Entre réel et utopie - pug

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ENTRE REEL ET UTOPIE : LA REPRESENTATION DU VILLAGE
TRADITIONNEL DANS LE ROMAN GABONAIS1
Ludovic OBIANG
Institut de Recherche
en Sciences Humaines
Libreville (Gabon)
Résumé
Le récit est l’un des fondements de l’identité et de l’évolution
des peuples. Le Livre de l’Exode chez les Juifs, l’Odyssée des Hellènes,
Kaydara des Peuls, Soundjata des Malinké, le Mvett des Fangs, etc, ont,
chacun à sa manière, le transposé de leur communauté respective, en
même temps qu’ils en influencent le devenir. Le roman contemporain
ne déroge pas à cette attribution, même s’il s’est de plus en plus orienté
vers une interrogation de sa propre économie, de son fonctionnement
interne. Tributaire majoritairement du récit, il demeure aujourd’hui le
condensé des sociétés qui lui servent de prise, traducteur de leurs
valeurs et de leurs mutations, en même temps qu’il contribue, par
rétroaction, à leur édification progressive.
C’est dans ce double sens qu’on peut étudier la présence du village
traditionnel dans le roman gabonais contemporain. Examiner ses
représentations dans les textes, aussi bien mimétiques qu’éthiques, et en
1 Ce texte est la version remaniée d’une communication donnée à l’occasion d’un séminaire
organisé par le Laboratoire Universitaire de la Tradition Orale (LUTO) sur le thème « Clans,
Lignages et Villages » (du 10 au 15 mai 1999). Notre corpus se limitera donc aux romans
publiés jusqu’à cette date, soit les mêmes que nous analysons dans notre article consacré au
roman gabonais (cf. bibliographie en annexe). Depuis cette date, un certain nombre de romans
ont été publiés qui viennent confirmer la grande vitalité de la littérature gabonaise. Nous
souhaitons que ces œuvres plus récentes soient lues sous l’éclairage du présent article afin de
vérifier si, selon le mot de Cheikh Anta Diop « les grandes lignes [en] sont solides et les
perspectives justes ». Autrement, cet article ayant été conçu à l’initial pour une rencontre
d’anthropologie et pour une thématique spécifique, on admettra qu’il ait d’abord des visées
anthropologiques et que l’accent soit porté sur une certaine perception du village
« traditionnel ». C’est ainsi qu’on ne retrouvera pas forcément les descriptifs d’usages et de
pratiques rituelles de même que les relevés des genres de littérature orale qui constituent très
souvent la méthode en matière de critique « traditionnaliste » africaine.
Annales de l’Université Omar Bongo, n° 11, 2005, pp. 457-474
Ludovic OBIANG
induire des propositions sur le degré de déculturation des populations
gabonaises et sur la capacité des romanciers à anticiper l’avenir. Voici
l’objet que nous nous sommes donné.
Mots Clés
Récit ; Village, Lignage, Matiti, Ville, Utopie.
Abstract : The account is one of the bases of the identity and the evolution of the
people. The Book of the Exodus at the Jews, of Hellènes, Kaydara of Peuls, Soundjata of
Malinké, Mvett of Fangs, etc, each one with its manner, are transposed of their
respective community, at the same time as they influence some to become it. The
contemporary novel does not derogate from this attribution, even if it were directed more
and more towards an interrogation of its own economy, of its working procedure.
Tributary mainly of the account, it remains today the digest of the societies which are
used to him as catch, translator of their values and their changes, at the same time as it
contributes, by feedback, with their progressive construction. It is in this double direction
that one can study the presence of the traditional village in the contemporary Gabonese
novel. To examine its representations in the texts, as well mimetic as ethical, and to
induce proposals of them on the degree of deculturation of the Gabonese populations and
on the capacity of the novelists to anticipate the future, here is the object that we were
given.
Key words
Key – Account – Village – Matiti – Town - Utopia
Le récit, qu’il soit traditionnel ou moderne, est un des
fondements de l’identité des peuples. Il constitue pour Grégoire
BIYOGO « la source la plus plausible des valeurs culturelles et religieuses des
peuples »2. Fait de culture, en tant que produit d’une intellection, il est
aussi facteur de culture de par l’influence qu’il exerce en retour sur les
individus. Non seulement il incarne les valeurs et les modèles d’un
peuple à un moment donné de son histoire, mais il porte aussi en lui
leurs interrogations inconscientes, leurs non-dits et leurs angoisses. On
peut légitimement évaluer le degré de déculturation ou de vivacité des
sociétés lignagères gabonaises en étudiant leur incarnation dans le
roman. Quelle place y occupent des catégories fondamentales comme le
2 Grégoire BIYOGO, L'Ecriture et le Mal, Théorie du Désenchantement, Thèse de Doctorat
Nouveau Régime, Université Paris Sorbonne - Paris IV, Mai 1990, p. 434.
