans
des situations d'agressions (sepsis, par exemple). Il est intéressant de noter que ces deux
acides aminés (cystéine et glycine) sont des
précurseurs du glutathion.
Je souhaiterais faire un commentaire sur les
deux articles qui n'ont pas été choisis et dont
je n’ai pas parlé dans ma présentation.
Le premier* présente un très beau modèle de
vieillissement accéléré (souris knock-out pour
le transporteur xcT). Chez l'homme vieillissant, on observe un maintien, presque constant, des concentrations circulantes de cystéine et une augmentation lente mais
inéluctable des concentrations de cystine.
L'environnement extracellulaire devient donc
de plus en plus oxydé. Le KO du transporteur
xcT est aussi un bon modèle d'induction de
pathologies vasculaires. En effet, lorsque l'on
place des cellules endothéliales dans un
milieu de culture potentiellement oxydé
(ratio cystine/cystéine élevé), ces cellules
expriment à leur surface des facteurs d'adhésion et recrutent des lymphocytes. Cette
migration de lymphocytes ou de monocytes
au travers de l'endothélium favorise la formation des lésions athéromateuses.
Quelle différence y a-t-il entre un acide
aminé essentiel, un acide aminé indispensable et un acide aminé conditionnellement
indispensable?
Le concept indispensable/essentiel est un
concept assez général en nutrition. Un nutriment essentiel est un nutriment qui joue un
rôle important dans l'organisme. Ainsi, les 20
acides aminés sont extrêmement importants
puisque que, sans eux, il n'y aurait pas de synthèse protéique. Ils sont donc essentiels. Un
nutriment indispensable est un nutriment
que l'organisme n'est pas capable de synthétiser de nouveau ou qu'il synthétise en quantité ou vitesse insuffisantes pour permettre
son bon fonctionnement. L'organisme est
donc obligé de le trouver dans l’alimentation. C'est le cas de 9 acides aminés et de la
grande majorité des vitamines, à l’exception
des vitamines D et K dont les besoins pourraient être en théorie couverts par les synthèses endogènes ou microbiennes. Lorsque,
dans certaines conditions physiologiques
(vieillissement...) ou pathologiques (infections, agressions...), le besoin en certains
acides aminés augmente et qu’il ne peut plus
être satisfait par les interconversions
métaboli-ques, un besoin nutritionnel apparaît et ces acides aminés sont appelés conditionnellement indispensables. Par exemple,
la cystéine est conditionnellement indispen-
Le deuxième article** s'intéresse à la collectine, une protéine impliquée dans l'adressage membranaire des transporteurs.
Lorsque l'on mute cette protéine, on induit
un défaut de transport des acides aminés
neutres au niveau des tubules rénaux et on
reproduit un phénotype proche de celui de la
maladie de Hartnup. Une autre étude a montré que les souris mutées pour la collectine
semblaient être protégées contre l'insulinorésistance. Les hypothèses avancées pour
expliquer ce phénomène ne m’ont pas paru
très convaincantes mais le modèle m’a semblé intéressant.
* Redox Imbalance in cystine/glutamate
tranporter-déficient mice.
** Essential role for collectrin in renal amino acid
transport.
-22-
Jean-François Huneau, Professeur d’Université, UMR 914 Physiologie de la Nutrition
et du Comportement Alimentaire – INRA / Agroparistech
Articles analysés
Article 1 – présenté par Emmanuelle Reboul (UMR 1260 – Nutriments Lipidiques
et Prévention des Maladies Métaboliques – Marseille)
« Differential Regulation of Amino Acid Transporter SNAT3 by Insulin in Hepatocytes »
- Sumin Gu, Carla J. Villegas, and Jean X. Jiang - THE JOURNAL OF BIOLOGICAL CHEMISTRY Vol. 280, No. 28, Issue of July 15, pp. 26055–26062, 2005
Article 2 – présenté par Nicolas Tardif (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine
– Clermont-Ferrand – Theix)
« A feedback transcriptional mechanism controls the level of the arginine/lysine
transporter cat-1 during amino acid starvation » - Biochem. J. (2007) 402, 163–173
Article 3 – présenté par Maud Sigoillot (UMR 1324 – Centre des Sciences du Goût
et de l’Alimentation – Dijon)
« Role of glutamate transporters in the regulation of glutathione levels in human
macrophages » - Am J Physiol Cell Physiol 281: C1964–C1970, 2001.
-23-
Contrôle nerveux de l'homéostasie énergétique :
aspects centraux
Luc Pénicaud
Régulation nerveuse du pancréas
et de son activité sécrétrice (schéma 2)
Introduction
Le fonctionnement des organes et tissus
périphériques (qu'il s'agisse des organes
ayant une activité sécrétrice comme le pancréas et les glandes surrénales, ou des
organes impliqués dans le métabolisme intermédiaire comme le foie, le muscle et le tissu
adipeux) est finement contrôlé par des hormones ou des métabolites, mais aussi pour la
majorité d'entre eux par le système nerveux
autonome (systèmes sympathique et parasympathique). Deux zones du cerveau sont
impliquées dans le contrôle nerveux du
métabolisme énergétique et du métabolisme
en général : l'une est située au niveau de l'hypothalamus et l'autre au niveau du tronc
cérébral (noyau du tractus solitaire et noyau
moteur du nerf vague). (Schéma 1)
Deux noyaux de l'hypothalamus interviennent dans la régulation de la cellule bêta
pancréatique : l'hypothalamus latéral et l’hypothalamus ventromédian. Le premier contrôle l'activité du nerf vague et de différents
neurones intermédiaires. Après un relais dans
le noyau moteur dorsal du nerf vague puis
dans des ganglions sympathiques situés dans
le pancréas, l'influx parvient aux cellules β
des îlots de Langerhans et augmente la sécrétion d'insuline, via la libération d'acétylcholine qui se fixe sur les récepteurs muscariniques. Le deuxième, le noyau ventromédian, contrôle le nerf splanchnique. Après
deux relais, l'un dans la moelle épinière,
l'autre dans les ganglions coeliaques, des
Schéma 1 : Contrôle nerveux du métabolisme
Source : UMR CNRS 5241
-24-
Schéma 2 : Régulation nerveuse du pancréas et de son activité sécrétrice
Source : UMR CNRS 5241
fibres nerveuses arrivent jusqu'aux cellules ßpancréatiques. Leur stimulation entraîne la
libération de noradrénaline, qui se fixe sur
des récepteurs de type α 2 adrénergiques, et
conduit à une inhibition de la sécrétion d'insuline. Cette dualité entre l'activité du système parasympathique et celle du système
sympathique se vérifie quelle que soit l’organe ou le tissu considéré.
eux ont été identifiés. Le premier est situé
dans l'hypothalamus, une zone profonde du
plancher du cerveau. Le deuxième, le complexe vago-dorsal (ou CVD), se trouve sous le
cervelet au niveau du bulbe. La majorité des
données actuellement disponibles concerne
le rôle de l'hypothalamus dans le contrôle de
l'activité métabolique et hormonale de certains tissus.
Rôle de l'hypothalamus dans l'homéostasie
énergétique
Je m'attarderai sur les mécanismes moléculaires et cellulaires qui permettent à certaines
cellules du système nerveux central de
détecter les variations d'hormones (insuline,
leptine, ghréline) et de nutriments. En ce qui
concerne ces derniers, je vais vous parler plus
spécifiquement du glucose, mais parmi les
articles qui vous seront présentés l'un concerne les lipides et l'autre les protéines.
La régulation des organes périphériques
implique l’existence de systèmes de détection
au niveau du cerveau pour que celui-ci soit
informé de l’état énergétique d'un individu.
Ces systèmes de détection des signaux
périphériques sont complexes. Deux d'entre
-25-
tique selon laquelle l'utilisation de glucose
dans certaines régions cérébrales régulerait la
prise alimentaire. Depuis, plusieurs expériences ont montré que le repas était « induit »
par une diminution même légère de la glycémie et que certains neurones étaient sensibles à des variations de glucose au niveau de
certaines régions cérébrales certains étant
glucose-excités et d'autres glucose-inhibés.
Ces neurones sont présents dans différents
noyaux de l'hypothalamus : le noyau ventromédian, le noyau latéral et le noyau arqué.
Ce dernier a la particularité d'être en contact
avec le troisième ventricule et d'être extrêmement vascularisé. Comme à cet endroit la barrière hémato-encéphalique n'existe pas ou du
moins est-ce que l’on nomme « lâche », le
noyau arqué est extrêmement sensible aux
variations des concentrations circulantes en
hormones et métabolites ; mais seulement
20 % de ces neurones répondent aux variations de la concentration en glucose.
L'exemple du glucose
L’utilisation du glucose par les tissus dépend
entre autres de sa concentration circulante. Il
module aussi la sécrétion des gluco-incrétines
au niveau du tractus digestif et donc la prise
alimentaire. Il régule également son stockage
sous forme de glycogène dans le foie et la
sécrétion pancréatique de l'insuline. Enfin, il
agit directement au niveau du système
nerveux central pour contrôler certaines fonctions métaboliques : la production et l'utilisation du glucose, la sécrétion d'insuline, la
prise alimentaire et la dépense énergétique.
Les détecteurs périphériques du glucose
Ces détecteurs périphériques sont aussi
appelés senseurs ; ils ont été localisés principalement à trois niveaux :
- de la veine porte. Il est impliqué dans la
détection de l'hyperglycémie résultant de
l'absorption alimentaire de glucose. L'activité
des fibres afférentes du nerf vague est alors
inversement proportionnelle à la concentration en glucose. Les effets diffèrent en fonction de cette concentration : diminution de la
prise alimentaire, augmentation de l'utilisation du glucose par les muscles et le tissu
adipeux, augmentation du stockage hépatique, ou diminution du glucagon et des
catécholamines.
Mécanismes moléculaires impliqués
dans la sensibilité des cellules neuronales
aux variations de concentration en glucose
On retrouve pour certains de ces neurones
des mécanismes (schéma 3) connus depuis
longtemps pour la cellule ß du pancréas. Dans
cette cellule, le glucose pénètre via le transporteur Glut2 (glucose transporteur 2), puis il
est phosphorylé par la glucokinase (GK). Glut2
et GK présentent des caractéristiques
biochimiques particulières qui leur permettent d'avoir une activité proportionnelle à la
concentration de glucose. La métabolisation
du glucose entraîne, en particulier, la production d'ATP. L'augmentation du rapport
ATP/ADP conduit à la fermeture de certains
canaux potassium-ATP-dépendants et donc à
une variation du potentiel de membrane
(delta Vm). Les influx et les efflux de calcium
sont alors modifiés. Dans la cellule ß, l'augmentation du calcium intracellulaire permet
la libération d'insuline à partir des granules,
tandis que dans le neurone elle augmente le
- du glomus carotidien. Il est situé à la jonction de la carotide externe et de la carotide
interne. On sait seulement qu’il possède des
cellules sensibles à l'hypoglycémie et à l'hypoxie, et des fibres afférentes sympathiques
capables de remonter jusqu'au système
nerveux central.
- du pancréas. Les variations de glucose sont
détectées par les cellules β-pancréatiques qui
modulent la sécrétion d'insuline en fonction
d’un état d'hypoglycémie ou d’hyperglycémie.
Hypothalamus et glucose
Jean Mayer, physiologiste belge, fût le premier, en 1953, à énoncer la théorie glucosta-26-
Schéma 3 : Implication des espèces actives
de l’oxygène (EAOs)
potentiel d'action, entraînant la libération de
certains neurotransmetteurs. Ce mécanisme
permet d'adapter l'activité électrique d'un
neurone à la concentration en glucose.
cérébral module donc bien la détection du
glucose. Par ailleurs, l'injection de l'anti-sens
anti-Glut2 au niveau du noyau arqué inhibe
légèrement la prise alimentaire spontanée. Si
l’on injecte à une souris normale du 2désoxyglucose (un analogue du glucose qui
utilise le même transporteur Glut2, mais n'est
pas ensuite phosphorylé), on provoque une
glucopénie cérébrale qui stimule fortement
la prise alimentaire. Par contre, si l'animal a
préalablement été traité avec un anti-sens
anti-Glut2, la glucopénie n'est plus détectée
et la prise alimentaire n'est plus stimulée. Des
expériences menées avec des animaux KO
pour Glut2 confortent ces résultats et sont
présentées dans l'article 1.
Plusieurs expériences ont montré que Glut2,
la glucokinase et les canaux potassium/ATPdépendants jouent un rôle important dans
certaines fonctions physiologiques, puisque
ces dernières sont altérées par leur délétion.
- L’implication de Glut2
Une injection de glucose dans le cerveau via
la carotide n'augmente pas de façon significative la glycémie. Il existe seulement un pic
d'insuline dû à l'injection et à l'augmentation
de l'activité du tonus parasympathique. Ce
pic peut être supprimé soit par une vagotomie, soit par l'injection préalable dans le
noyau arqué d'un anti-sens anti-Glut2. La
modification d'un des éléments du senseur
Il est important de noter qu'il existe d'autres
mécanismes. En effet, certaines cellules,
pourtant sensibles aux variations de concentration de glucose, ne possèdent pas Glut2,
-27-
ou la glucokinase, ou les canaux potassiumATP-dépendants. On sait que pour des concentrations de glucose plus élevées d'autres
types de canaux ioniques interviennent. Un
des défis pour les chercheurs aujourd'hui est
de déterminer les différentes sous populations de neurones parmi les glucoses excités
et les glucoses inhibés, de connaître leur
niveau de sensibilité au glucose et les mécanismes mis en jeu.
Importance des neurones sensibles
au glucose dans des situations
pathologiques
Lorsque l'on injecte dans le cerveau d’un rat
normal via la carotide du glucose à des doses
faibles (3 mg/kg), on n’observe pas de variation significative de l'insulinémie (une
réponse insulino-sécrétrice est cependant
obtenue avec une injection de glucose plus
élevée : 9 mg/kg). Par contre, chez un rat
obèse non diabétique (souche Zûcker), la
sécrétion d'insuline a lieu dès la dose de
3 mg/kg ; chez cet animal, il y a donc une
hypersensibilité cérébrale au glucose. Des
expériences ont montré que, pour le même
niveau de glucose, il y a, chez l'animal obèse
par rapport à l'animal normal, une production accrue d'espèces actives de l'oxygène et
une sécrétion d'insuline plus élevée. Chez un
animal obèse, l'état redox de son hypothalamus est fortement oxydé par rapport à celui
d'un animal non obèse. On peut, grâce à un
traitement du rat obèse par la glutathionéthyl-ester rétablir la balance redox, limiter
la production d’EAOS et faire disparaître le
pic d'insuline.
- L'implication des EAOS
D'autres acteurs moléculaires sont mis en jeu
lorsque le glucose est métabolisé : c'est le cas
des espèces actives de l'oxygène (EAOs). En
effet, l'oxydation de substrats (glucose, mais
l’article 3 montre que c’est également vrai pour
les lipides) par la chaîne respiratoire entraîne
non seulement la production d'ATP, mais aussi
celle des EAOS, en particulier au niveau des
complexes 1 et 3 (schéma 3). Des chercheurs se
sont intéressés aux conséquences d’une modulation de la production des espèces actives de
l'oxygène comme acteur de la sensibilité au glucose des cellules nerveuses.
La roténone est un inhibiteur du complexe 1
et donc du flux d’électrons. Elle entraîne une
augmentation de la production des EAOs qui
peut être bloquée par les anti-oxydants. Chez
le rongeur, l’injection de glucose ou de
roténone dans le cerveau via la carotide
entraîne une augmentation de la concentration hypothalamique en EAOs, qui est
ramenée à la normale par un pré-traitement
avec les anti-oxydants. Il en est de même
pour l’activité électrique du noyau arqué et
la sécrétion d’insuline. Ainsi, l'élévation transitoire d'espèces actives de l'oxygène produite par l'arrivée du glucose est un fait
acquis. Des équipes cherchent désormais à
découvrir les types de canaux ioniques, modulés par les ROS, qui expliqueraient le
changement d'activité électrique. Parmi les
cibles étudiées, les canaux de type RyR semblent de bons candidats.
Rôle des astrocytes dans la sensibilité
au glucose
Depuis une vingtaine d’année, il existe un
consensus selon lequel tous les flux de nutriments passeraient par l'astrocyte avant d'atteindre le neurone. Depuis les années 199095, des données immuno-histologiques ont
mis en évidence l'existence de Glut2 sur certains astrocytes. Le rôle de ces astrocytes dans
la sensibilité au glucose fait l’objet du premier
article. D'autres expériences ont montré que
l’injection de glucose dans le noyau arqué
augmentait l'activité de certains astrocytes.
Le premier article montre que les mécanismes
sont certainement plus complexes que ceux
initialement proposés. Ce ne sont en effet
peut-être pas les neurones qui détectent les
variations de concentration du glucose mais
les astrocytes (schéma 4). Ces derniers, grâce
-28-
Schéma 4 : Rôle des astrocytes
dans la sensibilité au glucose.
à des signaux qui permettent le couplage
astrocyte-neurone, informeraient les neurones adjacents des modifications de concentration. Selon certaines théories, le substrat
principal du métabolisme cérébral est le lactate et non le glucose. Or, lorsque ce dernier
est métabolisé par l'astrocyte, il y a une production de lactate plus ou moins importante,
et ce sont les variations de concentration de
lactate qui sont détectées par certains neurones dans certaines régions du cerveau. Des
expériences d'électrophysiologie ont montré
que lorsqu'on faisait varier la concentration
de lactate, on activait certains neurones
cérébraux.
augmente, les astrocytes libèrent du lactate,
ce qui entraîne l’activation de certains neurones et, via des voies nerveuses, la modulation de l’excrétion rénale. De même, le glucose serait, dans certaines régions cérébrales,
détecté en premier par les astrocytes équipés
du transporteur Glut2. Le lactate produit par
ces astrocytes serait ensuite récupéré par les
transporteurs MCT présents à la surface de
certains neurones.
Effets cérébraux de la leptine
et de l'insuline
En dehors des nutriments (glucose, lipides et
protéines), d'autres signaux sont extrêmement importants en termes de régulation du
métabolisme énergétique. Deux hormones
sont très étudiées au niveau central : l'insuline et la leptine. Les effets cérébraux de la
Un parallèle peut être fait avec la régulation
de la concentration en sodium, dont les variations sont également perçues par les astrocytes. Lorsque la concentration en sodium
-29-
mentaire. La délétion du récepteur à la leptine dans les neurones conduit au même
phénotype.
première sont connus depuis de nombreuses
années et plus récemment pour la seconde.
Plusieurs études ont montré, à la fin des
années 70, que les variations plasmatiques de
ces deux hormones étaient très souvent corrélées à l'indice de masse corporelle : plus vous
êtes gros et plus vous produisez d’insuline. Si
les effets périphériques de l'insuline étaient
évidents, ses effets au niveau central restaient
à démontrer. Était-elle impliquée dans la régulation de l'homéostasie énergétique ?
Effets des hormones sur certains neurones
hypothalamiques
Des équipes américaine et anglaise ont montré que la leptine est capable de moduler l'activité électrique des neurones NPY et des
neurones POMC. De même, l'insuline diminue l'expression de NPY et augmente celle de
POMC, entraînant l'inhibition de la prise alimentaire et de l'activité électrique de certains neurones hypothalamiques. On considère aujourd'hui que les deux hormones sont
en fait des modulateurs de neurones euxmêmes contrôlés par différents substrats,
dont le glucose. D'autres protéines jouent un
rôle non négligeable dans la régulation du
métabolisme énergétique. C'est le cas de la
MPkinase et de mTOR, cette dernière faisant
l'objet du quatrième article.
Présence de récepteurs hormonaux
au niveau cérébral
Dans les décennies qui suivirent, et grâce aux
mêmes techniques que celles présentées dans
les articles de cette session, les récepteurs
hormonaux ont été mis en évidence ainsi que
leur contrôle de la prise alimentaire et de
l'activité du système nerveux autonome. Ils
sont présents dans différents noyaux de l'hypothalamus, et leur densité est forte au
niveau du noyau arqué.
Conclusion
Insuline, leptine et balance énergétique
Plusieurs mécanismes sont aujourd'hui proposés pour expliquer la sensibilité au glucose
de certains neurones au niveau hypothalamique ou au niveau cérébral (schéma 5) :
Ces 2 hormones exercent le même effet au
niveau central : elles ont tendance à inhiber la
prise alimentaire, à augmenter l'activité du système nerveux sympathique et à diminuer celle
du parasympathique. Chez l'animal, et peutêtre chez l'homme, elles augmentent la
dépense d'énergie, ce qui entraîne une diminution de la masse adipeuse et du poids corporel.
- métabolisation du glucose via les transporteurs
de type Glut phosphorylation 1) production d'ATP modulation de l’activité de différents canaux ioniques libération de neurotransmetteurs ; 2) augmentation des EAOs ;
Récepteur à l'insuline
et métabolisme énergétique
- détection et métabolisation du glucose par la
cellule gliale qui libère ensuite du lactate. Celuici est récupéré par les neurones équipés de certains transporteurs membranaires, les MCT ;
La délétion du récepteur à l'insuline, principalement dans les neurones, entraîne une
augmentation du poids corporel, une augmentation de la masse grasse chez ces animaux KO par rapport aux animaux contrôle.
Il n'y a pas de modification nette de la glycémie et l'insulinémie n'est que légèrement
modifiée. Par ailleurs, l'insuline induit dans
l'hypothalamus la production transitoire de
ROS nécessaire à l'inhibition de la prise ali-
- existence de certains neurones sensibles au
glucose qui seraient équipés de transporteurs
de la famille des SGLT sur lesquels viendrait se
fixer le glucose ;
- existence de véritables récepteurs au glucose qui n'ont été décrits que chez la drosophile.
-30-
Schéma 5 : Mécanismes expliquant
la sensibilité au glucose de certains neurones
au niveau hypotalamique
ou cérébral
On est encore loin de comprendre quel est le
rôle physiologique de chacun des sous types
de neurones qui sont équipés de systèmes de
détection différents. Une autre manière
d'aborder le problème est d'étudier les neuropeptides ou les neurotransmetteurs qui
interviennent dans la régulation de la prise
alimentaire et de l'homéostasie énergétique
au sens large (schéma 6). L’article 2 s’intéresse
à la caractérisation, en termes de peptides,
de certains neurones glucosensibles dans le
noyau arqué.
Schéma 6 : Le noyau arqué.
Discussion
Connaît-on la quantité de neurones glucoseinhibés par rapport à celle des glucose-excités
dans le noyau arqué ?
On estime qu'il y a environ 20 à 25 % de neurones glucose-excités pour seulement 7 à 8 %
de glucose-inhibés. Dans le noyau ventromédian, la proportion de neurones glucoseexcités par une hypoglycémie est du même
ordre.
D'après ce que vous nous avez dit, le transporteur Glut2 ne serait donc pas indispensable ?
Source : Barsh and Schwartz, 2002
En effet ; 2 ou 3 équipes ont montré que certains neurones glucosensibles n'expriment
pas Glut2. C'est pourquoi je pense que celui-31-
ci n'est pas indispensable pour certaines
réponses physiologiques mais impliqué dans
d’autres.
Aujourd'hui, on essaie surtout de déterminer
quels sont les neurones et les neurotransmetteurs impliqués dans telle ou telle réponse
physiologique.
Ne peut-on pas imaginer un couplage
métabolique entre différents types cellulaires :
des cellules munies du système Glut2 repéreraient le glucose et transmettraient l’information, via un signal nerveux ou un signal
métabolique, à des neurones situés à proximité ?
On voit que les pistes de recherche ne manquent pas, ce qui est très motivant. Dans ta
présentation, tu n'as parlé que du glucose.
C'est concevable dans une situation d'hypoglycémie mais pas d'hyperglycémie. Dans ce
cas, on a aussi une hyperlipémie, une hyper
amino-acidémie, une augmentation de l'insulinémie. Il faudrait donc intégrer un
ensemble d'autres signaux, ce qui augmenterait encore la complexité. En ne regardant que le glucose, on se met dans une situation qui ne correspond pas aux situations
physiologiques normales.
Comme les expériences dont je vous ai parlé
ont été faites en utilisant un bloqueur de la
transmission synaptique, on est sûr que les
neurones qui ont été enregistrés sont bien
ceux qui perçoivent directement les variations. Mais si l'on peut affirmer qu’il n'existe
pas de couplage neurone/neurone, on ne
peut pas dire qu’il n'existe pas de couplage
astrocyte/neurone. La question est délicate.
C'est vrai que la réalité est encore beaucoup
plus complexe que ce que je vous ai décrit.
Dans cette présentation que je me suis volontairement limité au glucose car c'est le nutriment qui a été le plus étudié. Les lipides et les
protéines jouent également un rôle important dans la régulation centrale de
l'homéostasie énergétique. L'article 3 de
cette session concerne la détection cérébrale
des lipides. Il aborde le rôle des EAOS comme
molécules "signal" dans la détection des lipides, les auteurs s’intéressant aux mécanismes
intracellulaires impliqués dans la détection
hypothalamique des acides gras circulants. La
sensibilité aux lipides et ses conséquences au
niveau périphérique fait l'objet de la
prochaine session.
D'un côté tu dis que c’est le neurone qui
perçoit la glycémie via Glut2 et de l'autre que
ce n'est pas le neurone mais l'astrocyte. Est-ce
qu'il existe un modèle expérimental permettant de mimer les activités spécifiques de l’astrocyte et la réponse du neurone ?
Malheureusement, nous ne disposons pas
aujourd'hui de bons modèles de culture cellulaire pour étudier la sensibilité aux nutriments. Aucune donnée ne permet aujourd'hui de concilier les deux hypothèses. A mon
avis, les 2 existent mais ni au même niveau, ni
pour les mêmes réponses physiologiques. On
peut, par exemple, imaginer que la régulation de la prise alimentaire passe par l'astrocyte, mais que la réponse contre-régulatrice
passe directement par une détection neuronale dans certaines zones cérébrales. On
peut aussi imaginer que des concentrations
trop élevées de glucose puissent « déborder »
les capacités métaboliques des astrocytes et
qu'il y ait une prise en charge directement
par les neurones. On ne sait toujours pas si les
mécanismes mis en jeu diffèrent selon les
neurones considérés ou selon le niveau plus
ou moins élevé de concentration en glucose.
-32-
cérébrales qui sont activées par une hypoglycémie, chez les souris témoins mais pas chez
les souris KO, sont localisées au niveau de
l'hypothalamus et du tronc cérébral. Chez les
souris KO pour Glut2, l’injection de 2DG a
donc entraîné une altération de la détection
du glucose au niveau du cerveau.
Article 1 :
« Régulation de la sécrétion
du glucagon par les transporteurs
de glucose Glut2 et les capteurs
de glucose astrocyte-dépendants »
Introduction
Le glucagon est une hormone peptidique qui a
été mise en évidence en 1923 à partir d’extraits
de pancréas. Un repas riche en glucides induit
une hyperglycémie qui déclenche à son tour la
sécrétion d'une hormone hypoglycémiante :
l’insuline. Lorsque la glycémie descend en
dessous du seuil de 1g/l, la cellule pancréatique
produit du glucagon afin de rétablir une glycémie normale. Dans une étude préalable, les
auteurs de cet article ont observé que chez des
souris pour lesquelles le transporteur membranaire de glucose Glut2 n'était pas exprimé
(souris KO pour Glut2), il n'y a pas de sécrétion
de glucagon. Dans cette étude, ils ont cherché
dans quelles zones du cerveau et dans quels
types de cellule se situent les récepteurs qui
activent la sécrétion du glucagon.
- Localisation des transporteurs Glut2. Après
le transfert du gène Glut2 dans les souris KO,
soit au niveau des cellules gliales, soit au
niveau des neurones, les auteurs ont observé
que : 1) lorsque Glut2 est exprimé dans les
cellules gliales mais pas dans les neurones, il
y a sécrétion de glucagon ; 2) lorsque Glut2
est exprimé dans les neurones mais pas dans
les cellules gliales, il n'y a pas de sécrétion.
Les transporteurs Glut2 impliqués sont donc
présents dans les cellules gliales, mais seuls
les neurones transmettent l'information.
Discussion
Finalement, le 2DG induit-il une hypoglycémie ou une hyperglycémie ?
Cet analogue du glucose est bien transporté
dans la cellule mais, comme il n'est pas
métabolisé, la cellule manque de ce substrat.
Elle est en glucopénie. Cela déclenche un
ensemble d’adaptations physiologiques qui
aboutit au niveau plasmatique à une hyperglycémie. Le 2DG a été utilisé chez l'homme,
en particulier, pour réguler le déclenchement
de la prise alimentaire et l’ensemble des
réponses contre régulatrices, c’est à dire celles
mises en jeu au cours d’une hypoglycémie.
Résultats
- Validation du modèle de souris utilisées :
ripglut1 ; ripglut2 -/-. Ces souris, dont le transporteur endogène Glut2 est inactif, vivent et
se reproduisent normalement. Elles ont une
masse corporelle normale et une glycémie
équivalente à celle des souris contrôle, sauf
après une période de jeûne. Leur sécrétion
d’insuline est normale car les auteurs ont
restauré Glut1 au niveau du pancréas, mais
elles ne sécrètent pas de glucagon. L’injection
de 2-desoxy-D-glucose, ou 2DG (un analogue
du glucose qui utilise les mêmes transporteurs mais n’est pas métabolisé dans la
cellule), induit chez les souris contrôles mais
pas chez les souris KO une sécrétion de
glucagon. Ceci s'explique par la présence
chez les premières et l’absence chez les secondes des transporteurs de glucose Glut2.
