S
ergey Brin, cofondateur de
Google,annonçaiten septem-
bre 2008 sur son blog qu’il
« risquait de contracter plus tard la
maladie de Parkinson ». Après
avoir eu recours aux services de
23andme,unestart-up américaine
– fondée par sa femme – qui com-
mercialise des tests génétiques, il
a découvert qu’il portait la muta-
tion G2019S du gène LRRK2. Cette
mutation n’est pas propre à tous
les malades de Parkinson, mais
elle est susceptible d’augmenter le
risque, c’est-à-dire la probabilité
de contracter cette maladie.
Pour la scientifique Marion
Mathieu, cette histoire illustre on
ne peut mieux le problème lié à
l’explosion du marché américain
des tests génétiques sur Internet
et aux fantasmes qu’il entraîne.
Membre de l’association Tous
chercheurs, elle a organisé, le
13 janvier, à la demande de l’In-
serm, une formation consacrée à
ces tests, à l’attention d’associa-
tions de malades.
Ces dernières sont de plus en
plus souvent sollicitées par des
familles qui s’interrogent sur la
nécessitéderecourir àcettegénéti-
que personnalisée. Et elles se sen-
tent démunies pour leur répon-
dre. « A une époque, quand un dia-
gnostic médical était difficile à éta-
blir, on disait “c’était psychosoma-
tique”. Aujourd’hui, on dit “c’est
génétique !” », résument certains
responsables d’associations.
La génétique semble engendrer
une quête infinie pour prédire
l’avenir. Comme si nos maladies
futures ou celles de nos enfants
n’étaient inscrites que dans nos
gènes ! Une conviction qui « joue
parfois le rôle d’une véritable
superstition génétique », s’inquiè-
te le professeur de biophysique
Henri Atlan. Pour l’heure, la méde-
cine prédictive reste une abstrac-
tionendehorsdesrarescasdemala-
dies monogéniques à forte péné-
trance ou associées à des aberra-
tions chromosomiques.
Gènes et mutation.
L’être
humain compte 25 000 gènes, et
tous n’ont pas encore été identi-
fiés. C’est la mutation d’un gène –
et non le gène lui-même – qui pro-
voque ou prédispose à une mala-
die. Mais il est difficile de prédire
de manière claire l’effet d’une
mutation, car elle peut varier en
fonction de son environnement.
Bref, nous sommes tous potentiel-
lement des mutants. A l’heure
actuelle, les tests génétiques ont
un véritable intérêt pour les mala-
dies monogéniques (un seul gène
est impliqué dans la survenue de
la maladie quel que soit l’environ-
nement). Ces maladies sont nom-
breuses (estimées à plus de 5 000),
mais leur fréquence dans la popu-
lation est rare (maladie de Hun-
tington, mucoviscidose, myopa-
thies, etc.).
« L’inné » et « l’acquis ».
Les
maladies répandues (cancers, dia-
bète, maladies cardiovasculaires,
auto-immunes,etc.)sontmultifac-
torielles, c’est-à-dire qu’elles sont
dues à des interactions complexes
entre la génétique – que l’on pour-
rait appeler « l’inné » – et l’envi-
ronnement c’est-à-dire « l’ac-
quis » (alimentation, pollution,
tabac, cadre de vie, etc.). « La plu-
part des maladies multifactorielles
ont une part génétique inférieure à
30 % », rappelle Marion Mathieu.
Un gène de susceptibilité ne suffit
pasàdéclencherla maladie.Sa pré-
sence peut augmenter le risque de
la développer mais ce n’est pas
unefatalité.Les tests deprédisposi-
tion ou de susceptibilité ne don-
nent pas de prédiction absolue sur
la survenue d’une maladie, mais
une évaluation du risque.
Bien comprendre les chiffres.
Prenons un exemple : parce qu’il
est porteur du gène HLA B27,
M. Dupont a 80 fois plus de risque
d’être atteint de spondylarthrite
ankylosante. Dit comme cela, c’est
impressionnant.Mais il s’agit d’un
risque relatif. En réalité, il faut
connaître le risque standard
(c’est-à-dire dans la population
générale) de cette maladie : il est
de 1 sur 2 000, soit 0,05 %. Le ris-
que absolu (soit le risque pour
M. Dupont de développer la mala-
diecomptetenu de sescaractéristi-
ques) est donc de 4 % (80 multiplié
par0,05 %).Cela remetles choses à
leur place.
Dérives et éthique.
A 35 ans, Ser-
gey Brin dit qu’il va « modifier son
modedevie » pour tenterde sepré-
munir de la maladie de Parkinson.
Il n’a ni certitude sur sa survenue,
ni de traitement disponible pour
l’éviter. Et rien ne dit qu’il ne déve-
loppera pas d’autres pathologies.
Quoiqu’ilensoit, unebonne hygiè-
ne de vie ne peut qu’améliorer la
santé ! Avoir une alimentation
équilibrée et faire régulièrement
de l’exercice physique a plus d’im-
pactpourse prémunir d’unemala-
die multifactorielle qu’une éven-
tuellesusceptibilitéd’origine géné-
tique.
Le business des tests généti-
ques non validés, remis aux
clients sans intermédiaire médi-
cal, peut engendrer un sentiment
abusifdevulnérabilité. Atropvou-
loir lire dans l’avenir, on en oublie-
ra de profiter du présent. Fau-
dra-t-il se sentir coupable de man-
ger parfois trop gras si, prétendû-
ment, nous sommes porteurs
d’un gène de susceptibilité aux
maladies cardiovasculaires ? Et
que se passera-t-il le jour où les
assureursétabliront leurs tarifs en
fonction des résultats d’un test
génétique ?
p
Sandrine Blanchard
nSur le web
Touschercheurs.fr ;
www.inserm.fr/fr/questionsdesante/
mediatheque/expertises/
Le ministère de l’écologie somme les
pressings de moins polluer le voisinage
Une nouvelle réglementation vise à diminuer les risques sanitaires
et environnementaux liés à l’utilisation du perchloréthylène
& Vous
Un véritable
intérêt
pour les maladies
monogéniques
Les tests génétiques présentent des limites et des dangers
L’étude des gènes ouvre de vastes perspectives médicales. Mais les maladies les plus fréquentes ont des causes multifactorielles
Environnement
24 0123
Mercredi 28 janvier 2009
Mercredi 28 janvier 2009 - 65eAnnée - N˚19909 - 1,30 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Eric Fottorino
1 / 1 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !