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La Lettre du Gynécologue - n° 246 - novembre 1999
!Le troisième intervenant de la table ronde, M. Nicolas Gom-
bault, a fait part du point de vue des assureurs. Il a d’abord
précisé que l’information est obligatoire (c’est une obligation
légale, déontologique et jurisprudentielle), que l’excès d’infor-
mation tue l’information (le juste milieu est difficile à trouver),
que l’information doit porter sur l’ensemble des risques, quels
qu’ils soient et, enfin, que cette information doit être claire et
appropriée au regard des patientes mais également au regard
de la compréhension de certains magistrats...
Quant à informer sans terroriser, il propose quatre pistes de
réflexion :
– Ne pas se focaliser sur l’information et sur les risques.
L’information doit porter sur l’état de santé du patient, sur son
évolution possible, sur la nature exacte des thérapeutiques pro-
posées et leurs conséquences éventuelles.
– Le colloque singulier qui nécessite dialogue et écoute permet
de diminuer le caractère anxiogène d’une annonce.
– La possibilité, dans certains cas, d’utiliser une dérogation à
l’obligation d’information, quand on juge que l’information
prodiguée aux patients peut provoquer un trouble trop impor-
tant (arrêt du 7 octobre 1998), sous réserve de pouvoir en justi-
fier ultérieurement.
– L’information est-elle obligatoire quand il n’y a pas d’autre
alternative ? L’exemple type dans notre spécialité est la césa-
rienne pour souffrance fœtale. Dans ce cas, il n’y aura pas
faute, mais préjudice. Ce dernier point est important, car
M. Gombault anticipe les dérives actuelles de la judiciarisation
de la médecine après deux décisions récentes de cours d’appel
donnant aux médecins une obligation de sécurité-résultat : en
cas de confirmation par la Cour d’appel et de cassation, la res-
ponsabilité du praticien sera retenue, même en l’absence de
toute faute technique. C’est donc reconnaître un droit à
l’indemnisation pour tout patient, dès lors qu’il a subi un dom-
mage à l’occasion d’un acte, d’un soin ou d’une hospitalisa-
tion, et ce même si aucune faute médicale n’a pu être
démontrée.
La responsabilité médicale devient un véritable enjeu écono-
mique et juridique. Si la Cour de cassation confirme l’obliga-
tion de sécurité à la charge des praticiens, trois spécialités
deviendront immédiatement inassurables : l’anesthésie, la chi-
rurgie et l’obstétrique.
!Le Pr Gérard Levy, représentant le ministère de la Santé,
constate comme les précédents interlocuteurs une augmenta-
tion constante de la judiciarisation de la médecine. Il souligne
même que les gens les plus terrorisés à l’heure actuelle sont les
médecins, et non les patients. Cependant, il émet plusieurs
remarques : l’information doit-elle être complète ? Où doit-elle
commencer et où doit-elle finir ?
Il prend l’exemple suivant : faut-il avertir toute femme
enceinte en début de grossesse du risque potentiel d’embolie
amniotique, alors qu’elle n’a pas d’autre choix qu’accoucher ?
L’information complète concerne-t-elle les interventions ou les
actes pour lesquels il existe une alternative, ou concerne-t-elle
la prise en charge générale de toute personne malade quelle
qu’elle soit ?
L’irruption de l’argent dans le débat est évidente : de plus en
plus de patients, même s’ils ont été informés correctement et
même s’il n’y a pas de faute professionnelle, portent plainte
pour obtenir une indemnisation, c’est-à-dire de l’argent.
Cependant, il paraît normal qu’en l’absence de toute faute
grave, un patient qui a subi un dommage important ait droit à
une indemnisation : il s’agit d’une “catastrophe individuelle”.
C’est répondre à l’aléa thérapeutique. Ce dernier point aura un
retentissement financier très important, et il est clair qu’une
solution globale au problème de l’indemnisation sans faute de
tous les individus devra être trouvée. “L’indemnisation doit
venir de l’extérieur”, de la création d’un fonds de solidarité
nationale ou d’une fiscalisation indexée en vue de réparer les
dommages en cas de préjudice sans faute.
!Mme Joliot, représentant l’Union des consommateurs,
exprimait sa crainte que l’existence d’une lettre d’information
expose le patient à ne plus pouvoir aller en justice ; ce doute
bien légitime a été rapidement levé par M. Guigue.
En guise de conclusion, les différents orateurs ont confirmé la
judiciarisation de la médecine, nécessitant, après information
claire et appropriée, le recueil (preuve ?) du consentement
éclairé du patient avant tout acte ou investigation. Le débat sur
l’information risque d’être dépassé par la tendance actuelle à
“l’obligation de sécurité-résultat”, à laquelle sera tenu le méde-
cin, amenant la nécessité de création d’un fonds d’indemnisa-
tion pour tout préjudice sans faute.
Enfin, l’ensemble de la table ronde a invité la profession à
mieux communiquer avec les patients et la justice mais égale-
ment avec le quatrième pouvoir, c’est-à-dire la presse, en
recherche constante de sensationnel. La responsabilité médi-
cale, les fautes virtuelles et la détresse des victimes se vendent
très bien ! Ce sera le thème d’une prochaine table ronde. #