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La dernière partie de la pièce débute par une très belle scène de réconciliation entre Mo et Camille – qui ne
pourra se comprendre que parce que les comédiens auront su donner lors de la première partie un réel contenu à
leurs retrouvailles. Mo a à peine le temps d’esquisser une analyse pénétrante des rapports entre la vie de leur
oncle et leurs propres problèmes que la comédie reprend ses droits avec la déclaration fracassante de Camille au
sujet de son beau-frère. La difficulté est alors de ne pas sombrer dans le vaudeville : c’est à Camille qu’il revient
de garder un ton mesuré lors d’une séance d’aveux difficile face à un Mo éberlué mais bienveillant malgré tout.
Le retour d’Ariane permet à Mo de montrer toute sa sollicitude et sa compassion – bien loin de l’image convenue
d’une homosexualité égoïste et tournée sur elle-même. Pour la scène finale, une fois Ariane partie, après son
coup de fil à Franck, Mo restera seul sur scène un moment, rangeant un peu les affaires de celui qui est devenu
Papy Maurice, prenant son temps – comme chez lui, finalement –, avant de partir à son tour – sans dire un mot
mais un immense sourire illuminant petit à petit son visage.
Il n’y a pas de personnage principal dans cette pièce : Mo – et son homosexualité – semble au centre des débats :
il est celui par qui le scandale est arrivé dans l’histoire de la fratrie, mais rien ne se passerait de la même manière
si Ariane ne se voulait pas la colonne vertébrale de sa famille, celle qui croit savoir les choses, ou si Camille,
consciemment ou inconsciemment, ne mettait pas le feu aux poudres par ses remarques ou ses interrogations
faussement simples. Rien de cette histoire ne serait possible si l’un d’entre eux manquait : ils écrivent la pièce
devant nous comme ils écrivent leur vie : ensemble.
Dans cette pièce l’homosexualité de Mo paraît donc être au cœur des débats et des rancoeurs accumulées entre
frère et sœurs ; la réalité est plus subtile : c’est Mo qui révèle l’enjeu véritable au cours de la scène qui suit sa
réconciliation avec Camille, lorsqu’il pointe du doigt la communauté de destin qui le lie à Tonton Maurice : tous
deux ont dû vivre cachés, tous deux ont été forcés à renier une part essentielle de leur être : sa paternité pour
l’un, son homosexualité pour l’autre. Voilà l’élément clé : en cela l’homosexualité de Mo n’a aucune importance
et, dans le même temps, elle est l’élément explicatif pour ce qui le concerne : Mo souffre de ce qu’on lui fit,
comme Maurice souffrit avant lui – en même temps que lui. La ressemblance s’arrête là, cependant : son
homosexualité, Mo a fini par la revendiquer : il souhaite et s’amuse que son neveu l’appelle Tonton pédé ; il joue
avec le malaise de sa sœur à dire les mots ([…] « Une toune ? Tu as du mal avec les mots, en ce moment… » ; il
n’hésite pas à se moquer de lui-même dans des répliques mêlant humour vachard et auto-dérision. Sa
psychanalyse n’y en sans doute pas pour rien : elle lui permet à la fois de se comprendre et de mieux comprendre
la nature des rapports qui les lient les uns aux autres.
Cette pièce est en quelque sorte une pièce de l’après « coming out » : Mo est celui qui est revenu après son
coming out. Son homosexualité est connue de sa famille et on devine que les choses n’ont pas dû être simples,
que les blessures ont dû être longues à cicatriser (« […] vingt ans que vous ne vous adressiez plus la parole
[…] ») ; Mo est parti parce que la vie est ainsi faite, mais Mo est revenu. Cela fait de ce texte une pièce très
contemporaine : l’homosexualité n’y est pas découverte, pas de cris de désespoir ; elle n’y est pas caricaturée,
pas de cris de folle, non plus. Mais elle n’est pas (pas encore) mieux vécue pour autant : il reste encore la
barrière des mots, de ce que l’on ne nomme pas, de ce que l’on ne dit pas, qui finit par faire prendre aux choses
plus d’importance qu’elles n’en ont réellement. Il reste encore à accepter les choses, à comprendre qu’on ne vit
pas les uns contre les autres, mais les uns avec les autres.
L’émotion est donc présente, dans ce texte – malgré l’humour des dialogues et les rires faciles pourrait-on écrire.
Mon souhait était que les spectateurs passent du rire aux larmes (peut-être) – comme dans la vie. Ce ne sont pas
les personnages ni les situations qui sont drôles ou dramatiques mais la vie comme elle l’est, si elle l’est. Autour
des personnages, le décor devait être réaliste sans écraser les personnages : il s’agissait avant tout de suggérer
une atmosphère – la cuisine d’une personnage âgée, où l’on vient très rarement, où l’on ne sait pas vraiment où
se trouvent les choses, que l’on regarde presque comme la première fois. Le jeu de la lumière et de la bande son
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contribuent à souligner les moments intimistes de la pièce : au début, après le retour de l’enterrement, au
moment du départ de Mo.
Passer du rire à l’émotion, de l’émotion à la prise de distance, pas de caricature ni de jeu appuyé, ne pas se
regarder jouer mais donner à entendre le texte, respecter les personnages dans leur trajet et jusque dans leurs
contradictions, maintenir une cohérence de situations et d’histoire, telle était l’ambition de mon travail de mise
en scène et de direction d’acteur.
Pascal Lebret – Cie de théâtre A la fin de l’envoi
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La bande son a été construite autour d’un seul morceau, une valse lente entièrement jouée par des clarinettes, tirée du CD
Café Rembrandt du Doumka Clarinet Ensemble