Radiothérapie pratique des métastases osseuses symptomatiques

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
Revue du Rhumatisme 75 (2008) 530–535
Radiothérapie pratique des métastases osseuses symptomatiques
Practical radiation therapy for painful bone metastases
Jean-Léon Lagrange, Camille Pan, Élie Calitchi, Christian Diana, Marius Muresan,
Jian Feng Wu, Hweej El Monkles, Xiao Wei Wang, Haije Lu
Service de radiothérapie, hôpital Henri-Mondor, université Paris-12, AP–HP,
54, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94000 Créteil, France
Accepté le 7 f´
evrier 2008
Disponible sur Internet le 3 avril 2008
Mots clés : Radiothérapie ; Fractionnement ; Métastase osseuse ; Effet antalgique
Keywords: Radiotherapy; Fractions; Bone metastases; Bone pain
La radiothérapie est l’un des moyens majeurs disponibles
pour traiter les métastases osseuses (MO) à côté de tout l’arsenal
médicamenteux ou chirurgical. Sa place s’intègre dans une prise
en charge globale et devrait être discutée dans le cadre des
réunions de concertation pluridisciplinaire afin de prendre en
compte le moment de cette irradiation et son intégration dans la
stratégie thérapeutique.
La radiothérapie a plusieurs objectifs :
prévenir et lutter contre la douleur ;
faciliter la recalcification osseuse ;
limiter le risque fracturaire ;
lutter contre les tassements vertébraux et les complications ;
et, plus globalement, améliorer la qualité de vie.
La radiothérapie palliative représente une part importante de
l’activité d’un service de radiothérapie, concernant environ un
patient sur deux et, dans 20 % des cas, il s’agit du traitement de
MO. Dans ce cadre, il est donc nécessaire d’optimiser les moda-
lités d’irradiation proposées à ces patients pour tenir compte
à la fois de l’efficacité thérapeutique et de la disponibilité des
appareils. De nombreux problèmes se posent et il existe une
grande hétérogénéité dans les protocoles de traitement utilisés
en terme de doses ou techniques. L’un des paradoxes est que,
cliniquement, ces irradiations de modalités techniques diverses
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Lagrange).
ont montré leur efficacité et leur utilité ; en revanche, le méca-
nisme d’action n’est pas entièrement élucidé, et il est regrettable
que l’on ait recours à cette technique souvent trop tardivement
dans l’évolution de la maladie.
La question du meilleur schéma à utiliser chez ces patients
est souvent posée. Malheureusement, bien que de nombreuses
études aient été réalisées, la plupart sont rétrospectives, source de
biais. Actuellement, plusieurs études prospectives randomisées
sont matures, portant sur des effectifs importants, permet-
tant de valider certaines attitudes thérapeutiques [1–15]. Enfin,
il est encore trop tôt pour évaluer de nouvelles stratégies
d’irradiation stéréotaxique dite hypofractionnée, délivrant des
doses par fraction très importantes, pouvant apporter un béné-
fice clinique là où, jusqu’à présent, une radiorésistance tumorale
était évoquée pour récuser telle ou telle indication. Cette tech-
nique est probablement intéressante chez des patients mono
ou pauci-métastatiques ayant une maladie peu évolutive et
devrait permettre d’obtenir la quasi-stérilisation des sites tumo-
raux, chose qui ne peut être obtenue avec les fractionnements
palliatifs conventionnels. Des études prospectives sont actuel-
lement en cours d’élaboration en France pour répondre à ces
questions.
Enfin, le choix thérapeutique reste difficile, car il doit prendre
en compte tout l’environnement :
l’histoire de la maladie ;
l’ancienneté de cette dernière ;
la sensibilité aux traitements spécifiques ;
et les souhaits du patient.
1169-8330/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2008.02.005
J.-L. Lagrange et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 530–535 531
Le choix d’un traitement, comme cela a été dit, doit s’intégrer
dans une stratégie globale multidisciplinaire prenant en compte
les facteurs pronostiques, voire des facteurs économiques ou des
facteurs organisationnels.