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Ludovic OBIANG
village, le clan, le lignage ; sous quels aspects apparaissent-elles ? Au-delà
des affirmations de surface, quelles mutations profondes et quelles
perspectives les choix d’écriture sous-tendent-ils ? Voici les
questionnements qui animent le présent article. Il s’organisera de ce fait
en en trois principales articulations. Partant d’une perspective
strictement descriptive : (organisation spatiale et architecture puis
organisation sociale et catégories identitaires), nous envisagerons pour
finir une lecture éthique du village. L’intérêt pour nous étant d’accéder
à cette capacité d’anticipation et de sublimation qui de tout temps a fait
de l’Artiste un visionnaire, sinon un démiurge3.
I. Organisation spatiale et architecturale
D’entrée un double constat s’impose. Primo, conformément à
une situation générale et ancienne, « la peinture de la société traditionnelle
occupe incontestablement une place considérable dans l’œuvre des poètes et des
romanciers »4 gabonais. « Le lecteur est surpris, poursuit le critique, par
l’abondance, la récurrence et parfois même le retour en force de motifs empruntés
au monde de la tradition »5. Secundo, contrairement cette fois à une idée
courante, le roman gabonais n’est pas réaliste, encore moins naturaliste,
au sens strict des « courants » littéraires qui domineront le XIXe siècle
littéraire en France. On n’y décèle pas la recherche documentaire,
l’obsession du détail et les présupposés scientistes (génétique, hérédité)
qui vaudront à l’école réaliste d’être traitée « d’artisanat du style » et de
« sous-écriture » par Roland Barthes6.
3 Pour reprendre (très) approximativement les catégories de la socio-critique de Claude
Duchet, qui renvoient à des contenus bien plus complexes, on pourrait dire que notre étude
examinera d’une part la société réelle ou historique telle qu’elle apparaît à travers le roman,
avant de voir en quoi les auteurs font œuvre de création originale en produisant une véritable
société textuelle. C’est à ce niveau que se situe toute la dimension « littéraire » de notre
travail. L’espace littéraire en tant qu’univers « de papier », mais susceptible d’anticiper le réel
ou de l’influencer. L’écrivain doit montrer face à l’anthropologie, science humaine par
excellence, le même degré d’anticipation que les écrivains de science fiction manifestaient avec
les sciences dites exactes.
4 Jacques CHEVRIER, Anthologie nègre, Paris, Armand Colin, Coll. « U », p.123.
5 Idem, p.124.
6 Roland BARTHES, Le degré zéro de l’écriture, Paris, Seuil, Coll. « Point », 1953, 1972, p. 49.
Le critique français instaure un questionnement sur le réel qui mérite d’être élargi à la
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A moins que nous souscrivions à l’hypothèse de Claire L. Dehon
selon laquelle il existerait une forme spécifique de « réalisme » africain,
au modèle du réalisme « merveilleux » qui aujourd’hui encore distingue
nombreux romans antillais :
Le lecteur occidental doit donc s’attendre à ce que les éléments constitutifs
du réalisme africain ne ressemblent pas tous à ceux qui existent dans la littérature
française, ni qu’ils soient employés de la même manière et dans les mêmes buts, ni
que le mode suive une évolution identique7.
Les descriptions dans le roman gabonais peuvent sembler, en
effet, insuffisantes, lapidaires, dotées de caractérisations souvent
allusives, métaphoriques et métonymiques. Ainsi Ferdinand AlloghoOke peut-il affirmer que la rue du village de Mba-Ngôme était aussi droite
que « la raie d’un Yorouba en pleine fête. »8 Pour Okoumba-Nkoghe, les
villages « kanigui » d’Alélé et de Ngabaama se caractérisent presque
exclusivement par leurs « toits de paille », au point que ce trait descriptif
se confonde dans l’esprit du narrateur avec les noms de ces villages.
Pour Auguste Moussirou, le village n’existe plus que par le nom
(Mourindi, Mwalo) et par la présence d’une aïeule aimante qui en
entretient la flamme mythologique. Pour Armel Nguimbi Bissielou, le
village est un poste où l’on fait escale le long d’un trajet semé
littérature africaine en général. Cette littérature présentée pendant longtemps comme réaliste
par excellence n’est-elle pas plutôt le chantre d’une certaine vision du monde,
conventionnelle et entendue ? Nous pensons nous que la réalité africaine est beaucoup plus
riche et complexe que ne le révèle la littérature « idéologique » qui a prévalu jusqu’à présent.
Le monde du « surnaturel », qui double l’univers africain mérit,e par exemple, d’être mieux
appréhendé par les écrivains.
7 Claire L. DEHON, Le réalisme africain, le roman francophone en Afrique subsaharienne, Paris,
L’Harmattan 2002, p17. Dans cette œuvre qui pêche quelquefois par son côté péremptoire et
souvent schématique, Claire DEHON, s’attache à enraciner le réalisme dans l’histoire
politique de l’Afrique et à souligner les manifestations aussi bien matinales que récentes de
cette forme particulière de réalisme. L’enjeu d’un tel postulat est qu’il peut soit totalement
désincarner la notion de « réalisme » soit favoriser une complexification et de la notion et de la
théorie littéraire en général. L’auteur penche pour la seconde option. Ce qui l’amène à
construire une véritable poétique du roman africain qui privilégie l’indice, la métaphore et le
positionnement idéologique au détriment de la précision picturale et même chirurgicale qui
caractérisait les réalistes du XIXè en France.
8 Ferdinand ALLOGHO-OKE, Biboubouah, chroniques équatoriales, Paris, L’Harmattan, 1985,
p. 18.
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d’embûches et qui se limite à quelques cases, des cuisines, un corps de
garde et l’hospitalité sans limites d’un chef facétieux.
Autrement, chez la plupart des romanciers, et en particulier chez
Okoumba-Nkoghe (Siana, La mouche et la glu), le village est souvent
assimilé au campement ou au bidonville qui jouxtent la ville. Il y a là un
cas intéressant de transfert ou de transposition des usages villageois dans
l’univers citadin. Le bidonville représente souvent le refuge au sein
duquel le héros se protège des agressions de la ville. C’est dans le
bidonville que se reforment les liens claniques et le minimum de
cohésion ou de solidarité familiales, sinon nationales. Il y a là comme une
ironie du sort, comme une unification à l’envers que Hubbert Freddy
Ndong-Mbeng a parfaitement traduit dans son roman au titre éponyme :
Les matitis :
[…] Tous les matitis de Libreville n’ont à aucun moment une ethnie
qui leur est propre. Dans chaque matiti on retrouve toujours des originaires
de divers groupes ethniques, même si la bonne cohabitation entre eux n’est pas
toujours évidente. […]. En même temps qu’on retrouve diverses ethnies dans
un même matiti, on retrouve aussi, les « frères » qui ont traversé forêt et
savane pour venir « chercher la vie » à Libreville9.
Comme si le rêve d’unité nationale ou d’intégration régionale
des politiques avait trouvé son accomplissement, non pas dans la « cité »,
prestigieuse à l’image de la mégapole occidentale, mais dans le matiti, ce
rebut architectural et social où la nécessité de l’urgence atténue les
frontières artificielles de la tribu, de l’ethnie ou de la nationalité.
Et, même si le matiti chez Laurent Owondo peut donner
l’impression d’un univers sans issue, étouffant et avilissant (ce qui est le
propre même du bidonville), il n’en demeure pas moins que « ces
pauvres univers en contre-plaqué », suivant la périphrase de Hubert-Freddy
Ndong Mbeng, sont le lieu d’accueil du « déguerpi » sans abri et
représentent, à l’inverse des quartiers « résidentiels », l’espace où
s’exprime encore les vestiges de la proximité, de la solidarité et la force
de survie qui caractérisaient naguère les villages traditionnels.
9 Hubert-Freddy NDONG MBENG, Les matitis, mes pauvres univers en contre-plaqué, en planches
et en tôle…, Paris, Sépia, 1992, p.11.
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Ludovic OBIANG
Si chez Okoumba-Nkoghe ou Angèle Rawiri, le village est vite
assimilé au matiti qui gangrène la ville, chez Laurent Owondo (Au bout du
silence), le village n’est d’abord qu’un étalage imprécis de cases entre un
fromager et un cours d’eau hiératique, « la rivière-aux-gros-galets »
(p. 41). Ces deux éléments du paysage pourraient fonctionner comme
de possibles invariants dans la mesure où on les retrouve tout aussi bien
chez Jean Divassa (La vocation de Dignité) que chez Okoumba-Nkoghe.
Une seule description véritablement appuyée pour l’ensemble du
corpus, c’est celle du village de Mba-Ngôme dans Biboubouah (pp. 18-19),
village présenté comme fondation ancestrale du narrateur. Il s’agit d’un
village-rue traditionnel avec son allée principale entre-coupée de corpsde-garde et les deux rangées d’habitations qui se font face. Il faut noter
une curiosité dans cette description, la présence d’une église catholique
dans un milieu qui se veut hiératique et authentique. La même remarque
vaut pour le roman de Jean Divassa, où la religion catholique incarne
assez ouvertement le pôle de valeurs positives par excellence en
opposition à l’obscurantisme de la tradition. La destruction de l’église de
Dugandu (p. 81), à l’image de celle d’Umofia dans Le monde s’effondre10,
symbolise le refus obstiné de la civilisation, et le processus d’évolution
sociale, comme la progression de l’intrigue, ne sera relancé qu’une fois
l’église reconstruite. Cette omniprésence de l’église devrait être
symptomatique d’une déculturation en profondeur, quand on sait
l’ancrage « vitaliste » des populations qui servent de cadre au récit.
