
20  SCIENCES HUMAINES Janvier 2008
L’i ntel l igence est-elle génétique ?
Cette question fait l’objet de débats 
virulents. On dénombre plusieurs 
centaines de gènes dont chacun pourrait 
être impliqué dans le défi cit intellectuel… 
Mais à l’heure act uelle, aucun ne constitue 
un gène primordial pour le développement 
d’une  intelligence  « normale ».  Pourtant, 
l’héritabilité (encadré p. 22) du QI est esti-
mée à environ 60 %, ce qui laisse supposer 
une contribution massive des gènes sur le 
développement intellectuel. L’héritabilité 
semble même augmenter au fi l de la vie : le 
milieu socioculturel pourrait jouer un rôle 
nettement moindre après l’adolescence.
Certains chercheurs, depuis le psycho-
logue Arthur Jensen en 1969, vont plus 
loin en transposant le débat sur le terrain 
racial. Ainsi The Bell Curve, ouvrage à 
succès de Richard Herrnstein et Charles 
Murray, soulignait en 1994 les différences 
de QI entre Américains noirs et blancs (en 
faveur de ces derniers), en privilégiant les 
déterminants génétiques au détriment 
des facteurs socioéconomiques. Le propos 
sous-jacent à ces recherches est que si les 
inégalités sociales ont un fondement géné-
tique, il est inutile d’investir dans des aides 
aux populations noires, présentées comme 
Tout comportement est en 
partie génétique puisqu’il 
est manifesté par un individu qui 
résulte biologiquement
de son génotype. Mais tout 
comportement est en
partie le fruit de facteurs 
environnementaux puisqu’il 
s’exprime au sein d’une société 
humaine et d’une biographie 
unique, en fonction d’un 
contexte variable. Peut-on dire 
alors que le comportement est à 
50 % génétique et à 50 % 
environnemental ?  La réponse 
est non : il n’y a pas de « part » 
respective des gènes et de 
l’environnement, pas plus qu’il 
n’y a pas de « part » de la 
longueur et de la largeur dans la 
surface d’un rectangle, pour 
reprendre une métaphore 
classique. L’exposition à 
l’environnement commence 
d’ailleurs dans le ventre 
maternel, et inclut des 
événements biologiques comme 
la qualité de l’alimentation ou 
l’exposition aux virus. Génétique 
et milieu ne sont pas en 
compétition, mais en constante 
interaction : on dit qu’ils 
covarient. Le comportement 
d’un individu serait donc à la fois 
100 % génétique et 100 % 
environnemental (1). n
(1) Richard C. Lewontin, La Triple 
Hélice. Les gènes, l’organisme, 
l’environnement, Seuil, 2003.
Gènes et environnement : interaction ou compétition ?
biologiquement inférieures, condamnées à 
la stagnation et à la criminalité, et suscep-
tibles, avec leur sexualité décrite comme 
effrénée, de contaminer le corps social en 
disséminant leurs gènes. De telles théories, 
typiques du darwinisme social, sont géné-
ralement accueillies par une volée de bois 
vert : un autre auteur, Christopher Brand, 
a été interdit d’enseigner à l’université 
d’Édimbourg en 1996, tandis qu’en 2007, 
James Watson, codécouvreur de la struc-
ture de l’ADN et prix Nobel de médecine, a 
été exclu de son laboratoire de recherches 
pour avoir lui aussi défendu l’idée de diffé-
rences raciales d’intelligence.
De nombreux biologistes, comme Axel 
Kahn et Richard Lewontin, sont farouche-
ment opposés à de telles conceptions, et 
pas seulement pour des raisons morales. 
Scientifi quement, le QI est un instrument 
de plus en plus contesté : non seulement il 
est sensible à des biais socioculturels, mais 
il repose sur une conception globalisante 
de l’intelligence, vieille d’un siècle, et qui 
ne correspond plus aux connaissances 
actuelles. Or, la contribution génétique 
à des capacités cognitives plus spécifi-
ques, comme les aptitudes verbales ou la 
mémoire, est bien moindre. De plus, même 
en acceptant le QI comme instrument 
d’évaluation de l’intelligence, il a été mon-
tré que son héritabilité est quatre fois plus 
forte dans les familles les plus pauvres que 
dans les plus riches (1). Ainsi, plus on est 
pauvre, plus le milieu social est important 
pour l’intelligence générale, que l’on soit 
noir ou blanc. Minimiser les facteurs envi-
ronnementaux conduit donc à une vision 
partielle de l’intelligence des populations 
noires, qui, aux États-Unis où l’on assiste 
aux plus fortes polémiques, sont souvent 
les plus défavorisées. Enfi n, on constate 
une hausse du QI au fil des générations 
dans les pays occidentaux (c’est ce que 
l’on appelle l’« effet Flynn »). Le QI moyen 
des Français s’est par exemple élevé de 
11 points de 1950 à 1980. Le développe-
ment de l’intelligence à un tel rythme ne 
peut être expliqué, là encore, par la seule 
biologie (2). n
(1) Études citées par Michel Imbert, Traité du 
cerveau, Odile Jacob, 2006.
(2) Marie-Duru Bellat et Martine Fournier 
(coord.), L’ I n t e l l i g e n c e  d e l ’e n f a n t .  L’e m p r e i n t e  d u  
social, éd. Sciences Humaines, 2007. 
Rue des Archives
La vie est un long fl euve tranquille 
(Étienne Chatilliez, 1988) raconte 
l’histoire d’enfants intervertis à 
la naissance, et grandissant dans 
des environnements sociaux opposés.
   N° 189