Est-on sûr que l'expression de Glut2 est spécifique des cellules nerveuses ? La GFAP n'est
pas spécifique des astrocytes. Dans les modèles
transgéniques, on résume souvent le phénotype d'une cellule à l'expression d'un gène et
même à une petite séquence du promoteur de
ce gène. Le montage est séduisant ; il est peutêtre vrai. Mais dans tous les modèles transgéniques qui sont actuellement très utilisés,
une grande partie des résultats et des interprétations n'est-elle pas fausse ?
- Localisation des zones cérébrales par
immunoréactivité de type c-Fos. Les zones
-33-
C'est une question que nous devons tous
nous poser. Il faut toujours être très prudents
avec les résultats obtenus en utilisant des animaux transgéniques et savoir rester critique.
Même si les astrocytes expriment beaucoup
de GFAP, on sait que d'autres tissus l'expriment également. C’est le cas des adipocytes.
Une expression forte de Glut2 par différentes
cellules qui expriment normalement faiblement la GFAP pourrait interférer avec celle
des astrocytes et fausser les interprétations.
Pour augmenter la pertinence de leurs résultats, les auteurs de cet article ont utilisé différentes lignées transgéniques. Le recours à
certains outils pharmacologiques aurait permis de conforter les résultats.
Pour voir dans quelles zones cérébrales les
récepteurs Glut2 sont présents, les auteurs
ont utilisé la technique d'immunocytochimie
c-Fos. On imagine toujours qu'il y a activation
d'un neurone quand on observe une activité
transcriptionnelle. Pourtant, on sait que bon
nombre de régulations ne nécessitent pas
d'activité transcriptionnelle. En utilisant
l’outil c-Fos, au demeurant très utile, ne
risque t-on pas de passer à côté d'un certain
nombre d'événements ?
Quel que soit le stimulus, il existe une très
bonne corrélation entre l'activation d'un
neurone, la transcription d’un neuropeptide
et l'activation de c-Fos. Mais il est vrai que
l'on peut passer à côté d'événements très
précoces ou des activations qui n'utilisent pas
cette voie. On dispose aujourd’hui de marqueurs beaucoup plus sensibles que c-Fos.
Une autre manière plus précise d’étudier ces
phénomènes est d’étudier la réponse électrique des neurones en utilisant des techniques d’électrophysiologie.
Attention aux abus de langage !
Pour le moment, la présence de récepteur au
glucose dans le système nerveux central n'a
pas été démontrée, au moins chez les mammifères. Il faut parler de capteur ou de
détecteur, car une cellule dite sensible au glucose est capable de détecter les variations de
concentration de glucose par un ensemble de
mécanismes mettant en jeu différentes protéines ou enzymes et non pas un récepteur.
Article 2 :
« Caractérisation
des sous-populations de neurones
glucosensibles dans le noyau arqué »
Sait-on si la microglie peut aussi détecter les
variations de la concentration de glucose ?
A ma connaissance, cela n'a jamais été
démontré, ni peut-être même recherché. Par
contre, certaines équipes se sont intéressées
aux tanicytes car ces cellules qui bordent
l’épithélium des ventricules expriment certains acteurs moléculaires (comme par exemple Glut2, la glucokinase...). Étant donné la
localisation de ces cellules, il serait intéressant d’en savoir davantage.
Introduction
Le noyau arqué est situé à la base du cerveau,
dans l'hypothalamus, à proximité de l'éminence médiane, l'OCV (organe circum ventricular), qui est une barrière hématoencéphalique lâche puisqu'elle peut laisser
passer des molécules provenant de la
périphérie.
La régulation du glucagon ne se fait-elle
qu’au niveau central ?
- Deux types de neurones principaux ont été
caractérisés dans le noyau arqué : les neurones NPY (neuropeptide Y) et les neurones
POMC (pro-opio melanocortin). Ces neurones
projettent dans d'autres aires de l'hypothalamus et jouent un rôle dans la régulation de la
balance énergétique.
Non, elle se fait majoritairement au niveau
périphérique. Dans cet article les auteurs s'intéressaient uniquement à la régulation centrale, c'est pourquoi ils ont passé sous silence
l'effet périphérique.
-34-
- Quatre types de neurones sensibles au glucose ont été décrits : GI (glucose inhibited),
GE (glucose excited), HGI (high glucose inhibited) et HGE (high glucose excited). Leur
activité électrique varie en fonction de la
concentration de glucose dans le noyau
arqué. Lors d'une hypoglycémie (concentration de glucose inférieure à 5mM), les neurones GI ont une activité électrique augmentée, tandis que les neurones GE ont une activité inhibée. Lorsque la concentration en glucose est supérieure à 5mM (hyperglycémie),
les HGE ont une activité électrique augmentée et les HGI une activité inhibée. Si la sensibilité au glucose est perçue pour les neurones
GE via un canal potassium ATP sensible, et
pour les neurones HGE via un canal cationique non sélectif, on ignore tout des mécanismes concernant les neurones GI et HGI.
- 40 % des neurones NPY sont dépolarisés
pour une concentration de glucose inférieure
à 5mM : ce sont donc des neurones GI. Ces
neurones NPY, qui ne sont jamais des HGI,
détectent directement le glucose (test utilisant TTX).
- La plupart des neurones GI du noyau arqué
sont des neurones NPY.
- Les neurones POMC du noyau arqué ne sont
pas sensibles au glucose, contrairement à certaines données de la littérature.
Conclusion et perspectives (Schéma 6)
- Comme le gemfibrozil utilisé dans cette
étude est spécifique des canaux CFTR du
cœur, il faudrait confirmer le rôle de ces
canaux dans la sensibilité au glucose des neurones GI du noyau arqué par des études in
vitro et in vivo.
Dans cet article, les auteurs s'étaient fixés
deux objectifs : caractériser les différentes
populations de neurones sensibles au glucose
du noyau arqué et déterminer leur phénotype en particulier NPY.
- Il reste encore à déterminer le(s) neurotransmetteur(s) utilisé(s) par les trois autres
classes de neurones. La neuromédine U, qui
est connue pour être exprimée dans le noyau
arqué et pour inhiber la prise alimentaire,
pourrait être le neurotransmetteur utilisé par
les neurones HGI.
Résultats
- Confirmation de l’existence de 4 sous-populations de neurones glucosensibles dans le
noyau arqué.
Discussion
Commentaire.
- Les neurones GI détectent directement les
changements de glucose dans le milieu extracellulaire, car la dépolarisation s'observe
même après avoir bloqué les entrées présynaptiques du glucose par de la tétrodotoxine.
J'ai choisi cet article pour vous montrer
qu'une approche électrophysiologique permet de bien caractériser les neurones et de
voir quels canaux sont mis en jeu, même si les
résultats doivent être confirmés par d’autres
approches (pharmacologique, KO, c-Fos).
- La dépolarisation des neurones GI du noyau
arqué (mais aussi du noyau ventromédian)
est due à une diminution de la conductance
du chlore.
Les neurones POMC ne sont pas sensibles au
glucose. A quels autres métabolites ou autres
hormones sont-ils sensibles ?
On sait, par exemple, qu'ils sont sensibles à
l'insuline et à la leptine. Ces hormones sont
effectivement impliquées dans le contrôle
nerveux de la balance énergétique et viennent moduler la réponse au glucose ou à
d’autres métabolites.
- Le gemfibrozil ouvre les canaux CFTR (ce sont
des protéines membranaires qui permettent
les flux de chlore entre la cellule et le milieu
extérieur) des neurones GI, et cet effet est
irréversible. La sensibilité au glucose des neurones GI passe donc bien par les canaux CFTR.
-35-
est un bon modèle d'hypertriglycéridémie
aiguë, sans modification des paramètres hormonaux (glycémie, insulinémie, leptinémie).
Article 3 :
« Rôle des espèces actives
de l’oxygène mitochondriales
dans la détection cérébrale
des lipides »
- Une hypertriglycéridémie aiguë provoque
une production de ROS localisée (plus importante au niveau de l'hypothalamus ventral
que de l'hypothalamus dorsal ; aucune modification au niveau du cortex), rapide et transitoire. Elle modifie le statut redox sans stress
oxydatif (étude du ratio glutathion
oxydé/glutathion réduit).
Introduction
L'homéostasie énergétique est assurée par
l'équilibre entre les apports (prise alimentaire) et les dépenses énergétiques (thermogenèse, métabolisme de base, activité
physique). Cet équilibre, qui contrôle le poids
corporel, est finement régulé au niveau du
système nerveux central, et en particulier au
niveau de l'hypothalamus. En effet, ce
dernier est capable de détecter les signaux
nerveux et hormonaux, ainsi que les nutriments circulants (glucose et acide gras). En
d'autres termes, cette régulation par l'hypothalamus permet d'ajuster la balance énergétique en stimulant ou en inhibant les dépenses ou les apports. On sait que l'élévation du
niveau des lipides plasmatiques inhibe la
prise alimentaire et stimule le stockage
énergétique périphérique. Des expériences
ont montré qu'une injection intra-cérébroventriculaire d'acides gras à longues chaînes
inhibe la prise alimentaire, active des neurones hypothalamiques et module l’expression de neuropeptides hypothalamiques.
- Dans l'hypothalamus, la production de ROS
consécutive à une hypertriglycéridémie est
liée à une augmentation de la respiration
mitochondriale. Elle est impliquée dans la
régulation de la prise alimentaire.
- Après un jeûne de 18 heures, la respiration
mitochondriale basale est augmentée. Cette
augmentation est associée à l'augmentation
de l'expression d'une protéine découplante
qui stimule la respiration mitochondriale :
UCP2. Par ailleurs, une hypertriglycéridémie
n'induit pas d'augmentation de la respiration
ou de la production de ROS.
Conclusion
- Une voie de signalisation hypothalamique
redox-sensible est impliquée dans la détection cérébrale des acides gras.
- Cette voie de signalisation peut être modulée en condition physiologique et pourrait
impliquer UCP2.
Les auteurs de cet article se sont intéressés
aux mécanismes intracellulaires impliqués
dans la détection hypothalamique des acides
gras circulants. Leur hypothèse était que
l'augmentation des lipides périphériques
allait entraîner au niveau de l'hypothalamus
une stimulation du métabolisme mitochondrial et que l'augmentation de la production
d'espèces actives de l'oxygène (EAOs ou ROS)
qui en résulterait entraînerait une modulation de la prise alimentaire des animaux.
Discussion
Les auteurs ont injecté directement l'antioxydant dans le cerveau des rats. Comme c’est
inenvisageable chez l'homme, peut-on considérer que ce modèle est un bon modèle ?
Peut-on relier ces résultats à ceux que l'on
obtiendrait avec des régimes préventifs
enrichis en antioxydants ?
Leur but était de voir si les espèces actives de
l'oxygène avaient un rôle dans la régulation
de la prise alimentaire. On ne peut que difficilement spéculer pour affirmer qu'un régime
Résultats
- L'injection d'une émulsion de différents lipides par voie intrapéritonéale (intralipides)
-36-
riche en antioxydants aurait le même effet
chez l'homme, mais je ne le pense pas.
d'autres paramètres physiologiques comme
la production hépatique de glucose. On sait
aussi que des cellules du cerveau sont sensibles aux lipides, mais on ignore à quels lipides
(glycérol, acides gras, céramides...) et quels
sont les mécanismes cellulaires et les neurones impliqués dans la détection (NPY,
POMC ?). Il semble que certains neurones
répondent à la fois aux acides gras et au glucose et que d'autres sont spécifiques à l’un ou
l’autre des métabolites. Les méthodologies
sont toujours critiquables car, pour des
raisons expérimentales, nous sommes obligés
de simplifier les approches.
Qu'entend-on par captation mitochondriale
des lipides ?
Pour pouvoir exercer un effet sur le métabolisme mitochondrial, les lipides doivent traverser la double membrane. Pour s'assurer que
les effets observés sont bien liés au métabolisme des lipides dans la mitochondrie et non
pas à un autre métabolisme situé dans le cytoplasme, on bloque le complexe CPT1-CPT2 par
de l’étomoxir. Cette drogue empêche la pénétration des acides gras dans les mitochondries,
ce qui permet d'affirmer que les différences
observées sont bien liées à la production de
ROS dans la mitochondrie et non à d'autres
activités enzymatiques dans le cytoplasme.
L'injection intraventriculaire est une technique violente, mais d’un autre côté on n'a
guère le choix. Avec l'icv, on est sûr d'injecter
dans le ventricule, tandis qu'avec une injection intraveineuse on ne sait pas si la
molécule traverse la barrière encéphalique.
Par contre, comme vous travaillez sur les ROS,
je suis gêné par le fait qu'elle induit un milieu
oxydant artificiel et même anormal.
L’injection d'intralipides modifie-t-elle l'hémodynamique dans le cerveau puisqu’on
modifie localement l'apport d'oxygène ? Par
ailleurs, l'augmentation des lipides s’accompagne de celle du glycérol du fait de la lipolyse. Avez-vous fait un contrôle du glycérol
car sa transformation en aldéhyde pourrait
régénérer localement des ROS ?
Tu as raison, ce sont des expériences assez
drastiques dans lesquelles on modifie effectivement la structure du tissu que l'on étudie.
On a pris malgré tout un grand nombre de
précautions en implantant les canules, chez
les animaux contrôlés comme chez les animaux injectés, deux ou trois semaines avant
le début des mesures, espérant ainsi revenir à
des niveaux proches de l'état normal.
A la première question, je répondrais "probablement pas" car l'injection n'a pas été faite
directement dans le cerveau. Si cela avait été
le cas, on aurait changé la fluidité membranaire et modifié l'hémodynamique.
Concernant le glycérol, nous n’avons pas fait
de contrôle. Nous aurions peut-être dû le
faire mais, dans un premier temps, nous nous
sommes intéressés à l’intralipide. Notre
méthode n’était pas très originale mais,
comme toutes les équipes qui travaillent sur
la détection des lipides, nous avons repris au
niveau cérébral les méthodes utilisées au
niveau périphérique. Dans cet article, nous
sommes intéressés aux ROS, mais d'autres
mécanismes (dont certains seront présentés
dans la prochaine session) sont en train d'être
« décortiqués ». On sait, par exemple, que
l'augmentation d’acéthyl-CoA au niveau
cérébral inhibe la prise alimentaire et
A-t-on retrouvé les récepteurs du glucose, qui
sont spécifiques des molécules énergétiques,
ailleurs que dans la bouche ?
Ils existent au niveau intestinal. On recherche
actuellement des récepteurs du goût au
niveau cérébral. Les seules données dont on
dispose ont été obtenues sur la drosophile et
un nématode.
L'imagerie permet-elle de visualiser sur l'animal vivant les productions locales de ROS ?
Nous essayons de le faire sur des cultures cellulaires. Une équipe est parvenue à observer
-37-
la production de ROS par des neurones
POMC, mais par des techniques d'imagerie ex
vivo. Certaines équipes ont développé des
modèles de souris transgéniques avec des
promoteurs ROS sensibles permettant d'exprimer la GFP ou une autre protéine fluorescente et « d'allumer » différents tissus, voire
différents types cellulaires in vivo. La GFP
pose cependant un autre problème, puisque
sa surexpression modifie le métabolisme
redox de la cellule.
- Identification des populations neuronales
du noyau arqué exprimant pmTOR et pS6K1 :
elles sont colocalisées à 90 % avec AgRP et à
45 % avec POMC. Rappelons que les deux
populations de neurones, NPY et AgRP, sont
orexigènes (ils augmentent la prise alimentaire), et que les neurones POMC et CART
sont anorexigènes (ils diminuent la prise alimentaire).
- Modulation de la signalisation mTOR dans
l'hypothalamus suivant l’état des réserves
énergétiques : un jeûne de 48 heures
entraîne dans l'hypothalamus une nette
diminution de pS6K1 et de pS6. Chez les animaux à jeun, on observe une diminution du
nombre de cellules exprimant pmTOR et
pS6K1, ainsi qu'une diminution de l'activation de la voie mTOR lorsque l'énergie
disponible est faible.
Article 4 :
« Rôle de la protéine mTOR
dans la régulation
de la prise alimentaire »
Introduction
- Effet de mTOR, via les nutriments, sur la
prise alimentaire et la régulation de la balance énergétique : la leucine a un effet
anorexigène lié à l’augmentation de l’activité
mTOR et à la diminution de l’expression de
NPY ; la valine n’a d’effet ni sur la prise alimentaire, ni sur le poids.
La protéine mTOR est, chez les mammifères,
inhibée par la rapamycine. Son activation par
les facteurs de croissance, les cytokines et les
nutriments passe principalement par la voie
PI3K et AKT. La phosphorylation de mTOR
aboutit, d'une part, à la traduction et à la synthèse protéique et, d'autre part, à l'organisation du cytosquelette. Outre son rôle dans la
croissance et la prolifération cellulaire, mTOR
intervient également en tant qu'intégrateur
des signaux nutritifs et hormonaux. Partant du
fait que l'augmentation de l'activité de mTOR
conduit au diabète et à l'obésité, les auteurs
de cet article ont voulu savoir si cette protéine
pouvait être impliquée dans la régulation de
la prise de nourriture.
- Effet de l’inhibition de mTOR : l’injection
intraventriculaire de rapamycine inhibe la voie
mTOR, du fait de l’inhibition de la phosphorylation de S6K1 et de S6, et augmente la prise
alimentaire à court terme. L’effet anorexigène
de la leucine est aboli par l’injection de la
rapamycine. Il y a donc une spécificité de la
voie mTOR pour l’effet de la leucine.
- L’effet anorexigène de la leptine dépend de
la voie mTOR.
Résultats
Conclusion
- Localisation des formes activées (phosphorylées) de la voie mTOR dans le système
nerveux central : pmTOR et pS6K1 sont
présentes dans l'hippocampe, le thalamus, le
cortex et l'hypothalamus. pmTOR est retrouvée dans le noyau paraventriculaire et dans le
noyau arqué ; elle est colocalisée avec pS6K1
dans ce dernier.
L’apport de certains acides aminés (leucine),
de leptine et la réalimentation après un
jeûne augmentent l’activité de la voie mTOR
et diminuent la prise de nourriture. Il convient cependant de moduler l’importance de
cette voie car seuls 45 % des neurones POMC
expriment mTOR.
-38-
Luc Pénicaud, Directeur de Recherche CNRS, Directeur de l’UMR 1324 Centre des
Sciences du Goût - Dijon
Articles analysés
Article 1 – présenté par Peïo Touyarou (UMR 1324 – Centre des Sciences du Goût
et de l’Alimentation – Dijon)
« Regulation of glucagon secretion by glucose transporter type 2 (glut2) and astrocyte
dependent glucose sensors» - Marty et al. – The journal of Clinical Investigation; 2005;
115:12; 3545-3553
Article 2 – présenté par Julie Sauvant (UMR 1286 –
Unité de Psychoneuroimmunologie, Nutrition et Génétique – Bordeaux)
« Characterization of Glucosensing Neuron Subpopulations in the Arcuate Nucleus » Xavier Fioramonti, Sylvain Contié, Zhentao Song, Vanessa H Routh, Anne Lorsignol
and Luc Penicaud - The Journal of Clinical Investigation http://www.jci.org Volume 115
Number 12 December 2005
Article 3 – présenté par Valentin Barquissau (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine
– Clermont-Ferrand - Theix)
« Role for Mitochondrial Reactive Oxygen Species in Brain Lipid Sensing» - A. Benani
et al. - Diabetes, Vol. 56, January 2007
Article 4 – présenté par Bérengère Coupé (UMR 1280 - Physiologies des Adaptations
Nutritionnelles - Nantes)
« Hypothalamic mTOR Signaling Regulates Food Intake » - Cota D, Proulx K, Blake Smith
KA, Kozma SC, Thomas G, Woods SC, Seeley RJ - Science, 2006, vol. 312 (#5775), 927-930
-39-
Contrôle nerveux de l'homéostasie énergétique :
aspects périphériques.
Christophe Magnan
En effet, un dysfonctionnement du métabolisme des AGL à l’échelon central pourrait
être un évènement précoce capital participant à l’étiologie du diabète de type 2 chez
les sujets prédisposés. Comprendre les
mécanismes intimes et caractériser les neurones sensibles aux AGL pourrait déboucher
sur l’identification de nouvelles molécules
d’intérêt thérapeutique.
Introduction
Le contrôle nerveux de la balance énergétique fait intervenir un grand nombre d’acteurs. Parmi ceux-ci, on trouve des hormones
comme l’insuline, la leptine ou la ghréline
ainsi que des fibres nerveuses sensorielles qui
informent en permanence le système
nerveux central (SNC) de l’état énergétique
de l’organisme (à jeun ou nourri par exemple). Une fois ces informations intégrées, l’organisme va ajuster ces flux métaboliques en
fonction des besoins (régulation de la lipolyse, de la production hépatique de glucose,
de la prise alimentaire, etc.). A côté de ces
signaux informatifs de type endocrinien et
nerveux, il est à présent clairement établi que
les variations circulantes de nutriments (principalement le glucose et les acides gras libres
ou AGL) sont également détectées par des
neurones spécialisés. En ce qui concerne les
AGL – qui ne sont pas utilisés comme source
d’énergie par les neurones – il a été
longtemps admis que la barrière hématoencéphalique leur était totalement imperméable.
Existence de neurones sensibles
aux acides gras dans l'hypothalamus.
Plusieurs enzymes du métabolisme des acides
gras ont été retrouvées dans les neurones
hypothalamiques NPY : la FAS (fatty acid synthase), l’ACC1 (acétyl CoA carboxylase 1, et la
CPT1 (carnitine palmitoyltransférase 1), une
enzyme clé dans le transport des acyl CoA
vers la mitochondrie. Cela suggère que des
variations de concentrations intracellulaires
des acides gras pourraient être détectées par
ces neurones. Pour aller dans ce sens, des
expériences de patch clamp sur des tranches
d'hypothalamus ont également montré l'existence de « neurones excités » par l'acide
oléique dans le noyau arqué. Ce noyau constitue la porte d'entrée des informations circulantes, qu'il s'agisse d'hormones (ghréline,
leptine, insuline) ou de nutriments (acides
gras, glucose), (schéma 1). La ghréline est synthétisée et sécrétée par l'estomac, la leptine
par le tissu adipeux et l'insuline par les cellules B du pancréas endocrine. Les neurones
NPY/AgRP sont équipés de récepteurs à ces
hormones. Le schéma 2 montre l'effet de leur
activation par la ghréline ou la leptine :
Cependant, de nombreuses études indiquent
à présent que les AGL sont utilisés dans certaines régions du SNC non pas en tant que
nutriment mais comme messager cellulaire
informant les neurones du statut énergétique de l’organisme. Ainsi, des données de
plus en plus convaincantes montrent que les
AGL régulent finement, via leur effet central,
le comportement alimentaire, la production
hépatique de glucose ou la sécrétion d’insuline. Cette revue a pour but de disséquer les
mécanismes qui sous-tendent, à l’échelon cellulaire, moléculaire et intégré, le rôle essentiel des AGL dans le contrôle nerveux de
l’homéostasie énergétique dans des situations physiologiques et physiopathologiques.
- les récepteurs à la ghréline connus et identifiés sont situés dans les neurones NPY
/AgRP. Leur activation par la ghréline
entraîne celle des voies orexigéniques.
Puissant activateur de la prise alimentaire, la
-40-
Schéma 1 : Le noyau arqué : porte d’entrée des informations circulantes.
ghréline est sécrétée un peu avant les repas.
Elle inhibe aussi indirectement les voies
anorexigènes. En effet, un des neurotransmetteurs produits par ces neurones, l’AgRP,
se lie aux récepteurs MC4 et exerce un effet
antagoniste de l'α-MSH, un puissant neurotransmetteur anorexigène ;
Schéma 2 : Effet de l’activation des neurones
par la ghréline ou la leptine.
- la leptine, contrairement à la ghréline, a
pour effet d'inhiber la prise alimentaire en
activant les voies anorexigènes et en inhibant
les voies orexigènes. Elle est sécrétée au
début et pendant les repas.
Ces deux voies dialoguent entre elles :
lorsque l'effet ghréline l'emporte, on observe
une stimulation de la prise alimentaire ;
-41-
rôle sur la régulation de la prise alimentaire.
Les chercheurs s'accordent aujourd'hui pour
dire que les acides gras ont plutôt un effet
inhibiteur sur la prise alimentaire, mais que
cet effet n'est pas dû aux acides gras plasmatiques.
lorsque c’est la leptine, on a une inhibition de
la prise alimentaire.
D'autres molécules qui pourraient contrôler
la prise alimentaire intéressent particulièrement l'industrie pharmaceutique. Leurs
récepteurs sont situés dans des neurones secondaires localisés dans le noyau paraventriculaire, l'hypothalamus ventromédian (VMH),
ou l'hypothalamus latéral. C'est le cas du
BDNF (brain-derived neurotropic factor), de
l'orexine, ou des endocannabinoïdes.
Acides gras et sécrétion d'insuline
Une perfusion intracarotidienne aiguë de
glucose à 9 mg/kg ou d’acide oléique
provoque une augmentation transitoire de
l'insulinémie sans modifier la glycémie.
L'injection simultanée des deux nutriments
potentialise l'augmentation de l'insulinémie.
Cette expérience montre que la détection
centrale de nutriments peut moduler le contrôle nerveux de la sécrétion d'insuline et
intervient dans la régulation très fine de
cette hormone en réponse à un repas.
Rôle physiologique de la détection
centrale des nutriments
Acides gras et prise alimentaire
Les nutriments agissent en synergie avec les
hormones pour en moduler les effets. Une
équipe américaine a montré qu’une injection
intraventriculaire d'acide oléique inhibe la
production hépatique de glucose (implication des canaux potassiques) et par conséquent la prise alimentaire. Peut-on faire un
parallèle avec les effets physiologiques des
acides gras ingérés ?
Rôle de l'insuline et du glucose
dans le contrôle de la prise alimentaire
La perfusion intracarotidienne d'insuline
chez des rats obèses ou normaux n'a aucune
incidence sur la prise alimentaire. Par contre,
si la perfusion est faite avec de l'insuline
additionnée de glucose, on observe un effet
satiétogène, sans qu'il y ait d'effet sur l'insulinémie et la glycémie à la périphérie. Pour
expliquer les mécanismes qui permettent à
l'insuline et au glucose de moduler la prise
alimentaire, des chercheurs ont pensé au
malonyl-CoA (schéma 3).
Lors d'un repas, la concentration plasmatique des acides gras diminue puisque l’insulinémie augmente, entraînant une diminution de la lipolyse du tissu adipeux. Comment
concilier le fait que l'hypothalamus détecte
un apport d'acides gras alors que le plasma
en contient de moins en moins ? Quels types
de lipides sont détectés au niveau central ?
Peut-on envisager une hydrolyse locale des
TG/VLDL dont la concentration circulante augmente suite à un repas.
En faveur de cette hypothèse, une
équipe danoise a montré qu'il existe
effectivement des enzymes capables
d'hydrolyser les lipoprotéines au
niveau de l'hypothalamus, dont la
LPL (lipoprotein lipase) et la PLRP2
(pancreatic lipase related protein 2).
De nombreuses études montrent
que les chylomicrons, au niveau central, pourraient également jouer un
Schéma 3 : Rôle du malonyl CO-a
comme «nutrient-sensor».
-42-
glucose et d’insuline, en utilisant un inhibiteur de l'acétyl CoA carboxylase 2 (ACC2), le
tofa. Ils montrent qu’en présence de tofa, et
donc en l’absence de malonyl-CoA, il n'y a pas
de diminution de la prise alimentaire. Une
autre équipe a injecté dans l'hypothalamus de
souris un activateur de l'AMPk : AICAR. Cette
injection a pour effet d’inhiber l'acétyl-CoA
carboxylase (en augmentant sa phosphorylation), d'inhiber la concentration intracellulaire de malonyl-CoA et donc d’augmenter la
prise alimentaire. Je voudrais mentionner une
dernière expérience car elle montre le lien qui
existe entre l'AMPk et la leptine. On savait
que la leptine est un puissant inhibiteur de la
prise alimentaire, mais son rôle d'inhibiteur
de l'activité de l'AMPk n'a été démontré
qu'en 2004 (la ghréline, au contraire, l’active).
Ainsi, l'injection de leptine inhibe l'activité
AMPk, favorise la production de malonyl-CoA
et entraîne un effet satiétogène. Ces
molécules pourraient-elles jouer un rôle
intéressant en terme de stratégie thérapeutique pour des maladies métaboliques
(obésité et anorexie) ? Toutes ces expériences
ont été menées chez les rongeurs ; rien n’a
été montré chez l'homme à ce jour.
Rôle du malonyl CoA
comme « nutrient-sensor » cellulaire
La liaison de l’insuline à son récepteur
entraîne l’entrée de glucose dans la cellule au
niveau d’une cellule (c’est ce qui se passe
pendant le repas), le glucose est métabolisé,
donnant successivement du glucose-6-P, du
pyruvate puis, une fois dans la mitochondrie,
de l'acétyl-CoA. Une partie de l'acétyl-CoA
est transformé dans le cytoplasme en
oxaloacétate, lui-même à l'origine du malonyl-CoA. Notons que lorsque l'insuline est
seule, il n'y a pas de production de malonylCoA puisqu'il n'y a pas de glucose et que le
glucose, en l'absence d'insuline, n'entre que
très faiblement dans la cellule. À l'inverse, la
concentration de malonyl-CoA est basse dans
les cellules lorsque l'on est à jeun ou entre les
repas, surtout si l'on pratique une activité
physique. Le malonyl-CoA peut donc être
considéré comme un reflet du statut énergétique de la cellule, puisqu'au cours de la
journée ses variations intracellulaires sont
perçues par l'organisme comme des signaux
soit d'arrêt ou de reprise de la prise alimentaire, soit de stimulation des voies
anabolique ou catabolique. En fait, le malonyl-CoA est un inhibiteur de la β-oxydation.
Lorsqu'il diminue pendant un exercice
physique, la β-oxydation augmente pour
fournir de l'énergie à la cellule. C'est donc un
puissant régulateur des flux énergétiques,
non seulement au niveau des cellules mais
aussi de l'organisme entier.