Volontairement, les problèmes techniques ne seront pas abor-
dés, car ils impliquent le développement de concepts trop
spécialisés.
1. Quels sont les effets attendus de l’irradiation ?
Trois effets principaux sont attendus d’une irradiation de MO.
Il s’agit outre d’un effet antalgique, d’un effet de consolidation
et enfin, de décompression neurologique.
1.1. Effet antalgique
L’effet antalgique est obtenu dans 60 % des cas après une
irradiation palliative. Les mécanismes d’obtention de cet effet
ne sont pas bien connus, ils ont probablement plusieurs ori-
gines, la sédation pouvant provenir de la réduction du volume
de la métastase sans que cela puisse expliquer la rapidité de
l’effet obtenu (quelques jours). Ces effets ne sont pas liés
aux doses d’irradiation utilisées. Plusieurs mécanismes ont été
évoqués soit des effets antiprolifératifs, soit des effets anti-
inflammatoires, les deux pouvant être associés. Mais il est
vraisemblable que les effets découlent d’une action sur les cel-
lules épithéliales qui ont un potentiel prolifératif, produisent des
cytokines dont certaines jouent un rôle pivot dans l’initiation
de la réponse inflammatoire. De même, il a été évoqué des
modifications d’adhésion de la cellule mononucléée aux cellules
endothéliales et la modification de l’expression des médiateurs
de l’inflammation. Ainsi, de nombreux mécanismes intriqués
ont été évoqués et sont toujours l’objet de travaux d’évaluation.
1.2. Effet de consolidation
Celui-ci est recherché soit en raison d’un risque fracturaire,
soit en complément d’un geste chirurgical de fixation, soit afin
d’éviter un tassement vertébral. Il a été montré que, dans 65
à 85 % des MO ostéolytiques, une réossification était obte-
nue [16,17]. La réparation se fait par reconstruction d’un os
mature par ostéogenèse directe, moins souvent par ossification
hétérotopique. Ainsi, Weber et al. ont étudié par ostéodensi-
tométrie, la densité osseuse à un, trois et six mois après une
irradiation de 30 Gy en dix séances. Il apparaît que la recalcifi-
cation est maximale à trois mois et débute dès le premier mois.
Plusieurs facteurs interviennent dans la qualité de la reconstruc-
tion, en particulier le nombre de métastases, l’histologie (sein,
prostate/poumons, rein) et le mode d’irradiation. Plusieurs phé-
nomènes sont observés : diminution de la densité osseuse en cas
de MO condensantes, stabilisation des métastases ostéolytiques
en cas de métastases multiples. Koswig et al. [18] ont mon-
tré qu’une meilleure consolidation était statistiquement obtenue
après une irradiation multifractionnée qu’après une irradiation
monofractionnée. Paradoxalement, dans cette étude, il n’a pas
été mis en évidence de lien entre le type histologique et l’effet
antalgique ; en revanche, une recalcification a été constatée dans
67 % des régions irradiées (cancer du sein 77 %, cancer bron-
chique 27 %, cancer du rein 25 %). Après une dose de 30 Gy,
une reminéralisation est observée dans 70 % des cas. Toutefois,
au niveau des os longs et porteurs, la radiothérapie n’annule pas
le risque fracturaire lorsqu’il préexiste.
1.3. Effet de décompression neurologique
La radiothérapie joue un rôle important dans la prévention
des compressions médullaires par tassement vertébral dont on
connaît l’impact négatif sur la survie. Celle-ci n’excède pas
quelques mois lorsque le déficit neurologique est constitué. Il
faut noter que 5 % des patients porteurs de métastases vertébrales
développeront une compression neurologique. Il s’agit, le plus
souvent, de cancers du sein, de la prostate ou du poumon. Devant
une symptomatologie de compression médullaire, même limité
à un syndrome lésionnel (symptomatologie douloureuse persis-
tante associée à des radiculalgies), il est nécessaire de faire un
bilan radiologique approprié avec IRM et, éventuellement, scan-
ner localisé afin de proposer, le plus précocement possible, le
geste adapté. L’étude randomisée de Patchell et al. [19], compa-
rant la chirurgie décompressive à la radiothérapie exclusive, en
cas de compression médullaire, confirme que la chirurgie doit
être préconisée en première intention suivie d’une irradiation
plutôt qu’une irradiation exclusive. Les indications d’irradiation
exclusive reposent généralement sur les contre-indications de la
chirurgie : patient dont l’état général est altéré, atteinte neuro-
logique irréversible, par exemple. Toutefois, il est nécessaire de
rappeler que certaines présentations très hémorragiques néces-
sitent une embolisation préalable au geste chirurgical (métastase
de cancer du rein ou de la thyroïde).
2. Critiques des études évaluant la radiothérapie des
métastases osseuses : quel est le débat et ses enjeux ?
L’analyse de la littérature montre que les études publiées
jusqu’à récemment, étaient le plus souvent rétrospectives et
d’interprétation discutable. Les biais d’interprétation découlent
de plusieurs facteurs :
prise en compte des traitements associés, tels les bisphospho-
nates ou une radiothérapie métabolique ;
caractère subjectif des critères étudiés, essentiellement la dou-
leur alors que son niveau initial et l’échelle de mesure utilisée,
n’est pas toujours validé ;
manque d’information sur la qualité de vie, les traitements
antalgiques associés et le performans status ;
prise en compte de l’origine des tumeurs dans l’interprétation
des résultats ;
enfin, la question de la réirradiation est peu abordée dans ces
études bien que la question soit d’actualité [25,26].
Cela explique probablement que le choix d’un fractionne-
ment repose plus souvent sur une habitude et des « convictions »
personnelles que sur des faits objectifs ; ainsi, une grande hétéro-
généité des modalités d’irradiation, en particulier selon les pays
(Tableau 1), peut être mise en évidence [20–24]. Une confé-
532 J.-L. Lagrange et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 530–535
Tableau 1
Fréquence des schémas d’irradiation utilisés selon les différents pays ou région
Schémas Canada
(%)
États-Unis
(%)
Nouvelle-Zélande
(%)
Europea
(%)
30 Gy/10F 7 77 29 50
20 Gy/5F 72 6 35 20
8 Gy/1F 16 <1 23 10
Autre 5 16 20
aEn Europe, il existe d’importantes variations selon les pays.
F = fractions ; Gy = grays.
rence de consensus a été réunie en 2000 : elle a précisé, pour les
études futures, les critères d’évaluation et les points d’agrément
(Tableau 2). Toutefois, certains éléments demeurent source de
discussion [27–29]. Notons que ces conclusions n’abordent pas
les problèmes techniques, les modalités étant, là encore, très
variables d’une étude à l’autre, rétrospective ou prospective,
bien qu’il s’agisse de techniques simples à mettre en œuvre.
Cela pose la question de la qualité de l’irradiation réalisée et, en
particulier, de la prise en compte des extensions extra-osseuses
parfois volumineuses et rend discutable les études qui concluent
à un effet–dose.
Tableau 2
Critères proposés pour évaluer les traitements par radiothérapie des M.O.
Critères consensuels
Utilisation d’une échelle objective d’évaluation de la douleur
Évaluation de celle-ci par le patient
Prise en compte du dosage et de la fréquence de
consommation des analgésiques
Analyse en intention de traitement
Prise en compte des changements du traitement systémique,
en particulier de la consommation de bisphosphonates et
des gestes chirurgicaux de fixation
Report de la qualité de vie et des effets secondaires
Les modifications de la densité osseuse ne sont pas
considérées comme un critère de jugement pertinent
Agrément partiel
La réponse complète définie comme un score de douleur à 0
sans augmentation de la consommation d’antalgique
Une réponse partielle correspond à une réduction de 2 points
sur une échelle de 0 à 10, quel que soit les modifications
de prise d’antalgique
Le report du taux brut de réponse en intention de traitement à
4, 8, 12 semaines après l’irradiation est le standard
minimum.
Les réirradiations doivent être rapportées avec des
informations concernant le délai, la dose et les
conséquences
Les fractures pathologiques ainsi que les compressions
médullaires doivent être rapportées
Points ne faisant pas l’unanimité
Comment rapporter la douleur : celle des 24 dernières heures
ou celle des 7 derniers jours ?
Comment évaluer la douleur : la plus forte, la douleur
moyenne, la moindre ou l’actuelle ?
Comment définir une rémission complète persistante ?
Faut-il tenir compte de l’espérance de vie dans les critères
d’inclusion ?
Mizowaki et al. [30] ont étudié les modifications induites dans
les dimensions des faisceaux lorsque l’IRM est utilisée pour
déterminer les champs d’irradiatiation par rapport à la radiogra-
phie standard. Sur 23 patients, une modification a été nécessaire
chez 14 d’entre eux, extension dans neuf cas, réduction dans
quatre cas et changement complet dans un cas. Par ailleurs, la
plupart des études réalisées jusqu’à présent n’utilisent pas des
techniques conformationnelles avec repérage scannographique
systématique. Ces points ont été particulièrement étudiés au
Canada par Barton et al. [31].
3. Caractéristiques des patients (études publiées)
Les critères d’inclusion sont généralement identiques dans
les études prospectives, ce qui explique que les échantillons
soient assez homogènes. Il est plus important d’insister sur les
critères de non-inclusion. Ainsi, non pas été inclus les patients
porteurs de métastases du rachis cervical et, parfois, du rachis
dorsal et ceux porteurs de syndrome de compression médul-
laire ou de fracture pathologique. En revanche, le mauvais état
général n’est pas un critère de non-inclusion. Si, les cancers du
sein (35 à 45 %), les cancers de la prostate (10 à 35 %) et du
poumon (10 à 35 % des cas) sont les localisations tumorales
les plus étudiées, il y a toujours dans ces études un reliquat
de tumeurs diverses non précisées ou inconnues (3 à 6 % des
cas). Les tumeurs primitives (tumeurs rénales ou mélanomes),
réputées radiorésistantes, sont généralement exclues. Enfin, les
tumeurs d’origine hématologique ne sont plus incluses dans les
études actuelles, contrairement aux anciennes études. Une seule
étude a porté exclusivement sur les MO des cancers du sein [8].
3.1. Résultats à considérer
Les études les plus récentes ne contiennent pas les défauts
méthodologiques précédemment signalées [2,9,32,33]. Globa-
lement, une réponse est obtenue dans 80 % des cas mais les
réponses complètes varient de 30 à 80 %, les réponses partielles
sont de l’ordre de 20 à 40 %. Il ne semble pas y avoir de dif-
férence en fonction du fractionnement : 20 Gy en cinq fractions
versus 30 Gy en dix fractions, versus 24 Gy en six fractions, ver-
sus 8 Gy ou 4 Gy en une fraction. En revanche, les protocoles
utilisant des fractionnements en dose unique nécessitent plus
souvent des réirradiations. Ainsi, dans l’étude du Deutsch Bone
Metastasis Study Group [9], les réirradiations sont nécessaires
dans 16 % des cas, 25 % versus 7 % selon la dose, et les fractures
sont aussi plus fréquentes : 4 % versus 2 %.
L’influence histologique est étudiée dans trois études pros-
pectives randomisées [6,9,13], la réponse est toujours de
meilleure qualité lorsqu’il s’agit de cancers du sein, comparati-
vement aux cancers de la prostate ou aux cancers du poumon, en
particulier, si on prend en compte la survie, la réponse minimale
ou la réponse complète.
