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Pharmactuel Vol. 33 No. 3 Mai/Juin 2000
et placebo, tocophérol (vitamine E) 2 000 unités/jour et
placebo, sélégiline et tocophérol, ou deux placebos. Les
chercheurs documentaient pour chaque sujet le délai
avant l’apparition d’une incapacité fonctionnelle
assez importante pour nécessiter l’introduction de la lévo-
dopa (49). Cette mesure a été très critiquée puisqu’elle
demeure subjective et n’est pas en soi un marqueur fiable
de la neuroprotection (7,13). La sélégiline a permis de
retarder l’introduction de la lévodopa de neuf mois
(risque relatif = 0,50; IC95 % 0,41-0,62). Compte tenu que
les résultats des études préliminaires n’avaient pas asso-
cié d’effet symptomatique à la prise de la sélégiline, les
chercheurs ont conclu que la sélégiline offrait une neuro-
protection (49). À la suite de l’arrêt de la sélégiline, une
détérioration clinique des patients a démontré que la
sélégiline produisait un véritable effet symptomatique,
facteur confondant de grande importance (50). De plus,
les effets initiaux n’ont pas été maintenus et une deuxiè-
me phase de l’étude a soulevé la possibilité que la mala-
die des sujets ayant reçu la sélégiline pouvait progresser
plus rapidement (13,48). Plusieurs questions doivent être
éclaircies par des études cliniques avant qu’on puisse pro-
noncer les louanges d’une neuroprotection et suggérer
une utilisation répandue de la sélégiline. La sélégiline,
étant bien tolérée, est un choix thérapeutique adéquat en
monothérapie et en concomitance avec d’autres antipar-
kinsoniens. Même lorsqu’il n’y a plus de soulagement
notable des symptômes, quelques cliniciens souhaitent
maintenir la sélégiline au profil pharmacologique des
patients dans l’espoir d’apporter une neuroprotection.
Cependant, il faut garder à l’esprit que cette pratique, qui
n’est pas appuyée par les résultats d’études cliniques, peut
amener des effets indésirables, augmenter le risque d’in-
teraction médicamenteuse et augmenter les coûts (13).
L’étude DATATOP a permis de conclure que l’adminis-
tration d’une dose importante de vitamine E, un antioxy-
dant, ne ralentit pas la progression de la MP (49).
Cependant, il est possible que les antioxydants soient des
agents prophylactiques intéressants s’ils sont introduits
avant l’apparition des premiers symptômes de la MP,
c’est-à-dire avant que 80 % des neurones dopaminer-
giques soient déjà détruits (51).
L’amantadine et les anticholinergiques peuvent être uti-
lisés tôt dans l’évolution de la MP compte tenu de leur
faible efficacité. Ils doivent, cependant, être évités chez
les personnes âgées ou chez les personnes avec des
troubles cognitifs (10). L’amantadine, en bloquant le
recaptage de la dopamine et en inhibant les récepteurs
du N-méthyl-D-aspartate (NMDA), pourrait également
être un neuroprotecteur. Selon les résultats d’une étude,
l’amantadine augmente la survie des parkinsoniens (52).
L’utilisation des agonistes dopaminergiques en mono-
thérapie est une pratique de plus en plus recomman-
dée (10). Les résultats des récentes études précliniques
faites avec des cultures de neurones dopaminergiques
démontrent que les agonistes dopaminergiques auraient
des propriétés neuroprotectrices (53). En stimulant les
autorécepteurs D2 présynaptiques, les agonistes dopami-
nergiques diminueraient le turnover de la dopamine, soit
la synthèse, la libération et le catabolisme de ce neuro-
transmetteur. De plus, ils auraient des effets antioxydants
directs et inactiveraient les radicaux libres (14,53). Des
études cliniques n’ont cependant pas encore confirmé
ces hypothèses. Les agonistes dopaminergiques sont éga-
lement des épargneurs de la lévodopa. Ils permettent de
diminuer la dose de lévodopa de 10 à 30 % et de retarder
son introduction (2,10). Toutefois, les bénéfices de ces
propriétés sont controversés (13). Finalement, l’utilisa-
tion précoce des agonistes dopaminergiques en monothé-
rapie peut retarder l’apparition des fluctuations motrices
puisqu’ils stimulent les récepteurs dopaminergiques de
façon plus continue (14). Cet avantage est particulière-
ment souhaitable chez les jeunes parkinsoniens qui sont
plus à risque de connaître de fâcheuses fluctuations
motrices. Chez cette population, les experts recomman-
dent l’initiation de la pharmacothérapie avec un agoniste
dopaminergique (10). Lorsque cette stratégie devient
insuffisante, l’ajout de la lévodopa est indiqué (1,10).
Doit-on retarder l’introduction de la lévodopa ou mini-
miser la posologie de cet agent? Cette question fonda-
mentale influence toute l’approche pharmacothérapeu-
tique. Depuis des années, des cliniciens croient
fermement à la nécessité de retarder le plus possible l’ini-
tiation de ce puissant traitement (13). Trois hypothèses
théoriques expliquent cette pratique.
Premièrement, certains croient que la lévodopa est
cytotoxique pour les neurones dopaminergiques puis-
qu’elle permet une libération massive de dopamine qui
est ensuite convertie en radicaux libres (2,10). Les résul-
tats des études faites sur des animaux et des humains
sains ne démontrent aucune dégénérescence neurolo-
gique secondaire à la lévodopa, tandis que les résultats
des études faites sur des animaux avec un syndrome par-
kinsonien induit par le MPTP démontrent une détériora-
tion des neurones dopaminergiques à la suite de la prise
de la lévodopa. La lévodopa est potentiellement nocive
chez des animaux déjà sujets à un stress oxydatif et ayant
des mécanismes de défense compromis (10). Les résul-
tats des études cliniques qui tentent de documenter la
progression de la MP et l’espérance de vie des parkin-
soniens sous la lévodopa n’arrivent pas à démontrer l’im-
pact de cette dégénérescence neurologique (5). La pro-
gression de la MP est semblable chez les patients
recevant soit la lévodopa ou la bromocriptine (13). La
lévodopa augmente l’espérance de vie des parkinsoniens
en diminuant les complications induites par l’immobilité,
soit les maladies cardiovasculaires, les accidents vascu-
laires cérébraux, l’aspiration et les chutes (3,5).