Aspects physiopathologiques
de la détection centrale
des acides gras
Un excès d'acides gras dans le cerveau peut-il
induire une résistance à l'insuline ou à la leptine, comme c'est le cas dans le muscle ou
dans le foie lorsqu'il y a trop d'acides gras ou
de triglycérides circulants ? Un dysfonctionnement du « senseur des acides gras » peut-il
induire une dérégulation du contrôle
nerveux de la sécrétion et de l'action de l'insuline ? Les maladies métaboliques, comme le
diabète de type 2 ou l’obésité, sont-elles
dues, en partie, à un dérèglement du système
de détection au niveau du système nerveux
central ?
Le malonyl-CoA, l’AMP-kinase et la leptine
Le cycle de synthèse et de dégradation du
malonyl-CoA dépend de deux enzymes,
respectivement l'acétyl-CoA carboxylase et la
malonyl-CoA décarboxylase, toutes deux sous
le contrôle de l'AMP-kinase. Celle-ci est un
inhibiteur de l'acétyl-CoA carboxylase et un
activateur de la malonyl-CoA décarboxylase.
Afin de mettre en évidence le rôle satiétogène du malonyl-CoA, nous avons inhibé sa
production, après perfusion d’un mélange de
Des expériences montrent qu'un apport
excessif d'acides gras et de triglycérides au
-43-
- la quantité de MARCKS phosphorylée est
également plus importante dans le groupe
palmitate que dans le groupe oléate ;
niveau central induit des modifications du contrôle nerveux de l'action de l'insuline, et en
particulier une insulino-résistance hépatique.
Cette lipotoxicité centrale peut avoir des répercussions sur le fonctionnement des organes
périphériques (foie, cellule β du pancréas).
- en réponse à une injection d'insuline, la
quantité d'AKT phosphorylée dans l'hypothalamus est plus grande chez l'animal contrôle que chez l'animal qui a reçu un excès de
lipides. L'insuline est donc beaucoup moins
efficace pour phosphoryler son substrat dans
le groupe palmitate, ce qui n'est pas sans
conséquences sur la production hépatique de
glucose.
Insuline et cerveau
Nous avons vu qu'il existe dans l'hypothalamus des neurones sensibles au glucose et aux
acides gras et, qu'à leur surface, il y a des
récepteurs à l'insuline. En cas d'excès d'acides
gras, ces neurones peuvent-ils devenir insulino-résistants comme le foie ou le muscle ?
Ainsi, les mécanismes sont les mêmes que
ceux décrits dans le muscle squelettique : un
apport excessif d'acides gras entraîne la
translocation de PKCθ au niveau de la membrane plasmique. Une fois dans la membrane, celle-ci active un de ses substrats,
MARCKS. Une fois phosphorylé, MARCKS
empêche l'insuline d'agir, notamment en
l’empêchant de phosphoryler PKB/AKT (schéma 4).
Des expériences ont été menées chez des
souris NIRKO (neuron insulinreceptor knockout mice), c'est-à-dire des souris chez
lesquelles on a invalidé le récepteur à l'insuline spécifiquement dans les neurones. Ces
souris deviennent obèses mais ne sont pas
diabétiques. Elles ont une glycémie à jeun
normale, mais présentent une surcharge
pondérale, une hyperinsulinémie, une hypertriglycéridémie et une insulino-résistance.
Conclusion
Avec une équipe de l'université de Cincinnati,
nous avons voulu savoir si l'on pouvait
induire une insulino-résistance hypothalamique chez des rats placés dans un environnement lipotoxique. Pour cela, nous avons
réalisé chez ces animaux une perfusion
intracérébroventriculaire de palmitate (acide
gras saturé à longue chaîne) ou d’oléate
(acide gras mono-insaturé) pendant 72
heures. Nous avons comparé nos résultats à
ceux obtenus 10 ans auparavant sur les
mécanismes de l'induction de l'insulino-résistance musculaire par les acides gras :
La détection centrale (hypothalamus et tronc
cérébral) des lipides intervient dans la régulation de nombreux flux énergétiques. Une
dérégulation de cette détection, une insulino-résistance hypothalamique entraînent
une dérégulation du contrôle nerveux de
l'homéostasie glucidique et contribuent au
développement des maladies métaboliques
(obésité, diabète de type 2).
Discussion
Pourquoi avez-vous utilisé la GAPDH qui n’est
pas considérée comme un bon gène de
ménage ?
- la mesure du renouvellement du glucose
pendant un clamp hyperinsulinémique-euglycémique a montré que seul le palmitate
induit une insulino-résistance hépatique ;
Je suis d'accord avec vous : la GAPDH n'est
pas le meilleur gène de ménage. Mais la vraie
question serait plutôt : qu’est-ce qu’un bon
gène de ménage ? Au laboratoire, on utilise
généralement trois ou quatre gènes de
ménage différents, l'idéal étant de choisir
des gènes dont l'expression ne varie pas en
- la proportion de PKCθ dans la fraction
membranaire plasmique d'extraits d'hypothalamus est plus importante chez le groupe
palmitate que chez le groupe oléate ;
-44-
cipitent sur les croquettes. Le
résultat est identique lorsqu'ils
injectent la ghréline par voie
intrapéritonéale (ip), c'est-à-dire
dans des conditions plus physiologiques. Par contre, lorsqu'ils
injectent la ghréline en ip après
avoir coupé les afférences entre le
tronc cérébral et l'hypothalamus,
les animaux ne se ruent plus sur la
nourriture : la ghréline n'a plus
d'efficacité, pourtant les récepteurs à la ghréline sont toujours
présents dans les neurones NPY/AGRP. Ils font
alors l'hypothèse que des projections du
tronc cérébral vers l'hypothalamus peuvent
rendre accessible les neurones du noyau
arqué à des molécules circulantes. On ne sait
pas si cela agit sur le transport via la barrière
hémato-encéphalique. Ce type d’expérience
remet en cause certaines approches expérimentales : vaut-il mieux injecter dans l'hypothalamus ou dans la carotide ? Faut-il injecter
directement dans le noyau arqué ?
Schéma 4 : MARCKS empêche l’insuline d’agir.
fonction des conditions. Dans le cas présent,
les expériences ont été faites par nos collègues américains, la GADPH dans ce protocole nous semblait une bonne référence car
son niveau d’expression était constant dans
les différentes conditions. Avec un autre
gène, on aurait peut-être vu autre chose.
Dans la publication, seule la quantité de la
protéine pMARCKS est mentionnée. J’aurais
aimé connaître la quantité totale de MARCKS, car comme la perfusion a duré 72 heures
il est possible qu'il y ait eu des changements
d'expression globale de la protéine.
Comment le malonyl-CoA agit-il sur les
mécanismes de la prise alimentaire ?
Pour l'instant, c'est une boîte noire. Le malonyl-CoA module t-il la sécrétion de certains
neurotransmetteurs ? Est-ce lié à des problèmes d'utilisation d'oxygène ou de modulation du ratio ATP/AMP ? Ces interrogations
ne font que repousser le problème. Pourquoi
un manque d'oxygène entraînerait-il l'arrêt
ou l'activation de la prise alimentaire ?
C'est une bonne remarque avec laquelle je
suis entièrement d'accord.
Quel est le rôle de la voie vagale dans le
nutrient sensing ? Comment s'articule t-elle
avec la détection centrale des nutriments ?
D'un point de vue chronologique, ce sont
d'abord les afférences vagales qui sont
mobilisées lors de l'arrivée des nutriments
dans le tractus digestif, cela avant toute variation des concentrations circulantes d'hormones. Notons cependant qu'une détection
centrale des nutriments dès leur présence en
bouche peut commencer à induire une augmentation de la sécrétion d'insuline : c'est la
phase céphalique de la sécrétion d'insuline.
Une équipe japonaise vient de montrer que
des rats qui reçoivent une injection de ghréline en intracérébroventriculaire (icv) se pré-
Est-ce que ce sont les mêmes neurones qui
répondent à la fois au glucose et aux acides
gras ?
Non, ce sont des neurones différents. Une
équipe a montré que 80 % des neurones sensibles aux acides gras ne répondent pas au
glucose. On est quasiment sûr aujourd'hui
que les nutriments ne sont pas détectés dans
les mêmes cellules et qu’il y a des sous-classes
de neurones.
-45-
Un autre élément de réponse serait de dire
qu'il existe une régulation plus en amont
pour les lipides que pour le glucose. On n’observe jamais de pic lipidique après un repas
parce qu'il existe une régulation de la vidange gastrique dès l’arrivée des lipides dans le
duodénum.
Autant le glucose est extrêmement bien
régulé et varie dans une gamme de concentration très étroite (l'hypoglycémie et l'hyperglycémie correspondent à des phases dangereuses pour l'organisme), autant la gamme
des lipides circulants est relativement large et
n’entraîne pas d'effet toxique majeur. Je
comprends que l'on parle de lipotoxicité dans
le cas d'une hyperlipidémie chronique. Par
contre, j'ai beaucoup plus de mal à comprendre pourquoi notre organisme a mis en place
un système aussi sophistiqué de détection des
variations d'acides gras, en réponse à un
repas où il se produit seulement une augmentation ou une baisse transitoire des
acides gras et des triglycérides.
A-t-on une idée du rôle que pourraient jouer
les fibres sensitives du tissu adipeux dans
l'homéostasie énergétique ? Peut-on imaginer que des signaux de type lipidique, par
exemple, mais aussi de température puissent
être pris en compte par le système nerveux
périphérique et avoir des effets au niveau
central ?
Il semble effectivement que le tissu adipeux
dialogue avec le cerveau. Notamment bien
sûr grâce à des hormones comme la leptine
par exemple. Les fibres sensorielles du tissu
adipeux pourraient très bien aussi jouer un
rôle régulateur. Des données récentes montrent que si l’on sectionne les fibres sensitives
venant de tissus adipeux, on modifie l'utilisation hépatique de glucose, chez le rat.
Au cours d'un repas, la variation aiguë de la
glycémie et de l'insulinémie va avoir un effet
rapide et transitoire sur l'arrêt de la prise alimentaire et stopper la sécrétion hépatique de
glucose. Les données expérimentales montrent que des neurones répondent in vitro sur
patch clamp, mais aussi in vivo. Ce ne sont pas
les acides gras plasmatiques, qui baissent pendant le repas, qui donnent le signal coupefaim. Les VLDL et les triglycérides ne sont pas
non plus des signaux coupe-faim car ils augmentent très lentement. On sait qu'ils reviennent à la normale seulement en fin de nuit et
qu’ils augmentent tout au long de la journée
pour atteindre leur maximum cinq à huit
heures après un repas. Entre deux repas, ils
n'ont pas le temps de baisser. Est-ce pour limiter la sensation de faim et permettre à l'organisme d'attendre le prochain repas ? Au laboratoire, nous avons observé le comportement
alimentaire d'animaux chez lesquels on avait
bloqué la LPL pendant trois semaines : les rats
mangent plus et grossissent. Brièvement, nous
avons implanté une canule dans l’hypothalamus de rats normaux. Cette canule était reliée
à une minipompe osmotique placée entre les
omoplates, ce qui permet de dispenser pendant 3 semaines des molécules d’intérêt. Dans
cette expérience nous avons perfusé ainsi un
inhibiteur de la LPL, le tyloxapol.
Au niveau central, l'inhibition de la prise alimentaire par la leptine passe, entre autres,
par une inactivation de l'AMP kinase. Or, au
niveau périphérique, la leptine stimule la
dépense énergétique notamment en activant
l'AMPk dans le muscle et sans doute dans le
foie. Pourquoi cette différence ? S'agit-il
d'une autre voie ou de formes différentes de
l'AMPk ?
L'AMP kinase est activée lors d'un exercice
physique ou lorsque l'organisme a besoin de
restaurer ses stocks en énergie. Lors d'un
exercice physique, il y a une baisse du ratio
ATP/AMP. L'augmentation de l'activité de
l’AMPk induit une stimulation de la prise alimentaire, ce qui est cohérent d'un point de
vue énergétique. En terme de stratégie
médicamenteuse, il faudrait mettre au point
des drogues qui ne franchissent pas la barrière au niveau central ou qui n'atteignent
par les neurones concernés. Si on veut activer
-46-
hypothalamiques régulateurs, parmi lesquels
AgRP, NPY, CART. Les auteurs de cet article se
sont intéressés à un autre neuropeptide potentiellement régulateur, le BDNF (brain-derived
neurotrophic factor). Celui-ci était connu pour
son rôle dans la différenciation, la plasticité et
la survie neuronales. Partant du constat qu'une
déplétion en BDNF ou en ses récepteurs au
cours du développement était associée à une
hyperphagie et à une obésité, les auteurs se
sont demandés si le BDNF interférait avec la
mise en place des circuits neuronaux régulateurs de l'homéostasie énergétique au cours
du développement et s'il avait, chez l'adulte,
un rôle en tant que facteur de satiété. Cette
étude a donc un double objectif : 1) caractériser le rôle du BDNF chez l'adulte ; 2) définir la
principale source hypothalamique de BDNF
impliquée dans la régulation de l'homéostasie
énergétique.
l'AMPk, notamment pour lutter contre le diabète, il faudrait développer un activateur de
l'AMP kinase sans effet sur la prise alimentaire.
Il existe une régulation par le système
nerveux de la glycémie et de la prise alimentaire. Existe-t-il une régulation nerveuse de la
cholestérolémie ou d’autres paramètres sanguins qui ne seraient pas glycémiques ?
Oui, il existe, par exemple, un contrôle, via le
parasympathique et le nerf vague, de la production des lipoprotéines par le foie. Nous
avons vu que le système nerveux contrôle
l'activité métabolique ou sécrétrice de certains tissus, mais il contrôle aussi la prolifération et la différenciation de certaines cellules.
De nombreuses expériences montrent que si
l'on module l'activité sympathique du tissu
adipeux blanc ou du tissu adipeux brun, on
module également la prolifération et la différenciation des adipocytes, mais de façon
inverse entre le tissu brun et le tissu blanc. De
même, la modulation de l'activité sympathique du foie module la différenciation ou
la prolifération des hépatocytes.
Résultats
- Dans l'hypothalamus ventromédian, un jeûne
diminue l'expression des ARN messagers du
BDNF, tandis que la prise alimentaire, l'administration périphérique du glucose et l’administration centrale de glucose l'augmentent, l'administration centrale d'insuline étant sans
effet. L'expression du BDNF est donc sensible
aux signaux « énergétiques ».
Article 1 :
« L’invalidation spécifique du BDNF
dans les noyaux ventromédian
et dorsomédian de l'hypothalamus
chez des souris adultes
conduit au développement
d'un comportement hyperphagique
et d'une obésité »
Introduction
- Grâce au suivi de l'expression de la protéine
c-Fos, les auteurs constatent qu'une administration intracérébroventriculaire de BDNF est
associée à une activation des neurones dans les
noyaux paraventriculaire, ventromédian, dorsomédian et latéral de l'hypothalamus. Le
BDNF est donc capable de moduler l'activité
des autres centres hypothalamiques impliqués
dans le contrôle de l'homéostasie énergétique.
L'obésité est le résultat d’un déséquilibre de la
balance énergétique, c'est-à-dire d'un
déséquilibre entre les apports et les dépenses
énergétiques. Cette balance est finement
régulée par le système nerveux central, en particulier au niveau de l'hypothalamus. On connaît un certain nombre de neuropeptides
- Validation d'un modèle de déplétion en BDNF
au niveau de l'hypothalamus ventromédian et
dorsomédian. La déplétion est associée à une
hyperphagie et une prise de poids, elle-même
liée à une hyperleptinémie, une hyperinsulinémie et une hyperglycémie. Le BDNF serait
un facteur de satiété chez l'adulte.
-47-
- La restriction calorique entraîne la réversion
totale du phénotype, ce qui signifie que le
BDNF, qui est exprimé au niveau des noyaux
ventromédian et dorsomédian, n'intervient en
rien dans la modulation de la dépense énergétique. Il intervient seulement dans la modulation de la prise alimentaire.
hyperphagie moins élevée (+ 27 %) associée à
une obésité.
D'après les auteurs, le fait d’invalider de façon
centrale ou globale au cours du développement pourrait entraîner des effets additionnels
liés aux perturbations des fonctions de
développement et de maintenance assurées en
temps normal par le BDNF. Il pourrait également y avoir des effets additionnels liés à la
déplétion des autres centres hypothalamiques
régulateurs de la balance énergétique.
- Les animaux déplétés en BDNF au niveau des
noyaux ventromédian et dorsomédian ne
présentent aucune modification des comportements locomoteurs, de l'agressivité, ou de l'état dépressif, contrairement aux effets retrouvés avec une invalidation globale au cours du
développement.
Discussion générale
Quels commentaires peut-on faire sur cette
étude ?
Conclusion
Concernant les limites, je trouve qu'ils ont utilisé un nombre trop faible d'animaux. Ils ont eu
des problèmes techniques, puisqu'ils n'ont pas
réussi à cibler spécifiquement le noyau hypothalamique ventromédian. Ils n'ont fait aucune
mesure du niveau d'expression protéique du
BDNF. Or, on sait que la modulation de l'expression des ARN messagers n'entraîne pas forcément celle de la protéine.
- Les signaux qui renseignent sur l'état nutritionnel (comme le glucose, par exemple)
induisent l'expression du BDNF et de son récepteur, le TrkB, dans le VMH.
- Le BDNF induit une activité neuronale dans
les centres hypothalamiques de régulation de
l'homéostasie énergétique.
- La déplétion spécifique du BDNF dans le VMH
et le DMH entraîne une hyperphagie et une
prise de poids chez l'animal adulte, mais
affecte ni la dépense énergétique ni le comportement.
Concernant les perspectives, je trouve qu'il
serait intéressant de mieux caractériser le rôle
du BDNF au niveau des autres centres de régulation de l'homéostasie énergétique, ainsi que
son rôle sur le remodelage des circuits de la
prise alimentaire au niveau de l'hypothalamus.
Le BDNF apparaît donc comme un facteur de
satiété indispensable chez l'adulte. Sa synthèse
au niveau du VMH et du DMH est requise pour
permettre son action sur la prise alimentaire.
Je voudrais revenir sur la notion de plasticité.
Un neurone ne fonctionne pas seulement avec
des neurotransmetteurs. Il utilise aussi des projections, ce qui implique d'autres cellules
(astrocytes). Peut-on moduler les activités neuronales autrement que par la sécrétion de neurotransmetteurs ?
Discussion des auteurs
Comment expliquer la différence de phénotype entre, d'une part, les souris déplétées en
BDNF au niveau du cerveau ou du corps entier
au cours du développement et, d'autre part,
les souris déplétées en BDNF au niveau du
VMH/DMH à l'âge adulte ? En effet, les premières montrent une hyperphagie importante
(+ 75 %) associée à une obésité et à des troubles du comportement comme l'anxiété, la
dépression, l'hyperactivité et l'hyperagressivité. Les secondes présentent seulement une
Tout dépend de ce que l'on met sous le terme
de plasticité. L'apparition d'une nouvelle cellule dans le système nerveux prend du temps,
parfois plusieurs jours si elle doit se différencier en neurone exprimant tel ou tel neuropeptide. Mais il existe aussi des plasticités à très
courts termes (de l’ordre d’une heure ou de
-48-
quelques heures), comme l'apparition de nouvelles synapses, de nouvelles connexions entre
neurones, l'envoi de prolongement d'un astrocyte ou, au contraire, sa rétractation. On peut
aussi citer le NGF, un « cousin germain » du
BDNF. Le NGF est réputé favoriser la synaptogenèse, mais on sait aussi qu’à court terme il
est hyperalgésiant. L'hyperalgésie qu'il
provoque est probablement liée à des modifications de plasticité au niveau des synapses.
C'est peut-être un mode de fonctionnement
de la famille des neurotrophines.
Conclusion
- Mise en évidence de l'expression hypothalamique d'ARNm de la colipase et de la PLRP2,
ainsi que de la protéine PLRP2.
- Existence d'une co-variation de l'expression
de l'ARNm de la colipase et de la PLRP2.
- Le jeûne agit en diminuant l'abondance
d'ARNm de la colipase et de la PLRP2.
- Une alimentation riche en matière grasse
augmente l'abondance d'ARNm de la colipase
et de la PLRP2.
- Un apport calorique via différentes solutions
sucrées (sucrose, glucose, fructose) augmente
l'expression des ARNm de la colipase et de la
PLRP2.
Article 2 :
« Conséquences de challenges
métaboliques sur l'expression
d'ARN messagers codant
pour la colipase et la PLRP2
chez le rat »
- La régulation des ARNm de la colipase et de
la PLRP2 est conforme à celle de peptides
anorexigènes, comme la leptine.
Discussion
Avez-vous des commentaires sur l’article que
vous venez de présenter ?
Introduction
La colipase est une protéine sécrétée au niveau
de l'intestin sous une forme inactive, la procolipase. Sous l’action de la trypsine, elle est transformée en entérostatine et en colipase. Cette
dernière permet d'optimiser l'activité enzymatique de la lipase pancréatique. La PLRP2 (pancreatic lipase related protein-2) intervient dans
l'hydrolyse de nombreux acides gras : triglycérides, phospholipides, galactolipides…
Je pense que j'aurais vérifié la taille de l'amplicon et la qualité de l'ARN avant de faire la
RT-PCR. J’aurais aussi voulu mettre en évidence l'influence des régimes alimentaires
sur l'expression des ARN messagers en utilisant et en validant un gène de ménage
autre que la GAPDH, le 18S par exemple.
Pourquoi les auteurs se sont-ils intéressés à la
colipase, parce qu'il me semble que PLRP2, en
tout cas au niveau intestinal, n'a pas besoin
de la colipase pour fonctionner ?
Dans cette étude, les auteurs avaient un triple
objectif :
- mettre en évidence, chez le rat, l'expression
d'ARN messagers codant la colipase et la PLRP2
au niveau de l'hypothalamus ;
- étudier l'influence de différents régimes alimentaires sur l'expression d'ARNm de la colipase et de la PLRP2 au niveau de l'hypothalamus ;
Ils s'intéressent à la PLRP2 et à la colipase,
parce qu'elles sont produites en même
temps. Or, l'entérostatine agit comme un
peptide anorexigène. Peut-être auraient-ils
pu quantifier l'expression de l'entérostatine
au lieu de celle de la colipase, mais ils ne disent pas ce qui a motivé leur choix.
- valider l'implication de la PLRP2 dans le contrôle de la prise alimentaire et la dépense
énergétique au niveau du cerveau.
On sait que certaines enzymes pancréatiques
peuvent passer la barrière intestinale et entrer dans le système sanguin. C'est le cas de la
-49-
BSDL. Est-on sûr que la protéine PLRP2 qu'ils
ont retrouvée au niveau de l'hypothalamus
était bien produite dans le cerveau et n'avait
pas une origine exogène ?
tique reflète la masse adipeuse. Comme elle
est capable de passer la barrière hématoencéphalique, elle peut pénétrer dans l'hypothalamus. La régulation de la prise alimentaire, de la balance énergétique et de la
masse corporelle dépend de l'activité de la
leptine, qui est anorexigène (elle diminue la
prise alimentaire). Une mutation de son gène
ob induit chez des souris ob/ob, déficientes en
leptine, une obésité sévère. Les récepteurs à
leptine sont membranaires et situés, notamment, au niveau des neurones du noyau
arqué de l'hypothalamus. Ils sont appelés
LepRB. Leur activation inhibe les neurones
NPY (voie orexigène) et active les neurones
POMC (voie anorexigène), entraînant une
diminution de la prise alimentaire et une
diminution du poids corporel. Les auteurs de
cet article ont fait l'hypothèse que la leptine a
des effets directs et indirects sur l'activité de
ces neurones, via la modulation des contacts
synaptiques. Pour cela, ils ont étudié l'activité
intrinsèque des deux populations neuronales
au niveau du noyau arqué et leur réponse à la
leptine chez des souris ob/ob.
Oui, dans la mesure où ils ont retrouvé l'expression de l'ARNm au niveau de l'hypothalamus.
Pourquoi sont-ils allés chercher des lipases
pancréatiques dans le cerveau ? On sait que
les triglycérides circulants sont hydrolysés par
la LPL ou la lipase hépatique.
Le point de départ de ces recherches était de
comprendre comment les acides gras peuvent avoir un effet anorexigène alors que
leur taux n'augmente pas pendant un repas.
Plusieurs équipes se demandent si des
lipoprotéines ne pourraient pas être la source
locale de ces acides gras. Je suis d'accord avec
toi, on aurait pu s'intéresser à la LPL ou la
HCL plutôt qu'à la PLRP2.
Article 3 :
« Induction, par la leptine,
d'une réorganisation rapide
des circuits de la prise alimentaire
dans le noyau arqué »
Résultats
- Les deux types de neurones (orexigènes et
anorexigènes) sont exprimés dans des populations neuronales distinctes dans le noyau
arqué.
Introduction
La régulation de la prise alimentaire permet
à long terme de garder le poids corporel
idéal et adapté à chaque personne. Cette
régulation est en grande partie dépendante
de l'activité de l'hypothalamus et plus particulièrement du noyau arqué (ARC). Cette
zone est chargée de la signalisation et de l'intégration des messages de faim et de satiété.
Deux populations neuronales sont concernées : d’une part, les neuropeptides Y
(NPY) et l’agouti-related protein (AgRP) et,
d'autre part, les neurones à pro-opiomélanocortine (POMC).
- Par des approches d'électrophysiologie et
de microscopie électronique, on voit que la
leptine a la capacité de moduler à la fois le
nombre de synapses et l'activité synaptique
des deux populations neuronales induisant
une régulation de la prise alimentaire.
- Le traitement des souris ob/ob par la leptine
restaure le nombre de synapses excitatrices et
inhibitrices des deux populations neuronales.
- Le traitement des souris ob/ob à la leptine
induit des changements rapides et marqués
des courants synaptiques sur les neurones
NPY et POMC. Ces changements précèdent la
réponse comportementale.
La leptine est une hormone synthétisée par
les adipocytes dont la concentration plasma-50-
- Le traitement de souris sauvages par la
ghréline induit un changement du profil
synaptique des neurones anorexigènes POMC
(diminution de l'activité des courants postsynaptiques excitateurs, EPSCs, et augmentation des courants postsynaptiques inhibiteurs, IPSCs). Ces résultats sont cohérents
avec l'action orexigène de la ghréline (peptide sécrété par l'estomac et la partie
supérieure de l'intestin) qui augmente la
prise alimentaire mais pas la masse corporelle.
rotrophiques. Ils n'ont jamais affirmé qu'il y
avait un effet direct de la leptine.
On associe souvent leptine et tissu adipeux.
En fait, la leptine n'est pas spécifique du tissu
adipeux. Elle peut être sécrétée par des cellules de l'estomac ou du système immunitaire. Sa sécrétion par d’autres organes ne
pourrait-elle pas interférer avec celle du tissu
adipeux et fausser les interprétations ?
La production de leptine par l'estomac ou par
certaines cellules du système immunitaire
représente, me semble-t-il, une fraction très
faible par rapport à celle produite par le tissu
adipeux. Celle du tractus digestif est réputée
être locale et, à mon avis, elle ne contribue
pas à augmenter la quantité de leptine
présente dans le plasma. Peut-être est-ce différent chez l'animal obèse.
Conclusion
La leptine induit une normalisation rapide
(dès six heures de traitement) des afférences
synaptiques des neurones NPY et POMC des
souris ob/ob. C'est une nouvelle fonction
dans le développement cérébral et la plasticité synaptique chez l'animal adulte, dont le
but est de diminuer la prise alimentaire.
Il existe un état pathologique qui a des effets
sur la prise alimentaire. Je veux parler de la
cachexie qui se caractérise par une perte massive de poids pouvant être liée à un jeûne
prolongé ou à une maladie grave. Que peuton dire sur le lien entre maladies
métaboliques et cytokines inflammatoires ?
Son rôle physiologique est de maintenir la
balance énergétique et le poids corporel.
Ainsi, les changements de comportements
alimentaires pourraient être en partie dus à
la plasticité neuronale observée au niveau du
système régulateur de la prise alimentaire : le
noyau arqué.
Que cela pourrait faire l'objet d'une école
d'été ! L'état inflammatoire se traduit par
une augmentation des cytokines. Cela montre que les cytokines, même au niveau
cérébral, sont fortement impliquées dans la
régulation de la prise alimentaire et donc
dans la cachexie. Dans l'obésité, il y aurait
une résistance, au moins au niveau central, à
ce type d'hormone. L'obésité n'est pas une
maladie inflammatoire mais, s'il y a vraiment
une production de cytokines au cours de
l'obésité, cela signifie qu'au niveau central ces
cytokines n'ont pas l'effet classique de coupefaim.
Discussion
Commentaire
Cet article est très important car il montre
que chez la souris adulte, il est possible de
reconnecter des neurones entre eux, de les
réarranger indépendamment de la sécrétion
des neuropeptides. Une des façons de réguler
l'homéostasie énergétique est d'intervenir
sur cette plasticité neuronale, et cela même
de façon aiguë.
Peut-on faire l'hypothèse que la leptine n'a
pas un effet direct, mais un effet via un BDNF
ou un NGF ?
Les neuropeptides qui sont aujourd'hui bien
connus ont tous étés découverts à partir de
modèles génétiques d'obésité animale et ont
ensuite été trouvés chez l'homme. Est-ce qu'il
existe pour le BDNF ou la neuromédine U. des
Tout à fait ; d'ailleurs les auteurs n'ont pas
écarté l'hypothèse selon laquelle cet effet
pouvait se faire via des facteurs neu-51-
èle génétique spontané lui correspondant.