Toutefois, il s’agit d’études de sous-groupes, non prévues
initialement, expliquant peut être que des résultats dissociés
puissent être retrouvés. L’influence de la réponse à l’irradiation
sur le délai avant progression de la douleur n’a été étudiée que
par Arcangeli et al. [34]. Ils montrent que, lorsqu’une réponse
J.-L. Lagrange et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 530–535 533
complète est obtenue, comparativement à une réponse incom-
plète, le délai de progression de la douleur est plus long en cas
de réponse complète par rapport à une réponse partielle. Cela
montre qu’il est licite de rechercher un effet maximal même dans
une situation palliative mais ce résultat devrait être confirmé par
des études prospectives.
4. Résultats des essais thérapeutiques récents
Les données récentes de la littérature permettent de se faire
une opinion fondée sur les différentes modalités d’irradiation
que l’on peut proposer aux patients. Deux sources peuvent être
utilisées, d’une part, les résultats de la méta-analyse du CCOP-
GISCG [33] qui ont été confirmés par l’analyse de Sze et al.
[32,35]. Depuis, l’essai du RTOG 97-14 [2] a apporté des infor-
mations complémentaires de même que la nouvelle analyse
de l’essai du Deutsch Bone Metastasis Study Group [11] qui
peuvent aider à choisir la meilleure option thérapeutique.
Tous les essais prospectifs comportant une irradiation locali-
sée ont été inclus dans cette méta-analyse et sont regroupés en
trois catégories :
ceux comparant des fractions uniques 4 Gy versus 8 Gy ;
ceux comparant une fraction unique à un multifractionnement
(huit essais, 10 Gy versus 20 Gy en cinq fractions ou 30 Gy
en dix fractions) ;
ceux comparant plusieurs modalités de fractionnement : six
essais (15/20 Gy versus 24/30 Gy).
Les critères de jugement ont été l’effet antalgique en intention
de traitement. Naturellement la structure des essais n’est pas
identique et, en particulier, la date d’évaluation de la réponse est
variable d’un essai à l’autre.
D’autre part, la réponse a pu être évaluée sur la réponse
complète ou la réponse la plus importante ou enfin, la réponse
globale obtenue. Le suivi des patients est très hétérogène, de cinq
mois à 4,5 ans. En fraction unique, les réponses globales sont
moindres avec une fraction de 4 Gy versus 8 Gy. En revanche,
il n’y a pas de différence en taux de réponse complète. Lorsque
l’on compare une fraction unique à un traitement fractionné, il
n’y a pas de différence si l’on considère les réponses complètes :
34,4 % versus 32,3 % ; p= 0,5. Cependant, si l’on considère la
réponse globale les traitements en dose unique sont plus effi-
caces : 62,1 % versus 58,7 % ; p= 0,04 ; RR = 1,05 [33].
Par ailleurs, les auteurs ont tenté de mettre en évidence un
effet-dose selon les différents schémas utilisés et, quel que soit
le cut-off utilisé, celui-ci n’a pas été trouvé. D’autres points
semblent importants à souligner. D’une part, la durée de la
réponse, de 11 à 24 semaines, n’est pas différente selon les
schémas, d’autre part, les réirradiations sont plus fréquentes
pour les faibles doses, en particulier, lorsqu’elles sont déli-
vrées en une fraction, la consommation d’antalgiques ne semble
pas différente quel que soit le bras, la reminéralisation est plus
importante dans une étude après 30 Gy en dix séances qu’après
8 Gy en une fraction. Enfin, et cela est important à souligner,
la tolérance aiguë semble identique quel que soit le schéma
utilisé.
Ainsi, selon les auteurs, les recommandations suivantes
peuvent être retenues [33] :
si l’effet antalgique est l’objectif principal devant une méta-
stase unique non compliquée ou devant des métastases peu
nombreuses, la dose unique est le schéma de choix ;
en revanche, si l’objectif est autre, le choix peut être différent
et plusieurs sous-groupes peuvent être distingués ;
en outre, s’il y a une fracture ou un risque de fracture, les
schémas multifractionnés avec des doses élevées sont à pré-
coniser, en cas de masse importante dans les tissus mous, au
contact de la M.O., il en est de même ;
enfin, s’il existe une épidurite, les schémas multifractionnés
sont préconisés ;
la dernière information à noter est que l’intérêt d’une dose
élevée et fractionnée n’a pas été mis en évidence, même chez
les patients ayant un bon pronostic.