De même, on notera chez Okoumba-Nkoghe la présence d’un
« bâtiment long de plusieurs mètres, en dur, couvert de tôle, aux murs parés de
blanc »11. Ce dernier se présente ainsi de lui-même : « c’était là l’école
laïque où on initiait les fils Kanigui au pouvoir des sciences et des langues du
monde qui ébranlent les hiérarchies chancelantes, les démocraties mourantes »12.
On voit bien que, conformément à l’analyse de Claire Dehon et à
l’instar des autres auteurs africains, les auteurs gabonais se soucient
finalement peu de la précision ou de l’équilibre de la description. Un
10 Chinua ACHEBE, Le Monde s’effondre, Paris, Présence Africaine, 1966, 1972.
11 OKOUMBA-NKOGHE, Siana, aube éternelle, Paris, Silex, 1986, p. 21.
12 Idem.
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détail émergera et s’imposera à la conscience du narrateur/écrivain, en
fonction de sa charge affective ou idéologique :
Quant aux descriptions du milieu, les auteurs ne les traitent pas comme
d’utiles sources d’information ou comme des ornements littéraires nécessaires pour
aider l’imagination visuelle du lecteur. Elles signalent un monument, un objet, la
présence d’une forêt, d’une route, d’un animal selon les besoins de la narration ou
selon les symboles qu’ils contiennent. Ils y passent quelques lignes pour mettre en
évidence le significatif sans chercher à créer un tableau 13.
Autrement, il faut relever comme de véritables invariants, les
descriptions lapidaires de cases, de cuisines, de corps de garde, en
matériaux divers, aussi bien traditionnels (écorces éclatées, terre cuite,
paille, etc.) que modernes (parpaings, planches d’okoumé, tôles
ondulées, etc.). L’ensemble donne l’impression d’une profonde misère,
de communautés villageoises engluées dans une précarité sordide,
humiliante, dépourvues de toute créativité et de tout dynamisme,
dépendantes de la ville qui les approvisionne en illusions et en pacotilles
diverses.
Ce délabrement matériel se traduit par un appauvrissement
extrême du lexique. Les romanciers se servent de termes empruntés au
vocabulaire français sans prendre en compte leurs connotations
culturelles et ce qu’ils peuvent avoir de réducteur une fois appliqués au
contexte gabonais. Ils parleront ainsi de « maison », de « banlieue », de
« contrée », de « bourgade », de « hangar » et même de « cité »
(Okoumba-Nkoghe) sans que ces termes ne parviennent à restituer la
particularité, sinon la complexité des réalités ainsi désignées.
Incontestablement les textes renvoient l’image d’un cadre
villageois indécis, imprécis, quand il n’est pas inavouable, dénué (dans
l’esprit des romanciers) de la superbe hiératique ou mystique que lui
avait reconnu naguère la négritude. Qu’en sera-t-il de l’organisation
sociale, du tissu visible ou invisible des relations communautaires ?
13 Claire L. DEHON, Le réalisme africain, op. cit., p. 368.
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II. Organisation sociale et catégories identitaires
A ce niveau, le constat de l’insuffisance documentaire reste
valable, mais les descriptions et les informations sont un peu plus
fournies.
De toute évidence, l’organisation sociale sous-tendue par les
textes est celle de la société lignagère bantoue, avec ses variantes
ethniques ou régionales.
On retrouve ainsi la patrilinéarité des Fang (Biboubouah), des
Mpongwé (Au bout du silence), et la matrilinéarité des Punu (La vocation de
Dignité), des Obamba (Siana). Toutefois, dans l’ensemble on note une
prédominance certaine de la branche maternelle, sinon du personnage de
la mère, à l’image d’une tendance générale du roman négro-africain que
de nombreux critiques ont abondamment noté :
Le père est ici l’élément gênant, l’entité qui corrompt l’harmonie
familiale. […] Et la solitude qui le condamne confirme sa stérilité dans un
univers qui le nie. A défaut d’obtenir sa dimension du volume de ses
responsabilités sociales, il limite le champ affectif, en assumant dans l’œuvre les
rôles dérisoires et les répliques sans substances des existences timides14.
D’une façon générale, […], si la mère du héros est toujours présente,
souvent vénérée, on est frappé au contraire par l’absence du père, ou par
l’opposition fréquente du père et du fils15.
Ici, l’anthropologie peut venir en aide à la littérature, en
apportant un éclairage crucial à un phénomène que la seule vérité
littéraire n’explique pas. L’effacement du père dans la littérature négroafricaine ne serait-il pas la réminiscence littéraire d’un matriarcat
primitif ?16 A moins que la référence à cette discipline n’autorise
simplement une « lecture » de ce phénomène qui dépasserait
l’enchaînement actionnel et la tentation du mimétisme pour atteindre
aux principes, aux fondements mythologiques des œuvres.