C'est le cas également de la CCK pour laquelle
il n'y a pas de modèle KO connu. Par contre,
l'AgRP a été trouvé grâce à des modèles génétiques de la souris Agouti. On voit que les
pistes de travail ne manquent pas. L'une d'entre elles me semble intéressante et complexe :
celle de l'implication de certains neuropeptides, de certaines voies nerveuses dans les circuits de la récompense. Je pense qu'il faudrait
aussi essayer de concilier l'approche des comportementalistes avec celle des physiologistes.
modèles génétiques associés à des phénotypes
d'obésité ou à une prise alimentaire déréglée ?
On découvre toujours plus de neuropeptides et
c'est heureux car on ne connaît pas les neurotransmetteurs ou neuropeptides de certains
neurones. Des équipes travaillent sur
l'adipoleptine qui, à mon avis, n'a pas d'effet
majeur au niveau central. Il semblerait que
l'apeline agisse sur certains circuits cérébraux.
La neuromédine U a été découverte il y a deux
ou trois ans. Elle pourrait bien être un neuropeptide, mais je n'ai pas souvenir d'un mod-
Christophe Magnan, Directeur de Recherche - Unité Homéostasie Energétique
et Régulations Nerveuse et Endocrine - Université Paris Diderot - CNRS
Articles analysés
Article 1 – présenté par Audrey Chanet (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine –
Clermont-Ferrand - Theix)
« Selective Deletion of Bdnf in the Ventromedial and Dorsomedial Hypothalamus
of Adult Mice Results in
Hyperphagic Behavior and Obesity » - Thaddeus J. Unger,1 German A. Calderon,2
Leila C. Bradley,3 Miguel Sena-Esteves,4 and Maribel Rios2 The Journal of Neuroscience, December 26, 2007 • 27(52):14265–14274 • 14265
Article 2 – présenté par Leïla Ben Yahia (UMR 1319 – Unité MICrobiologie de
l’Alimentation au service de la Santé humaine – Jouy-en-Josas)
« Consequences of metabolic challenges on hypothalamic colipase and PLRP2 mRNA in
rats » - Catarina Rippe, Charlotte Erlanson-Albertsson, Andreas Lindqvist - Department
of Experimental Medical Science, BMC, B11, 221 84 Lund, Sweden
Article 3 – présenté par Sophia Bouhlal (UMR 1319 – Unité MICrobiologie de
l’Alimentation au service de la Santé humaine – Jouy-en-Josas)
« Rapid Rewiring of Arcuate Nucleus Feeding Circuits by Leptin » - Pinto et al., Science
2004; 304: 110-5
-52-
Plasticité tissulaire et cellulaire des tissus adipeux :
rôle dans l'homéostasie et l'obésité
Louis Casteilla
ne est considérée comme obèse. Une courbe
en U décrit bien la relation qui existe entre
mortalité et masse corporelle : plus le poids
corporel augmente, plus le taux de mortalité
augmente ; mais à l'opposé, lorsque le poids
est trop bas et la masse adipeuse trop faible
(cachexie), la mortalité augmente aussi. On a
longtemps pensé que la mortalité liée aux situations de cachexie était associée à des états
infectieux et inflammatoires critiques (cancers et autres maladies graves) et non à la
perte du tissu adipeux. On sait aujourd'hui
que ce tissu est protecteur et qu’il contribue
à la survie de l'individu, voire de l'espèce. Par
exemple, une souris lipodystrophique (qui
n’a plus de tissu adipeux) est diabétique.
Lorsqu'on lui greffe du tissu adipeux, elle ne
l'est plus. Le tissu adipeux l’a donc protégée
du diabète.
Introduction
Dans l'exposé de Luc, il était surtout question
de métabolisme. Ici, il sera question de physiologie du développement, car je vais revenir sur
des mécanismes ou des données qui concernent la mise en place et le développement du
tissu adipeux. Le développement de ce tissu
est lié, d'une part, à la taille de l'adipocyte et,
d'autre part, au nombre d'adipocytes. Si l'hypertrophie adipocytaire correspond à l'activité
métabolique de la cellule, le nombre
d'adipocytes varie en fonction des situations.
Si on était capable de limiter leur nombre, on
pourrait peut-être contrôler le développement du tissu adipeux et donc limiter le problème de l'obésité.
Homéostasie et obésité
Quand on gave un animal, il prend du poids,
car la quantité d'énergie absorbée est
supérieure à ses besoins. Si l'on arrête le gavage, l'animal revient petit à petit à son point
initial notamment en adaptant sa prise alimentaire. A l'inverse, une restriction alimentaire lui fait perdre du poids, mais il le
récupérera lorsque la restriction s'arrêtera. À
la différence de la glycémie qui est régulée
sur le court terme, le poids est contrôlé à
moyen ou long terme. L'obésité n'existe pas
dans la nature, à l'exception de l'homme et
de son chien. L'obésité de l'animal qui
hiberne est physiologique, car il a perdu l’excès de tissu adipeux et donc de poids pendant
son sommeil. La différence de poids s'explique en grande partie par le développement du tissu adipeux.
Les différents types de tissu adipeux
Il existe trois types de tissu adipeux :
- le tissu adipeux blanc. Il est spécialisé dans
la gestion et le contrôle du métabolisme,
puisqu'il est capable de stocker l'énergie et
de la libérer. C'est le lieu de stockage et de
synthèse des acides gras, mais aussi de stockage du cholestérol. Du fait de son caractère
lipophile, il capte de très nombreuses
molécules dont certains xénobiotiques. Une
lipolyse entraîne le relargage des différentes
molécules présentes dans le tissu adipeux. Il
constitue environ 10 % de la masse corporelle d'un individu normal, mais peut
atteindre 50 % chez une personne obèse, ce
qui est considérable. Selon sa répartition,
sous la peau ou dans la qualité abdominale,
on distingue deux types d'obésité. L'obésité
génoïde, dite de type poire, se caractérise par
une accumulation de la masse graisseuse
principalement en sous-cutané. C'est une
obésité plutôt féminine. Elle est moins
Obésité et morbidité
Pour qualifier le statut d’obèse, on utilise un
index relativement pertinent, l'index de
masse corporelle ou IMC (poids/taille2).
Lorsque l'IMC est supérieur à 30, une person-53-
cido-lipidique, l'homéostasie vasculaire, l'angiogenèse, la réponse immunitaire, l’hématopoïèse. La leptine, par exemple, est
impliquée dans le métabolisme énergétique,
et joue un rôle très important dans la fonction de reproduction. Si on l’injecte à un animal prépubère, on déclenche sa puberté. Une
partie des problèmes de stérilité associée à
des situations d'anorexie serait liée à un
défaut en cette hormone. Je pense que l'on
n'a pas fini de découvrir l'importance du tissu
adipeux qui, par ses sécrétions et son métabolisme, est en interconnexion avec tous les
autres organes pour assumer la survie de l'organisme.
délétère que l'obésité androïde ou abdominale, dite de type pomme, qui est davantage
associée au sexe masculin. Lorsqu'une femme
a une obésité androïde, ses risques cardiovasculaires sont aussi élevés que ceux d'un
homme obèse. Les problèmes de l'obésité
sont donc liés au type de tissu adipeux et au
type d'obésité.
Les adipocytes qui constituent le tissu
adipeux blanc sont des très grosses cellules
rondes qui peuvent mesurer jusqu’à 100
microns. Une modification, même minime, de
leur diamètre a des conséquences extrêmement importantes sur le volume et le poids
du tissu graisseux. Depuis la découverte des
adipokines (contraction des termes cytokine
et adipocyte), le tissu adipeux a acquis le
statut de glande endocrine. Les molécules
qu'il secrète sont très et on ne les connaît pas
toutes. Certaines sont spécifiques du tissu
adipeux (leptine...), d'autres non (TNFα…).
Par ses sécrétions, le tissu adipeux est au centre d'un réseau extrêmement important qui
le connecte à l'ensemble des organes et l’implique dans les grandes fonctions de l'organisme, comme le métabolisme intravasculaire
des lipides, l'homéostasie énergétique et glu-
- le tissu adipeux brun. Il est constitué d'une
multitude de petites cellules rondes multiloculaires. Il est impliqué dans la production de
chaleur (effet thermique des aliments) et
donc dans la thermorégulation. Son rôle est
particulièrement important pour le nouveauné chez qui il représente la très grande
majorité du tissu adipeux (schéma 1) et 2 à
5 % de la masse corporelle. Par exemple, la
température dans le ventre d’une brebis est
de 40°, mais la température extérieure, au
moment de la mise bas, est parfois très
Schéma 1 : le tissu adipeux brun joue
un rôle particulièrement important
pour le nouveau-né chez qui il représente
la très grande majorité
du tissu adipeux.
Source : UMR UPS/CNRS 5241
-54-
la naissance une conversion apparente du
tissu adipeux brun (et non des adipocytes) en
tissu adipeux blanc. De même, le tissu blanc
peut se « transformer » en tissu brun en fonction des situations. Chez les rongeurs,
lorsqu'on dénerve le tissu adipeux brun (cas
des animaux ob/ob), il semble devenir blanc.
Inversement, si l'on place une souris à une
température de 4°C pendant 10 jours, tout
son tissu adipeux blanc ressemble au tissu
brun. Cette réactivation du tissu brun, au
moins chez les rongeurs, semble être liée à un
récepteur particulier, le récepteur β3 adrénergique. L'industrie pharmaceutique a
investi énormément d'argent pour identifier
les agonistes de ce récepteur dans le but de
traiter les personnes obèses, l'idée étant de
transformer le tissu blanc en tissu brun afin
de transformer un maximum d'énergie en
chaleur. Cette stratégie marche chez les
rongeurs et les chiens. Si l'on donne à un
chien obèse une alimentation diététique (aliments contenant le β3 agoniste), il ne grossit
pas même s'il mange beaucoup (alimentation
doublement onéreuse). Malheureusement,
ce traitement ne marche pas chez l'homme.
froide. C'est le tissu adipeux brun qui permet
à l'agneau de survivre à un choc thermique. Il
se concentre surtout au niveau des vaisseaux
et des gros organes. Il est plus innervé que le
tissu adipeux blanc (innervation sympathique) et on a longtemps considéré qu'il
était également plus vascularisé, mais cette
idée est en train d'évoluer. On a longtemps
cru qu'il n'existait que chez le nouveau-né.
En fait, il est aussi présent chez l'adulte, en
quantité variable selon les espèces. Notons
qu'il existe une grande hétérogénéité dans
les tissus adipeux car, au sein de la masse
adipeuse blanche, des îlots d’adipocytes
bruns plus ou moins nombreux et plus ou
moins importants sont disséminés.
Le tissu adipeux brun se caractérise aussi par
l'abondance des mitochondries et l'existence
d'une protéine découplante, UCP1. Dans la
mitochondrie, le transfert d'électrons à travers la chaîne respiratoire est associé à une
expulsion de protons dont le gradient permet la synthèse d'ATP. Dans le tissu adipeux
brun, la protéine UCP1 agit comme un canal
à protons et permet de dissiper ce gradient.
La dissipation de l’énergie se fait alors
uniquement sous forme de chaleur, sans synthèse d'ATP. D’autres protéines découplantes
(en particulier UCP2 et UCP 3) modulent ce
couplage. En permettant une fuite plus ou
moins importante de protons et donc de
chaleur, elles modifient le rendement des
oxydations phosphorylantes.
La différenciation des adipocytes
blancs
La différenciation des pré-adipocytes en
adipocytes est contrôlée par des signaux hormonaux non spécifiques, comme l'hormone
de croissance, l'insuline la triiodothyronine ou
T3 et par les nutriments (glucose et lipides).
Les facteurs de transcription impliqués sont :
PPAR δ et PPAR γ (un marqueur tardif de la
différentiation adipocytaire), la classe des
C/EBP (qui interviennent aussi dans le métabolisme hépatique), la classe des S/REBP (dont le
premier qui a été identifié intervient dans
l'homéostasie du cholestérol). Les ligands des
récepteurs nucléaires PPAR δ sont des acides
gras et ceux de PPAR γ des molécules comme
les prostaglandines et les TZDs (thiazolidinedione), connues comme étant des antidiabétiques extrêmement puissants.
- les adipocytes de la moelle osseuse. Le poids
de ces adipocytes peut atteindre quelques
kilos puisque, chez un individu âgé, la moelle
osseuse située dans la cavité médullaire est
envahie par les adipocytes. On suppose que
ces cellules jouent un rôle dans l'hématopoïèse médullaire. Je n'en parlerai pas
dans cet exposé.
Plasticité du tissu adipeux
L'une des caractéristiques du tissu adipeux
est sa grande plasticité, puisqu'il existe après
-55-
important. Chez des patients diabétiques
atteints de gangrène à l'extrémité d'un membre, on espère qu'une injection autologue de
pré-adipocytes dans le membre pourra
restaurer l'angiogenèse et éviter l'amputation.
La différenciation des cellules
souches en pré-adipocytes
L'origine mésodermique de l’adipocyte n’a
jamais été vraiment démontrée. La différenciation des cellules du mésoderme se fait vers
différentes voies : l'hématopoïèse, la myogenèse et l'ostéogenèse, dans lesquelles
interviennent respectivement plusieurs facteurs de transcription, dont : GATA2, MyoD et
Runx2 qui inhibent tous la différentiation
adipocytaire. On peut donc considérer que la
différentiation adipocytaire correspond à
une différenciation par défaut : l'adipocyte
serait une cellule qui n'a pas pu se transformer ni en cellule sanguine, ni en cellule
musculaire, ni en ostéoblaste ; elle serait la
dernière cellule à se développer.
Qu'est-ce qui peut contrôler le devenir
des pré-adipocytes indépendamment
de signaux nutritionnels ou endocriniens ?
Au cours des transferts d'électrons dans la
chaîne respiratoire, il existe une probabilité
de rencontre entre les électrons et l'oxygène
environnant (schéma 2) et donc de production d’anion superoxyde (O2-). Cette production est obligatoire mais modulable, et peut
être considérée comme un signal intégrateur
du métabolisme de la cellule. Plus la quantité
d'électrons stockés dans la chaîne respiratoire est importante, plus il y aura d'anions
superoxydes. Inversement, plus la quantité
d'électrons est faible, plus la probabilité de
rencontre diminue et moins la production
d'anion superoxyde est importante. L'anion
superoxyde produit par la mitochondrie
serait donc un senseur du métabolisme
énergétique de la cellule dont il gouverne le
devenir. Il existe un autre site de production
d’ions superoxydes, le système membranaire
NADPH oxydase, mais c'est un système
inductible qui n'a rien à voir avec le métabolisme énergétique.
D'où viennent les adipocytes blancs ?
Après prélèvement par liposuccion d'une
fraction de tissu adipeux, digestion et centrifugation, on obtient 2 fractions : dans la
partie supérieure, un surnageant riche en
adipocytes gorgés de lipides et, au fond du
tube, la fraction du stroma vasculaire. Notons
que les adipocytes ne représentent que 40 %
des cellules du tissu adipeux. Ensemencées
sur un milieu de culture, les cellules du stroma vasculaire qui adhérent peuvent se différencier en adipocytes. Quel que soit l'âge
d'un individu, ces précurseurs ou préadipocytes sont présents dans le tissu adipeux
et attendent les signaux adéquats pour
devenir des adipocytes et augmenter la
capacité de stockage. Plusieurs antigènes ont
été identifiés par cytométrie de flux à la surface des pré-adipocytes, dont les plus importants sont CD34, CD13 et HLA. CD34 est
exprimé par tous les types de cellules immatures et en particulier par les cellules souches
hématopoïétiques, les cellules satellites du
muscle et les cellules du système vasculaire.
Des expériences menées in vivo, chez les
rongeurs et chez l’homme, ont montré que
les pré-adipocytes ont un potentiel
angiogénique et vasculaire extrêmement
Les conséquences cellulaires des espèces
actives de l'oxygène (EAOs) ou ROS
La production d'anions superoxydes ou de
radicaux libres est souvent associée au stress
oxydant, à l'inflammation, à des effets
délétères… Je ne parle pas ici d'un déséquilibre important et chronique entre la production de ROS et le système antioxydant, mais
d’un signal physiologique, d'un déséquilibre
modéré, aigu et transitoire. Dans ce cas, les
ROS peuvent être considérés comme des seconds messagers dont la production inhibe la
différentiation adipocytaire. Si un stress oxydant mitochondrial modéré inhibe la dif-56-
Schéma 2 : Rencontre entre les électrons
et l’oxygène environnant
au cours des transferts
d’électrons dans la chaîne
respiratoire.
Source : UMR CNRS UPS 5018
férentiation adipocytaire, l'ajout d'un
antioxydant la favorise. Les ROS peuvent
également être considérés comme un signal
associé à l'hypoxie.
stimule l’adipogenèse. Nous voyons ainsi se
mettre en place un cercle vicieux ou le
développement de l’obésité facilite, par son
métabolisme redox, la mise en place d’une
obésité supplémentaire qui pourra se renforcer à son tour.
Pour évaluer la réalité physiologique de ces
résultats obtenus in vitro, nous avons étudié
le métabolisme redox de tissus adipeux chez
des animaux contrôles, obèses et traités au
LPS (lipopolysaccharides) afin de mimer une
véritable inflammation, sachant que beaucoup de gens considèrent que l’obésité est
une maladie de type inflammatoire de faible
niveau. Pour évaluer ce métabolisme redox,
et donc l'état oxydé ou réduit du tissu, nous
avons mesuré le gluthation oxydé et réduit.
Les résultats montrent de manière évidente
que le profil du gluthation des animaux obèses est opposé à celui d’animaux traités au LPS
et comparable à l’évolution du statut du
gluthation au cours de la différenciation
adipocytaire stimulé par l’ajout d’un antioxydant. Il apparaît ainsi et de manière opposée
à la vision commune que l’état d’obésité est
caractérisé par un état réduit et non par un
état oxydé qui correspond à l’état observé en
conditions inflammatoires (rats traités au
LPS). On peut remarquer que l’état réduit
Les radicaux libres mitochondriaux jouent un
rôle important puisqu'ils conditionnent non
seulement le développement du tissu
adipeux mais aussi ses sécrétions notamment
l'adiponectine. Il conditionne même le
devenir d'une cellule, étant donné qu'un
précurseur peut se transformer en différents
types cellulaires. Un apport de nutriments
entraîne une hypertrophie adipocytaire qui
conduit à la mise en place d’un gradient
hypoxique et donc d’un gradient de ROS. Ce
dernier a deux conséquences : il inhibe la différenciation des précurseurs en adipocytes et
favorise leur devenir en cellules endothéliales. Grâce à cette vascularisation, les
contraintes hypoxiques sont levées et les
précurseurs adipocytaires peuvent à nouveau
réagir aux signaux nutritionnels, se gonfler et
se différencier en adipocytes. Il semble donc,
qu’une fois commencé, le développement du
tissu adipeux s'auto-entretienne, un peu
-57-
comme les schémas de développement proposé pour la progression tumorale. J’ai choisi
de vous parler du rôle de la crête neurale
dans la formation des adipocytes via la
présentation de l’article 1.
des Japonais. Ils ont utilisé une technique
d'imagerie. Après avoir donné aux patients
des analogues de glucose marqué, ils ont
localisé les endroits où se trouvaient des cellules à activité métabolique intense et, sur les
biopsies correspondant à ces sites, ont détecté l’expression d’UCP-1.
Dans cet article, les auteurs font hypothèse
que le tissu adipeux blanc aurait plusieurs
origines et qu'une partie pourrait provenir
de cellules de la crête neurale (d'origine ectodermique). En récupérant des préadipocytes
de différents types de tissu adipeux (viscéral,
sous-cutané, péritonéal, périgonadique), une
équipe américaine a analysé la similarité ou
l'hétérogénéité de ces différents tissus. Elle a
montré, qu’en fonction de la localisation, l'origine embryonnaire des cellules était différente (des gènes et des facteurs de transcription impliqués dans le développement
des adipocytes n'étaient pas les mêmes selon
le type de tissu adipeux). Cette équipe a
également travaillé sur les effets bénéfiques
d'une greffe de tissu adipeux sous-cutané ; ils
sont résumés dans l'article 2.
Un nouveau regard sur
les pré-adipocytes et le tissu adipeux
Les pré-adipocytes : des cellules tueuses
et multipotentes
Les pré-adipocytes restent à bien des égards
des cellules mystérieuses. Par exemple, elles
sont capables de phagocyter et de tuer des
levures, mais aussi des corps apoptotiques.
Indépendamment de leur rôle énergétique,
elles auraient une fonction immunitaire et
pourraient intervenir dans le remodelage tissulaire. Le développement de la glande mammaire constitue une autre plasticité extrêmement importante du tissu adipeux.
Les pré-adipocytes sont en fait des cellules
multipotentes, donc très immatures, et peuvent aussi bien se différencier en adipocytes,
chondrocytes et ostéoblastes.
L'origine du tissu adipeux brun
Les adipocytes blancs et bruns ont-ils, ou non,
les mêmes précurseurs que les adipocytes
blancs ? Dans les travaux que je vous ai
présentés chez les ruminants, on a l'impression que, macroscopiquement, l'adipocyte
brun devient blanc. Personnellement, je
soutenais et soutiens la thèse selon laquelle il
y a deux types de précurseurs. Je pense qu'un
adipocyte brun qui n'est pas stimulé ressemble à un adipocyte blanc mais ne devient pas
un adipocyte blanc, car il présente des
réponses différentes aux signaux hormonaux.
Le débat a fait rage jusqu'à la parution de
l'article 3 qui va vous être présenté. Les
expériences réalisées par l'équipe de
Spiegelman ont été faites chez la souris ; les
travaux présentés dans l'article 4 ont été
faites chez l'homme.
Tissu adipeux et hématopoïèse
Le tissu adipeux ne se réduit pas aux
adipocytes, qui ne représentent que 40 % des
constituants. Pour le comprendre, il faut connaître les différentes populations qui le composent, comprendre leurs fonctions et leurs
interactions. On sait maintenant que 30 à
40 % des cellules de la fraction stromale du
tissu adipeux sont des cellules hématopoïétiques (marqueur CD45). Le nombre de cellules souches hématopoïétiques dans le tissu
adipeux (y compris dans le tissu sous-cutané)
est supérieur au nombre de ces cellules dans
la moelle osseuse. Cela suggère que le lieu de
stockage des cellules souches hématopoïétiques ne serait pas la moelle osseuse mais le
tissu adipeux !
Les premiers à avoir montré la présence de
tissu adipeux brun chez l'homme adulte sont
-58-
Tissu adipeux et immunité
tissu sous-cutané ressemble à celle du tissu
abdominal. L'écologie cellulaire du tissu
adipeux d'une personne obèse diffère donc de
l'écologie cellulaire d'un tissu adipeux normal.
Comme les lymphocytes ne secrètent pas les
mêmes cytokines, la recherche a encore de
beaux jours devant elle.
- Tissu adipeux et macrophages
On trouve dans le tissu adipeux un marqueur
(CD14) qui s'exprime sur les macrophages.
Personnellement, je ne défends pas l'hypothèse
selon laquelle l'obésité correspondrait à un état
inflammatoire. Lorsqu'on injecte du LPS, on
crée une situation inflammatoire, certes particulière et massive, mais dans ce cas le phénotype
du tissu adipeux est totalement différent de
celui d’une personne obèse. De plus, dans le
débat tissu adipeux/macrophages/obésité/
inflammation, on ne tient souvent pas compte
du versant diabétique de l'obésité. Certes, chez
l'animal obèse, le nombre de macrophages
dans le tissu adipeux est élevé, mais cette accumulation n'est pas forcément le signe d'une
inflammation, car il existe des macrophages
pro-inflammatoires et des macrophages antiinflammatoires. On commence à phénotyper
les macrophages du tissu adipeux et des
travaux montrent qu'il existe des cytokines
anti-inflammatoires dans le tissu adipeux d'animaux obèses.
- tissu adipeux et cellule NK (natural killer)
Ces cellules du tissu adipeux, apparentées à
des lymphocytes, sont importantes du fait de
leurs effets anti-cancéreux. Chez le rongeur, il
existe une corrélation inverse entre le poids
de l'animal et le nombre de cellules NK. Mais,
est-ce le fait d'être gros qui fait diminuer les
NK ou l’inverse ?
Tissu adipeux, adipocytes
et dynamique cellulaire
Suite à l'accident de Tchernobyl et grâce à la
mesure de la radioactivité dans les
adipocytes, des chercheurs ont montré que le
nombre d'adipocytes reste constant tout au
long de la vie et qu'il a un turnover de 10 %.
Pour l'instant, on ignore ce qui contrôle leur
nombre et comment se fait ce contrôle. On
sait seulement que certaines personnes ont
des petits adipocytes et d'autres des gros. Par
ailleurs, on a montré que le tissu adipeux est
sensible à l'irradiation. Or, celle-ci est un des
moyens utilisés chez des patients cancéreux
pour détruire les cellules qui prolifèrent, ce
qui suggère la présence d'un grand nombre
de cellules en division dans le tissu adipeux.
- Tissu adipeux et lymphocytes
Le tissu adipeux contient beaucoup de lymphocytes, or ces derniers conditionnent de manière
extrêmement importante le comportement
des macrophages. On distingue 2 grandes catégories de lymphocytes : d'une part, les lymphocytes α et β qui sont les lymphocytes de l'immunité adaptative et, d'autre part, les lymphocytes γ et δ qui sont les lymphocytes ancestraux
de l'immunité innée. La population lymphocytaire du tissu adipeux varie en fonction de sa
localisation. Le tissu adipeux sous-cutané se
caractérise par une population très importante
de lymphocytes γ et δ, au moins chez le
rongeur (ces lymphocytes sont aussi présents
au niveau du tube digestif, dans le foie et
l'utérus, qui sont des organes de première
défense par rapport à une infection microbienne). Lorsque l'on génère une obésité, la population lymphocytaire s'homogénéise : celle du
Il existe au sein du tissu adipeux un turnover
cellulaire extrêmement important, mais les
cellules qui prolifèrent sont, pour l'essentiel,
des cellules interstitielles et non les
adipocytes qui sont relativement résistant à
l'irradiation. On imagine facilement que des
signaux, y compris nutritionnels, puissent
agir sur des mécanismes d'apoptose ou de
renouvellement. Du fait de ce brassage
extrêmement important, le phénotype du
tissu adipeux pourrait changer complètement. Des cellules meurent, d'autres apparaissent, pourquoi pas des adipocytes bruns ?
-59-
adipeux comme un senseur de notre environnement, puisqu’il accumule, par exemple, les
xénobiotiques qui sont des intermédiaires
entre l'environnement et nous.
Conclusion et messages à retenir
- Importance des nutriments et des PPARs
dans la différenciation des adipocytes blancs.
- Importance de la norepinephrine dans la
différenciation des adipocytes bruns ; émergence d'un nouveau débat : l’adipocyte brun
n'est pas un adipocyte blanc spécialisé mais
une cellule musculaire spécialisée !
Je crois que chez les personnes âgées il existe
une inflammation à bas bruit. Sait-on si les
personnes âgées obèses ont plus d’inflammation au niveau de leur tissu adipeux que des
personnes âgées non obèses ?
- Il existe différents types d'adipocytes blancs
et d'adipocytes bruns.
Il faut faire attention car la population des
personnes âgées est très hétérogène pour
tout ce qui concerne la nutrition. Certaines
vivent en institution, d'autres chez elles ; certaines sont peu mobiles, d'autres très
actives… Contrairement à une idée largement
répandue, la pression artérielle moyenne
n'augmente pas avec l'âge. Par contre, le
pourcentage de gens hypertendus augmente
en vieillissant. Par ailleurs, on sait qu'il n'existe pas une obésité mais des obésités. Les
sujets qui intéressent les chercheurs sont les
personnes en train de devenir obèses. Plus
l'obésité est constituée, plus les signes inflammatoires locaux sont importants. Est-ce la
cause ou la conséquence ?
- Aux différents types d'adipocytes correspondent des origines embryonnaires et des
fonctions différentes.
- Les adipocytes ne constituent que 40 % du
tissu adipeux.
- Le tissu adipeux est un système écologique
complexe, qui se situe à la croisée des
chemins entre métabolisme énergétique, système immunitaire et inflammation.
- Le tissu adipeux n'est pas une « motte de
beurre inerte » (comme on le pensait encore
récemment), mais le siège d'un turnover cellulaire et d'un métabolisme intense qui reste
à appréhender.
Article 1 :
« Génération des adipocytes
par la crête neurale »
Discussion
Commentaire
Je sais que l'on est toujours tenté de faire des
relations de causalité, même quand ce n'est
pas le cas. Concernant le débat inflammation/obésité, j'aurais envie de dire qu’une des
manières de limiter l'extension de l'obésité
serait peut-être de déclencher une réaction
inflammatoire locale. Ce n'est pas une cause,
mais simplement un facteur limitant, une
contre-régulation.
Introduction
L'obésité étant un problème de santé mondial, on s'intéresse de plus en plus à la différenciation adipocytaire. On sait que des progéniteurs mésenchymateux se différencient en
pré-adipocytes qui, eux-mêmes, se différencient en adipocytes. Cette dernière étape est
assez bien définie. On en connaît les principaux facteurs de transcription (PPAR, C/EBT,
S/REBP). Par contre, la première étape est
beaucoup moins connue, notamment du fait
de l'absence de marqueurs moléculaires permettant de distinguer, in vivo, les préadipocytes de leurs progéniteurs mésenchy-
J'ai maintenant l'impression que le tissu
adipeux est la « grande poubelle » de l'organisme.
Pour moi, la grande poubelle c'est plutôt le
réticulum endoplasmique. Je perçois le tissu
-60-
mateux. De plus, on a peu d'informations sur
l'origine du lignage adipocytaire au cours du
développement embryonnaire.
sait pas d’où viennent les adipocytes du bas
du corps ; on sait seulement qu'ils ne dérivent
pas de la crête neurale (au moins pour le tissu
adipeux sous-cutané). On sait que le tissu
adipeux est hétérogène, puisqu'il existe des
adipocytes blancs et des adipocytes bruns ;
mais d'après cet article, on pourrait imaginer
que des adipocytes blancs soient d'origines
différentes et aient des fonctions différentes.