Les résultats du dernier essai d’équivalence RTOG 97-14,
publié par Hartsell et al. [2] en 2005 montrent qu’avec un recul
de trois mois, il y a équivalence en terme de réponse à la douleur.
Cet essai a comparé chez 898 patients une dose unique de 8 Gy
en une fraction, 30 Gy en dix fractions ; 288 ont pu être analysés
dans le bras une fraction et 285 dans le bras dix fractions. La
survie médiane est de 9,1 mois versus 9,5 mois ; la tolérance
aiguë est de 10 % versus 17 % (p= 0,002). La tolérance tardive
grade 2 ou 3 est identique dans les deux bras, le risque de fracture
est de 5 % versus 4 %. En revanche, les retraitements sont plus
fréquents dans le groupe 8 Gy que dans le groupe 30 Gy (18 %
versus 9 %) (p< 0,01). Il faut, cependant, souligner, bien qu’une
équivalence ait été mise entre ces deux schémas, que ce protocole
n’incluait que des cancers du sein et de la prostate, que la douleur
n’a pu être évaluée que sur 573 patients à trois mois et que
160 patients sur 845 sont décédés ou étaient trop fatigués pour
répondre au questionnaire.
Van Der Linden et al. [11], en 2006, ont publié une analyse
des survivants à un an des patients inclus dans le protocole du
Deutsch Bone Metastatis Study Group comparant un fractionne-
ment hypofractionné versus 24 Gy sur six fractions. Mille cent
cinquante-sept patients ont été inclus, 320 patients ont survécu
plus d’un an ; il s’agissait dans 63 % de cancers du sein, de
24 % de cancers de la prostate, de 8 % de cancers du poumon et
de 5 % d’autres localisations tumorales. Selon le bras (fraction
unique versus fractions multiples), 163 patients sont survivants
versus 157, une réponse globale de la douleur a été obtenue dans
87 % versus 85 % et la réponse complète dans 62 % versus 48 %.
Enfin, la durée médiane de survie est de 35 semaines versus
42 semaines. Il n’a pas pu être mis en évidence de différence
selon l’évolution de la douleur durant la première année ni selon
le type histologique (cancer du sein, de la prostate, du poumon,
autre). L’analyse de la survie chez les 1157 patients dans cette
mise à jour montre que la survie est significativement diffé-
rente pour les cancers du sein, les cancers de la prostate et les
autres tumeurs ou les cancers du poumon. Par ailleurs, à 18 mois,
12 mois et six mois, 50 % des patients porteurs de cancers du
sein de la prostate, du poumon ou les autres types tumoraux sont
survivants.
534 J.-L. Lagrange et al. / Revue du Rhumatisme 75 (2008) 530–535
Tableau 3
Éléments influenc¸ant le choix d’une stratégie d’irradiation
Plurifractionnement. Monofractionnement
Minimise rechute douloureuse Littérature : équivalence
d’efficacité sur la douleur
Minimise les risques de
progression neurologique
Pas de différence de survie
Moins de retraitement Convenance du patient
Habitudes du service Formation
Formation Perfomans status bas
Compression médullaire. Volume limité, cote
Charge sur os long Éloignement
1re métastase Charge de travail
Moelle cervicale Âge > 75 ans
Âge < 44 ans
Métastase lytique
Plusieurs facteurs pronostiques ont pu être mis en évidence
sur l’efficacité du traitement. Il s’agit, en particulier, d’un index
de Karnofsky supérieur à 80 %, le nombre de métastases (unique
versus multiples), l’atteinte des métastases viscérales, la prise de
morphiniques et l’existence d’une douleur élevée (classée 8–10)
et enfin, l’existence d’un traitement systémique [11].
