D O S S I E R Oncogénétique : actualisation Oncogenetic: updating ● C. Noguès* R appelez vous, la Lettre du Sénologue consacrait, dès 1999, un long dossier à l’oncogénétique, abordant de façon pratique l’intérêt et les limites d’un “dépistage génétique” (1). Côté “grand public”, la question du risque héréditaire des cancers du sein était de plus en plus souvent posée au médecin. Celui-ci avait souvent du mal à déterminer, dans la masse d’informations qui lui était proposée, quels étaient les acquis récents qui pouvaient être utiles à ces femmes compte tenu de l’importance de leur risque de cancer du sein avant ménopause, quelles allaient en être les répercussions ? Une expertise INSERM-FNCLCC avait permis, en 1998, à l’échelle nationale, de faire le point sur les différentes options possibles et avait abouti à des premières recommandations en matière de prise en charge (2). Étape importante, ce rapport, qui se présentait comme le standard français en la matière, permettait une synthèse des données existantes (près de 3000 références) même si les incertitudes et les difficultés de l’approche nécessitaient un suivi important et rendaient indispensables les projets évaluatifs. Il y avait encore peu d’études réalisées sur des populations spécifiques. Le rapport dégageait cependant des prises de position sur la prise en charge de ces femmes à risque, en particulier sur la chirurgie prophylactique. Depuis 2000, le paysage de l’oncogénétique a considérablement évolué et aussi bien du point de vue organisationnel que de l’amélioration des connaissances. Les analyses moléculaires des gènes impliqués sont réalisées dans un cadre diagnostique défini : autorisation des laboratoires, agrément des praticiens biologistes, déclaration des équipes pluridisciplinaires (décret du 23 juin 2000 et ses arrêtés complétant les lois dites de bioéthique du 29 juillet 1994). “Chez une personne asymptomatique mais présentant des antécédents familiaux, la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation médicale individuelle effectuée par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques. Cette équipe doit se doter d’un protocole de prise en charge et être déclarée au ministre chargé de la Santé. La personne doit être informée des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de la détecter, des possibilités de prévention et de traitement.” Dans son volet dépistage, le Plan Cancer a mis en avant deux mesures : 1. conforter l’accès aux tests de prédisposition génétique des cancers par la mise en place d’un réseau de laboratoires d’analyse qualifiés, 2. renforcer le réseau des consultations d’oncogénétique, afin d’offrir un accès équitable à l’ensemble de la population. Il a surtout permis de donner les * Centre René-Huguenin, Saint-Cloud. 8 moyens financiers d’une telle organisation avec des dotations substantielles sur appel d’offres dès 2003. Parallèlement, une mise à jour de l’expertise de 1998 a abouti en 2004 à des recommandations de bonnes pratiques professionnelles à la demande du Ministre de la Santé (3, 4) ; près de 2 500 références supplémentaires ont été analysées pour cette période. Les niveaux de preuve sur lesquels s’appuient les recommandations ne sont pas encore des plus élevés mais ont sensiblement progressé. Les positions seront amenées néanmoins à évoluer dans les années à venir. Les travaux de ces groupes d’experts ont également abouti à l’édition d’un ouvrage dédié aux questions psychologiques et aux débats de société pour les prédispositions génétiques aux cancers (5). Alors, encore un dossier sur l’oncogénétique ? Oui, pour synthétiser en un article ce que l’on peut vous dire aujourd’hui des risques héréditaires de cancer du sein et/ou de l’ovaire et des recommandations de prise en charge (P. Berthet) et pour vous permettre d’approfondir les thèmes d’actualité. D’abord l’intérêt de l’IRM dans le dépistage précoce et spécifique de ces femmes prédisposées, car des articles importants ont été publiés en 2004-2005 précisant la place de cet examen conjointement à la mammographie/ échographie (A. Tardivon). Ensuite, comment aborder la question délicate de la mastectomie prophylactique dont l’efficacité pour réduire le risque est démontrée, mais reste très coûteuse en termes de qualité de vie. Cela sera abordé du point de vue du chirurgien (P. Leblanc-Talent), mais aussi sous l’angle des dimensions psychiques (H. Dreyfus, S. Puy-Pernias). Enfin, l’étude de l’histoire naturelle des cancers du sein liés à BRCA1/2 peut ouvrir la voie de nouvelles stratégies de prévention (P. Pujol, H. Sobol). ■ Merci à tous les auteurs d’avoir permis ce dossier. R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Dossier thématique “Génétique des cancers du sein” pour la Lettre du Sénologue, n°5, septembre 1999, coordonné par Noguès C et de Lafontan B. 2. Expertise collective FNCLCC-INSERM. Risques héréditaires de cancers du sein et de l’ovaire. Quelle prise en charge? Expertise collective INSERM, Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer. Paris: Éditions INSERM 1998:635 p. 3. Eisinger F, Bressac B, Castaigne D et al. Identification et prise en charge des prédispositions héréditaires aux cancers du sein et de l’ovaire (mise à jour 2004). Bull Cancer 2004, 91:219-37. 4. Identification et prise en charge des prédispositions aux cancers du sein et de l’ovaire. Coordonné par Eisinger F, Lefranc JP. Paris: Éditions John Libbey, 2005:172 p. 5. Prédisposition génétique aux cancers: questions psychologiques et débats de société. Coordonné par Julian-Reynier C, Pierret J, Eisinger F. Paris: Éditions John Libbey, 2005:116 p. La Lettre du Sénologue - n° 30 - octobre/novembre/décembre 2005