On sait que les dérivés mésenchymateux que
sont l'os, le derme, les muscles et les vaisseaux ont une origine mésodermique. On
pense aussi que la majorité du tissu adipeux
blanc dérive du mésoderme, mais cela n'a pas
été formellement démontré. Comme tous les
tissus mésenchymateux ne sont pas formés à
partir du mésoderme, les auteurs de cet article font l'hypothèse qu'une partie du tissu
adipeux blanc pourrait provenir de cellules
de la crête neurale comme les os de la tête, la
peau du cou et de la face, certaines glandes
endocrines (médullosurrénales) et les
mélanocytes.
Est-on sûr que c’est le déterminisme de la cellule embryonnaire qui oriente son
développement et non le milieu de culture et
l'environnement ? Les produits que l'on
ajoute au milieu sont parfois extrêmement
puissants et capables de modifier le programme transcriptionnel.
Je suis d'accord et ta question m’amène à
faire deux remarques. On caractérise souvent
les adipocytes par l'accumulation des lipides.
Or, des travaux ont montré qu'il est facile
d'accumuler des lipides dans une cellule. Il
suffit d'inhiber l'oxydation pour qu’une cellule ressemble à un adipocyte, mais elle n'exprime pas de programme de différenciation
adipocytaire. On peut donc faire des
adipocytes biologiquement actifs et d'autres
issus d'une accumulation passive de lipides.
Je formulerai ta question d'une autre
manière : la différenciation adipocytaire estelle de même nature que la différenciation
homéoblastique ou la différenciation
ostéogénique ? Ne s'agit-il pas d'une capacité
de réponse d'un grand nombre de cellules à
un environnement nutritionnel ? Ceci dit, on
ne peut pas nier l'importance que pourrait
avoir l'origine embryonnaire.
Conclusion
- Mise en évidence, in vitro et in vivo, d'une
différenciation des adipocytes à partir des
cellules de la crête neurale.
- Les cellules de la crête neurale provenant de
la zone céphalique et de la zone du tronc
peuvent générer des adipocytes.
- Les adipocytes matures de la région de l'oreille et des glandes salivaires proviennent de
cellules de la crête neurale chez la souris, ce
qui n'est pas le cas pour le tissu adipeux des
ovaires ou du tissu sous-cutané.
- Les cellules de la crête neurale, d'après la littérature, peuvent générer des cellules
mésenchymateuses telles que des chondrocytes, des adipocytes ou des cellules de la
moelle osseuse.
Discussion
Il existe un modèle intéressant de stéatose
hépatique, qui montre que l'hépatocyte, qui
a priori ne contient pas de lipides, est capable
d’en accumuler. Tu nous disais que c'était une
des situations où il peut éventuellement
acquérir des protéines découplantes.
Comment expliques-tu ce changement
phénotypique discret, alors que l'hépatocyte
n’est pas programmé comme l’adipocyte et
Commentaire.
Cet article est important car c'est le premier
qui montre clairement l'origine embryonnaire du tissu adipeux. Il montre aussi, avec
des approches complémentaires, que les
adipocytes blancs ont des origines différentes. Ceux du haut du tronc (os, muscles
de la tête) dérivent de la crête neurale. On ne
-61-
de recruter des préadipocytes ? Chez le
rongeur, il a bien été prouvé que ce sont de
vrais adipocytes blancs qui infiltrent les
myocytes.
que l’hépatocyte du Nash (non alcoholic
steato-hépatit) est très différent de l'hépatocyte natif ? Le Nash constitue l'évolution des
hépatocytes qui ont accumulé des lipides. On
sait que le foie, qui est le tissu le plus maigre
de l'organisme, peut dans certaines conditions, notamment de blocage d'oxydation ou
d'export, se gorger de lipides. C'est d'ailleurs
la grande complication hépatique de l'obésité
qui peut aussi évoluer vers une fibrose.
Dédifférenciation ou transdifférenciation des
myocytes : tous les chercheurs ne sont pas d'accord. Personnellement, je pense que
l'adipocyte a une certaine capacité de dédifférenciation, au moins jusqu'à un stade relativement immature, ce qui n'est pas le cas pour
le muscle squelettique (au moins chez les mammifères, car c’est vrai pour les animaux
inférieurs) ou pour les cellules sanguines. Cela
nous ramène à la plasticité du tissu adipeux.
Une maladie rappelle le Nash : la myopathie.
Quand des muscles sont insuffisamment stimulés, ils sont envahis par des cellules qui
ressemblent à des adipocytes. Sont-ce des
adipocytes, des cellules musculaires ou des
précurseurs musculaires ? Nous en reparlerons
dans la prochaine session. Dans toutes les situations où il n'y a pas de stimulation, les cellules
sont capables d'accumuler des lipides et un
programme adipocytaire semble se mettre en
place. Dans les foies gras, des foies de type
Nash, on observe non seulement une accumulation de lipides mais également une expression de la leptine. La famille des CEBP joue un
rôle considérable et des éléments S/ERBP sont
également impliqués. Il semble donc qu'audelà d'une simple accumulation passive de
lipides, ces hépatocytes récupèrent une partie
du phénotype de l'adipocyte. Quant aux
molécules découplantes, UCP1, UCP2 et UCP3,
elles sont associées au métabolisme lipidique.
J'ai lu que les adipocytes qui entourent des
tumeurs perdent leurs lipides pour fournir de
l'énergie à la cellule tumorale et se transforment en fibroblastes.
C'est même très spectaculaire dans la moelle
osseuse. La moelle rouge, qui est hématopoïétique, devient jaune au cours du développement (cf. l’os à moelle du pot-au-feu). En cas
d'hémorragie, la moelle jaune redevient
rouge. Autrement dit, les adipocytes « disparaissent » et la moelle retrouve une activité
hématopoïétique.
Article 2 :
« Effets bénéfiques d'une greffe
de tissu adipeux sous-cutané
sur le métabolisme »
Sur des cellules musculaires en culture, que ce
soit par des méthodes pharmacologiques ou
par l'addition massive de substrats (glucose+
insuline), on sait provoquer l’accumulation de
lipides dans les myocytes, mais on n’observe
jamais de marqueurs adipocytaires. La cellule
in vitro est capable de gérer l'excès de substrats. Par contre, quand on fait des expériences de surnutrition, chez l'homme comme
chez l'animal, on voit apparaître ces marqueurs. Au-delà d'un certain seuil, le myocyte
enverrait-il un signal pour informer des cellules précurseurs qu’il ne peut plus gérer l'énergie excédentaire et que le muscle a besoin
Introduction
On distingue deux types d'obésité (IMC > 30).
La première, dite obésité viscérale ou centrale, se caractérise par un tour de taille
supérieur à 102 cm chez l'homme et à 88 cm
chez la femme. Elle correspond à une accumulation de tissu adipeux au niveau intraabdominale. La deuxième, ou obésité
périphérique, se caractérise par une accumulation de tissu adipeux au niveau souscutané. Il existe des différences majeures
dans l'expression des gènes pour ces deux
-62-
types d'obésité. Elles se traduisent au niveau
physiologique par des différences de l'insulinorésistance, du risque de diabète de type 2,
de la dyslipidémie, de l'athérosclérose et de
la mortalité, les risques étant plus élevés pour
la première. Des travaux ont montré que le
tissu adipeux sous-cutané a même des effets
plutôt bénéfiques. Il serait responsable d'une
sensibilité à l'insuline plus élevée. La thiazolidinédione, qui augmente la sensibilité à l'insuline, augmente aussi la quantité de ce tissu.
Chez les souris ob/ob qui surexpriment
l'adiponectine, on observe une augmentation du tissu adipeux sous-cutané et une
amélioration des paramètres métaboliques.
on peut se demander si celui-ci ne secrèterait
pas un facteur spécifique.
Article 3 :
« Rôle de la protéine PRDM 16
dans la différenciation
du tissu adipeux brun »
Introduction
Du fait des problèmes de santé publique que
pose l'obésité, de plus en plus de chercheurs
s'intéressent au tissu adipeux. Nous avons vu
que le tissu adipeux blanc sert à stocker l'énergie sous forme de triglycérides et le tissu
adipeux brun à la dissiper sous forme de
chaleur. Pour lutter contre l'obésité, il y a
schématiquement deux stratégies : soit on
diminue le développement du tissu adipeux
blanc, soit on augmente celui du tissu brun.
Des travaux ont montré qu'en atténuant la
différenciation du tissu adipeux blanc, on
provoque une accumulation de lipides dans
des cellules dont ce n'est pas le rôle, ce qui
entraîne certaines pathologies. Aujourd'hui,
on s'intéresse davantage au tissu adipeux
brun et des résultats encourageants ont été
obtenus chez la souris.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour
expliquer ces différences : 1) le tissu adipeux
viscéral, situé entre l'intestin et le foie,
secréterait au niveau de la veine porte des
molécules circulantes qui agiraient au niveau
du foie et déréguleraient la production de
glucose ; 2) une caractéristique intrinsèque
des adipocytes modifierait le rôle des différents tissus adipeux ; 3) le tissu adipeux viscéral serait un marqueur d'un stress physiologique ; 4) le tissu adipeux viscéral serait un
site ectopique lorsque le tissu adipeux souscutané est saturé en tissu adipeux.
Cette étude a pour objectif de déterminer si
les différents effets métaboliques des tissus
adipeux sont dus à leur localisation ou à des
différences intrinsèques.
Les cellules souches mésenchymateuses sont
à l'origine de différents types cellulaires dont
les myoblastes et les pré-adipocytes. Sous le
contrôle de facteurs de transcription (PPARγ,
C/EBPα,β,δ), ces derniers se transforment en
adipocytes bruns ou en adipocytes blancs. On
connaît les co-activateurs qui inhibent (pRB,
p107, RIP140) ou favorisent (FOXC2,
PRDM16) le développement des adipocytes
bruns. Ces derniers peuvent également se
développer au sein du tissu adipeux blanc,
notamment à la suite d'un traitement βadrénergique ou d'une exposition chronique
au froid. Dans cet article, les auteurs ont
voulu mettre en évidence les effets d’une
inhibition de PRDM16 au niveau des préadipocytes bruns.
Conclusion
- Le tissu adipeux sous-cutané a des effets
bénéfiques sur l'homéostasie glucidique.
- Ces effets sont dus à une propriété intrinsèque des adipocytes, mais étant donné qu'ils
ne représentent que 40 % du tissu adipeux, on
ne peut écarter l’hypothèse selon laquelle
d'autres cellules du tissu adipeux seraient
impliquées dans l'amélioration de la glycémie.
- L’effet bénéfique étant plus important
lorsqu'on greffe du tissu adipeux sous-cutané
au niveau viscéral qu’au niveau sous-cutané,
-63-
Résultats
Discussion
- PRDM16 aurait, au niveau de précurseurs
adipocytaires, un rôle inhibiteur sur le
développement d'un phénotype de cellule
musculaire (alors que les auteurs pensaient
qu'il favoriserait le développement des
adipocytes blancs).
Une conclusion très importante, mais il fallait
y penser !
Deux mécanismes permettent la thermorégulation : le frisson et le non frisson. Le frisson
est un fonctionnement non synchronisé des
muscles antagonistes dont la conséquence
est une hydrolyse massive et permanente
d'ATP sans être associé à un mouvement
coordonné. Le frisson génère un cycle futile.
Il fait fonctionner l'ATP synthase comme un
canal à protons. C'est également le cas dans
le tissu adipeux brun. D'un point de vue évolutif, il semble donc normal que l'adipocyte
brun caractéristique dérive d'un muscle et
non d'un adipocyte blanc. Un autre argument confirme cette hypothèse. Le porc n'a
pas de tissu adipeux brun. Le porcelet nouveau-né est le mammifère le plus maigre de
tous. Il n'a quasiment pas de tissu adipeux. Sa
thermorégulation se fait via les muscles
rhomboïdes qui sont situés au niveau interscapulaire, c'est-à-dire au même endroit que
le tissu adipeux brun chez le rongeur. Il y a
une production de chaleur de non frisson par
ces muscles qui est liée à un mécanisme de
type découplant. Chez le seul mammifère
dépourvu de tissu adipeux brun, la thermogenèse de non frisson se fait dans du muscle,
ce qui est aussi cohérent avec ce travail.
- Les adipocytes bruns et les myocytes proviennent d'un précurseur commun exprimant
Myf5 ; Myf5 n’est donc pas un promoteur
spécifique de la lignée musculaire.
- Le tissu adipeux brun qui se forme au sein
du tissu adipeux blanc est différent de celui
qui est issu des précurseurs qui expriment
Myf5. Il n'exprime pas Myf5 et n'a pas la
même origine.
- PRDM16 induit la différenciation des cellules musculaires C2C12 et des cultures primaires de myoblastes en adipocytes bruns.
- PRDM16 se lie à PPARγ et joue un rôle de coactivateur. C'est aussi un cofacteur de PPARα
avec lequel il entraîne la transcription des
gènes cibles.
- Les souris homozygotes KO pour le gène
PRDM16 meurent à la naissance. Elles ont un
profil d'expression génique perturbé dans
leur tissu adipeux brun : diminution de l'expression de tous les gènes spécifiques du tissu
brun et augmentation de l'expression de tous
les gènes spécifiques des cellules musculaires,
sans que l'on observe de vrais myoblastes.
Lorsque l’on est immobile, le métabolisme
énergétique a un rendement nul, tout est
transformé en chaleur ; on ne fabrique pas
d'ATP. Lors d'une activité physique, le corps
fabrique de l'ATP qui est ensuite hydrolysée.
Pour mesurer l'énergie, on doit donc mesurer
l'oxygène ou la chaleur.
Conclusion
L’adipocyte brun n'est donc pas, comme on le
croyait, un adipocyte spécialisé, mais une cellule musculaire spécialisée (image 1).
Image 1 : Adipocyte brun.
Ce travail et ses résultats sont vraiment très
importants, mais un fait me gêne : la délétion
de la protéine qui empêche la fabrication du
tissu adipeux brun est létale.
Je ne le dirais pas comme cela, car on peut
penser que PRDM16 est impliqué dans
d'autres mécanismes. Je ne sais pas si la léta-64-
lité est uniquement associée aux perturbations constatées dans le tissu brun.
Article 4 :
« Réservoir de progéniteurs
d'adipocytes bruns dans le muscle
squelettique adulte »
Si la conclusion est vraie, on devrait trouver
des marqueurs musculaires, même à un faible
niveau, dans les adipocytes bruns. Or, on n'en
a jamais observés même au niveau mitochondrial. Les mitochondries des myoblastes, sans
parler de la chaîne respiratoire elle-même,
ont des caractéristiques bien spécifiques.
Introduction
Le tissu adipeux brun chez les rongeurs et les
animaux hibernants est le siège d’une thermogenèse adaptative non frissonnante.
Celle-ci intervient dans le maintien de
l’homéothermie en cas de froid et dans la
régulation de la balance énergétique en cas
de prise alimentaire trop importante. Cette
thermogenèse a lieu dans les mitochondries
du tissu adipeux brun. Elle est impliquée dans
la respiration et permet de court-circuiter
l'ATP synthase en laissant fuir des protons
dans la matrice mitochondriale. La synthèse
d'ATP et la phosphorylation oxydative sont
découplées et l'énergie est dissipée sous
forme de chaleur. Si ce mécanisme qui existe
chez le rongeur était transposable à
l'homme, il pourrait être utilisé dans de nouvelles stratégies de lutte contre l'obésité.
En fait, on en a observés il y a une quinzaine
d’années. Il suffisait de pousser le raisonnement !
Sait-on si les Inuits, qui vivent dans des
régions très froides, ont plus de tissu adipeux
brun que de tissu adipeux blanc ? Comme à
ces températures, les adipocytes blancs peuvent se transformer en adipocytes bruns, ils
devraient avoir moins de problèmes
d'obésité.
Cela n'a pas été fait chez les Inuits mais chez
des bûcherons canadiens. À ma connaissance,
chez ces personnes qui vivent en permanence
dehors à des températures très froides, les
problèmes d'obésité n'existent pas. Comme il
existe différents types d'adipocytes blancs, il
existe aussi différents types d'adipocytes
bruns. Ceux qui apparaissent dans le tissu
adipeux blanc n'ont rien à voir avec les
adipocytes bruns typiques. Les adipocytes
blancs traités avec des molécules de type βadrénergique ne deviennent pas bruns. De
même, un animal traité avec ces molécules
développe du tissu adipeux brun, mais on
ignore son origine. C’est pourquoi le schéma
qui vous a été donné dans la conclusion n'est
pas tout à fait juste, car je pense que la transdifférenciation du tissu blanc en tissu brun
n'a toujours pas été démontrée, mais les avis
divergent sur ce point.
Le tissu adipeux brun est présent chez le nouveau-né humain mais disparaît rapidement
après la naissance. Il reste toutefois quelques
progéniteurs d'adipocytes bruns dispersés dans
le tissu adipeux blanc. La découverte récente de
tissus adipeux capables de thermogenèse stimulée par le froid dans les parties supérieures
du corps humain et la mise en évidence, chez la
souris, d'adipocytes bruns les rendant plus résistantes à l'obésité ont relancé l'intérêt des
chercheurs pour ce tissu. Les auteurs de cet article voulaient savoir s'il existe, ou non, chez
l'homme des progéniteurs d'adipocytes bruns
exprimant UCP-1 et capables de thermogenèse
dans le muscle squelettique.
Conclusion
- Il existe dans le muscle squelettique humain,
fœtal et adulte, des progéniteurs (CD34+)
capables de se différencier, in vitro, en vrais
adipocytes bruns.
-65-
Discussion
- Ce potentiel de différenciation est préservé
au cours des cultures cellulaires malgré une
orientation vers un phénotype d'adipocytes
blancs.
On a longtemps dit qu'il n'y avait pas
d'adipocytes bruns chez l'homme parce
qu'on les cherchait dans le tissu adipeux et
non dans le muscle. Comme la masse musculaire est quantitativement très importante
chez l'homme, peut-on considérer que du
tissu adipeux brun s’y trouve en quantité très
significative et qu’il joue un rôle sur la balance énergétique ?
- Les cellules CD34+ ne sont pas capables de
se différencier en adipocytes bruns dans le
tissu adipeux blanc sous-cutané. Cela reste à
vérifier dans d'autres tissus adipeux.
- Les adipocytes bruns et les myocytes ont une
origine commune. Dérivent-elles directement
de cellules CD34+ ancestrales ou d'un soustype de cellules CD34+ endothéliales ?
Il faut raison garder car on ne joue pas
impunément avec l'énergétique musculaire.
Il faut vraiment faire très attention aux effets
secondaires qui seraient associés au traitement de l'obésité. On sait que les β-3 agonistes ont des effets secondaires neurologiques importants, en particulier des
tremblements non intentionnels. Une publication récente a montré qu'en surexprimant
UCP-2 (je crois) dans du tissu musculaire, on
induisait une dégénérescence neuro-axonale.
Si pour maigrir, le risque est de développer
une maladie de Parkinson, le choix sera vite
fait.
- Applications thérapeutiques : 50 g de tissu
adipeux brun permettraient d'augmenter la
dépense énergétique de 20 à 25 %.
Cependant, avant toute transplantation de
progéniteurs chez des patients, il est
impératif de maîtriser les conditions de différenciation car, dans le muscle squelettique,
ce sont les adipocytes blancs qui ont tendance à se développer.
- Commentaires. Ces résultats sont prometteurs, mais plusieurs obstacles doivent être
levés : 1) UCP-1, dont le niveau d’expression est
relativement faible dans le muscle adulte,
modifie le rapport des fibres musculaires (elle
augmente les fibres oxydatives au détriment
des fibres glycolytiques) ; 2) les thiazolidinediones qui stimulent le développement du tissu
adipeux et diminuent l'insulinorésistance ont
des effets secondaires (prise de poids, maladies
cardiaques, modification du profil lipidique...).
Il serait donc nécessaire de trouver de nouveaux agonistes aux PPARγ qui stimuleraient
des enzymes de la mitochondriogenèse et non
des enzymes lipogéniques ; 3) aujourd'hui, on
ne sait pas transformer les myoblastes en
adipocytes bruns chez l'homme. Il faudra
veiller à ne pas traiter l'obésité en diminuant
l'énergie au niveau du muscle de manière
inconsidérée. Gageons que dans les mois qui
viennent, les entreprises pharmaceutiques
vont lancer des programmes sur les progéniteurs musculaires et les molécules qui pourraient activer leur différenciation.
-66-
Louis Casteilla, Directeur de recherche CNRS - Directeur de l’UMR CNRS UPS 5241 –
Métabolisme, plasticité, mitochondrie - IFR31, Toulouse
Articles analysés
Article 1 – présenté par Aurélie Masgrau (UMR 1019 – Unité de Nutrition Humaine –
Clermont-Ferrand - Theix)
« The generation of adipocytes by the neural crest » - Billon N., 2007, Development
134:2283-2292
Article 2 – présenté par Julien Chilloux (USC 2028 – Nutrition et Cerveau - Lyon)
« Beneficial Effects of Subcutaneous Fat Transplantation on Metabolism » Tran et al. - Cell Metabolism, May 2008
Article 3 – présenté par Fabien Wauquier (UMR 914 – Physiologie de la nutrition
et du comportement alimentaire – Paris)
« PRDM16 controls a brown fat/skeletal muscle switch » - Patrick Seale, Bryan Bjork,
Wenli Yang, Shingo Kajimura, Sherry Chin,Shihuan Kuang, Anthony Scime`,Srikripa
Devarakonda, Heather M. Conroe, Hediye Erdjument-Bromage, Paul Tempst,
Michael A. Rudnicki,David R. Beier & Bruce M. Spiegelman - Nature Vol 454| 21 August 2008|
Article 4 – présenté par Anne-Sophie Foucault (UMR 1280 - Physiologies
des Adaptations Nutritionnelles - Nantes)
«A Reservoir of Brown Adipocyte Progenitors in Human Skeletal Muscle » Mihaela Crisan, Louis Casteilla, Lorenz Lehr, Mamen Carmona,
Ariane Paoloni-Giacobino, Solomon Yap, Bin Sun, Bertrand Léger, Alison Logar,
Luc Pénicaud, Patrick Schrauwen, David Cameron-Smith, Russell Aaron Paul,
Bruno Péault et Jean-Paul Giacobino - Stem Cells® Sept. 2008 ; 26 : 2425-2433
-67-
Insulino-résistance musculaire :
adaptations métaboliques à la nutrition
Hubert Vidal
Introduction
tribuant à l'aggravation du cercle vicieux
dont je vous parlerai ultérieurement.
L’objectif de cet exposé est de vous présenter
les avancées récentes concernant les mécanismes de l'insulino-résistance musculaire et
de discuter ensemble des possibilités que ces
données nouvelles apportent pour le
développement d’approches thérapeutiques
ou préventives permettant de soigner des
pathologies liées à cette insulino-résistance,
en particulier le diabète de type 2 et
l’obésité. Tout d’abord, l’insulino-résistance
est définie comme étant la résistance d'une
cellule, d'un tissu ou d'un organe à l'action
de l'insuline, hormone secrétée par les cellules bêta pancréatiques. Elle est associée à
certaines situations pathologiques, comme
l’obésité, mais on la retrouve aussi dans de
très nombreuses situations physiologiques,
car c’est un moyen d'adaptation, une
réponse à un stress ou à toutes formes d'agression. L'insuline est une hormone prédominante dans la régulation du métabolisme des sucres, des lipides et des protéines.
Elle est impliquée dans le développement cellulaire. C'est un facteur de croissance.
L'insulino-résistance correspond donc à un
défaut de fonctionnement de l'insuline dans
ses tissus cibles.
- Dans le muscle squelettique, l'effet principal
de l'insuline est de faciliter l'entrée du glucose, que ce soit pour le stocker sous forme
de glycogène ou l'utiliser à des fins oxydatives. L'insulino-résistance diminue cette capture et donc l'utilisation du sucre par le muscle. Après un repas, si le muscle utilise moins
de glucose, la glycémie met davantage de
temps pour revenir à une valeur normale.
Le diabète de type 2
Le diabète T2 est une maladie grave et progressive. Elle représente plus de 90 % des cas
de diabète dans le monde. Elle est caractérisée par une hyperglycémie chronique et
des anomalies du métabolisme des glucides
et des lipides. Le taux important de mortalité
est lié à des complications, en particulier
micro- et macro-vasculaires :
- les maladies cardiovasculaires constituent la
principale cause de mortalité des patients
diabétiques T2 ;
- le risque d'attaques cérébro-vasculaires est
multiplié par 1,8 ;
- les neuropathies représentent la principale
cause d'amputations non traumatiques des
extrémités ;
- Lorsque le foie est résistant à l'action de l'insuline, l'inhibition de la production hépatique de glucose est moins importante, ce qui
contribue à une hyperglycémie. C'est principalement cette anomalie qui explique l'hyperglycémie chez un sujet diabétique à jeûn.
- les néphropathies sont une cause majeure
d'insuffisance rénale ;
- les rétinopathies constituent la première
cause de cécité chez l'adulte.
- Dans le tissu adipeux, l'insuline est la principale hormone anti-lipolytique : elle inhibe
l'hydrolyse des triglycérides et le relargage
des acides gras. Dans les cas d'insulino-résistance, le tissu adipeux libère plus d'acides
gras libres dans la circulation. Ces derniers
vont alors dans le foie et d'autres tissus, con-
Deux défauts sont nécessaires au développement d'un diabète de type 2 : la résistance à
l'action de l'insuline (ou insulino-résistance)
et un dysfonctionnement des cellules β-pancréatiques. C’est la perte de fonctionnalité
des cellules β qui conduit au diabète T2 (le
-68-
diabète de type 1 qui est dû à une destruction auto-immune est une autre pathologie ;
il apparaît généralement chez des sujets
jeunes). Le diabète T2 est aggravé par
l'obésité car, chez les personnes obèses, l'excès de graisses en induisant l’insulino-résitance perturbe l'action de l'insuline qui ne
parvient plus à réduire la concentration de
sucre dans le sang. Cependant, la très grande
majorité des personnes obèses ne deviendront pas diabétiques de type 2.
Actuellement, on observe une nette augmentation de la prévalence de ce type de diabète
(de quelques millions en 2000 dans les pays
industrialisés, on estime que le nombre de
personnes diabétiques T2 atteindra 60 millions en 2030). Ce phénomène est également
très préoccupant dans les pays en développement, puisque l'on passera de 150 millions de
cas en 2000 à plus de 300 millions en 2025.
Cependant, il faut employer un traceur du
glucose et perfuser des doses très faibles
d’hormone car le foie est beaucoup plus sensible que le muscle à l'insuline.
Le transport de glucose
dans le muscle (schéma 1)
Le récepteur de l'insuline est un dimère
transmembranaire à activité tyrosine kinase.
Lorsque l'insuline se fixe sur son récepteur,
celui-ci s'auto-phosphoryle sur ses résidus
tyrosine.
Cette
auto-phosphorylation
entraîne le recrutement de protéines qui sont
des substrats du récepteur. Celles-ci vont à
leur tour être phosphorylées par l'activité
tyrosine kinase du récepteur. Les tyrosines
phosphorylées servent d'ancrage à des protéines de signalisation. Parmi elles, on trouve
la PI3 kinase qui, une fois activée, produit un
second messager de l'insuline, le PIP3 (un
phospho-inositol-phosphorylé). Celui-ci entraîne l’activation de toute une série de
kinases qui aboutit à la kinase PKB/AKT. Cette
dernière activation permet la translocation à
la membrane cellulaire de vésicules intracellulaires contenant des transporteurs de glucose, Glut 4. Ceci entraîne une augmentation
du nombre de transporteurs à la membrane
permettant une entrée massive du glucose
dans la cellule. Ces phénomènes sont
extrêmement rapides puisque l'enchaînement des cascades de phosphorylations suiv-
Mesure de la sensibilité musculaire
à l'insuline in vivo
La méthode de référence qui permet d'estimer la sensibilité ou la résistance à l'insuline, chez l'animal comme chez l'homme, est
le clamp euglycémique hyperinsulinémique.
Sur des sujets alités, on installe des cathéters
pour faire les perfusions et les prélèvements.
Après une période de repos et d'adaptation,
on perfuse l'insuline à des débits assez importants, éventuellement par paliers. Pour maintenir la glycémie constante, on perfuse le glucose en même temps que l'insuline. La quantité de glucose perfusée permet d'estimer la
quantité utilisée par les tissus en réponse à
l'insuline. Chez une personne diabétique de
type 2, la quantité de glucose qu'il faut perfuser pour maintenir la glycémie est beaucoup moins importante que chez un sujet
témoin. Cette moindre utilisation est due
principalement à un défaut musculaire d’action de l’insuline sur l’utilisation du glucose.
Cette méthode du clamp euglycémique permet aussi de mesurer l'effet de l'insuline sur
la production hépatique de glucose.
Schéma 1 : Le transport de glucose
dans le muscle.
-69-
ies de la translocation de Glut 4 ne prend que
trois à cinq minutes lorsque l’on met de l’insuline sur des cellules in vitro. Aujourd'hui,
on cherche à savoir quelles sont les protéines
qui interviennent dans la fusion des membranes des vésicules avec la membrane
externe.
porteurs de glucose, en particulier Glut4
(alors qu’on observe une diminution de Glut4
dans le tissu adipeux de patients diabétiques).
- Nous avons ensuite montré que l’activation
de PKB ou de AKT est altérée dans le muscle
de patients diabétiques de type 2, du fait
d’une anomalie de phosphorylation sur des
résidus sérine particuliers (AKT pSer 473 chez
l’homme). Seule AKT2, une des trois isoformes d’AKT, est affectée.