Ainsi, les essais les plus récents avec des effectifs suffisants
permettent de dire qu’il y a une équivalence entre une fraction
unique et un traitement fractionné. Néanmoins, dans la pratique,
que peut-on proposer ? Que fait-on dans les différents pays ? Et
enfin, la question peut se poser de savoir quel est le choix des
patients lorsque cette question leur est posée.
Une étude a examiné, selon les pays, la fréquence des schémas
les plus utilisés, mais cette étude est antérieure aux publications
des essais du RTOG [2] et du Deutsch Bone Metastasis Study
Group [21]. Le plus souvent, les traitements multifractionnés
sont utilisés quels que soient les pays aussi bien au Canada, aux
États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Europe, bien qu’en Europe
il y ait une grande hétérogénéité des traitements utilisés. On
peut donc justifier les choix thérapeutiques en prenant plusieurs
critères qui sont rapportés dans le Tableau 3 qui permettent de
proposer la meilleure solution pour les patients.
Un autre aspect qui a été peu étudié est le choix du patient
si la question lui est posée. En effet, les résultats du groupe
Deutsch Bone Metastasis Study Group montre qu’une fraction
de 8 Gy est équivalente à une dose de 24 Gy en six fractions.
Les auteurs ont ainsi interrogé les patients de fac¸on prospec-
tive afin de savoir quel était leur choix en leur exposant les
avantages et les inconvénients des deux modalités d’irradiation
prenant en compte, en particulier, les différences de coûts, le
nombre de venues, le risque de réirradiation et de fracture [36].
Soixante-deux patients ont été inclus : 85 % ont choisi le trai-
tement multifractionné et 15 % le traitement monofractionné.
Il est intéressant de s’interroger sur les raisons qui ont conduit
les patients à choisir un traitement multifractionné : le plus sou-
vent, c’est le risque de retraitement qui a été énoncé en premier,
puis le risque de fracture et l’un et l’autre dans 28 % des cas.
En revanche, pour ceux qui choisirent le monofractionnement,
c’est le coût et la commodité qui ont été les raisons annoncées.
Aucun critère objectif n’a permis de distinguer les deux groupes
même en analyse multivariée. Il est remarquable que 84 % des
patients trouvent positif d’être participant à la décision, ce qui
montre bien que le malade, même à cette phase avancée de sa
maladie, reste un acteur décisionnel dans son traitement.
Cette étude, portant sur un faible effectif, ne clôt pas le débat
et il est possible que les patients aient choisi la dose la plus
élevée dans l’espoir d’obtenir un meilleur résultat.
5. Conclusion
La prise en charge des MO est un problème fréquent et trop
souvent la question du traitement radiothérapique est posée trop
tardivement. De nombreux facteurs sont à prendre en compte
dans le choix thérapeutique et, en particulier, il y a lieu de
rechercher en priorité le meilleur confort pour le patient. Les
études randomisées permettent de justifier l’utilisation de fortes
doses monofractionnées et justifient de nouvelles stratégies
utilisant des doses très élevées réalisées dans des modalités
stéréotaxiques pouvant atteindre 20 Gy ou plus par fraction.
Il est remarquable que les schémas monofractionnés, bien
qu’équivalents, soient peu utilisés du fait des réticences, prin-
cipalement de la communauté médicale mais aussi de certains
patients. Pourtant ces traitements sont importants à considérer,
en particulier, chez les patients dont l’espérance de vie est limi-
tée et l’ensemble de la littérature permet de proposer le schéma
le plus adapté cas par cas bien que l’on n’ait pas montré de
différence de survie selon les schémas utilisés.
Il y aurait lieu de poursuivre des études prospectives prenant
en compte les nouvelles thérapeutiques associées, en particu-
lier les bisphosphonates et de prendre en compte les résultats
d’études anciennes associant la radiothérapie externe à la radio-
thérapie métabolique.
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