Sommaire Vol. XII - n° 10 - décembre 2008 ÉDITORIAL ÉDITORIAL 311 Traitement de la maladie de Parkinson, rien ne va plus ! Treatment of Parkinson’s disease: game is over? J.P. Azulay MISES AU POINT 315 Diagnostic et traitement des neuroborrélioses de Lyme Diagnosis and treatment of Lyme neuroborreliosis F. Blanc, J. de Seze Maladie de Wilson : avancées récentes Recent advances in Wilson’s disease J.M. Trocello, P. Chaine, P. Rémy et al. Les tumeurs intramédullaires de l’adulte Intramedullary spinal cord tumors in adult C. Campello REVUE DE PRESSE 336 Revue critique de la littérature C. Dallière, E. Lesburguères, A. San-Galli, A. Fromont, S. Valerio FICHE I-II Démence d’évolution rapide M. Sarazin CAS CLINIQUE 339 Neuropathie douloureuse et œdème des membres inférieurs A. Wacongne VIE PROFESSIONNELLE 344 SEEYOUSOONONTHEMOON - EBIX/08/041/AP - Juin 2008 L’éducation et la prise en charge multidisciplinaire des enfants épileptiques N. de Grissac-Moriez Traitement de la maladie de Parkinson, rien ne va plus ! Treatment of Parkinson’s disease: game is over? J.P. Azulay* D epuis 2 ans, les neurologues, et en particulier les neurologues spécialisés dans la prise en charge de la maladie de Parkinson, ont curieusement l’impression que plus rien de nouveau ne se passe dans le domaine concret de l’innovation thérapeutique. Ils restent ainsi un peu évasifs lorsqu’il s’agit de répondre à la question classique que posent les malades : “Alors, docteur, rien de nouveau ?” Du nouveau, non, mais échecs des essais thérapeutiques de neuroprotection ; blocage institutionnel franco-français à la commercialisation de deux nouvelles molécules – un nouvel IMAO-B (la rasagiline) et un agoniste en patch (la rotigotine) déjà largement diffusés dans le monde – ; doutes sur l’intérêt des nouvelles techniques de stimulation, qu’il s’agisse de la stimulation du cortex moteur ou de celle du noyau pédonculopontin ; et encore échecs des greffes de neurones fœtaux et absence de perspectives cliniques humaines à court terme pour les cellules souches. En fait de nouveautés, il s’agissait essentiellement des moyens déjà existants, et les nouvelles étaient plutôt mauvaises : toxicité putative de la lévodopa, un peu gommée par les vagues de complications qui ont déferlé sur les différents agonistes dopaminergiques ces dernières années. En 1999, S. Frucht et al. avaient rapporté des attaques de sommeil sous pramipexole et ropinirole pouvant provoquer des accidents de voiture (1). Les travaux ultérieurs démontrèrent que tous les traitements dopaminergiques pouvaient en être responsables. * Service de neurologie et de pathologie du mouvement, hôpital de la Timone, Marseille. ÉDITORIAL Références bibliographiques 1. Frucht S, Rogers JD, Greene PE et al. Falling asleep at the wheel: motor vehicle mishaps in persons taking pramipexole and ropinirole.Neurology 1999;52(9): 1908-10. 2. Van Camp G, Flamez A, Cosyns B et al. Heart valvular disease in patients with Parkinson’s disease treated with high-dose pergolide. Neurology 2003;61(6):859-61. 3. Van Camp G, Flamez A, Cosyns B et al. Treatment of Parkinson’s disease with pergolide and relation to restrictive valvular heart disease. Lancet 2004;363(9416): 1179-83. 4. Giovannoni G, O’Sullivan JD, Turner K et al. Hedonistic homeostatic dysregulation in patients with Parkinson’s disease on dopamine replacement therapies. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2000;68(4):423-8. 5. Voon V, Fox SH. Medicationrelated impulse control and repetitive behaviors in Parkinson disease. Arch Neurol 2007;64(8): 1089-96. En 2003-2004, G. Van Camp et al. (2, 3) rapportent 33 % de valvulopathie dans un groupe comprenant 78 parkinsoniens traités par pergolide contre aucun cas chez les 18 sujets contrôles. Les risques de fibrose des dérivés ergotés étaient connus depuis toujours, mais cette étude, confirmée par la suite, a brisé net la carrière du pergolide. Et en 2000 (4), le syndrome de dysrégulation dopaminergique a été isolé par V. Voon et al. Ce syndrome comprend les troubles du contrôle des impulsivités, c’est-à-dire des comportements pathologiques de jeux, d’achats ou de sexe, qui semblent être déclenchés ou majorés en particulier par les agonistes dopaminergiques (5). Ces troubles du comportement sont particulièrement fréquents chez les hommes jeunes, candidats désignés à la prescription des agonistes dopaminergiques en