Mécanismes moléculaires
de l'insulino-résistance musculaire
chez les diabétiques
Mise au point d'un modèle cellulaire
- Puis nous avons constaté une diminution de
l’activation de la PI3Kinase résultant d’une
diminution de la phosphorylation d’IRS-1 (et
pas des autres IRS présents dans le muscle) sur
des résidus tyrosines alors que le récepteur à
l’insuline et son activité tyrosine kinase sont
normaux. Nous avons montré que cette
anomalie de phosphorylation d’IRS1 sur des
résidus tyrosine est associée à une augmentation de la phosphorylation sur des sérines,
que ce soit ou non en réponse à l’insuline. En
fait, chez les patients diabétiques T2 et de
façon constitutive, la phosphorylation d’IRS1
sur sérine est plus importante.
A partir de biopsies de muscle (de 70 à 150
mg, soit la taille d’un petit pois) prélevées
sous anesthésie locale en ambulatoire et réalisées avant et après la perfusion d’insuline,
nous avons préparé des cultures de cellules
musculaires humaines. Grâce à un protocole
mis au point par une équipe américaine au
début des années 2000, nous avons obtenu
des myotubes polynucléés capables de se
contracter dans la boîte de culture. Nous
avons démontré que l’on peut maintenir, in
vitro, l’insulino-résistance des cellules musculaires humaines en culture préparées à partir
de biopsies de patients diabétiques. Grâce à
ce modèle, nous avons pu mettre en évidence
que la stimulation du transport de glucose
par l’insuline est altérée dans les myotubes
de patients diabétiques. Ceci nous a ensuite
permis d'identifier les mécanismes en cause
dans l’insulino-résitance musculaire chez ces
patients.
La phosphorylation d'IRS-1
D'autres équipes se sont intéressées aux
mécanismes qui empêchent l'action de l'insuline (schéma 2). La liaison de l'insuline à son
récepteur stimule l’activité tyrosine kinase du
récepteur entraînant la phosphorylation des
IRS, dont IRS-1, sur des résidus tyrosine. Les
IRS sont des très grosses protéines qui contiennent une vingtaine de sites de phosphorylation sur tyrosine et une trentaine sur sérine
ou thréonine. Pour activer la PI3kinase, il faut
qu'il y ait une double phosphorylation de
deux motifs tyrosine situés à quatre acides
aminés l'un de l'autre, sans quoi l'interaction
avec la sous-unité régulatrice de la kinase ne
peut se faire.
Altérations dans la voie de signalisation
Pour expliquer pourquoi, chez les patients
diabétiques, le glucose ne pénètre pas aussi
bien dans les cellules musculaires en réponse
à l’insuline, nous avons voulu savoir au
niveau de quelle(s) étape(s) de la voie de signalisation insulinique (schéma 1) pouvait se
situer une anomalie.
- Tout d’abord, nous avons confirmé les résultats obtenus par une équipe suédoise peu de
temps auparavant : il n’y a aucune anomalie
dans les niveaux d’expression des trans-
A la suite de nos travaux, de nombreux
auteurs ont démontré : 1) que l'insulino-résistance musculaire dans le diabète de type 2
-70-
Schéma 2 :
est associée à un défaut de régulation de la
phosphorylation d'IRS-1, et 2) que l'augmentation de la phosphorylation de résidus
sérine empêche la phosphorylation normale
de résidus tyrosine situés à proximité, et donc
la propagation intracellulaire du signal de
l'insuline. L'article 1 en fait la démonstration
in vivo avec une approche élégante de transgenèse.
Lipides intramusculaires
et sensibilité à l'insuline
Depuis quelques années, on s'intéresse à
l'anomalie du métabolisme des lipides chez
des patients diabétiques de type 2. Dans les
muscles de ces patients, plusieurs études ont
mis en évidence des accumulations de lipides
similaires à celles observées chez des rongeurs
soumis à un régime enrichi en lipides. Plus
que des adipocytes infiltrés entre les fibres, il
s'agit de dépôts de lipides intracellulaires. Les
relations entre ces lipides et la sensibilité à
l'insuline font l'objet des articles 2 et 3.
Pourquoi cette phosphorylation d'IRS-1
sur sérine ?
IRS-1 peut être phosphorylé sur plus d'une
trentaine de sites sérine ou thréonine. De très
nombreuses kinases sont capables de phosphoryler IRS-1, y compris la PI3Kinase ellemême. Néanmoins, une hyper-phosphorylation de sérines pourrait aussi être due à un
défaut d’action de phosphatases, puisque
certaines phosphatases éliminent spécifiquement les phosphates des résidus sérine. On
peut donc imaginer que dans le diabète de
type 2, il y a une diminution de cette activité
phosphatase spécifique sur IRS-1.
Accumulation d’intermédiaires
du métabolisme des lipides
Dans notre laboratoire, nous avons utilisé
plusieurs approches pour accumuler des lipides, sous formes de gouttelettes de triglycérides, dans des cellules musculaires
humaines. Quelle que soit la méthode utilisée (agents pharmacologiques agonistes des
récepteurs nucléaires LXR, surexpression des
facteurs de transcription activant la
lipogenèse, incubations avec des acides
gras…), nous n’avons jamais observé de mod-71-
tré une diminution de l’oxydation des acides
gras dans le muscle de personnes insulinorésistantes, qu’elles soient diabétiques ou
non. Les personnes obèses qui font de l’exercice physique pour augmenter leur capacité
oxydative ont toujours une oxydation
lipidique plus faible que les personnes minces
soumises au même exercice. Au début des
années 2000, plusieurs équipes ont souligné
l’existence d’anomalies fonctionnelles et
morphologiques des mitochondries dans le
muscle de patients diabétiques. Les auteurs
de l'article 4 se sont intéressés à ces dysfonctionnements mitochondriaux. Peu de temps
après, d'autres équipes ont montré qu'il y a
chez les patients diabétiques T2 une diminution de l'expression de gènes clés de la mitochondriogenèse (PGC1α, NRF1).
ification de la sensibilité à l’insuline. En fait,
l’insulino-résistance ne dépend pas directement des triglycérides intracellulaires, mais
de l’accumulation d’autres intermédiaires du
métabolisme des lipides, tels que les acylCoA,
les diglycérides et les céramides.
Cette théorie permet de comprendre
pourquoi, dans certains cas d’accumulation
de lipides intramusculaires, les patients
restent insulino-sensibles et, dans d’autres
cas, on observe une insulino-résistance sans
qu’il y ait accumulation de lipides dans les
muscles.
Déjà dans les années 70, plusieurs équipes
avaient montré le rôle déterminant du diacylglycérol dans le contrôle de la signalisation
de l’insuline. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde pour dire que l’accumulation de ce
type d’intermédiaires du métabolisme des
lipides serait responsable de l’insulino-résistance, mais une question se pose : pourquoi
observe t-on cette accumulation dans le muscle chez les patients diabétiques T2 ?
Il semble que des anomalies mitochondriales
et la baisse de l’oxydation lipidique dans le
muscle de diabétiques concourent à réorienter le métabolisme des lipides vers leur stockage
sous
forme
de
triglycérides.
L’accumulation simultanée d’intermédiaires
inhibe l’action de l’insuline et crée une insulino-résistance. (schéma 3). D’après certains
chercheurs, si le diabète avait une cause
génétique, elle impliquerait les gènes qui
contrôlent la mitochondriogenèse ou la fonction mitochondriale.
Le rôle d’un dysfonctionnement
mitochondrial
Le muscle consomme énormément de lipides.
Les acides gras sont même les substrats
énergétiques préférentiels du muscle
squelettique au repos. Des recherches
menées au début des années 90 avaient mon-
Théorie actuelle
de l’insulino-résistance
dans le diabète T2
Schéma 3 : Les anomalies mitochondriales
sont responsables de l’insulino-résistance.
Le défaut mitochondrial n’est pas la cause
de l’insulino-résistance
La mitochondrie et la mitochondriogenèse
sont extrêmement sensibles à l’insuline. Si
l’insuline ne fonctionne plus correctement, si
elle ne contrôle plus les mitochondries, on
peut penser que celles-ci vont s’altérer ; c’est
en quelque sorte un cercle vicieux. En fait,
cette hypothèse est fausse. Nous l’avons
testée chez l’animal et une autre équipe chez
l’homme. Chez la souris rendue obèse et dia-72-
bétique par un régime hypercalorique, les
anomalies mitochondriales ne précèdent pas
l’installation de l’insulino-résistance et ne
sont pas présentes dans un modèle génétique de diabète. En d’autres termes, il existe
des modèles animaux qui sont insulino-résistants sans qu’il y ait d’anomalies mitochondriales. Chez les personnes diabétiques, on
sait restaurer les mitochondries et une partie
de l’oxydation lipidique sans restaurer la sensibilité à l’insuline. Il existe donc bien des
interactions entre dysfonctionnement mitochondrial et diabète de type 2, mais il ne
s’agit pas d’un lien de causalité.
- contrôle du stress oxydant (anti-oxydants,
polyphénols, oméga 3…).
De nombreux travaux sont en cours pour
tester ces pistes et nous espérons que certaines permettront de mettre au point les
médicaments de demain qui manquent
encore cruellement aux patients diabétiques.
Discussion
Quelles anomalies présente la souris KK que
vous avez utilisée ?
C’est une souris hyper-insulinique spontanément obèse. Le développement de son diabète ressemble à celui que l’on observe chez
les souris ob/ob ou db/db, mais il n’est pas lié
à une mutation du gène de la leptine ou de
son récepteur. Les souris KK présentent une
insulino-résistance massive due à l’obésité
puis, après la décompensation, elles deviennent diabétiques. Ceci dit, nous n’avons pas
non plus trouvé d’anomalies mitochondriales
dans les muscles des souris ob/ob.
Stress oxydant et altérations
mitochondriales
Chez des souris rendues diabétiques par un
régime hypercalorique, on observe une augmentation du stress oxydant (augmentation
des concentrations circulantes d’H2O2 et de
la carbonylation des protéines dans le muscle) après 16 semaines. On pense maintenant
que ce stress, induit par l’accumulation de
substrats glucidiques ou lipidiques, est
responsable des anomalies mitochondriales.
Celles-ci ne se produisent d’ailleurs plus dès
que l’on donne des anti-oxydants à ces souris.
Diabète et comportement.
En situation basale, une personne diabétique
T2 a un turn-over de glucose normal et une
oxydation de glucose normale (si la mitochondrie était anormale, l’oxydation du glucose aurait dû être affectée comme celle des
lipides). Autrement dit, la glycémie est augmentée, alors qu’il n’y a pas d’anomalies
périphériques évidentes. Certaines études
ont montré que la meilleure façon de soigner un diabète était d’avoir une activité
physique pendant 40 minutes, 3 fois par
semaine. Nous n’avons que 2 manières de
modifier la quantité de lipides oxydés : le
jeûne et l’activité physique. Dans cette maladie multifactorielle, on voit à quel point il y
a une intrication entre des anomalies potentiellement génétiques, le cadre de vie, l’activité physique, le régime alimentaire... Des
modifications de notre comportement peuvent donc avoir des effets pharmacologiques
très importants. Je voudrais insister sur l’importance de l’activité physique : un patient
Conclusion
Des avancées importantes ont été faites ces
dernières années, mais beaucoup de questions restent sans réponse. Par exemple, on
ignore toujours quels sont les mécanismes
moléculaires causant les anomalies mitochondriales en situation de stress oxydant.
Néanmoins, ces avancées récentes permettent d’envisager de nouvelles pistes pour
soigner et prévenir l’insulino-résistance et le
diabète de type 2 :
- stimulation de l’oxydation lipidique (exercice, AMPkinase, agonistes PPARα et β…) ;
- modulation du métabolisme lipidique
(oméga 3, inhibiteurs de synthèse des
céramides…) ;
-73-
à une agression. Le problème des diabétiques
de type 2 n’est pas l’insulino-résistance mais le
retour à une situation de sensibilité, car à un
moment donné de leur évolution quelque
chose induit une insulino-résistance : cela peut
être un stress important, des troubles hormonaux (grossesse, adolescence…) et,
pourquoi pas, la phosphorylation d’IRS-1 ?
Quand on est à jeun, on est en insulino-résistance. Si, quand on recommence à manger, le
retour à la normale ne se fait pas suffisamment
bien ou suffisamment vite, cette situation peut
devenir pathologique. Aujourd’hui, nous pensons que la cause de l’insulino-résistance pourrait être la non réversion d’un phénomène normal et physiologique en réponse à une situation de stress de l’organisme.
diabétique de type 2, qui a une insulino-résistance importante et qui suit un programme
d’activités physiques peut réverser son insulino-résistance. Si l’anomalie était mitochondriale, ce ne serait pas le cas.
Commentaire sur le rendement énergétique
Le rendement énergétique pour les glucides
est différent de celui pour les lipides. Pour
faire simple, la glycolyse ne produit que du
NADH, tandis que la β-oxydation produit du
NADH et du FADH2. Le premier pénètre au
niveau du premier complexe de la chaîne respiratoire, le second au niveau du deuxième
complexe. Le rendement énergétique est
beaucoup moins bon pour les lipides (30 %
de différence), mais il est plus rapide. Il y a
structurellement des différences mitochondriales importantes entre les glucides et les
lipides, mais une anomalie des mitochondries
vaut pour les deux.
J’aime bien cette notion d’insulino-résistance
physiologique quand c’est réversible, et
pathologique quand çà ne l’est pas. La
grossesse est un bon exemple. Elle correspond à une insulino-résistance physiologique. C’est un des mécanismes d’adaptation qui permet d’augmenter la fourniture
d’énergie vers le fœtus. Après l’accouchement, l’insulino-résistance est complètement
corrigée. Cela impose néanmoins un stress ;
c’est la raison pour laquelle on parle de diabète gestationnel. Parfois, certaines modifications ne sont pas totalement compensées,
en particulier pour le pancréas qui n’arrive
pas à s’adapter au surplus d’insuline qu’il doit
fournir, même de façon transitoire. Ce serait
intéressant de montrer, sur des modèles animaux, que la réversion est totale ou partielle
selon que l’on a une situation physiologique
ou pathologique.
Qu’est-ce qui fait qu’une mitochondrie
«choisit» de brûler des glucides ou des lipides ?
Tout commence avec l’activation des substrats. Les tissus qui peuvent en oxyder des
quantités importantes sont les tissus insulinodépendants, c’est à dire essentiellement le
muscle et le tissu adipeux. Depuis très
longtemps, on sait que de très petites doses
de découplants modifient profondément la
résistance à l’insuline. Par exemple, les bodybuilders qui veulent avoir de gros muscles
mais pas de graisse utilisent un produit de
dopage extrêmement répandu : le nitrophénol. C’est un découplant qui brûle les lipides. Les bodybuilders appellent cela « se
sécher ». On voit qu’il existe un lien entre
mitochondrie, sensibilité à l’insuline et choix
du substrat. Aujourd’hui, il est impossible
d’affirmer que c’est la mitochondrie anormale qui explique l’insulino-résistance et non
le contraire. Par contre, il serait important de
savoir si c’est une cible médicamenteuse.
L’intestin est-il une cible pour l’insuline ? Existe
t-il, à son niveau, une régulation de l’absorption du glucose et une régulation de l’absorption, voire de la sécrétion, des lipides ?
Pratiquement toutes les cellules disposent de
récepteurs à l’insuline, celles de l’intestin
comme les autres. Je ne pense pas que l’action de l’insuline sur les cellules de l’intestin
L’insulino-résistance n’est pas une maladie ;
c’est la réponse de cellules sensibles à l’insuline
-74-
stress oxydant ou une inflammation entretiennent ce cercle vicieux, que l’insulino-résistance de transitoire devient chronique.
ait un effet sur l’entrée ou l’utilisation du
glucose. Par contre, je pense qu’il y a un effet
sur l’oxydation du glucose, mais c’est l’effet
biologique normal de l’insuline sur n’importe
quels types de cellule : elle provoque l’utilisation préférentielle du glucose par rapport
aux acides gras. Il est important de faire la
différence entre des organes qui ont un rôle
dans le contrôle de l’homéostasie globale
(foie, muscle, tissu adipeux) et ceux qui ont
besoin de faire de la glycolyse, de la
lipogenèse. Nous nous sommes intéressés ici
au rôle de l’insuline en tant que modulateur
du métabolisme énergétique. Je ne suis pas
sûr que les taux circulants d’insuline qui
arrivent dans le tissu intestinal, même en
période postprandiale, soient très élevés. De
plus, l’insuline peut avoir un effet trophique
et non métabolique.
Si mon médecin me détecte un diabète de
type 2. Quel doit être mon régime ? Dois-je
manger beaucoup d’oméga 3 ?
Un médecin diabétologue ne cherche pas
réellement à corriger une insulino-résistance,
mais il va essayer de prévenir les complications du diabète et tenter de contrôler la glycémie, cause principale de ces complications.
Concernant le régime alimentaire, il dira :
« mangez moins, plus équilibré, pratiquez
une activité physique, ayez une hygiène de
vie…». Aujourd’hui, à côté des médicaments,
deux traitements sont efficaces contre le diabète T2 : perdre du poids et faire de l’exercice physique (40 minutes d’efforts modérés
par jour suffisent). L’utilisation des oméga 3
peut être à double tranchant. Ce sont des
substrats très peroxydables puisqu’ils ont
plusieurs doubles liaisons. En fonction de leur
concentration, ils peuvent être pro- ou antioxydants !! On sait aussi qu’ils stimulent la
transcription des enzymes anti-oxydantes et
jouent sur la fluidité des membranes.
Plusieurs travaux ont ainsi montré qu’en
modifiant la fluidité membranaire les oméga
3 changeaient la sensibilité à l’insuline et
diminuaient les complications neurologiques
dégénératives. Des travaux de notre équipe
montrent cependant que leurs effets sont
très dépendants le la quantité et de la forme
ingérée
(acides
gras,
triglycérides,
précurseurs). D’autres études sont nécessaires
avant de dire si et comment la consommation
d’oméga 3 pourra être conseillée aux
patients diabétiques. Une étude clinique
ayant cet objectif est en cours dans notre laboratoire.
Vous nous avez dit que l’inflammation était
la cause de la phosphorylation d’IRS-1 sur les
sérines. Ne peut-on pas plutôt imaginer que
la mise en place de l’insulino-résistance par
un autre mécanisme pourrait créer cette
inflammation avec la production de
cytokines inflammatoires qui engendreraient
la cascade des kinases ? L’inflammation ne
ferait qu’entretenir le système, mais n’en
serait pas la cause.
Dans un système de cercles vicieux, tout est
possible. Ce que l’on peut dire c’est qu’une
perfusion de TNF-α induit, chez des souris
normales, une insulino-résistance et que le
mécanisme qui l’induit est la phosphorylation
d’IRS-1 sur les résidus sérines 301 et 307.Cela
peut se produire lors d’un choc septique,
d’une inflammation, ou même d’une vaccination. C’est pour cela que l’insulino-résistance
n’est pas une situation physio-pathologique,
n’est pas un diabète ; c’est un des moyens
qu’à tout type cellulaire d’épargner ses substrats et de se défendre contre une agression.
C’est le cas des cellules qui placées en hypoxie deviennent insulino-résistantes. Je pense
que les pathologies arrivent dès lors qu’un
-75-
La signalisation insulinique
Article 1 :
Elle se fait via deux voies principales (schéma
4) : la voie PI3K/PKB, qui permet la stimulation du transport du glucose et la synthèse de
glycogène, et la voie des MAPK, qui exerce
un effet positif sur la croissance cellulaire.
Lorsque l'insuline se fixe sur son récepteur IR,
celui-ci s'auto-phosphoryle sur des résidus
tyrosine, ce qui permet le recrutement des
protéines IRS, et notamment IRS-1, au niveau
musculaire. La cascade des phosphorylations
sur les tyrosines entraîne le recrutement de
PI3K et conduit in fine au transport de glucose via Glut4 et à la synthèse de glycogène.
« Des souris transgéniques
dont le site IRS-1 Ser a été muté
sont protégées du développement
de l'insulino-résistance musculaire
induite par les régimes gras »
Introduction
La glycémie est très finement régulée
puisqu'elle doit avoisiner 1g/l. Lorsqu'elle
augmente, notamment au cours d’un repas,
on observe une augmentation de la capture
du glucose au niveau des tissus insulino-sensibles et le stockage du sucre sous forme de
glycogène dans le foie et le muscle. Lors d'un
jeûne, la glycémie baisse et la production
endogène de glucose est augmentée afin de
rétablir la glycémie à son niveau normal.
L'insuline est l'hormone hypoglycémiante
majeure de l'organisme ; elle est sécrétée par
les cellules β du pancréas après un repas.
L'insulino-résistance musculaire
et phosphorylations de résidus sérine
L'insulino-résistance est un état pathologique
dans lequel les tissus insulino-dépendants ne
répondent plus aux niveaux normaux d'insuline circulante. Dans les muscles, ce que l’on
appelle l'insulino-résistance périphérique se
traduit par une cascade d'événements : une
Schéma 4 : La signalisation insulinique se fait via deux voies principales
Source : Le Marchand-Brussel et al. BST, 2003
-76-
Schéma 5 : Phosphorylations en sérine et insulo-résistance musculaire
accumulation intramusculaire de lipides, une
diminution de la phosphorylation des tyrosines
d’IRS1, ce qui empêche l'association IRS1/PI3K,
puis l’activation de la PI3K et enfin diminue
fortement le transport de glucose insulinodépendant. Parallèlement à la baisse de la
phosphorylation des résidus tyrosine sur IRS-1,
on observe, chez l'homme et de nombreux
modèles animaux, l'apparition de phosphorylations de résidus sérine d’IRS-1, notamment
sur les résidus Ser 302, Ser 307, Ser 612, Ser 636.
Résultats
- Chez les souris Tg IRS-1 Ser Ala, il y a une
surexpression d’IRS-1 mutée comparée aux
témoins et spécifiquement dans les muscles
squelettiques. De même, chez les Tg IRS-1
WT, on observe une surexpression de IRS-1
sauvage.
- Augmentation de la phosphorylation en Ser
307 et surtout Ser 612 chez les souris insulinorésistantes recevant une alimentation riche
en graisses (HFD) ; pas d'augmentation de la
phosphorylation en sérine, mais diminution
de IRS-1 total chez les souris insulino-résistantes ob/ob (obèses et diabétiques).
Il existe plusieurs hypothèses quant au rôle
des phosphorylations des sérines dans l'insulino-résistance musculaire (schéma 5) :
1) inhibition de l'association IR/IRS-1 ;
- Chez les souris transgéniques surexprimant
la protéine IRS-1 mutée qui reçoivent un
régime standard, le métabolisme glucidique
n'est pas modifié ; elles sont tolérantes au
glucose. Chez les souris qui reçoivent un
régime enrichi en graisses (qu'elles soient
sauvages, transgéniques exprimant IRS-1
sauvage ou transgéniques exprimant IRS-1
mutée), une intolérance au glucose se
développe, mais sans hypersécrétion d'insuline. Chez les souris Tg IRS-1 mutée, l'intolérance est cependant moins prononcée.
2) inhibition de l'association IRS-1 avec la
sous-unité P85 de PI3K ;
3) dégradation d'IRS-1 par le protéasome. Les
auteurs de cet article ont cherché à savoir si
l'augmentation de la phosphorylation de
résidus sérine sur IRS-1 joue un rôle causal
dans l'instauration de l'insulino-résistance
musculaire induite par des régimes gras ou si
elle est associée à l’insulino-résistance. Pour
cela, ils ont créé des souris transgéniques surexprimant spécifiquement dans le muscle
(utilisation d’un promoteur de la chaîne
légère de la myosine) :
- Chez les souris transgéniques exprimant
IRS1 muté, on observe une meilleure sensibilité à l'insuline, une meilleure capture du glucose musculaire, aucune modification de la
production endogène de glucose. L'absence
de phosphorylation des serines sur IRS-1 pro-
- soit la protéine IRS-1 sauvage (Tg IRS-1 WT)
- soit la protéine IRS-1 dont les sérines 302,
307 et 612 ont été mutées en alanines, donc
non phosphorylables (Tg IRS-1 Ser Ala).
-77-
tège donc du développement de l'insulinorésistance musculaire.
impliquées dans le développement de l'insulino-résistance musculaire induite par les
régimes riches en graisses, mais elles ne sont
pas seules en cause.
- Chez les souris Tg IRS-1 Ser Ala, il y a une
meilleure réponse à l'injection d'insuline à chacune des étapes de la voie de signalisation :
augmentation de l'activité de la PI3K associée
à IRS-1, augmentation de la phosphorylation
des tyrosines sur IRS-1, meilleure association
entre IRS-1 et la sous unité P85 de la PI3K,
meilleure phosphorylation de la protéine
AKT mais uniquement chez les souris HFD.
Cela signifie-t-il qu'il existe une meilleure
translocation de Glut4 à la membrane ?
Discussion
Commentaire.
Cet article a été publié en 2008. Avant lui,
toutes les études avaient été faites sur des
modèles de cultures cellulaires. Il présente
néanmoins
quelques
imperfections
méthodologiques mais, comme les auteurs
ont une renommée internationale, l'article a
tout de même été accepté dans « Diabetes ».
- On sait que l'insulinorésistance et l'intolérance au glucose peuvent apparaître au
cours du vieillissement. Les souris Tg IRS-1
mutée âgées ont une meilleure tolérance au
glucose que les souris sauvages âgées, malgré
une sécrétion d'insuline identique. Bien
qu'obèses, les souris Tg IRS-1 Ser Ala/ob/ob
ont une meilleure régulation de la glycémie
que les souris sauvages ob/ob, ce qui pourrait
s'expliquer par une meilleure capture du glucose par les muscles.
Que deviennent l'insuline et son récepteur
après la liaison ?
C'est une question très pertinente. On sait
que le complexe insuline et récepteur de l'insuline est internalisé (grâce aux zones riches
en clathrines des récepteurs). On pense que
le récepteur est ensuite recyclé. On ne peut
pas exclure que le processus internalisation/
recyclage joue un rôle dans la pathologie,
mais pour l'instant on n'a pas de preuves.
Conclusion
La phosphorylation des résidus tyrosine est
meilleure chez les souris transgéniques surexprimant IRS-1 mutée. Les phosphorylations
des serines 302 et 307 empêcheraient donc
l'association entre la protéine IRS-1 et le
récepteur à l'insuline.
Article 2 :
« Effets de l’injection intraveineuse
de lipides ou d’un régime
hypercalorique sur le contenu
lipidique des cellules musculaires
et sur la sensibilité à l’insuline
chez l’homme »
On ne peut cependant pas exclure une deuxième hypothèse, car la mutation de la sérine
612 pourrait avoir des conséquences sur l'association d’IRS-1 avec la PI3K et expliquer
l'augmentation que l’on observe de cette
association chez les souris transgéniques.
Introduction
Le diabète de type 2 est une maladie qui se
développe tant dans les pays développés que
dans les pays en voie de développement. Il
touche 4 % de la population française. Il est
lié, entre autres, au mode de vie, à l'alimentation, à l'activité physique, à l'augmentation
de l'espérance de vie. Il entraîne des complications cardiaque, rénale, vasculaire, visuelle…
Plusieurs facteurs influencent le diabète T2 et
Les souris transgéniques qui surexpriment la
protéine IRS-1 sauvages ne sont pas protégées contre le développement de l'insulino-résistance. Cette protection est due à l'absence de phosphorylation des sérines et non
à la surexpression d'IRS-1. Les phosphorylations de résidus sérine seraient donc
-78-
l'insulino-résistance : l'hyperglycémie, l'excès
d'acides gras libres circulants et les triglycérides stockés en excès dans le muscle. La
lutte contre cette pathologie passe par une
modification de l'hygiène de vie (lutte contre
certaines habitudes alimentaires, augmentation de l'activité physique) et des traitements
médicamenteux.
- Lors d’un régime riche en graisses, la sensibilité à l'insuline diminue et le taux d'IMCL
augmente, ceux de l'insuline et des NEFA
restant inchangés.
L'augmentation de la concentration du glucose dans le sang augmente la production
d'insuline par les cellules β pancréatiques.
L'hormone se lie à son récepteur et agit sur
les muscles squelettiques pour favoriser la
glycogenèse et la lipogenèse. Dans le cas
d'un diabète de type 2, les muscles squelettiques deviennent insulino-résistants, ce qui
provoque une hyperglycémie. Les cellules β
pancréatiques produisent alors plus d'insuline. Ce cercle vicieux épuise les cellules productrices d’insuline et aggrave l'état du
patient.
Discussion
- Lors d’un régime pauvre en graisses, la sensibilité à l'insuline n'est pas modifiée, tout
comme les taux d'IMCL, de glucose, d'insuline
et des NEFA.
L'alimentation riche en lipides n'a été donnée que pendant trois jours. Cela me paraît
être un temps très court.
Lors de régimes de courte durée, 4 ou 5 jours,
on voit très bien le changement du taux de
lipides intracellulaires. Par contre, concernant
la sensibilité à l'insuline, je suis étonné de
leurs résultats. Dans notre laboratoire, nous
avons fait des manips avec des régimes qui
duraient 4 semaines et nous n'avons pas
observé d'impact sur la sensibilité à l'insuline.
Peut-être y a-t-il des effets transitoires ou des
effets compensatoires qui rétablissent une
situation normale après un certain temps. Je
voudrais aussi rappeler que l'on ne crée pas
un diabète en donnant une alimentation
riche en lipides pendant 4 jours. La baisse de
sensibilité à l'insuline qu'ils observent est significative mais elle reste dans la normalité.
Les auteurs de cet article avaient pour objectif d'étudier l'impact de l'hyper-insulinémie
et de l'augmentation des acides gras non
estérifiés circulants (NEFA) sur la formation
des lipides intramyocellulaires (IMCL) et l'insulino-résistance.
