Aspects cliniques et épidémiologiques des infections à adénovirus

Aspects cliniques et épidémiologiques des infections à adénovirus chez les personnes infectées par le VIH
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°41 - décembre 96
ADENOVIRUS
Aspects cliniques et épidémiologiques des
infections à adénovirus chez les personnes
infectées par le VIH
Jacques Gilquin
Unité fonctionnelle de maladies infectieuses, Fondation-Hôpital Saint-Joseph
(Paris)
Adenovirus
infections in
human
immunodeficiency
virus-positive
patients : clinical
features and
molecular
epidemiology
Khoo S.H., Bailey
A.S., de Jong J.C.,
Mandal B.K.
Journal of
Infectious
Diseases, 1995,
172, 629-637
Cette nouvelle étude confirme que les adénovirus sont souvent
présents dans les selles de patients séropositifs sans aucun
symptôme. Cette infection est plus fréquente chez les
personnes séropositives que chez leurs partenaires
séronégatifs et sa fréquence augmente avec l'importance de
l'immunodépression, mais le rôle propre de l'infection à
adénovirus dans la mortalité est difficile à évaluer, étant donné
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la grande fréquence des infections opportunistes associées au
cours du sida, et son rôle de cofacteur reste à démontrer.
Les adénovirus sont des virus à ADN dépourvus d'enveloppe,
ce qui leur confère une grande résistance au milieu extérieur.
Ces virus ont été associés chez l'homme à de nombreuses
affections, en particulier gastrointestinales, respiratoires et
conjonctivales. Ces infections sont habituellement bénignes
ou réalisent un simple portage asymptomatique chez les
personnes immunocompétentes. Elles durent moins de 2
semaines et induisent une immunité spécifique de type. De ce
fait, le diagnostic virologique est rarement réalisé.
¬ Les infections décrites chez les personnes
immunodéprimées sont de connaissance plus récente, mais
elles représentent un problème croissant avec l'augmentation
régulière des transplantations d'organe et l'épidémie de sida.
Chez l'hôte immunodéprimé, ce virus profite comme les
herpèsvirus de la faillite des défenses immunitaires et a
tendance à persister, voire à provoquer des infections
disséminées, des atteintes multiviscérales -en particulier
neurologiques centrales, pulmonaires ou hépatiques- qui sont
souvent d'évolution fatale. Ces formes graves se rencontrent
beaucoup plus rarement chez les personnes
immunocompétentes.
Les techniques de typage des adénovirus en culture cellulaire
par inhibition de l'hémagglutination, neutralisation avec des
antisérums spécifiques d'origine animale ont permis d'isoler
47 sérotypes chez l'homme. Les 5 derniers sérotypes isolés
(43-47) ont été décrits en 1988 chez des patients atteints de
sida (1). Tous ces sérotypes sont répartis par l'analyse des
profils de restriction du génome en 6 sous-genres de A à F.
¬ L'étude réalisée par Khoo et coll. à Manchester est
intéressante à analyser car il existe relativement peu de
travaux publiés à ce jour sur le rôle pathogène des adénovirus
au cours de l'infection à VIH et très peu d'études prospectives
sur ce sujet.
Les auteurs ont suivi l'excrétion d'adénovirus dans les selles,
l'urine ou la gorge de 63 adultes séropositifs pour le VIH et 9
de leurs partenaires séronégatifs sur une période de 5 à 27
mois de façon prospective, en étudiant les manifestations
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cliniques qui pouvaient être associées.
Les prélèvements mensuels de selles, urines et gorge étaient
également faits en cas d'événements cliniques intercurrents
tels que de la fièvre, de la diarrhée ou un syndrome grippal.
Une étude bactériologique et parasitaire des selles était
associée en cas de diarrhée à la recherche d'autres agents
pathogènes.
Ceci a permis d'isoler 51 adénovirus (49 dans les selles, 1
dans les urines, 1 dans un prélèvement de gorge) chez 18 des
63 patients, alors que les prélèvements effectués chez les 9
partenaires séronégatifs n'ont retrouvé qu'une seule fois un
adénovirus dans les selles au cours d'un syndrome
pseudogrippal ; toutes les souches virales ont été sérotypées
dans deux laboratoires différents à Manchester (Angleterre) et
à Bilthoven (Pays-bas) et comparées par une analyse de
restriction enzymatique à 24 isolats de 19 autres patients
séropositifs pour le VIH.
¬ Cette étude montre que l'infection adénovirale est plus
fréquente chez les personnes séropositives que chez leurs
partenaires séronégatifs et que sa fréquence augmente avec
l'importance de l'immunodépression.
Le risque actuariel d'infection à 1 an est de 28 % (17 %
lorsque les CD4 de départ étaient supérieurs à 200/mm3 et 38
% lorsqu'ils étaient inférieurs à 200/mm3, p=0,03).