monothérapie. Même la stimulation cérébrale profonde des noyaux sous-thalamiques, qui a bouleversé la prise en charge des patients parkinsoniens et qui a provisoirement donné aux cliniciens l’illusion enivrante d’un pouvoir de guérison miraculeuse tant l’amélioration peut être spectaculaire, a été passée au crible des critiques : effet négatif sur la voix, l’équilibre, la marche, le moral, la motivation, les pulsions suicidaires, etc. La problématique est en fait à la fois simple et complexe et correspond essentiellement aux manifestations non motrices de la maladie de Parkinson, et en particulier aux manifestations cognitivopsychiatriques : troubles du contrôle de l’impulsivité, accès de sommeil et accidents de voiture, troubles de l’humeur, anxiété, insomnie, apathie, démence. Ces manifestations constituent l’essentiel des complications des traitements et la principale perspective des innovations thérapeutiques. Mais gardons-nous des visions trop radicales et des attitudes trop rigides : les traitements dont nous disposons n’ont pas d’action univoque, et on doit savoir les utiliser ou les éviter selon le contexte : la stimulation des noyaux sous-thalamiques peut majorer anxiété et dépression, mais elle permet de résoudre d’épineux syndromes de dysrégulation dopaminergique. Elle a amélioré de façon spectaculaire des tocs ou des tics sévères, qui sont devenus une indication potentielle. Enfin, elle améliore souvent rapidement les troubles du sommeil nocturne. Les agonistes dopaminergiques, et particulièrement ceux ayant une forte affinité pour les récepteurs D3 mésolimbiques, induisent des troubles comportementaux mais améliorent (et certainement mieux encore que la lévodopa) la dépression ou l’apathie, ce qui explique dans certaines études l’effet équivalent des deux classes thérapeutiques sur les activités de la vie quotidienne, alors que l’amélioration du score moteur est plus nette avec la lévodopa. Il faudrait donc, prudemment, les prescrire chez des malades plus âgés, les reprendre de façon plus systématique à bonnes doses chez le patient stimulé apathique et attendre les résultats d’une large étude multicentrique sur la dépression réalisée avec le pramipexole. Les agonistes à demi-vie longue sont peut-être également à privilégier en cas de syndrome des jambes sans repos, une cause parmi d’autres d’insomnie chez le malade. L’arrivée des formes LP pour le ropinirole, puis le pramipexole, et peut-être la rotigotine permettra d’aller un peu plus loin dans la direction d’une stimulation dopaminergique continue. Le choix d’un traitement doit donc être moins radical que ce qui avait été proposé il y a quelques années par la conférence de consensus, qui devrait réactualiser ses propositions à la lumière de toutes ces nouvelles données. La lévodopa à bonnes doses peut être le bon traitement chez un sujet jeune dysrégulateur, et les agonistes seraient à privilégier chez les patients plus âgés même après 60, voire 70 ans, lorsque le sujet est en bon état général mais déprimé ou apathique. Il reste également à développer des traitements spécifiques pour limiter ces complications. La clozapine a permis un bouleversement spectaculaire de la prise en charge des patients ayant des troubles confuso-hallucinatoires, et on attend beaucoup d’une nouvelle molécule en cours d’évaluation, la rivastigmine en comprimés, qui ne nécessiterait pas une surveillance hématologique aussi contraignante, et améliore les troubles cognitifs. Un essai thérapeutique évalue l’intérêt du patch dans cette indication, et une molécule pour lutter contre la somnolence excessive est en développement. L’avenir de la maladie de Parkinson se situe donc, au moins à court terme, dans la gestion et la prise en charge des aspects non moteurs, en particulier psychocomportementaux, mais aussi dans celle d’autres manifestations non motrices invalidantes, comme les manifestations dysautonomiques ou sensitivo-douloureuses, qui sont souvent la première cause de plainte des patients, avant les signes moteurs. Rouge, impair et passe… la partie continue, on se découvre joueur à soigner cette maladie qui finalement laisse le neurologue dans des situations bien plus imprévues et bien moins ennuyeuses que l’image de vieille femme courbée en deux, figée et misérable qui représente l’archétype de cette maladie. ◾ 312 | La Lettre du Neurologue • Vol. XII - n° 10 - décembre 2008 R