Résultats
Les auteurs de l'article n’ont pas tenu compte
de l’apport calorique. Pourtant, dans les
manips où l'on change le régime des animaux, on doit leur donner des régimes
isocaloriques.
- L'injection intraveineuse de lipides, avec ou
sans insuline, provoque une augmentation
de la quantité d'insuline et de la quantité
d'acides gras dans le sang.
- L'injection intraveineuse de lipides et d'insuline diminue le taux de glucose, la sensibilité à l'insuline et augmente le taux de lipides
intramusculaires.
Cet article ne serait pas accepté aujourd'hui.
Il l'a été en 2001 car c'était la troisième publication qui présentait des mesures de RMN
sur des lipides intramusculaires (sujet très à la
mode à cette époque). Il a d'ailleurs eu un
certain impact puisqu'il a été cité 120 fois en
7 ans. Si l'on fait attention, on remarque que
les résultats sont faibles et que beaucoup de
points sont critiquables. Par exemple : les
valeurs qu’ils obtiennent ne présentent pas
de grosses différences ; ils n'ont pas fait de
- L'injection d'insuline seule augmente le
taux de glucose, mais le taux d'IMCL reste
constant.
- Il existe une corrélation négative entre le
taux de glucose et le taux d'IMCL dans le
muscle.
-79-
contrôle glycérol seul, pourtant l’injection
d’intralipides apporte, comme vous le dites,
une charge calorique.
- modifie la sensibilité à l'insuline et la production endogène de glucose (EGP) ;
- augmente l'accumulation des lipides intracellulaires dans le muscle et le foie.
Commentaire sur la pertinence des protocoles expérimentaux.
Les auteurs ont cherché à établir un lien entre
les lipides intracellulaires et la sensibilité à
l'insuline.
Même lorsque les modèles et les protocoles
sont parfaits, qu'ils permettent de répondre de
façon claire à la question posée, on est souvent
loin d'une situation physiologique. La situation
réelle est très difficile à contraindre. C’est tout
l'art de la recherche et en particulier de la
recherche clinique chez l'homme.
Conclusion
Chez les patients diabétiques non traités avec
l'insuline, le taux des lipides intrahépatiques
est fortement associé à l'insulino-résistance.
Chez ces patients, le traitement à l'insuline :
Article 3 :
- diminue la production endogène de glucose ;
« Effets d'un traitement à l'insuline
sur le contenu intracellulaire
lipidique au niveau du foie
et des muscles squelettiques
chez les patients atteints de diabète
de type 2 »
- diminue la concentration plasmatique des
acides gras libres (inhibition de la lipolyse par
l'insuline) ;
- induit l'accumulation des lipides intramusculaires et intrahépatiques ;
- ne modifie pas la sensibilité à l'insuline.
Introduction
Discussion
Le diabète de type 2 est caractérisé par un
déficit de la sécrétion d'insuline associé à une
insulino-résistance. Celle-ci se traduit par différents désordres métaboliques : 1) une
hyperglycémie due à une augmentation de la
production endogène de glucose et à une
diminution de son utilisation ; 2) une accumulation des lipides intrahépatiques (IHCls) et
intramusculaires (IMCLs) ; 3) une augmentation du taux plasmatique des acides gras
libres (FFA).
Commentaire : un article intéressant
Pour traiter un diabète T2 et pallier la glycémie, on administre de l'insuline. Cette hormone pourrait avoir des conséquences négatives : elle stimulerait la lipogenèse, augmenterait les IMCLs et les IHCls, et altérerait la
sensibilité générale à l'insuline.
Cet article montre qu'il existe une corrélation
inverse entre la sensibilité à l'insuline et le
taux de lipides intracellulaires. La sensibilité à
l'insuline est améliorée parce que le glucose
est mieux utilisé. Il sert à fabriquer des lipides
qui se déposent dans le muscle et surtout
dans le foie. L'effet contradictoire est dû au
fait que l'insuline a un effet métabolique chez
les diabétiques, puisqu'elle permet l'utilisation du glucose à des fins de lipogenèse. Estce une lipogenèse de novo à partir du glucose
présent dans le muscle, ou une lipogenèse
hépatique avec une augmentation des VLDL
et une redistribution des lipides ? L'important
est de pouvoir dissocier les lipides intracellulaires de la sensibilité à l'insuline.
L'objectif de ce travail a été de déterminer si
l’administration d'insuline, sur des durées
courtes ou longues, à des patients atteints de
diabète T2 :
Finalement, cet article montre que les lipides
peuvent s'accumuler dans le muscle sans
poser de problèmes. Il peut même y avoir une
hypersensibilité à l’insuline. C’est le cas des
-80-
le métabolisme glucidique, l'insulino-résistance se traduit par une baisse du transport
du glucose, une baisse de sa phosphorylation
et donc une baisse de la synthèse de
glycogène. Concernant le métabolisme
lipidique, elle entraîne l'accumulation de
triglycérides et d'autres intermédiaires
lipidiques, induite notamment par la diminution de l'oxydation des acides gras par les
mitochondries.
athlètes bien entraînés dont les lipides constituent des réserves énergétiques utilisables
par le muscle. Après avoir réalisé le KO de la
lipase ATGL sur des modèles animaux, une
équipe autrichienne a observé que les triglycérides ne sont plus hydrolysés et que les animaux, qui sont alors très sensibles à l'insuline,
accumulent une quantité impressionnante de
lipides dans tous leurs organes. Il existe donc
des phénotypes pour lesquels l'accumulation
de triglycérides peut-être complètement dissociée de la sensibilité à l'insuline.
Les auteurs de cet article voulaient vérifier si,
chez des patients obèses soufrant ou non
d'un diabète T2, le muscle squelettique
présentait une altération de la capacité fonctionnelle de ses mitochondries.
Commentaire : avec cet article,
nous sommes au coeur des grands enjeuxx
actuels pour le traitement du diabète.
Résultats
Pendant longtemps, on a cru qu'il n'existait pas
de lésions hépatiques irréversibles induites par
la nutrition : on ne pouvait pas faire de cirrhose
nutritionnelle ! Avec l'augmentation de
l'obésité, on sait maintenant que l'on peut
arriver jusqu'à la fibrose. Le problème de l'accumulation des lipides dans le foie est aujourd'hui
au centre du traitement du diabète de type 2.
Si pour améliorer une chose (baisser la glycémie), il faut en dégrader une autre (accumuler des lipides dans le foie et augmenter la
surcharge pondérale), cela se discute. Pour les
diabétologues, le risque de l'hyperglycémie est
nettement supérieur à celui du surpoids.
L'industrie pharmaceutique préfère investir
dans la mise au point de médicaments pouvant
améliorer la sensibilité à l'insuline sans
aggraver la surcharge pondérale.
- Le muscle squelettique est très riche en mitochondries et dépend de la phosphorylation
oxydative pour la production d'énergie. Cette
étude montre que les paramètres structuraux
et les capacités fonctionnelles des mitochondries sont altérés dans les cas de diabète de
type 2 et, dans une moindre mesure, chez les
patients obèses.
- Les capacités fonctionnelles des mitochondries sont altérées. D'autres études ont mis en
évidence une perturbation du cycle de krebs.
Ces altérations peuvent provoquer une accumulation de lipides qui, à son tour, peut
causer ou aggraver l'insulino-résistance.
- La structure des mitochondries est également altérée. Ces altérations avaient déjà été
démontrées sur des modèles animaux dans
d'autres tissus (neurones...), mais jamais chez
l'homme. L'âge et le type de fibres musculaires doivent être pris en compte, car ils influent sur la morphologie des mitochondries.
Il existe une corrélation importante entre la
taille des mitochondries du muscle squelettique et le degré de sensibilité à l'insuline. Les
sujets sains qui sont sensibles à l'insuline ont
des aires de mitochondries plus importantes.
Les grandes vacuoles observées chez certaines
personnes obèses et diabétiques correspon-
Article 4 :
« Dysfonctionnements
mitochondriaux dans le muscle
squelettique humain de patients
atteints de diabète de type 2 »
Introduction
Chez les personnes diabétiques T2, on observe
différentes perturbations métaboliques au
niveau des muscles squelettiques. Concernant
-81-
dent à des mitochondries dégénérées. Cette
dégénérescence est un des facteurs de l'apoptose.
toire. Le NADH ne peut franchir les membranes mitochondriales. Par ailleurs, la chaîne
respiratoire sert aussi à oxyder d’autres substrats (glucose, acides aminés). C’est pourquoi
leur interprétation « anomalie mitochondriale = accumulation de lipides » me semble
très réductrice.
Conclusion - perspectives
Les auteurs proposent le mécanisme suivant :
les altérations des capacités fonctionnelles ou
la baisse du nombre de mitochondries
entraîneraient la diminution de l'oxydation
lipidique et l'accumulation des lipides, causant ou renforçant l'insulino-résistance.
Ces reproches sont tout à fait justifiés. Les
auteurs ont depuis publié des articles beaucoup moins critiquables sur la mitochondrie.
J’ai choisi cette publication car les expériences
ont été menées pour la première fois avec des
volontaires humains. Par principe, j’essaie
toujours de citer l’article original et non ceux
qui le citent.
Ils souhaiteraient compléter ce travail en étudiant d'autres paramètres (ADN mitochondrial, composition des phospholipides membranaires...), ainsi que les phénomènes apoptotiques et le caractère réversible ou non des
altérations.
Vous nous avez dit qu’il n’y a pas de corrélation entre l’aire de la mitochondrie et son
activité. Quel intérêt les auteurs avaient-ils de
calculer cette aire pour chaque patient ?
Discussion
C'est une question sans fond et sans fin.
Personnellement, je ne pense pas qu'elle soit
un bon marqueur de la quantité totale de
mitochondries. Dans certaines expériences, on
a observé que son taux était modifié alors que
le nombre des mitochondries restait constant.
Il y a une vingtaine d’années, la quantité de
mitochondries s’exprimait par un nombre
(mesuré sur des coupes au microscope électronique), puis par un volume. Or, pour un
même volume, la surface des membranes
varie de 1 à 3 selon la profondeur des crêtes.
Ensuite, on a voulu quantifier l’activité du
cycle de Krebs en mesurant la citrate-synthase, mais il n’y a pas de relation simple
entre les grosses mitochondries et le nombre
de cycles. Puis on s’est intéressé aux chaînes
respiratoires. Aujourd’hui, on cherche à quantifier le DNA mitochondrial qui connaît pourtant de fortes variations. Si vous soumettez
un papier, tout dépendra malheureusement
de la « sensibilité » du reviewer.
C’est une bonne remarque. Quand on a des
difficultés pour décrire un phénomène, on
étudie toutes ses composantes ; c’est
pourquoi ils se sont intéressés à la chaîne respiratoire, la citrate-synthase, l’aire mitochondriale…. Chaque paramètre pris isolément
n’aurait pas été très convaincant.
Les altérations des mitochondries sont-elles
liées à l’obésité et au diabète ou à la sédentarité des personnes qui soufrent de ces
pathologies ?
Vous soulevez un point très important, car la
sédentarité constitue un biais majeur. On sait
maintenant que l’inactivité entraîne des
dégénérescences mitochondriales au niveau
musculaire qui sont très bien décrites chez le
sujet âgé. D’ailleurs, les auteurs souhaitaient
compléter leurs expériences en proposant des
activités physiques à leurs volontaires.
Il y a une erreur d’interprétation qui ferait
bondir tous les spécialistes en bioénergétique.
Aucune enzyme n’est capable de réoxyder le
NADH en donnant des électrons à l’oxygène :
c’est la réaction globale de la chaîne respira-82-
Hubert Vidal, Directeur de recherche INSERM - Directeur de l’UMR 1235 Régulation
Métaboliques, Nutrition et Diabètes - Lyon
Articles analysés
Article 1 – présenté par Elodie Mutel (USC 2028 – Nutrition et Cerveau - Lyon)
« Muscle specific IRS-1 Ser Æ Ala transgenic mice are protected from fat-induced insulin
resistance in skeletal muscle » - Katsutaro Morino et al., Diabetes, 2008
Article 2 – présenté par Viorica Braniste (UMR 1054 – Neuro-Gastroentérologie
et Nutrition - Toulouse)
« Effects of Insulin Treatment in Type 2 Diabetic Patients on Intracellular Lipid Content
in Liver and Skeletal Muscle» - Christian Anderwald, Elisabeth Bernroider,
Martin Krssàk, Harald Stingl, Attila Brehm, Martin G. Bischof, Peter Nowotny,
Michael Roden, and Werner Waldhäusl - Diabetes, Vol. 51, October 2002
Article 3 – présenté par Marie Hennebelle (UR 909 – Nutrition et Régulation
Lipidiques des Fonctions Cérébrales)
« Dysfunction of Mitochondria in Human Skeletal Muscle in Type 2 Diabetes » David E. Kelley, Jing He, Elizabeth V. Menshikova, and Vladimir B. Ritov – Diabetes, Vol.
51, Octobre 2002
-83-
Adaptations nutritionnelles
et pancréas endocrine
Bernard Portha
lules β se mettent en place à partir du dernier
tiers de la gestation chez le fœtus in utero ;
la deuxième vague a lieu entre la naissance et
le sevrage (démontré chez les rongeurs et
sans doute vrai pour l’espèce humaine).
L’augmentation de la masse β se produit
aussi dans des situations pathologiques
comme l’obésité, l’insulino-résistance non
compliquée par une hyperglycémie, l’hyperphagie, l’absence d’exercice et en réponse à
des régimes hypercaloriques ou hyperlipidiques. Chez les rongeurs, dans un certain
nombre de situations expérimentales ou
spontanées, un mécanisme de régénération
des cellules β peut se mettre en place de
façon endogène, mais il n’est pas efficace à
100 %.
Introduction
L’objectif de mon laboratoire est de comprendre comment la cellule β du pancréas
fonctionne et comment elle se détériore dans
des conditions pathologiques, en particulier
lors d’un diabète de type 2. Les cellules β sont
organisées de façon particulière au sein du
pancréas. Leur rôle est de libérer de l’insuline
au moment de chaque repas, en situation
prandiale et post-prandiale. L’insuline est
l’hormone qui permet le stockage de l’énergie. C’est la seule dont dispose l’organisme
pour lutter contre l’hyperglycémie et l’hyperlipémie. Il est donc important de comprendre
comment la production d’insuline s’adapte
en permanence aux besoins de l’organisme.
Régulation de la production d’insuline
Dans d’autres cas, le nombre et donc la masse
des cellules β diminuent. Une diminution
drastique entraîne une carence en insuline
suffisamment sévère pour qu’une hyperglycémie apparaisse. C’est ce qui se passe dans le
cas du diabète de type 1 où 99 % des cellules
β sont détruites par un mécanisme autoimmun. Diverses pathologies sont associées à
des diminutions plus ou moins importantes
de la masse β. Elles correspondent, par exemple, à des situations de gluco-lipo-toxicité
(hyperglycémie chronique associée à une
hyperlipidémie chronique), de malnutrition
fœto-maternelle (article 2), iatrogènes ou
d’exposition à des molécules environnementales toxiques pour les cellules du pancréas.
Par contre, pendant la lactation, on observe
une diminution relative du nombre de cellules β par rapport à la période de gestation
afin de revenir à des valeurs « normales ».
Cette « disparition » utilise, entre autres, le
mécanisme d’activation transitoire de l’apoptose.
Deux systèmes modulent cette production. Le
premier fonctionne à court terme. Il permet
un ajustement extrêmement précis et rapide
de la sécrétion de l’insuline minute par
minute. Cette plasticité fonctionnelle de la
cellule β est possible grâce à un mécanisme
d’exocytose finement réglé. Le deuxième, qui
fonctionne sur le long terme, a longtemps
été sous-estimé. Ce mécanisme de régulation
concerne le nombre de cellules β et non plus
leur fonction individuelle. La plasticité de la
population β porte essentiellement sur une
régulation de la croissance et de la survie de
ces cellules.
La masse β est le reflet de la taille de chaque
cellule, mais surtout de la variation du nombre total de cellules β dispersées dans le pancréas.
Lorsque la masse β augmente, la possibilité
de sécrétion d’insuline est plus élevée. C’est
ce que l’on observe lors de la gestation et du
développement post-natal : les premières cel-84-
cellule β n'est fonctionnelle qu'au sein de
cette structure entourée par des cellules non
β. Comme toute glande endocrine, il est
extrêmement vascularisé. Il reçoit 20 % du
flux sanguin qui arrive au pancréas, alors
qu'il ne représente qu'1 % de ce tissu. Le
réseau d'artérioles afférentes et de veinules
efférentes est très important. L'essentiel de
l'insuline sécrétée au moment du repas agit
d'abord sur le foie et 50 % y est dégradée.
L'autre moitié alimente, contrôle ou régule le
fonctionnement des tissus périphériques.
Cette adaptation à long terme de la masse ß
fonctionne dans les situations physiologiques
pour lesquelles les besoins en insuline sont
accrus transitoirement mais, comme toute situation adaptative, elle a ses limites. Il
importe de connaître la robustesse de la
fenêtre de régulation du mécanisme de modulation de la taille et du nombre des cellules
β. Lorsque cette robustesse est dépassée, une
hyperglycémie apparaît et, en général, elle
devient chronique. Le facteur limitant pour le
maintien d'un niveau d'insuline circulante
adapté aux besoins tissulaires est surtout la
qualité et la quantité d'insuline sécrétée à
chaque instant. La plasticité de la cellule β
concerne avant tout la régulation de la sécrétion d'insuline.
Les îlots sont également très innervés, en particulier par le système nerveux autonome. Les
terminaisons des fibres parasympathiques
arrivent au niveau des cellules β et non β.
L’article 1 illustre l’importance de l’innervation cholinergique et le rôle des récepteurs
M3 cholinergiques dans le fonctionnement
des cellules β.
La cellule β, une cellule difficile
d’accès
L'ensemble des cellules β dispersées dans les
îlots de Langerhans ne représente, chez
l'homme adulte, qu’1 % du pancréas. Ces
îlots, qui sont près d'un million, sont de taille
variable, le nombre de leurs cellules variant
de 1 000 à 5 000. Les cellules ß constituent 75
à 80 % des cellules endocrines des îlots. Les
cellules non β, situées en périphérie, produisent essentiellement le glucagon ou les
somatostatines. Une cellule β mature et fonctionnelle accumule, quand elle est au repos,
quelque 10 000 grains de sécrétion. Seul 1 %
de ces granules sont capables de libérer, à
chaque instant, leur contenu dans le milieu
extracellulaire et donc de contribuer au
maintien, à l'augmentation ou à la baisse de
l'insulinémie circulante. L'insuline se trouve
sous forme d’un cristal à l'intérieur de la
granule, chaque cristal renfermant près de
2 000 molécules d’insuline extrêmement condensées autour de 2 atomes de zinc qui servent de noyau de cristallisation.
Les signaux activateurs
ou inhibiteurs de l’exocytose
L’absorption de nutriments provoque l’activation de la biosynthèse, de l’exocytose et de
la sécrétion de l’insuline. Parmi les métabolites activateurs, le glucose est le plus important. Dès le début de la prise alimentaire, il y
a activation du système nerveux autonome,
en particulier du parasympathique, à partir
d’une signalisation hypothalamique. Cette
activation se produit tout au long du tractus
digestif. Parmi les neurotransmetteurs libérés
par les terminaisons parasympathiques, on
trouve l’acétylcholine et des neuropeptides,
tel le VIP. L’absorption des nutriments
déclenche aussi la production d’hormones
gastro-intestinales, dont le GPL-1, le GIP et la
CCK. La sécrétion d’insuline est donc stimulée
par 3 types de signaux : métaboliques, hormonaux, nerveux.
L’îlot de Langerhans :
une unité fonctionnelle
L’activation du système sympathique se
traduit par la libération de neurotransmetteurs (noradrénaline, galanine…) qui ont
pour effet d’inhiber la sécrétion d’insuline.
L’îlot est un tissu endocrine dont l'architecture est extrêmement bien différenciée. La
-85-
C’est ce que l’on observe dans toutes les situations de stress, en particulier lors des stress
liés à un exercice physique violent et durable.
comprendre pourquoi seule une fraction est
capable d’intervenir à chaque instant, il faut
connaître la machinerie d’exocytose.
La biosynthèse de l’insuline
La machinerie d’exocytose
Avant d’être sécrétée, l’insuline doit être synthétisée. Son gène, formé de 3 exons, est transcrit puis traduit en un peptide précurseur de
grande taille appelé prépro-insuline (la notion
de précurseur prépeptidique a été proposée à
partir de l’étude de la biosynthèse de l’insuline ;
elle suppose que des précurseurs de grande
taille sont inactifs et doivent être redécoupés
avant d’être libérés sous une forme active).
Cette prépro-insuline est découpée en proinsuline dans la cellule β. Celle-ci est elle-même
clivée par des peptidases et des convertases
pour donner l’insuline. Des défauts de conversion peuvent se produire lorsque les convertases mal synthétisées ou mal chargées dans les
vésicules, ou leurs précurseurs, où se fait la conversion de la pro-insuline en insuline. Les
vésicules matures stockent et libèrent alors de
la pro-insuline inactive. Ces défauts se
traduisent, chez l’homme, par une forme de
diabète extrêmement rare.
Le système de transfert qui permet de vectoriser les vésicules entre le réticulum et la membrane de sécrétion fait appel au cytosquelette
constitué de microtubules. Un deuxième système sous membranaire, le réseau d’actine,
joue dans cette cellule très spécialisée un rôle
de frein à la sécrétion. S’il est essentiel d’avoir
beaucoup de vésicules, et donc une réserve
d’insuline pour subvenir aux besoins instantanés de l’organisme, il est aussi important
d’avoir un système de contrôle qui évite une
libération excessive et un risque d’hypoglycémie. Le réseau d’actine est donc plus ou
moins polymérisé selon l’état fonctionnel de la
cellule : il doit être dépolymérisé pour laisser
passer les vésicules qui se rendent à la membrane en période de sécrétion ou dense pour
en limiter l’accès lorsque la sécrétion doit être
minimale. Une fois arrivées à la membrane, les
vésicules s’y accrochent et fusionnent leur
membrane avec la membrane plasmique pour
évacuer leur contenu qui se solubilise dans le
liquide extracellulaire. Cette dernière étape de
l’exocytose est très finement régulée. Plusieurs
protéines appartenant à différentes familles
ont été identifiées. Les V-SNAREs, dont la
synaptobrévine et la synaptotagmine, sont
situées sur la membrane vésiculaire et viennent
s’accrocher sur les T-SNAREs (SNAP 25, syntaxine…) situées sur la membrane de la cellule.
Ce mécanisme dépend du calcium : au moment
de l’exocytose terminale, plusieurs canaux calciques s’ouvrent, créant une vague calcique qui
conduit à la fusion. Un système régulateur permet ensuite d’endocyter la fraction de la membrane vésiculaire venue s’arrimer à la membrane plasmique.
Biosynthèse et compartiments
cellulaires
La pro-insuline est synthétisée à l’interface
entre le cytosol et le réticulum endoplasmique rugueux. Dès qu’elle entre dans le
réticulum, la prépro-insuline est clivée et
libère la pro-insuline. Celle-ci migre grâce à
des vésicules de transition vers l’appareil de
golgi. Des vésicules sécrétoires non matures
contenant la pro-insuline se forment ensuite
à la face trans du golgi. Après divers modifications (acidification, perte de la clathrine…),
elles évoluent en vésicules sécrétoires
matures renfermant le cristal d’insuline.
L’activation de la biosynthèse de l’insuline
n’implique pas une sécrétion accrue. Le stockage joue un rôle majeur, puisque seule une
partie des vésicules sécrète l’insuline même si
la demande sécrétoire est importante. Pour
L’exocytose est biphasique
L’exocytose de la cellule β a une cinétique
particulière : la sécrétion d’insuline est
-86-
biphasique. Le premier pic de sécrétion apparaît dans les 5 minutes qui suivent l’exposition au glucose : c’est la phase 1, que l’on
appelle aussi phase d’exocytose rapide. Elle
est activée par la concentration locale du calcium et correspond à la mobilisation des
vésicules déjà accrochées à la membrane et
prêtes à fusionner, soit moins de 100 granules
sur les 10 000 à 12 000 présentes dans le pool
de réserve de la cellule. La phase 2 correspond à une mobilisation et à une exocytose
plus lentes, car les granules proviennent du
pool de réserve et leur mobilisation nécessitent le fonctionnement du cytosquelette.
Cette phase est activée par les concentrations
sous-membranaires de calcium, d’ATP et
d’AMPc.
étape : la modulation du métabolisme ionique de la cellule.
Les concentrations d’ATP et d’ADP sous-membranaires agissent sur les canaux K+ qui règlent le potentiel de repos de la cellule β
(elle a, comme les neurones, un potentiel
d’action de repos inférieur à -70 millivolts). A
l’état basal, les canaux K+ sont ouverts et le
flux de potassium sortant contrôle le niveau
de polarisation de la membrane. Quand le
rapport ATP/ADP augmente, les nucléotides
se lient au canal K+/ADP dépendants et le ferment. La fermeture du canal K+ entraîne une
dépolarisation membranaire qui ouvre les
canaux
calciques
voltage-dépendants.
L’ouverture d’un trop grand nombre de
canaux calciques est toxique pour la cellule et
peut entraîner sa mort. En fait, les vagues calciques induites localement activent le transport des vésicules et l’accrochage sur les VSNAREs et les T-SNAREs.
Le concept actuel
De tous les signaux métaboliques, nerveux ou
hormonaux, le glucose est le signal majeur de
la sécrétion d’insuline. On sait aujourd’hui
qu’il entre dans la cellule β via un transporteur (qui ressemble au GLUT 2 de la cellule hépatique) et non via un gluco-récepteur. Il est ensuite phosphorylé par une glucokinase. Toute variation du glucose extracellulaire est détectée par le couple GLUT 2/glucokinase et se traduit par la variation du glucose-6-phosphate (G6P). Le flux de production de G6P se transforme en un flux de production de pyruvate qui n’est pas, contrairement à beaucoup d’autres cellules, transformé en lactate, car la cellule β n’exprime pratiquement pas de lactate déshydrogénase. Le
rôle du pyruvate est d’ajuster la production
d’insuline au flux de glucose qui pénètre
dans la cellule. En effet, l’essentiel du pyruvate est canalisé vers les mitochondries qui
sont très nombreuses dans les cellules β. Il en
résulte un couplage entre l’activation de la
glycolyse, celle de l’oxydation mitochondriale
du pyruvate et l’augmentation de la production d’ATP. L’élévation du rapport ATP/ADP
dans la matrice mitochondriale se poursuit
dans le cytosol et déclenche la deuxième
En d’autres termes, la cellule β concentre 3
types d’évènements : 1) des phénomènes
bioénergétiques qui se produisent en amont
et font « ressembler » la cellule β à un hépatocyte ; 2) des évènements qui contrôlent le
métabolisme de certains ions, en particulier du
calcium et du potassium, comme dans les neurones ; 3) des évènements plus mécaniques qui
interviennent sur la régulation fonctionnelle
du cytosquelette et du système d’accrochage
des vésicules et qui sont calcium-dépendants
mais aussi ATP-dépendants. L’ATP qui a été
augmenté en réponse à l’activation mitochondriale sert à fermer les canaux K+ et, probablement, à phosphoryler un certain nombre de
protéines de l’appareil de l’exocytose.
Le rôle majeur du canal KATP –
dépendant
Ce canal est une cible majeure de l’effet
insulino-sécréteur du glucose. C’est une
macromolécule complexe constituée d’un
pore de perméabilité sélective pour les ions
K+ auquel est couplée une protéine régulatrice appelée SUR (schéma 1), car elle sert de
-87-
Schéma 1 : Le rôle majeur du canal KATP - dépendant.
récepteur aux sulfonylurées (SU). Cette
famille des sulfamides hypoglycémiants a
permis, dès la fin des années 50, de traiter le
diabète de type 2 car ce sont de puissants
insulino-sécréteurs. Ils ont l’avantage de pouvoir être administrés par voie orale, et non
par injection comme l’insuline, et sont
aujourd’hui encore largement utilisés. Tous
les sulfonylurées se lient à la protéine SUR.
Dans la cellule β, il s’agit de l’isoforme SUR-1.
La liaison du sulfonylurée avec le récepteur
suffit à entraîner la fermeture du canal K+,
comme le ferait le glucose et, par voie de
conséquence, l’augmentation calcique et la
sécrétion. Les sulfamides hypoglycémiants ne
sont cependant pas des médicaments miracles, c’est pourquoi d’autres molécules ont
été et doivent être développées pour réactiver la sécrétion de l’insuline, défectueuse
chez les personnes ayant un diabète de type
2.
sécrétion de l’insuline à court terme et montre l’importance de l’acétylcholine et de son
récepteur muscarinique M3. Dans les deux
suivants, il sera question d’adaptation à long
terme. L’article 2 s’intéresse à un mécanisme
qui contribue à augmenter le nombre de cellules β pendant la gestation. Le modèle
présenté dans l’article 3 montre la façon dont
le nombre de cellules β est programmé dès la
vie intra-utérine.
Discussion
Quels sont les mécanismes d’épuisement de
la cellule ß chez un homme diabétique ?
Je n’ai volontairement pas parlé du diabète
de type 2 car le fonctionnement de la cellule
β n’a été identifié que chez l’animal. Chez
l’homme, son étude est difficile car le pancréas est un tissu profond sur lequel il est
interdit de faire une biopsie. De plus, une
biopsie n’aurait qu’une chance sur cent de
tomber sur des îlots de Langerhans. Chez
l’homme diabétique, on ne peut raisonner
Le premier article qui sera présenté (article 1)
illustre un des aspects de la régulation de la
-88-
que sur une sécrétion d’insuline mesurée in
vivo et éloignée de la source. Néanmoins, certains modèles animaux semblent conformes à
ce qui se passe chez l’homme.
faut pouvoir évacuer le signal qui a été émis
en grande quantité localement. C’est
pourquoi les systèmes vasculaires efférents
sont couplés à des systèmes ayant un débit
veineux important.