Le site d'infection le plus fréquent était digestif (17/18
patients) avec principalement des adénovirus appartenant au
sous genre D, alors que les isolats urinaires appartenaient
principalement aux sous genres B et D. Un excrétion fécale
prolongée (2-27 mois) était surtout observée lorsque les CD4
étaient inférieurs à 150 CD4/mm3. L'infection
gastrointestinale était temporairement associée à une diarrhée
dans seulement 41 % des cas (7/17); la diarrhée parfois
observée dans les 10 autres cas était due à d'autres agents
opportunistes. L'infection observée chez une seule partenaire
séronégative était due à un Ad 2 responsable d'un syndrome
pseudogrippal, et cette souche n'a pas été retrouvée chez son
partenaire VIH+.
Cette étude confirme que les souches d'adénovirus
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rencontrées au cours de l'infection VIH sont nombreuses, de
sérotypes différents de celles rencontrées chez les jeunes
enfants et qu'elles appartiennent surtout au sous-genre D.
Ces données sur les sérotypes rencontrés et le caractère
souvent asymptomatique de l'infection digestive sont
parfaitement en accord avec la littérature. Un grand nombre
de sérotypes différents appartenant à tous les sous-genres et
incluant les nouveaux sérotypes 43-47 du sous-genre D ont en
effet été rapportés chez des personnes séropositives (1,2,3).
Ces virus ont le plus souvent été isolés dans des prélèvements
de selles, mais leur présence n'est pas toujours corrélée à
l'existence d'une diarrhée.
Celle-ci est souvent due à d'autres agents opportunistes
associés et une excrétion chronique pendant plusieurs mois
peut être observée, surtout en cas de déficit immunitaire
marqué avec peu ou pas de symptômes cliniques.
Bien que cette étude ne précise pas clairement si des
prélèvements ont été possibles au cours de la survenue de
tous les symptômes cliniques inhabituels survenus au cours
du suivi et que le nombre de patients chez qui des adénovirus
ont été isolés était en fait très faible, il apparaît que la primo-
invasion est le plus souvent asymptomatique ou caractérisée
par une simple diarrhée sans signe de dissémination, un seul
syndrome grippal étant signalé chez une partenaire
séronégative.
¬ Contrairement à la littérature, qui relève souvent la gravité
des infections à adénovirus (2), aucun cas d'infection
disséminée ou de localisation viscérale -en particulier
hépatique, pulmonaire ou neurologique- d'évolution
défavorable n'a été observé dans cette étude mais celle-ci
comportait trop peu de patients pour se faire une idée exacte
de la fréquence réelle de ces atteintes sévères. Il existe de plus
un biais certain dans la littérature tendant à publier surtout des
formes sévères et une prévalence élevée d'infections
opportunistes multiples associées, qui rend souvent difficile
l'étude des signes cliniques particuliers à l'infection
adénovirale ainsi que l'appréciation du rôle propre des
adénovirus comme cause de décès.
Il est possible néanmoins que le rôle de ces virus dans les
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épisodes diarrhéiques ainsi que dans d'autres atteintes
viscérales au cours de l'infection VIH soit sous-estimé, car
leur recherche est rarement pratiquée; de plus, certains
sérotypes sont difficiles à cultiver, voire incultivables sur les
lignées cellulaires habituelles. Ainsi les sérotypes 40 et 41 ne
sont cultivables que sur certaines lignées cellulaires (lignées
de Graham de cellules embryonnaires transformées par un
adénovirus 5). Les techniques de biologie moléculaire ont
également mis en évidence de nombreux variants apparaissant
chez les immunodéprimés et difficiles à identifier avec les
techniques classiques de sérotypage. Il existe en particulier
des souches intermédiaires, les infections simultanées par
différents sérotypes sont fréquentes et des recombinaisons
entre deux sérotypes sont possibles. Ces difficultés
d'identification, jointes à la pléthore des sérotypes rapportés
au cours de l'infection VIH, distinguent cette maladie des
autres causes d'immunodépression. Les sérotypes qui sont
retrouvés à l'origine d'une pathologie donnée varient selon les
différentes causes d'immunodépression; ainsi, les
gastroentérites décrites au cours d'autres immunodéficiences
que le sida sont dues principalement à des virus appartenant
aux sous-genres A,C,F alors qu'elles sont dues surtout à des
virus appartenant au sous-genre D au cours du sida comme le
confirme également cette nouvelle publication.
Le rôle des adénovirus comme cofacteur d'évolution de
l'infection VIH a été évoqué notamment à la suite de travaux
mettant en évidence le rôle transactivateur de la transcription
du génome VIH par les antigènes adénoviraux EIA.
Cependant, le rôle aggravant de la coinfection par les
adénovirus dans l'évolution du sida n'est pas clairement établi
et cette nouvelle étude confirme la fréquence du portage
asymptomatique. Aucun cas de décès n'est mentionné au
cours du suivi de ce petit groupe de patients, qui s'étendait sur
une période de 5 à 27 mois, ce qui est en contradiction avec
certaines études, et notamment avec la revue de la littérature
effectuée par Hierholzer sur 300 infections adénovirales
associées au sida, publiée en 1992 (2), qui signalait un taux
élevé de décès de l'ordre de 45 % dans les 2 mois suivant la
mise en évidence initiale de l'infection adénovirale; mais le
taux de mortalité est probablement biaisé dans cette revue par
le fait que seules les infections sévères sont rapportées.
¬ Cette nouvelle étude confirme en fait que les adénovirus
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