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O S S I E R
Organisation de la consultation d’oncogénétique :
quels risques dépister en gynécologie ?
Organisation of oncogenetique consultation: whats risks in gynecology?
P. Laurent-Puig*
B
ien que le cancer soit une maladie de l’ADN, les
formes héréditaires de cancer représentent une faible
proportion des cancers que l’on estime entre 5 et 10 %
des cas. L’oncogénétique, discipline récente, cherche à identifier
ces gènes de susceptibilité aux cancers et à prédire chez les apparentés d’un sujet atteint de cancer le risque de développer une
maladie en identifiant, au sein de la famille, la mutation germinale
responsable. Un diagnostic génétique n’est éthique que s’il existe
des moyens efficaces de prévention ou de dépistage précoce de ce
cancer.
La consultation se déroule en plusieurs étapes : la première
consiste à vérifier la réalité de la demande de conseil génétique, la
seconde permet de reconstituer l’histoire familiale du sujet au
moyen de questions précises :
• Quels sont les membres de la famille atteints par un cancer ?
• Quel est leur lien de parenté avec le sujet ?
• Quel âge avaient-ils au moment du diagnostic ?
Les réponses à ces quelques questions simples vont permettre de
déterminer la probabilité d’une liaison entre la survenue d’un cancer dans la famille et une anomalie génétique. Si cette probabilité
dépasse un certain seuil, une recherche de mutation est proposée.
Enfin, la dernière étape va décrire les différentes stratégies adaptées aux différents niveaux de risque.
La recherche d’une mutation germinale sur l’un des gènes suspectés chez une personne atteinte de cancer dans la famille sera alors
entreprise. L’identification de cette mutation dans la famille permettra sa recherche chez les apparentés sains ou atteints. En fonction des résultats du test, il convient soit de rassurer la personne, si
elle n’est pas porteuse de la mutation délétère familiale soit, dans
le cas contraire, de lui proposer une prise en charge spécifique.
Les indications d’une consultation d’oncogénétique sont les suivantes :
– présence d’au moins trois cas de cancers dans la même branche
parentale ;
– présence de deux cas de cancers chez des personnes apparentées
entre elles au premier degré, associée à l’un au moins des critères
suivants : survenue précoce d’un des cas de cancers, par rapport à
l’âge habituel ;bilatéralité de l’atteinte (pour les organes pairs, le
sein par exemple), multifocalité de l’atteinte ;
– survenue de plusieurs cas de cancers chez la même personne.
Il s’agit d’indications théoriques qui doivent tenir compte de la
demande des patients. Pour un patient réticent, même s’il appartient à une famille à très haut risque, cette indication doit être retardée et parfois de manière indéfinie.
* Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris.
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À cet égard, il est important de distinguer les deux finalités des
examens génétiques.
La première consiste à confirmer ou à infirmer le diagnostic de
maladie génétique chez un patient symptomatique. La seconde
consiste, chez une personne asymptomatique, à rechercher la
mutation identifiée dans sa famille. Dans ce cas, la prescription de
l’examen est encadrée par des mesures réglementaires strictes. Elle
doit être faite par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire, rassemblant des compétences génétiques et cliniques,
le consentement écrit de la personne doit être recueilli après par
une information préalable.
LES PRINCIPALES FORMES HÉRÉDITAIRES DE CANCERS
En termes de fréquence, les formes familiales de cancer du sein, du
côlon et de la prostate représentent les trois grandes prédispositions
aux cancers. Les autres formes familiales sont très exceptionnelles
(neurofibromatose de types I et II, rétinoblastome, néoplasies
endocrines multiples, mélanomes).
En ce qui concerne les cancers gynécologiques, on retiendra l’existence de prédisposition pour les cancers du sein, des ovaires et de
l’utérus.
Concernant ce dernier, le dépistage d’une forme familiale repose
plus sur la détection d’autres cancers, en particulier du côlon, associés dans la famille dans le cadre d’un syndrome HNPCC (voir
article dans ce même numéro).