14 Ghislain GOURAIGE, Continuité noire, Dakar-Abidjan, NEA, 1977, p. 38.
15 Roger CHEMAIN, La ville dans le roman africain, Paris, L’Harmattan/ACCT, 1981, p. 233.
16 Cf. à ce propos Cheikh Anta DIOP, L’unité culturelle de l’Afrique noire, Paris, P.A., 1959,
1982.
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En effet, une explication qui partirait de la réalité sèche verrait
cette dépréciation comme la conséquence d’une crise sociale
(prolongement de la crise coloniale) qui aurait démis le père africain de
son autorité ancienne et l’aurait transformé progressivement en une
créature sans repères, s’abandonnant aux émotions et aux instincts
divers qui l’agitent.
Le père violent, le père et les plaies qu’il inflige symbolise également la
créature abusive et abusée, miroir d’une race dépouillée et témoignage des
déviations mentales qui lui sont assurées. […] Au-delà de ses fautes, il y a ses
déficiences que la société a délibérément entretenues et qui font de lui un
mécanisme aveugle, réglé pour multiplier les abus17.
Mais le fait même que cette occultation du père existait déjà dans
les récits traditionnels, dans un personnage comme l’enfant terrible par
exemple, nous suggère une autre explication. Et si la Mort du père était
le préalable, la condition sine qua non à l’accomplissement et narratif et
social du héros. Le héros négro-africain serait ainsi un orphelin par
définition, un héros civilisateur en quête du « père », c’est-à-dire du
paradis perdu des valeurs fondamentales18. Espace mythique,
mythologique, transcendantal, dont les terroirs fictif ou réel ne sont que
de bien pâles reflets.
De ce fait, les romans gabonais, à l’image de leurs homologues
africains manifesteront une mobilité extrême des personnages, en quête
d’une résidence fixe de valeurs et de savoirs. Toutefois, même à ce
niveau, la forme de localité respectera les catégories réelles. Patrilocalité
chez les Fang et les Mpongwé, sinon virilocalité (Au bout du silence).
Matrilocalité chez les Punu et les Obamba, du moins en ce qui concerne
les enfants. Le jeune héros de Siana naît d’une union exogamique qui
voit l’affrontement de deux ethnies à la dominante inverse, patrilinéarité
des Fang (ethnie du père) et matrilinéarité des Obamba (ethnie de la
mère). De par la situation précaire du père, instituteur en pays obamba,
matrilinéarité et matrilocalité prévaudront (p. 38).
17 Ghislain GOURAIGE, Continuité noire, op. cit., p. 39-40.
18 C’est une lecture que nous avons défendue à l’occasion de nombreux travaux
(cf. Bibliographie en annexe).
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Ludovic OBIANG
A la pointe extrême d’une telle ligne, le roman La vocation de
Dignité présente une héroïne dont le père n’est cité qu’une seule fois en
quelques 220 pages ! Mais dans l’ensemble, l’angle de vue de la localité
traditionnelle apporte une lumière accrue au drame du déracinement,
celui par exemple de Kota, père du héros Anka (Au bout du silence), qui
abandonne en même temps que son village au bord de la mer, la
virilocalité qui le valorisait naguère. Condamner à l’exil, recueilli avec
toute sa famille par un parent de sa femme, il sombrera dans ce
désenchantement profond qui, nous l’avons vu, caractérise le « père »
africain (pp. 65 à 70).
Autrement, les romanciers n’insistent pas suffisamment sur les
généalogies et le décompte du lignage, mis à par Laurent Owondo (Au
bout du silence) qui égrène l’ascendance de Anka (p. 29). Pour Auguste
Moussirou (Parole de vivant), Ytsia Moon l’orphelin passe sans transition
du souvenir éploré de ses défunts parents à l’ascendance mythologique
de son peuple, avec la figure cyclopéenne de Moukélémbémbé, associée
aux faits de nature divinisés (fleuves, grottes, plaines, gorges, arbre,
etc.) : Moukongu-Dizambou, Mwabi, Kongo, Lemb, etc. Jean Divassa
présente une famille intéressante regroupée autour de son patriarche
Oncle Mâ, mais il est difficile de la mettre en arbre, car les indications
manquent. Toutefois, la cohésion de cette famille met en relief le rôle
ambigu de Dignité, petite fille de l’Oncle Mâ, qui contre vents et marées
décide de se faire religieuse. En optant pour la vocation religieuse,
Dignité menace d’interrompre la lignée. Cette perspective fera l’objet
d’une discussion anxieuse entre sa mère et Oncle Mâ (pp. 106 à 110).
C’est là une opposition du second degré qui contrarie le ralliement
avoué de la narration au catholicisme. Inconsciemment, Jean Divassa
incarne les contradictions terribles entre les prescriptions du
catholicisme et les mécanismes régulateurs de la tradition. C’est là toute
l’opposition entre la raison subjective des textes et leur raison objective,
fondée sur la capacité du texte à produire du sens par lui-même, par un
jeu d’interrelations entre ses composantes internes19.