Concernant les mécanismes, on pense qu’il y
a, dans un premier temps, une adaptation à
l’insulino-résistance : le pancréas augmente
son nombre de cellules et donc sa production
d’insuline, et cela dépend de l’équipement
génique de chaque individu. Une personne
hyperlipidémique de façon chronique ne
devient pas forcément hyperglycémique. On
imagine que le stress métabolique auquel est
confrontée la cellule β la pousse à augmenter
sa sécrétion et à se multiplier. Le stress a ses
limites, surtout si des gènes de prédisposition
empêchent l’expansion de la masse β ; la
sécrétion d’insuline peut alors n’être plus
adaptée aux besoins. Une légère hyperglycémie se développe et le stress augmente. La
cellule β qui a perdu ses capacités d’expansion est soumise à des conditions apoptotiques. Leur nombre diminue au lieu d’augmenter, et c’est le cercle vicieux.
Quand le débit veineux est élevé, la consommation d’oxygène est élevée, sauf pour le rein.
On ne sait pas mesurer la consommation
d’oxygène d’une cellule β. On ne sait le faire
que sur les îlots. Sur des îlots cultivés in vitro
avec des concentrations élevées de glucose,
on observe une augmentation nette de la
consommation d’oxygène.
A quoi sert l’énergie dépensée par la cellule
β puisque la fabrication de l’insuline en consomme assez peu ?
Elle sert à maintenir un potentiel de - 70 millivolts grâce à l’action d’une enzyme, la Na/KATPase, et à approvisionner le système de
transport des vésicules. L’enzyme génère un
gradient de charge en faisant entrer du
potassium et sortir du sodium, et les canaux
KATP modulent ce potentiel grâce à la sortie
des ions K+, la fermeture des canaux élevant
le potentiel. Il est important de se rappeler
que l’ordre de grandeur du gradient en
potassium est d’une centaine de millimolaires
(120 ou 130 à l’intérieur de la cellule pour 3
ou 4 à l’extérieur) et qu' il est de 10 000 pour
le gradient en calcium (0,1 micromolaire à
l’intérieur pour 1 millimolaire à l’extérieur).
Ceci explique pourquoi le calcium s’engouffre dans la cellule dès l’ouverture d’un canal
calcique.
Un diabète de type 2 implique la perte de la
fonction β, un défaut dans l’environnement
de la cellule β ou des causes génétiques d’hyperlipidémie qui ne sont pas directement
liées à la cellule β. La majorité des personnes
obèses qui ne développent pas de diabète
ont un accroissement de la masse β, mais
une personne diabétique de type 2 a obligatoirement un déficit qui affecte le pancréas. Il
y a 20 ans, on pensait que seul le diabète de
type 1 était une maladie du pancréas.
Aujourd’hui, on admet enfin que le diabète
de type 2 est lié à une insulino-résistance,
mais aussi à des anomalies de sécrétion de
l’insuline. C’est à la fois une maladie du pancréas et de la périphérie.
Le foie joue t-il un rôle dans la régulation de
l’insulinémie puisque le taux d’insuline
retrouvé dans la veine porte a diminué de
moitié ?
Pourquoi les îlots de Langerhans sont-ils si
richement vascularisés ? Pourquoi le flux sanguin est-il aussi élevé ?
Oui, mais il ne semble pas que ce soit un rôle
majeur car la quantité qui en sort est suffisante.
Le flux sanguin est toujours très élevé dans
les tissus endocrines. Après la sécrétion, il
Cette dégradation de 50 % de l’insuline dans
le foie est-elle prise en compte dans les doses
-89-
lules très répondeuses ayant été perdues.
Habituellement, quelques cellules très répondeuses suffisent pour qu’il y ait une synchronisation et une réponse adaptée.
que s’injectent les diabétiques ou cette
dégradation n’a pas lieu lorsque l’insuline est
injectée ?
L’injection sous-cutanée d’insuline concerne
le diabète de type 1. Elle arrive plus directement au niveau des tissus périphériques, et
des muscles en particulier, qu’au niveau du
foie. Une des limites de l’insulinothérapie est
d’avoir trop d’insuline à la périphérie et trop
peu dans la veine porte.
Y-a-t-il une synchronisation entre îlots ?
Des chercheurs pensent que le NO servirait de
médiateur d’îlot à îlot par le système vasculaire pour synchroniser la sécrétion en
réponse au glucose. Cette sécrétion reste relativement élevée mais se fait par oscillations,
ce qui permet d’éviter la désensibilisation au
calcium de la cellule. En fait, le couplage
entre cellules β à l’intérieur de l’îlot correspond à un couplage calcique. Il en résulte un
couplage de l’exocytose à l’intérieur des îlots
et peut-être entre les îlots.
Existe t-il une innervation afférente du pancréas qui informe le système nerveux central
ou l’innervation vagale est-elle toute
efférente ?
Aujourd’hui, on a tendance à dire que tous
les organes périphériques « parlent » au
cerveau, mais cela reste à démontrer.
Dans les vésicules de sécrétion, l’insuline est
sous la forme d’un cristal. Comment se fait la
dislocation au moment de la sécrétion ?
Tu as dit que la cellule β fonctionne comme
un hépatocyte puis comme un neurone. Ce
fonctionnement synaptique existe t-il pour
d’autres glandes endocrines ?
Huit molécules d’insuline entourent deux
atomes de zinc qui servent de noyau de
cristallisation. Une fois libéré dans le muscle
extracellulaire, le cristal se dissout dans le
milieu aqueux et l’insuline circulante reprend
sa forme monomérique. Comme on ne connaît pas d’enzyme extracellulaire pouvant
« casser » le cristal, on pense qu’il s’agit d’une
simple dissolution.
C’est le cas pour les cellules qui produisent le
glucagon, mais pas pour les cellules de la thyroïde ou des surrénales.
Sait-on combien d’îlots sont mobilisés lors
d’un repas ? Le sont-ils de manières différentes ? Les cellules β sont-elles synchronisées ?
Après un repas, quel est le délai pour la sécrétion de l’insuline ? Combien de temps dure
t-elle ? Au bout de combien de temps la glycémie redevient-elle normale ?
Un îlot avec ses 1000 cellules fonctionne
comme un syncytium. Une cellule β isolée ne
réagit pas en présence de glucose, même à
forte concentration. Elle a besoin d’être couplée à ses voisines au sein de l’îlot. A la
périphérie, les cellules β sont couplées entre
elles et avec les cellules non β, celles à
glucagon. Elles s’échangent des signaux en
permanence afin d’optimiser la synchronisation. On sait qu’au sein d’un îlot, même
mature, les cellules β répondent de manière
différentielle à la présence du glucose. On
pense que certains cas de diabète de type 2
pourraient être liés à la présence d’un grand
nombre de cellules peu répondeuses, les cel-
La sécrétion commence dans la minute qui
suit l’arrivée de l’aliment dans la cavité buccale. Le système parasympathique est activé.
C’est la phase céphalique de la sécrétion.
C’est un signal d’anticipation, car la sécrétion
démarre avant qu’une quantité suffisante de
glucose ne soit absorbée au niveau du
duodénum pour contribuer à élever la glycémie, au moins au niveau pancréatique. La
durabilité dépend, en partie, de la sécrétion
des hormones digestives. Ce sont elles qui
permettent la potentialisation à long terme
-90-
le système sympathique (adrénaline) un effet
inhibiteur.
de l’effet insulinosécréteur du glucose. La
concentration normale de ce sucre est de 1
g/l, soit 5,5 millimolaires. La cellule ß commence à sécréter à partir d’une concentration
de 6 ou 6,5 millimolaires.
L'acétylcholine agit par l'intermédiaire de différents récepteurs muscariniques (de M1 à
M5). Les auteurs de cet article se sont
intéressés au rôle physiologique du récepteur
du sous-type M3 (M3AchR) exprimé par la cellule bêta dans la régulation de la sécrétion de
l'insuline et dans la régulation de la glycémie,
chez la souris. Ils ont utilisé deux modèles d'étude : des souris KO spécifiquement pour le
M3AchR des cellules bêta et des souris transgéniques dont ces cellules surexpriment le
M3AchR.
Article 1 :
« Rôle physiologique du récepteur
muscarinique M3 au niveau
des cellules bêta du pancréas
dans la régulation de la libération
d'insuline et dans la régulation
de la glycémie in vivo »
Introduction
Résultats obtenus avec les souris KO bêta
spécifique.
Les hormones qui participent à la régulation
de la glycémie sont synthétisées par les cellules bêta des îlots de Langerhans. Cette partie endocrine du pancréas qui produit aussi
du glucagon (cellules alpha), de la somatostatine (cellules delta) et des polypeptides pancréatiques (cellules PP) ne représente qu' 1 à
2 % du pancréas. Lorsque la glycémie est
élevée (taux de glucose dans le sang > 1 g/l),
les cellules bêta libèrent de l'insuline. Celle-ci
favorise le stockage du glucose sous forme de
glycogène dans le foie et les autres tissus
cibles afin de diminuer la glycémie. Lorsque
la glycémie est faible, les cellules alpha du
pancréas sont stimulées. La synthèse et la
libération de glucagon qui en résultent conduisent à la dégradation du glycogène dans
le foie et à la libération de glucose dans le
sang, afin d’augmenter la glycémie.
- La taille et le nombre des îlots de
Langerhans ne sont pas affectés par le KO
spécifique de la cellule bêta.
- Les concentrations de glucose et d'insuline,
après le repas et à jeun, sont les mêmes chez
les souris contrôles et chez les souris KO.
- Chez les souris KO, la stimulation muscarinique est inefficace sur la sécrétion de l'insuline.
- Lorsque la voie M3AchR est déficiente,
d'autres voies de stimulation se mettent en
place, notamment celle du GPL-1 (une hormone gastro-intestinale), pour compenser les
défauts de sécrétion.
- Chez les souris KO, l’altération de la régulation de la glycémie serait liée à un défaut de
sécrétion de l'insuline. Le KO n'a pas d'effet
sur la sensibilité à l'insuline des cellules cibles
(hépatiques, musculaires et adipeuses).
Si le glucose joue un rôle majeur dans la
régulation de la sécrétion de l'insuline,
d'autres facteurs interviennent, parmi
lesquels :
Conclusion
- des hormones gastro-intestinales, le
glucagon (inhibiteur), la somatostatine
(inhibitrice) ;
Le récepteur du sous-type M3 de la cellule
bêta n'a pas d'effet sur la sensibilité des cellules cibles à l'insuline. Ce récepteur joue un
rôle important dans la régulation de la glycémie et pourrait être inclus dans des stratégies thérapeutiques.
- des acides aminés (arginine, leucine, lysine) ;
- le système nerveux. Le système parasympathique (acétylcholine) a un effet stimulant et
-91-
trôle aussi important de la sécrétion neuronale d’insuline.
Discussion
Quelle information importante nous apporte
cet article ?
La cellule bêta n’est pas la seule à posséder
des récepteurs M3. La cellule alpha qui produit le glucagon en a aussi. Des données
récentes montrent que M3 et le système
parasympathique interviennent dans la croissance adaptative et en particulier dans les
mécanismes de régénération. Nous avons un
modèle dans lequel la régénération des cellules bêta est moindre après vagotomie. On
pense aujourd’hui que le parasympathique
aurait un effet trophique.
On savait déjà, grâce à un KO total, que le
récepteur cholinergique M3 jouait un rôle
important dans la sécrétion de l’insuline. Les
auteurs ont ici réalisé un KO bêta spécifique.
Ce KO n’a aucun effet sur la glycémie basale :
les souris sont normo-glycémiques et ne sont
donc pas diabétiques. La carence en M3AchR
de la cellule bêta ne révèle un effet
pathologique que dans des conditions de surcharge glucosée. Les souris KO spécifiques ne
sont pas diabétiques mais ont une intolérance
glucidique. Le KO n’a pas d’effet sur la sensibilité à l’insuline. Une souris KO sécrète de
l’insuline, mais cette sécrétion est insuffisante.
L’insuline est cependant efficace au niveau
périphérique. L’important est ici de retenir
qu’une intolérance glucidique, voire un diabète, peut simplement être liée à un déficit
d’insulinosécrétion.
Taux ou concentrations ?
Un taux ne veut rien dire, même si c’est la traduction littérale du mot anglais « level ». Le
taux de glucose est une aberration
métabolique. Mieux vaut parler de concentration ou de quantité. Je me souviens d'un de
mes directeurs de recherche qui me disait :
« laisse les taux aux banquiers et occupe-toi
des concentrations ».
Le développent d’un diabète gestationnel
chez la femme enceinte est-il lié à un dysfonctionnement de ce récepteur muscarinique ou
dépend-il d’un autre mécanisme ?
Article 2 :
« Rôle de la ménine
dans la croissance des cellules bêta
pancréatiques pendant la gestation
des souris et dans l'apparition
du diabète gestationnel »
On sait seulement que le diabète gestationnel
résulte à la fois d'un déficit relatif de sécrétion d'insuline et de l'insulinorésistance. Le
terme d'insulinorésistance est ambigu. Quelle
qu'en soit la cause, il s'agit toujours d'une situation dans laquelle le captage de glucose
par le muscle est inadapté par rapport à la
quantité d'insuline. Ce déficit de captage
peut être obtenu de trois façons : soit l'insuline est inefficace ou peu efficace, soit la sensibilité à l'insuline est normale mais la sécrétion d'insuline insuffisante, soit il y a à la fois
insulinorésistance et déficit d'insulinosécrétion. Il existe un continuum entre ces trois
possibilités qui font passer d'un état physiologique à un état pathologique.
Introduction
Lors de la grossesse, on observe le développement d'une insulinorésistance et une prolifération des cellules bêta pancréatiques
sécrétrices d'insuline afin de compenser cette
insulinorésistance. En Europe, pour 5 % des
grossesses, cette prolifération est insuffisante
et se traduit par un risque accru de diabète
de type 2 chez la mère, un risque de surpoids
et de désordres métaboliques chez l'enfant.
La ménine est une protéine de la famille des
histones-méthyltransférases. Elle fait partie
d'un complexe qui se fixe sur l'ADN pour permettre la triméthylation des histones et l’acti-
Je savais que le pancréas endocrine était bien
innervé mais je ne m’attendais pas à un con-92-
- Conséquences sur l'insulinémie : chez les
bêta Men1 17 jours après le coït, la masse des
cellules bêta et la sécrétion d’insuline ont
diminué (elles reviennent aux niveaux des
souris non gestantes). Ces diminutions sont
dues à une baisse de la multiplication des cellules productrices d’insuline.
vation de l'expression de gènes inhibiteurs de
kinases, en particulier P27 et P18. Cette activation se traduit in fine par l'inhibition de la prolifération des îlots de cellules bêta. Un travail
antérieur a montré que la mutation du gène
Men1 qui code pour la ménine provoque des
tumeurs des tissus endocrines (pancréas, glandes pituitaire et parathyroïdes).
- La diminution de l'expression de la ménine
semble favoriser l'expansion de la cellule
bêta pendant la gestation. Inversement, l'absence de prolifération de la cellule bêta pendant la gestation est due à une stabilité du
niveau d'expression de la ménine.
Comme le diabète gestationnel est lié à une
absence de prolifération des cellules bêta et
que la ménine inhibe cette prolifération, les
auteurs ont voulu savoir : 1) si la ménine
régule la prolifération des cellules bêta pendant la grossesse ; 2) si elle est impliquée
dans le développement du diabète gestationnel ; 3) quels sont les mécanismes de cette
régulation.
- Mécanismes de régulation de l'expression
de la ménine. On sait que la prolactine et
d'autres hormones placentaires lactogènes
entraînent la prolifération des cellules bêta
pendant la gestation grâce à un mode d'action complexe (phosphorylation d'une protéine nucléaire STAT, activation de la protéine répresseur de transcription BCL6, puis
inhibition de l'expression d'un gène cible).
Dans cette étude, les auteurs montrent qu'il
existe, chez des souris gestantes, une interaction entre Men1 et la protéine BCL6. Ils
observent, sur des cellules bêta en culture
exposées à la prolactine, une baisse de l'expression génétique de Men1, P18 et P27, cet
effet étant atténué par la progestérone censée avoir un effet inverse de la prolactine. De
même, l'administration de prolactine augmente l'expression du répresseur de transcription BCL6. Il semble donc que la prolactine régule l'expression du gène Men1 via
BCL6.
Résultats
- Différentes méthodes (qPCR, immunohistochimie, immunoprécipitation de la chromatine, imagerie) montrent que la baisse de
l'expression de Men1 pendant la gestation
est accompagnée d'une baisse de l'expression
des gènes cibles de la ménine (P27 et P18).
- Validation d’un modèle de souris transgéniques bêta-Men1 inductible (nécessité de
souris bi-transgéniques RIP-rtTA, TRE-Men1),
en gestation et exposées en continu à la
doxycycline de l'accouplement à la mise-bas,
soit pendant huit semaines : activation de la
synthèse de ménine dans les cellules bêta des
souris transgéniques bêta Men1 et niveau
d'expression équivalant à celui des souris non
gestantes.
- L’action régulatrice de la prolactine sur la
prolifération des cellules bêta est confirmée
in vivo.
- Conséquences sur la glycémie : hyperglycémie chez les bêta Men1 pendant la gestation ; rétablissement de la glycémie 4 jours
après la parturition ; relative intolérance au
glucose chez les bêta Men1. Les conséquences physiologiques sont relatives comparées aux changements d'expression génétique. On peut penser qu'il y a une mise en
place de mécanismes compensatoires de limitation de la glycémie.
- Application à des situations physiopathologiques. Grâce à un modèle de
souris obèses et hyperphagiques (dont la glycémie est maintenue grâce à la prolifération
des cellules bêta), il semble que le gène Men1
pourrait jouer un rôle dans l'adaptation de la
croissance des cellules bêta dans l'obésité. En
-93-
biologique ? On ne sait pas reconstituer la
complexité du vivant malgré l’acquisition de
connaissances de plus en plus fines, d’où l’importance d’approches multidisciplinaires et à
haut débit autour d’un même modèle.
effet, la diminution de l'expression de Men1
participe à la multiplication des îlots de cellule bêta chez les souris obèses.
Conclusion et perspectives
Les hormones lactogènes inhibent le gène
Men1 via CBL6. Cette inhibition entraîne une
baisse de l'activité histone-méthyltransférase
qui bloque l'expression des gènes P18 et P27
et active la prolifération des cellules bêta.
Le glucose passe-il aisément la barrière placentaire ?
La glycémie du fœtus s’ajuste à la glycémie
de sa mère. Si celle-ci est hyperglycémique, le
fœtus est hyperglycémique et il devra en
subir les conséquences, en particulier pour le
développement de son pancréas. Lorsqu’un
fœtus a été soumis à une hyperglycémie
chronique, le risque d’hypoglycémie après la
naissance est augmenté. Au cours de la gestation, la masse bêta de la mère augmente
parce que le pancréas du fœtus n'est mature
que très tardivement. Le pancréas endocrine
de la mère doit donc s’adapter à cette situation transitoire d'augmentation des besoins.
Chez le rongeur, le fœtus n'est pas capable
d'utiliser son insuline endogène pour réguler
sa propre glycémie : ses premières cellules
bêta n'apparaissent que pendant la deuxième moitié de la gestation.
Il serait intéressant d'étudier d'autres suppresseurs de tumeurs pancréatiques, comme
la protéine Von Hippel-Lindau et de mettre
au point des thérapies inhibant la ménine
(régulateurs, cibles compétitrices…).
Discussion
Commentaire sur l’article.
C'est un travail très élégant, très complet et
très intéressant. Les modèles, les méthodes et
les niveaux d’étude sont diversifiés et les
résultats nombreux. La ménine ouvre de nouvelles pistes.
Je suis frappé par la distorsion qui existe
entre l'impact de l'effet sur la masse bêta et
le faible retentissement sur la glycémie. Il
semble qu'il y ait un amortissement des
phénomènes. Je voudrais aussi rappeler l'importance de la relation coût/bénéfice. Même
si la ménine ouvre des perspectives thérapeutiques intéressantes, j’ai quelques réticences
pour tout ce qui pourrait modifier la croissance tissulaire en général, et donc la croissance tumorale, du fait des effets secondaires
potentiels. Vous verrez que lorsque vous
serez amenés à diriger des recherches, vous
serez obligés de vous poser cette question :
« quel est le meilleur compromis entre l'investissement en temps et en argent et la
qualité des résultats scientifiques ? ». À quel
moment doit-on arrêter les manips pour rédiger, alors que l'on aimerait faire des expériences complémentaires et que l'on a toujours
envie d'en savoir plus ? Autre difficulté : comment
appréhender
un
phénomène
Article 3 :
« Développement d'un diabète
de type 2 consécutif à un retard
de croissance intra-utérin
chez des rats – importance
de l’extinction épigénétique
du gène Pdx1 »
Introduction
Les causes d'un retard de croissance intrautérin (IUGR) sont multiples. Il peut s'agir :
1) de facteurs utérins (diminution de la pression sanguine dans l'utérus et le placenta,
infections dans les tissus entourant le fœtus,
insuffisance utéro-placentaire...) ;
2) de facteurs maternels (pression sanguine
élevée, tabagisme, malnutrition…) ;
-94-
3) de facteurs corrélés au développement du
fœtus (gestations multiples, infections…).
Ce travail ouvre la voie à de nouvelles études
sur les conséquences du silencing des gènes
ainsi qu’à des traitements pharmacologiques,
voire de thérapie génique.
Au stade fœtal, l’UIGR a pour conséquences la
limitation des apports en oxygène, en glucose
et en acides aminés, ce qui induit un stress
oxydant et une altération du statut redox. À
l'âge adulte, des maladies apparaissent,
comme par exemple le diabète de type 2.
Discussion
Quelques remarques sur l’importance de cet
article qui explique en partie le mécanisme
d’effondrement de la masse bêta :
Le facteur de transcription Pdx1 (pancreatic
and duodénal homeobox1) régule le
développement du pancréas et la différenciation des cellules bêta. L'expression du gène
Pdx1 est associée au maintien de la masse des
cellules bêta, à l'homéostasie du glucose et à
la production de l'insuline. La diminution de
son expression entraîne le dysfonctionnement des cellules bêta et donc le
développement du diabète. Des études
antérieures ont montré que les mécanismes
moléculaires de l’IUGR étaient liés à des modifications épigénétiques de l'expression de
gènes clés (l'épigénétique est l'étude des
modifications de l'expression des gènes qui
sont transmissibles lors de la mitose et/ou de
la méiose, mais ne découlent pas de modifications dans la séquence de l'ADN).
Quand le promoteur est très méthylé, les facteurs de transcription n’y ont plus accès. Il
s’ensuit une extinction totale de l’expression
de Pdx1 puis, au bout d’un certain temps, un
effondrement de la masse bêta et l’apparition d’une hyperglycémie. Heureusement, il
est possible aujourd’hui d’intervenir pharmacologiquement sur les anomalies épigénétiques. Par exemple, le TSA ou trichostatine
est un inhibiteur de dé-acétylases. En
empêchant la dé-acétylation des histones, il
permet de préserver l’accessibilité du promoteur de Pdx1 à un niveau suffisant pour que
la protéine Pdx1 soit exprimée normalement.
Quel est le pourcentage de rats ayant eu un
retard de croissance intra-utérin qui développent un diabète de type 2 ?
Les auteurs de cet article se sont donnés pour
objectif de valider différentes hypothèses
pour l’induction du silencing de Pdx1 lors de
la transition de l'IUGR à l'apparition du diabète de type 2 chez l'adulte : modification
des histones, méthylation de l'ADN et/ou
remodelage de la chromatine.
C’était la majorité des rats mâles âgés
puisque le diabète n’apparaît qu’au bout de
6 mois.
L’utilisation d’inhibiteurs pharmacologiques
ne risque t-elle pas de bloquer d’autres systèmes utiles à la cellule ? Il faudrait au minimum pouvoir cibler le tissu.
Conclusion
Il est évident qu’il y aurait des effets
colatéraux, c’est pourquoi on n’utilise pas le
TSA pour corriger les conséquences de l’IUGR
sur le pancréas. Ici, il s’agissait de comprendre
un mécanisme particulier.
L’IUGR induit des modifications épigénétiques progressives au niveau du gène Pdx1
dans les cellules bêta :
- le complexe mSin3A/HDAC se fixe sur le promoteur du gène Pdx1 ;
En biologie, on a malheureusement trop souvent une pensée binaire : vrai ou faux, bon
ou mauvais…Ce travail montre bien que la
biologie conduit parfois à des impasses et
que l’on ne peut pas être à 100 % Darwiniste
(héritabilité) ou à 100 % Lamarckiste (envi-
- dé-acéthylation des histones H3 et H4 ;
- inhibition de la transcription du gène Pdx1 ;
- accumulation des H3K9me2 ;
- apparition du diabète de type 2 à l’âge adulte.
-95-
que, chez toutes les espèces, une réduction
de la prise alimentaire répartie dans la
journée augmente la longévité (une diminution de 60 % de l’apport calorique chez la
souris double sa longévité). Par contre, si l’on
met à jeun des rats obèses, ils vivent beaucoup plus longtemps que des rats normaux
placés dans les mêmes conditions, les premiers vivant sur leurs réserves. Dans d’autres
conditions, ces souris obèses sont défavorisées (fuite devant un prédateur,
recherche de nourriture…). Autrement dit,
l’avantage d’un caractère n’est pas toujours
génétique, mais à l’intersection entre l’organisme et l’environnement. Il faut toujours
relativiser. Même pour un médecin, le choix
ne doit pas se faire entre le sain ou le
pathologique. Un très bon caractère pendant
la croissance peut devenir pathologique à
l’âge adulte. Cela peut dépendre du régime
ou d’autres choses. Il n’y a pas le bien ou le
mal, le vrai ou le faux, mais ce qui est adapté
ou ce qui ne l’est pas.
ronnement). Les physiciens l’ont compris
puisqu’ils expliquent certains phénomènes
par la théorie ondulatoire et d’autres par la
théorie corpusculaire.
Commentaire sur la frontière entre le sain et
le pathologique.
L’exemple qui me vient à l’esprit est celui de
la malnutrition chronique en Afrique subsaharienne. Dans les pays au sud du Sahara, il y
a 2 grandes carences minérales : l’une en
iode, l’autre en fer. La première se traite
assez facilement. La deuxième est responsable d’anémies microcytaires, en particulier
chez les jeunes filles. L’Institut des maladies
tropicales a bien entendu conseillé d’augmenter les apports en fer. Vingt ans plus tard,
la carence était corrigée mais la mortalité
due au paludisme avait augmenté. Cette
carence en fer délétère pour les globules
rouges est aussi protectrice contre le paludisme. Le sain et le pathologique sont souvent étroitement intriqués ; c’est toute la
subtilité de l’évolution.
Autre exemple : le rat du désert. Ce rat est
insulino-résistant dans un contexte où il ne
mange jamais d’hydrates de carbone. Si on
lui faisait manger l’alimentation d’un rat normal, il deviendrait diabétique.
Commentaires sur l’importance de l’épigénétique.
Nous sommes aujourd’hui à l’aube d’un nouveau secteur de la biologie qui est l’étude de
l’épigénome. Elle aura, je pense, son importance pour les grandes maladies multigéniques, en particulier celles de dégénérescence. Ce n’est pas un hasard si l’épigénétique a été découverte chez les plantes : avec
le même génome, elles doivent survivre dans
des environnements plus ou moins secs, plus
ou moins froids. Elles doivent donc développer des adaptations géniques et épigénétiques. Un autre exemple me semble particulièrement intéressant : celui de la
longévité. De nombreux travaux montrent
-96-
Bernard Portha, Professeur de physiologie à l'Université Paris 7 / Denis Diderot,
Directeur du laboratoire de Physiopathologie de la Nutrition
Articles analysés
Article 1 – présenté par Francine De Quelen (UMR 1079, Systèmes d’Elevage,
Nutrition Animale et Humaine – Rennes)
« A critical role for beta cell M3 muscarinic acetylcholine receptors in regulating insulin
release and blood glucose homeostasis in vivo » - Gautam et al, 2006 - Cell Metabolism
Article 2 – présenté par Hélène Blanchard (USC 2010 - Biochimie - Rennes)
« Menin controls growth of pancreatic _-cells in pregnant mice and promotes
gestational diabetes mellitus » - Karnik S.K. et al., Sciences 318, 806 (2007)
Article 3 – présenté par Noura Kechaou (UMR 1319 – Microbiologie de l’Alimentation
au service de la Santé Humaine)
« Development of type 2 diabetes following intrauterine growth retardation in rats
is associated with progressive epigenetic silencing of Pdx1 » - Jun H. Park, Doris A.
Stoffers, Robert D. Nicholls, and Rebecca A. Simmons - The Journal of Clinical
Investigation - Volume 118 - Number 6 June 2008
-97-
Zoom sur les écoles d’été précédentes
Du 15 au 17 juillet 2003
Radicaux libres, stress oxydant, anti-oxydants
Du 15 au 18 juillet 2004
Système nerveux, fonctions cognitives
et comportement alimentaire
Du 14 au 17 juillet 2005
Croissance et vieillissement*
Du 10 au 13 juillet 2006
Tube digestif : interface avec l’environnement*
Du 9 au 12 juillet 2007
Evaluation du risque toxicologique des aliments*
Du 7 au 10 juillet 2008
Comportement du consommateur*
*Ces éditions font également l’objet d’un document de synthèse disponible
sur le site internet du Département rubrique Recherche / Le Point Sur
www.inra.fr/alimentation_humaine
Téléchargement