LES CANCERS HÉRÉDITAIRES DU SEIN ET DE L’OVAIRE
Concernant ces deux cancers, deux gènes majeurs de prédisposition ont été identifiés. En 1990, un gène de prédisposition au cancer du sein est localisé sur le bras long du chromosome 17. Il est
nommé BRCA1 (Breast Cancer 1). En 1994, un autre gène,
BRCA2, est localisé sur le bras long du chromosome 13.
Ces deux gènes codent pour des protéines qui participeraient à plusieurs niveaux de la réponse cellulaire aux dommages de l’ADN.
Cependant, les fonctions exactes de ces deux protéines sont encore
mal connues. Elles seraient impliquées dans des mécanismes similaires, mais auraient des rôles différents.
Une mutation de type délétère sur les gènes BRCA1 ou BRCA2
augmente le risque de développer un cancer du sein et/ou de
l’ovaire. Ce risque varie selon les familles étudiées. Pour le cancer
du sein, ce risque varie entre 40 et 85% et peut être 4 à 9 fois supérieur à celui de la population générale. Pour le cancer de l’ovaire,
le risque est compris entre 10 et 63%, il peut donc être multiplié
jusqu’à 60 fois par rapport à celui de la population générale. Par
La Lettre du Gynécologue - n° 294 - septembre 2004
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ailleurs, dans certaines familles, la présence d’une mutation de
BRCA1 induit des cancers du sein et des cancers de l’ovaire, chez
certaines, elle semble n’induire que des cancers du sein, dans
d’autres que des cancers de l’ovaire. Quant aux mutations de
BRCA2, elles augmentent davantage, chez la femme, la fréquence
du cancer du sein que celle du cancer de l’ovaire. Chez l’homme,
ces mutations induisent un risque accru de cancer du sein. De ces
chiffres on peut estimer le risque cumulé de cancer du sein chez
une femme porteuse d’une mutation BCRA1 ou BRCA2 à 65 et à
45% respectivement. Pour le cancer de l’ovaire, ces chiffres sont
de l’ordre de 39 et 11% respectivement.
D’un point de vue épidémiologique, on estime que 2000 nouveaux
cas par an de cancers du sein et 200 nouveaux cas de cancers de
l’ovaire sont liés à une prédisposition génétique. La fréquence des
altérations délétères des gènes BRCA1 et BRCA2 dans la population française serait de 1 pour 300 et 1 pour 800 habitants en France.
Il y aurait donc, en France, de l’ordre de 15000 à 450000 femmes
âgées de 30 à 70 ans porteuses d’une mutation délétère de ces gènes.
Concernant les indications d’une consultation d’oncogénétique
dans le cadre d’une prédisposition sein ovaire, une publication
O S S I E R
récente d’un groupe d’experts français (1) a retenu un score relativement simple permettant de reconnaître les patientes qui pourraient bénéficier d’une consultation d’oncogénétique. Chaque
branche familiale donne lieu au calcul d’un score et le meilleur
score est retenu. On comptabilise ainsi les différents cancers d’une
même branche familiale. Un score à 5 est une excellente indication, un score de 3 ou 4 est une indication possible, enfin un score
à 2 n’est probablement pas une indication. Ce score pourrait être
nuancé par d’autres critères comme les liens de parenté, le nombre
de femmes indemnes dans la famille ou la fiabilité des différents
diagnostics, il a cependant le mérite d’être simple. Le tableau (voir
article de F. Eisinger, annexe p.32) donne les différents scores
individuels de chaque situation clinique.
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É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
1. Eisinger F et al. Identification et prise en charge des prédispositions hérédi taires aux cancers du sein et de l’ovaire (mise à jour 2004). Bull Cancer
2004;91:219-37.
2. Antoniou A et al. Average risks of breast and ovarian cancer associated with
BRCA1 or BRCA2 mutations detected in case series of unselected for familly
history a combined analysis of 22 studies. Am J Hum Genet 2003;72:1117-30.
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Quadri
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