19 Le lecteur relèvera ici la référence à un courant de lecture « poétique » qui unit, unifie des
positions théoriques aussi diverses que celles de Jakobson, Todorov, Barthes, Genette,
Kristeva, etc.. Il postule une « immanence » du texte littéraire, c’est-à-dire une capacité à
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Ludovic OBIANG
Dans Siana, Okoumba-Nkoghe présente un autre cas intéressant
de dissension familiale (et bientôt lignagère), entre Kiéssé, grand-mère du
héros et Umangui son frère. Pour une obscure histoire d’héritage (un
troupeau de cochons !) ces deux branches d’une seule et même souche
vont progressivement et irrémédiablement se séparer (p. 50).
Une autre dissension apparaît dans Histoire d’un enfant trouvé
(Robert Zoutoumbat) avec la présence du héros Ngoye que sa nature
« d’enfant trouvé » rabaisse, faute d’autre terme, au statut d’esclave. Mais
c’est là une désignation imprécise, qui ne rend pas compte de la
complexité de sa condition et des mécanismes de régulation sociale qui
entrent en jeu. « La condition d’esclave, souligne Raymond Mayer, a
cependant donné lieu à divers statuts, et non pas à un statut unique »20. Fort de
cette stratification complexe, Ngoye pourra évoluer du statut d’esclave à
celui de fils adoptif et même de légataire unique. Mais cette élévation
fulgurante provoque le courroux de tout un parti villageois, réuni autour
de sa belle-mère (ou « marâtre »). Il y a là un cas d’intégration
progressive et méliorative qui aurait mis la cohésion villageoise en péril
si à la fin le bon sens et la justice n’avaient prévalu.
La même indécision lexicale qui faisait de Ngoye un esclave se
retrouve dans l’emploi du concept de Chef, au sein de l’organisation
communautaire. A ce propos, les romanciers rencontrent les mêmes
difficultés que les anthropologues à distinguer entre une chefferie
spirituelle, politique, morale ou juridique, etc. Ils sont en cela
représentatifs des difficultés qui se présentent lorsqu’il faut séparer de
façon nette la ville et le village, ranger l’un et l’autre dans un cadre de
valeurs morales fixes et inaltérables.
produire du sens en dehors de toute influence historique ou contextuelle. Nous n’avons pas
jugé utile d’introduire cette modalité parce qu’elle est aujourd’hui un préalable entendu pour
tout partisan ou non du structuralisme en matière de sciences humaines. De même, nous avons
voulu éviter le jargon et l’étalage qui caractérisent aujourd’hui de nombreux travaux critiques.
De trop nombreux articles, en effet, se réduisent à un florilège de citations pompeuses qui
cachent souvent une déficience au niveau de la nouveauté et de la puissance de la pensée.
Comme si la critique africaine ne pouvait être autre chose que la stricte application , le
prolongement obséquieux de la tutelle occidentale !
20 Raymond MAYER, Histoire de la famille gabonaise, Libreville, CCF/Sépia, 1992, p. 92.
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III. Représentation éthique du village
On s’en aperçoit, les romanciers gabonais sont bien plus
moralistes que peintres du quotidien ou chantres du passé. En
conformité avec les observations de Claire L. Dehon, relatives au roman
francophone subsaharien dans son ensemble, l’écriture romanesque au
Gabon n’est très souvent qu’un prétexte pour matérialiser une
« philosophie » de l’existence plus ou moins précise, plus ou moins
élaborée. C’est en cela que la représentation du village sera plus morale
que picturale, plus idéologique qu’esthétique. Le village se présente
principalement comme un pôle de culture, à défaut d’être un modèle
pictural. C’est d’abord un cadre de valeurs existentielles qui se définit
dans le rapport d’opposition qu’il entretient avec la ville. Mais cette
dichotomie ne va pas sans nuances, sans contradictions qui révèlent la
difficulté réelle des romanciers à se situer, à choisir leur « camp » de
façon péremptoire.
Le village semble à première vue un pôle positif, au contraire de
la ville, considérée comme l’espace caractéristique du déracinement. La
ville, c’est l’enfer de l’aliénation, des bidonvilles, de l’administration
impersonnelle, labyrinthique, le réceptacle des pauvres conquêtes
villageoises, qui s’achèvent par les drames du chômage, de la débauche,
de la dépravation.
A Trouville, il n’y a que trop de trous maintenant. Des trous où des
adultes et adolescents passent pour des maîtres nageurs dans les eaux de feu
qu’irriguent les arrière-salles chauffées de décibels. Ces trous où l’on y entre vif et
l’on en sort déboussolé. Regardez les lambeaux que sont devenus nos braves
habitués des trous !Des lambeaux ? Mais non ! Des loques humaines, des gueux
devenus21.
La ville semble bien ainsi le lieu du reniement des valeurs
grégaires, valeurs de cohésion, de solidarité, d’hospitalité, de sagesse
séminale qui caractérisent en apparence le village. Mais ce dernier n’est
pourtant pas sans tares.
21 Armel NGUIMBI BISSIELOU, Le bourbier, Paris, Debresse, 1993, Libreville, Les Editions
Twendianu, 2001, p. 18.
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Le village, c’est aussi le temple des croyances et des usages
rétrogrades qui freinent les mutations positives et qui nuisent à
l’émancipation des âmes (La mouche et la glu) ; c’est aussi le sanctuaire des
traditions aveugles, arbitraires, celles de la ségrégation sexuelle, de la
mystification religieuse, etc. Le village, c’est aussi le lieu de la misère la
plus avilissante, de repas que l’on prend assis sur des caisses de sardines
(Biboubouah), du dénuement vestimentaire le plus accablant, des tensions
familiales sourdes ou avouées, des pratiques occultes les plus
abominables, celles de l’empoisonnement, de la sorcellerie ; c’est le
théâtre de la ségrégation sociale qui attribue le mérite à la naissance et
non au caractère (Histoire d’un enfant trouvé). On a ainsi l’impression que
la ville souffre de l’influence néfaste de la campagne. Les villageois
transposent en ville leur sectarisme, leurs croyances et leurs
superstitions (Elonga, Fureurs et cris de femme). Dans ce cas, quel pôle de
valeur choisir, et rompre avec quel autre ? Les romanciers nous laissent
dans l’expectative, se contentant d’entretenir l’indécision ou le
fatalisme. Attitude encore une fois générale à toute la littérature
subsaharienne, et ce en particulier dans le domaine politique. Dans ce
cadre, en effet, le roman fait preuve d’un tel scepticisme, d’un tel
pessimisme qu’il en est devenu proverbial, au point de devenir une des
caractéristiques majeures du roman africain, sinon de l’édition africaine.
Ecrire en Afrique revient le plus souvent à ériger comme une impasse,
une cellule sans issues où le lecteur doit à jamais murer ses rêves de
grandeur et d’élévation. Garde-frontière de l’imaginaire, l’écrivain
africain refuse d’assumer le rôle de « passe-muraille » que lui confère
pourtant la magie et la puissance du Verbe :
[…] Les romanciers n’offrent guère de modèles positifs et, en décrivant le
clientélisme comme un système inévitable, ils font, intentionnellement ou non, le
jeu des puissants. En vérité, pour ébranler le système, les critiques ne suffisent pas,
il faut des héros qui le mettent en échec, point que quelques auteurs ont compris
[…], mais que bien d’autres n’osent, ou ne veulent pas incorporer dans leur
fiction22.
Or, c’est peut-être à ce niveau que leur talent aurait été le plus
précieux. Certes, le témoignage des romanciers est forcément crucial,
22 Claire L. DEHON, Le réalisme africain, op. cit., p. 370.
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s’il permet d’illustrer, de renforcer ou de contester certaines lois mis à
jour par les sciences humaines, en l’occurrence par l’anthropologie. Les
écrivains de science fiction ont joué et continué de jouer ce rôle par
rapport aux sciences exactes. Or, il nous semble que les écrivains
africains en général et les Gabonais en particulier (par méconnaissance
ou par orgueil) n’ont pas encore suffisamment évalué l’apport des
sciences humaines dans leur activité d’écriture. Le « roman expérimental »
de Zola pouvait avoir un côté parodique, mais il aura suscité un dialogue
entre génétique et littérature qui a permis non seulement la vulgarisation
de la première mais aura permis à l’écrivain de construire une trame
dense et continue qui demeure l’une des plus gigantesque de la
littérature mondiale. En accordant plus d’attention aux lois complexes
de l’organisation traditionnelle ou aux mutations subtiles des sociétés
actuelles les écrivains gagneraient en finesse et donneraient de leurs
sociétés une image beaucoup moins archétypale que celle que véhiculent
leurs productions récentes. D’où un sentiment de répétition et de
médiocrité qui lassent bientôt le lecteur, le critique, sinon l’éditeur…
Très condescendant, le directeur de la collection « Continents noirs » a
déclaré que si tout le monde écrit au Gabon, en témoignent les nombreux
manuscrits qu’il reçoit par jour, les trois quarts lui tombent des mains, parce
qu’ils sont sans style, sans mots, ils racontent le B.A.B.A d’une histoire
autobiographique, simplement, de façon même pas journalistique, c’est-à-dire
suffisamment plat (sic) pour être compris par tout le monde, mais sans relief
aucun23.
Il est dommage que les écrivains gabonais aient attendu le passage
d’un critique littéraire européen pour se faire rappeler sans ménagement
cette loi de la création littéraire que leur ancrage littéraire traditionnel
n’ignore guère (mvet, mumbwanga, olendé, etc.24) et que Nathalie Sarraute
a rappelé de manière forte :
Le soupçon […] force le romancier à s’acquitter de ce qui est, dit Philip
Toynbee, rappelant l’enseignement de Flaubert, « son obligation la plus
23 Junior OTEMBE in L’UNION du 8 mai 2003.
24 En effet, même si ces genres oraux exigent une certaine déférence au modèle ancestral, ils
n’en exigent pas moins de la part du ou des conteurs une capacité de variation,
d’improvisation et d’adaptation au public qui suppose inventivité, créativité, dynamisme.
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profonde : découvrir de la nouveauté », et l’empêche de commettre « son crime le
plus grave : répéter les découvertes de son prédécesseur25.
Elle affirme ainsi le rôle, la fonction majeure de l’écrivain,
longtemps acclamée, toujours décriée, celle du visionnaire, du démiurge
qui transforme ses émotions et ses sensations en un monde de papier et
bientôt de chair. George Ngal, à la suite de Paul Ricoeur, insiste sur
cette forme d’identité à rebours que peut susciter l’œuvre littéraire :
Je voudrais dans cet essai cerner, en partant de la notion d'identité
narrative lancée par Paul Ricoeur, dans Temps et récit, un des aspects de
l'identité africaine, c'est-à-dire la sorte d'identité à laquelle un individu ou une
communauté accède par la médiation du langage (compréhension de soi
médiatisée par des signes, par des symboles et par des textes), notamment par
l'ensemble des textes romanesques et narratifs saisis comme totalit 26.
Ce que Ngal ressent comme une possibilité, et qu’il situe encore
au niveau de l’inconscient des auteurs, il importe désormais que ceux-ci,
en l’occurrence les romanciers gabonais, l’adoptent et le brandissent
comme le bût suprême de leur activité. Plutôt que de restituer plus ou
moins fidèlement la réalité ambiante, plutôt que d’exprimer une vision
du monde plus ou moins cohérente, plus ou moins profonde, l’œuvre
littéraire est d’abord une oeuvre de fiction, un acte de création qui hisse
l’écrivain au rang des dieux. Il lui faudra donc atteindre à l’harmonie de
la nouvelle Genèse, par un dépassement des contradictions, des arguties,
des apories, pour évoquer, en démiurge, en visionnaire gonflé de
puissance, l’utopie féconde et salvatrice. Le matiti de demain, le village à
venir, purifié de ses contradictions, ayant assumé sa part du conflit et du
marasme. Après avoir incarné les interrogations anxieuses de l’heure, il
revient aux romanciers africains de construire le monde prochain,
d’amener le lecteur à voir par leurs yeux, du haut de leur inspiration,
25 Nathalie SARRAUTE, « L’ère du soupçon », in L’ère du soupçon, Paris, Folio, Col.
« Essais », p. 79.
26 Georges NGAL, Création et rupture en littérature africaine, Paris, L’Harmattan,
Coll. « Critiques littéraires », 1995, p. 73.
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cette ville promise à l’Afrique que l’un des plus grands d’entre eux
prophétisait « belle » parmi les belles27.
Conclusion
Quelle portée accorder à cette étude : anthropologique ou
littéraire ? Dans une ère de confusion des genres et des disciplines
comme la nôtre, une telle distinction est-elle encore possible ? En tous
les cas, cette étude nous aura permis de montrer les lieux possibles
d’une connexion entre ces deux perspectives. Elle aura montré d’une
part que les écrivains gabonais puisent bien aux sources du réel pour
construire leurs romans. On retrouve ainsi dans leurs textes les formes
qui caractérisent le village gabonais, dans son architecture et son
organisation lignagère traditionnelles, mais aussi dans ses mutations
profondes (église, école). Mais une analyse approfondie révèle bientôt
comme une trahison de la part des auteurs. Très souvent le recours au
réel sert de prise à un positionnement idéologique, à l’étalage de
convictions personnelles, politiques ou morales. Les descriptions
s’avèrent ainsi partielles, sinon partiales, donnant lieu à une sélection qui
trahit comme une vision du monde étriquée et caricaturale. Dès lors,
une double perspective s’offre aux romanciers : s’instruire des travaux
en matière d’anthropologie ou de sociologie pour mieux comprendre les
sociétés qui leur servent de modèle, pour mieux les dépeindre, sinon les
« réfracter », mais aussi pour en envisager, en anticiper les
transformations prochaines ou possibles. Ce n’est qu’à ce dernier prix
que l’écrivain gabonais retrouvera le degré suprême de l’Ecriture, celui
que les Maîtres de Parole cultivaient en leur temps, qui est de produire
de la « Lumière » chaque fois que les ténèbres s’épaississent et que la
Communauté cède à la tentation du Désespoir et de l’Avilissement.
Bibliographie
27 Aimé CESAIRE, Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence Africaine, Rééd. 1983,
p. 49.
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